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CA 339 avril 2024

Un nouveau plan d’austérité,
décidé par décret

mardi 23 avril 2024, par Courant Alternatif

Le gouvernement a annoncé des coupes budgétaires de 10 milliards d’euros en 2024, et 20 en 2025. Une coupe budgétaire, c’est une diminution des dépenses. On diminue les impôts des plus riches, ce que ce gouvernement fait avec constance (les précédents aussi d’ailleurs), donc il va falloir que les autres se serrent la ceinture…
Pourtant, il y avait déjà une diminution des dépenses prévue dans le budget voté par les parlementaires. Ces coupes budgétaires, c’est en plus de ces diminutions, par décret et sans débat. Et c’est sans doute ce que le gouvernement tenait le plus à éviter, un débat et une évaluation de ses politiques.


Le premier domaine concerné par les coupes c’est « écologie, développement et mobilités durables », et là-dedans en priorité « énergie, climat et après-mine ». Ce n’est pas comme si une catastrophe écologique planétaire était annoncée… Notamment tant qu’à faire le gouvernement va diminuer en premier le budget des aides au chauffage et à l’isolation. C’est la leçon qu’il a tirée de la problématique fin du monde et fins de mois qu’avaient posée les Gilets Jaunes. Les catégories "travail et emploi", "recherche et enseignement supérieur" et "enseignement scolaire" sont concernés respectivement par 1,1 milliard, 900 millions et 690 millions d’euros de crédits annulés. Puisqu’on vous dit que l’école et l’université vont trop bien… L’aide publique au développement est rabotée de 740 millions d’euros, l’aide à l’accès au logement perd 300 millions, la culture 200 millions, la police nationale 134 millions, l’administration pénitentiaire quelque 118 millions et la défense 105 millions. Bon, pour la police et la défense, on ne va peut-être pas pleurer. Alors, rassurez-vous, il n’y aura pas de coupe dans le plan d’aide à l’innovation pour les entreprises (plan d’investissement de 54 milliards d’euros France 2030).

Pour justifier son plan, Bruno Lemaire a repris l’argumentaire libéral le plus éculé et le plus caricatural, amplement relayé par la presse. Bien sûr, il passe sous silence les cadeaux fiscaux qui expliquent une grande partie du déficit. Ça, une certaine presse l’a quand même dit. Mais il ne faut pas avaler non plus la fable selon laquelle quand on manque de recettes, il faut diminuer les dépenses. Ça, c’est vrai pour nous et pour tous les foyers du monde. Mais ce n’est pas vrai pour les États. Un État n’est pas une famille, et la caisse de l’État ne se gère pas en bon père de famille. Il est normal pour un État d’être endetté. Gouverner c’est prévoir, n’est-ce pas. Et l’État est censé assurer les dépenses nécessaires à la stabilité et l’avenir : éducation, santé, adaptation au dérèglement climatique, défense du territoire, etc. La question n’est pas de savoir s’il est endetté. La question est de savoir si sa dette est soutenable, c’est-à-dire s’il peut la rembourser sans s’appauvrir. La charge de la dette représente un peu moins de 2% de la richesse créée en France sur un an (le fameux PIB), environ 12,5% du budget de l’État. C’est comme si quelqu’un qui gagne 2 000 € avait en tout 240€ de crédit à payer par mois. Il ne faut pas regarder la dette, ce que l’État doit, mais la charge de la dette, ce qu’il doit payer chaque année. Quelqu’un qui veut devenir heureux propriétaire va peut-être emprunter 200 000 euros, mais ce qui compte pour obtenir le crédit, c’est combien il doit payer par mois. La France est relativement bien notée sur les marchés financiers, c’est-à-dire qu’on lui prête de l’argent facilement et pas trop cher. Il n’y a donc absolument aucune obligation actuellement de diminuer le déficit.

Alors si, il y en a quand même une d’obligation. L’Union Européenne est en train de rétablir la règle de Maastricht par laquelle les États s’engagent à rester au-dessous d’un certain déficit. Le moment ne semble pas particulièrement judicieux, mais on n’arrête pas une équipe qui perd. Il y a donc une obligation, mais volontaire. Mais pourquoi donc, me direz-vous, alors que tous les économistes vous diront que ça va pénaliser la croissance. Ben, c’est toujours la même histoire. L’inflation a repris, et les financiers n’aiment pas ça : ça diminue leurs rentes. Et quand en plus le rapport de forces permet de ne prendre qu’aux pauvres, pourquoi se priver.

Il y a bien sûr une autre raison. On coupe dans quoi ? Dans les dépenses ordinaires des services publics. Ça aura quel résultat ? Ils vont fonctionner encore plus mal. Ça tombe bien, ce sera un argument supplémentaire pour leur privatisation, privatisation qui intéresse beaucoup les financiers, en mal de nouveaux marchés sur lesquels exercer leurs nuisances.

Si on détaille la plus grosse coupe, celle qui concerne « énergie et climat ». Il va y avoir 1 milliard d’euros en moins pour maprim’renov, la prime d’aide à l’isolation. Ça va pénaliser beaucoup de ménages et pas mal d’artisans. Pas grave, ce n’est pas un gros secteur pour les multinationales. Ça va freiner l’objectif de diminution des gaz à effet de serre. Visiblement, ce n’est pas un truc important pour ceux qui nous gouvernent. Sauf quand il s’agit de faire la promotion du nucléaire, bien sûr. Le fonds d’aide aux collectivités territoriales pour la transition énergétique va lui aussi être touché (baisse de 400 millions). Réduire encore leurs marges de manœuvre n’est pas pour déplaire à notre gouvernement jacobin. Ce sont en tout plus de 2 milliards d’euros qui sont pris dans le budget « écologie, développement et mobilité durable ». Ça, c’est un gouvernement écolo ! Après, quand on voit leurs idées brillantes en matière d’écologie, est-ce que c’est vraiment grave s’ils dépensent moins ?

En fait, quelle est la logique de tout ça ? Il s’agit encore et toujours de servir en premier les intérêts financiers en luttant contre l’inflation, quels que soient les dégâts sociaux que cette lutte provoque. Il s’agit encore et toujours de poursuivre la logique de dégradation du service public pour mieux le privatiser. Et en ce qui concerne la destruction de la planète, ne surtout pas la contrecarrer. On peut penser que c’est suicidaire : après tout, eux aussi en font partie. En fait, il ne faut pas sous-estimer leur croyance dans le solutionnisme technologique. Ils pensent vraiment que la solution est dans l’aide aux entreprises prédatrices. Et ils ont raison : certes, le dérèglement climatique va s’aggraver, mais on va bien trouver des solutions pour que les plus riches soient à l’abri des conséquences désagréables...

Sylvie

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