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éditorial

« Qu’ils s’en aillent tous ! »

CA 211

mardi 21 juin 2011, par Courant Alternatif


Certes, la contagion assembléiste venue d’Espagne en France est sympathique ; mais, à l’heure où ce numéro de Courant alternatif est bouclé, elle ressemble malheureusement encore à un coupé-collé des occupations de places espagnoles qui aurait perdu pas mal de contenu en route. Quant au mouvement espagnol lui-même, il vient d’être frappé par la répression, avec l’évacuation, dans la journée du 27 mai, de la place de Catalunya dont on ignore – à l’heure où nous bouclons – les répercussions possibles sur ce mouvement.
Ce qui se passe en Grèce depuis le 25 mai est d’une tout autre ampleur. Entre 30 000 et 60 000 personnes place Syntagma à Athènes, et plusieurs milliers dans le reste du pays, criant : « Qu’ils s’en aillent tous ! » est un événement d’envergure d’autant plus grande qu’il s’ancre dans la réalité sociale grecque et y prolonge des luttes incessantes depuis bientôt trois années.
A ce sujet, deux éléments d’importance à retenir. D’une part, c’est la première fois qu’une mobilisation de masse se déroule en Grèce indépendamment des syndicats et des partis. D’autre part, cet Etat se trouve, en ce moment précis, dans une situation financière et budgétaire extrêmement critique, à deux doigts de la banqueroute semble-t-il… et il y aurait déjà une grosse fuite des capitaux ; et, de même, l’Espagne « inquiète » depuis quelques jours particulièrement les marchés.
Quoi qu’il en soit, ce « réveil » grec devrait renforcer la détermination des participants au mouvement actuel dans l’Etat espagnol – et l’envie d’en faire autant partout ailleurs !

Au passage, la comparaison entre les situations politiques actuelles en France et en Espagne se révèle particulièrement savoureuse ! Les dirigeants de ces deux pays mènent, point par point, une même politique d’austérité, de déréglementation et de chômage. Mais, dans le second Etat, c’est contre un gouvernement socialiste que des foules se sont mises en mouvement pour manifester leur ras-le-bol de cette politique, alors que dans le premier celle-ci est conduite par Sarkozy, l’UMP et le MEDEF. Et si, en Espagne, c’est la droite qui vient de remporter les élections, tandis qu’en France c’est le parti socialiste qui est en passe de gagner la prochaine présidentielle, une fois au pouvoir, l’un comme l’autre ne pourront que poursuivre le « travail » entamé pour augmenter sans cesse la précarité et la misère de la majorité – ici comme ailleurs dans le monde – au profit d’une minorité. Une réalité dont de plus en plus de gens prennent conscience, et qui les amène à dénoncer les pitreries électorales comme l’hypocrisie du système « démocratique » en place, et à refuser d’y apporter désormais leur caution.

Confrontés à une abstention électorale toujours plus massive, les partis institutionnels s’apprêtent, en France, à faire jouer au Front national son rôle devenu classique de sauveur de ce système. Grâce au FN, nombre de gens qui, autrement, cesseraient de se prêter à la pseudo-alternance d’une pseudo-opposition droite-gauche finiront « comme d’habitude » par jouer le jeu en allant voter pour « barrer la route au fascisme ».
Ce n’est pourtant pas sur le terrain électoral qu’il est possible de contrer réellement le FN, en mettant dans l’urne des bulletins en faveur de candidatures considérées comme un pis-aller ; c’est bel et bien sur le terrain social que nous pouvons agir contre lui, en montrant encore et encore sa complicité naturelle avec le capitalisme et avec le patronat.
Mais sans perdre de vue, ici aussi, deux réalités. D’une part, ce n’est pas cette complicité naturelle avec le capitalisme et avec le patronat qui distingue le FN des autres formations politiques, puisque celles-ci la partagent. D’autre part, l’utilisation que font ces formations du FN ouvre des espaces idéologiques et culturels aux petits groupes néonazis – franchement fascistes quant à eux.

Dernière question d’extrême urgence, au niveau mondial : la catastrophe de Fukushima, vu ses conséquences énormes sur l’environnement et sur la santé des populations. Alors que ces conséquences ne cessent de s’aggraver, mais que les décideurs nucléocrates s’ingénient à les cacher ou à les faire oublier aux autres populations que celles de la zone directement touchée, il est particulièrement crucial que le divorce entre ce que l’on nous présente comme la « société civile » et les élites, entre le peuple et la classe politique autrement dit, arrive partout à son point de rupture.
De même, il faut avoir bien conscience de certaines réalités :

  • Si la lutte antinucléaire ne peut se mener sans être un élément de critique et d’attaque contre le capitalisme, il est impossible d’attendre que le capitalisme ait disparu pour bouger, car soumettre la fin du nucléaire à la révolution sociale nous condamne à une sortie à long terme. De même, il nous faut dépasser les beaux textes radicaux, mais souvent trop idéologiques et donc mal perçus, sur cette question, pour, certes, faire comprendre à quel point le nucléaire est dangereux pour la santé et l’environnement, mais aussi pour contrer l’idée qu’il est forcément un choix inéluctable parce que rimant avec société moderne et confort personnel – car c’est sur cette idée que nombre de gens l’acceptent, quelle que soit leur peur des dangers représentés par la radio-activité.
  • Concernant la revendication « Arrêt immédiat du nucléaire », comme le terme « immédiat » a été repris par des réformistes pour demander une « décision immédiate » de sortir du nucléaire et non l’arrêt immédiat de celui-ci, il faudrait plutôt exiger l’« Arrêt immédiat de toutes les centrales » ; et, de toute façon, avoir bien conscience que l’on ne peut plus « sortir » du nucléaire : il est désormais là, vu l’impossibilité de démanteler les centrales existantes et de se débarrasser de leurs déchets.
  • Le nucléaire pose le problème d’un choix de société. L’ancien mouvement antinucléaire a perdu, ce qui a entraîné une coupure générationnelle : en France, non seulement les luttes de site sont retombées, mais l’accident de Fukushima n’a fait descendre que très peu de monde dans la rue, et des gens pas jeunes, sans que l’on puisse attribuer cette absence de mobilisation à la seule proximité de la présidentielle. Il faudrait donc relancer l’antinucléaire en cherchant une structuration des réseaux et des collectifs de lutte existants (THT et autres) ; l’établissement de liens internationaux, par la dénonciation des actions d’Areva en Afrique (en liant l’extraction du minerai et la question de l’impérialisme), des chantiers sarcophages et autres de Bouygues et Vinci (en rattachant cette question à la lutte anticarcérale, par exemple, les mêmes entreprises construisant aussi des prisons…).

OCL-Poitou, le 29 mai 2011

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