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CA 338 mars 2024

A quel niveau de revenu
est-on riche ou pauvre ?
et autres brèves de l’économie

Brèves de l’éco 338

mardi 26 mars 2024, par Courant Alternatif


Rapport d'Oxfam sur les inégalités

Oxfam met en évidence l’écart entre les plus riches des plus riches et les autres. Ça donne des chiffres spectaculaires, mais ça ne remplace pas une analyse un peu plus détaillée. Pour sortir leurs chiffres, ils doivent agréger des données hétérogènes, et souvent peu compatibles entre elles. Ils doivent donc faire de la « cuisine », qui n’est pas toujours explicitée. C’est pourquoi il faut prendre leurs chiffres avec des pincettes, et vous trouverez quelques conditionnels dans cette brève. Surtout lorsqu’on sait que la fortune des plus riches est la plus mal connue (sociétés écrans, paradis fiscaux, niches fiscales...)
Selon la banque suisse UBS, la fortune de la famille de Bernard Arnault (LVMH, Les Echos, Le Parisien…) a plus que doublé de 2020 à 2023, celle de la famille Bettencourt (L’Oreal) augmenté de 62%, celle des frères Wertheimer (Chanel, Bourjois, mais pas seulement) de 71%. Ce sont les 4 milliardaires français les plus riches. Pendant ce temps, la fortune de 90% des français aurait baissé de 3,9%, celle des 30% les plus modestes de 15%. Selon l’OCDE, les salaires réels (déduction faite de l’inflation) dans le privé ont baissé de 1,8% du 1er trimestre 2022 au 1er trimestre 2023.
Bien sûr, les milliardaires en profitent pour augmenter leur pouvoir. Déjà, en mettant la main sur les medias : Bolloré (Canal+, Cnews, Havas, Lagardère, Paris Match, JDD dont la grève a défrayé la chronique), Bernard Arnault (Radio classique, Les Echos, le Parisien). Ceci leur permet d’influencer l’opinion publique dans le sens qui les intéresse. Bolloré notamment travaille activement à l’union de la droite et de l’extrême droite. Ils cultivent aussi les réseaux de relations personnelles : sous Macron les aller-retours entre postes de conseillers du président ou membres de cabinets ministériels et hauts dirigeants de ces groupes sont particulièrement fréquents. Ils ont notamment bien négocié la politique fiscale. En pourcentage de leurs revenus, les 10% les plus pauvres paieraient plus d’impôts que les 10% les plus riches. Ceci s’explique notamment par le fait que pour les plus riches des plus riches, leur revenu principal, ce sont les dividendes, bénéficiaires de nombreuses niches fiscales pour ne pas nuire aux entreprises.
D’après Oxfam, depuis 2020, les cinq hommes les plus riches du monde ont plus que doublé leur fortune. Au cours de la même période, la richesse cumulée de 60% de l’humanité a baissé. Entre 1995 et 2015, 60 sociétés pharmaceutiques ont fusionné pour ne former plus que 10 géants mondiaux, les « Big Pharma ». Deux entreprises internationales détiennent aujourd’hui plus de 40% du marché mondial des semences. Le pouvoir monopolistique ayant permis aux grandes entreprises de nombreux secteurs concentrés de se coordonner implicitement pour augmenter leurs prix afin d’accroître leurs marges depuis 2021, les secteurs de l’énergie, de l’alimentation et des produits pharmaceutiques ont ainsi connu d’énormes hausses de prix.
Source : Oxfam, Grandes fortunes, petits arrangements ; Multinationales et inégalités multiples.

A quel niveau de revenu est-on riche ou pauvre ?

Si on définit les couches populaires comme les 30 % les plus modestes, les couches aisées comme la tranche de 20% les mieux payés (la moitié qui reste, ce serait les classes moyennes), un célibataire appartient aux couches populaires s’il touche moins de 1530 euros par mois, est aisé s’il touche plus de 2787 euros (admirez la précision !). Pour une personne seule avec son enfant, ce serait respectivement 1989 euros et 3623. Pour un couple, 2295 euros et 4180. Pour un couple avec un enfant, 2754 euros et 5016 euros. Si on définit un seuil de richesse comme le double du revenu médian, ça donnerait un riche célibataire à partir de 3860 euros, un couple sans enfant riche à 5790 euros, et un couple avec un enfant à 6948 euros.
Source : Observatoire des inégalités, Pauvres, moyens ou riches ? Les revenus par type de ménage, janvier 2024

Les privations matérielles sont stables en France

On peut définir la pauvreté par un revenu (seuil de pauvreté, dont le niveau est sujet à polémique d’ailleurs), mais on peut aussi la définir par des manques. Ça ne revient pas forcément au même contrairement à ce qu’on pourrait croire vu de loin. L’INSEE pose treize questions genre « avez-vous des impayés de mensualités d’emprunt, de loyer ou de facture ? » ou « ne pouvez-vous maintenir votre logement à bonne température par manque de moyens financiers ? ». Un ménage est considéré en situation de privation s’il répond « oui » dans cinq cas au moins sur les treize, ce qui était le cas de 14% d’entre eux en 2022. 30% de la population estime qu’elle ne pourrait faire face à une dépense imprévue de 1000 euros. Un quart de la population indique ne pas avoir les moyens de remplacer un meuble hors d’usage ou de partir en vacances une semaine dans l’année. 10% de la population dit se priver d’éléments de base, comme chauffer suffisamment son logement, s’acheter des vêtements neufs ou pouvoir payer son loyer ou ses factures à temps. Les comparaisons dans le temps sont difficiles parce que les questions évoluent. L’Insee a par exemple supprimé du questionnaire le fait de posséder un réfrigérateur, une télévision et un téléphone « car leur trop grande fréquence dans la population ne les rendait pas pertinents pour définir un état de privation matérielle ».
Source : Observatoire des inégalités, 18 septembre 2023

Solidarité familiale

En 2017, la moitié des ménages (personnes occupant un même logement) ont apporté une aide financière à un autre ménage au cours des deux derniers mois. Dans 93% des cas, ce sont des aides entre membres d’une même famille vivant séparément. Ce peut être soit de l’argent, soit la prise en charge de certaines dépenses. Ça représentait quand même pour 2017 un montant de 37,7 milliards d’euros. C’est majoritairement une aide des ascendant·es aux descendant·es. Les moins de 40 ans en reçoivent 60%, d’abord de parents âgés de 40 à 59 ans, puis de parents ou grands-parents âgés de 60 ans ou plus. Ces derniers peuvent aussi être aidés par leurs descendants. On appelle les 40-59 ans la « génération pivot » parce qu’ils ou elles donnent beaucoup plus qu’elles ou ils ne reçoivent. Mais les retraités aident eux aussi leur famille, plus que la moyenne des actifs. Logiquement, ce sont les plus modestes qui reçoivent le plus d’aide financière de leur entourage, essentiellement étudiants, apprentis ou en train de chercher leur premier travail.
On est abreuvé·es d’un discours libéral du type baissons les retraites pour favoriser les jeunes (je caricature un peu), qui oppose les situations les unes aux autres. Or nous vivons en fait dans une société. Si le niveau de vie des retraité·es baisse, ce qui est le but de toutes les réformes passées et probablement à venir, ça aura des répercussions bien plus larges, sur l’ensemble des générations.
Source : Insee focus n°319, janvier 2024

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