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CA 339 avril 2024

Conserveries de Douarnenez :
commémoration de la grève de 1924
par la lutte !

jeudi 18 avril 2024, par Courant Alternatif


L’année 2024 à Douarnenez est une année particulière. En effet, cent ans auparavant, les sardinières de la ville se mettaient en grève pour des revalorisations salariales. Pendant 6 semaines, ces ouvrières vont résister aux pressions et violences patronales et gagneront une revalorisation salariale. Notons que déjà une grève antérieure de 1905 avait été victorieuse et leurs avait permis de passer du paiement « au mille  » (sardines) au paiement à l’heure. 

Pour le centenaire de cette grève, l’histoire sociale des sardinières retrouve une place importante dans les médias locaux et nationaux. Un documentaire radio de France culture vient d’ailleurs de sortir sur Lucie Colliard, une militante syndicale envoyée par la CGTU à Douarnenez pour soutenir Joséphine Pencalet, l’ouvrière militante, figure emblématique de la grève des sardinière… et une des premières femmes élues dans un conseil municipal, avant que le Conseil d’Etat ne l’invalide. Les commémorations actuelles vont bon train et le chant des ouvrières est entonné à chaque occasion. Face à ce folklore commémoratif, une autre réalité existe, le travail des ouvrières de conserverie en 2024.

Aujourd’hui, cette industrie reste manuelle, quasi-exclusivement féminine, et le travail est globalement ingrat. Ces dames, qui pour beaucoup ne viennent pas de Douarnenez et sont souvent embauchées en intérim par Adecco qui possède un bureau au sein même de l’usine Chancerelle, ne font pas beaucoup parler d’elles. Lors des négociations annuelles obligatoires de ces dernières semaines, dans un contexte d’inflation folle, la direction de Chancerelle a proposé une revalorisation salariale de 1 %, alors même que la CGT, seul syndicat présent à Chancerelle réclamait 10 %. Ce manque de respect total n’a pas duré longtemps, et une grève est de suite lancée par le personnel. Le 11 Mars 2024, 250 ouvriers et ouvrières débrayent. De mémoire douarneniste, ça fait bien 40 ans que cette usine n’a pas connu une grève  ! Et la direction d’estimer « que cette grève est très malvenue dans le cours d’une discussion avec les représentants syndicaux qui se tient depuis le mois de février  ». Etrange remake de 1924… La différence est pourtant de taille  ! On ne sait si l’histoire sociale de cette industrie a joué dans la balance, ou même la grande visibilité inédite d’une telle grève dans un contexte commémoratif qui a fait peur au patronat, mais cette grève a duré moins de 24h  ! Le soir même, la direction concédait des miettes, et la CGT de signer un accord prévoyant « une revalorisation du taux horaire de 2,3 % pour les ouvriers, techniciens et agents de maîtrise ; 50 € supplémentaires sur la prime de vacances ; 10 € de plus sur la prime d’habillage ; deux jours de RTT supplémentaires pour les cadres ; et une hausse de 1 % de la prime sur objectif. Il comprend également une clause de revoyure en cas d’augmentation du Smic.  »

Ce mouvement extrêmement court reste peu satisfaisant quant aux résultats sur la revalorisation salariale, qui au final est bien inférieure aux 10 % souhaités. Cependant, cette première petite grève en 40 ans, en plein période commémorative, pourrait inspirer les ouvriers sur d’autres sujets, comme les conditions de travail, autre sujet de tension évoqué durant les NAO  ! En effet, les grévistes estiment également que leurs conditions de travail dans la conserverie historique de Douarnenez, se sont dégradées. En cas de panne-machine. Les gens se lèvent, viennent travailler, puis en raison de la panne, rentrent chez eux, c’est imputé sur leurs compteurs d’heures. Les gens arrivent avec des compteurs d’heures négatifs parce qu’ils sont rentrés à la maison. Les accords de modulation permettent d’adapter le temps de travail, de 0 à 42 heures (et jusqu’à 48 heures de manière exceptionnelle et marginale). Les salariées se sentent « cassées ».
On retrouve les mêmes causes avec les mêmes effets : les machines poussées jusqu’au bout et qui tombent en rade en permanence car les patrons font la grève de l’investissement, la flexibilité à l’anglaise avec des contrats style « zero-hours ».

Arturo, le 16/03/2024, quelque-part entre Douarnenez et Marseille

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