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[Pérou] Trois morts supplémentaires dans les conflits miniers

mercredi 4 juillet 2012, par ocl2446


Mardi 3 juillet, les forces de police ont réprimé dans le sang une manifestation des opposants au projet de mine d’or Conga. La manifestation qui se déroulait dans la petite ville de Celendín a tourné à l’émeute quand les protestataires, qui accusent le maire de la ville de soutenir le projet, ont lancé des pierres contre des bâtiments de la municipalité puis ont envahi l’édifice après avoir attaqué un commissariat. D’après le porte-parole de l’association environnementale Tierra y Libertad, il y avait aussi sur place une manifestation d’ouvriers du bâtiment protestant pour le paiement de salaires en retard. Ceux-ci se sont solidarisés avec les opposants au projet Conga.

C’est alors qu’ils évacuaient les lieux après avoir mis le feu à des documents que les manifestants ont été fauchés par des tirs de la police et de l’armée sur la place centrale de la ville. Le premier bilan des affrontements fait état de 3 morts et 22 blessés hospitalisés, dont au moins trois grièvement. Le gouvernement parle de gaz lacrymogènes et de matraques mais selon les services médicaux les victimes ont été atteintes par des balles. Il y aurait une quinzaine de détenus.
Une partie des manifestants s’est réfugiée dans une église que les forces de l’ordre menaçaient d’investir.
Le gouvernement a décrété l’état d’urgence dans les provinces de Celendín, Hualgayoc et Cajamarca (Nord) pour une durée de 30 jours.

Retour sur le projet Conga

Le projet Conga avait été suspendu pendant plusieurs mois par le gouvernement d’Ollanta Humala après les mobilisations, blocages de routes et grèves générales dans la région de Cajamarca au mois de novembre dernier.

Le 5 décembre, le gouvernement décrétait déjà l’état d’urgence et arrêtait six activistes du mouvement d’opposition au mégaprojet Conga. Le 18 décembre, le gouvernement annule d’état d’urgence et procède à un recul tactique. Il décide de suspendre le projet et missionne une équipe de chercheurs pour réaliser une étude d’impact environnemental (EIA) du projet.

Pendant ce temps, les opposants au projet ont lancé la « marche pour l’eau » jusqu’à la capitale Lima, une marche qui a été la plus grande manifestation jamais réalisée au Pérou contre les grands projets, miniers, pétroliers, hydrauliques et la plus grande manifestation de rue tout court depuis au moins une décennie.
Sur cet épisode, se reporter ici : [ http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1130 ].

Après la marche

Le rapport a été remis au mois de mars et le gouvernement a déclaré en avril qu’il relançait le projet en demandant à l’entreprise Newmont Mining de respecter les remarques contenues dans l’étude à l’« indépendance » très contestée. La Newmont a déclaré par la voix de Carlos Santa Cruz, vice-president des Opérations de l’entreprise pour l’Amérique du Sud qu’elle « acceptait de faire de nouveau l’évaluation technique et économique demandée par le Président ». Entre une étude réalisée en quelques semaines et une entreprise qui accepte d’évaluer les conséquences de recommandations, les opposants n’ont pas cru une seconde que le projet serait remis en cause.

Le 25 mars dernier, le président Ollanta Humala a confirmé lors d’une conférence de presse sa volonté de réaliser le projet Conga malgré l’important mouvement de contestation qui s’est levé dans la région de Cajamarca et qui s’est traduit par une « Marche nationale pour l’eau » du 1er au 10 février à l’initiative des fronts de défense de l’environnement régionaux et des rondes paysannes. Cette marche a cristallisé et rendu visible l’ensemble des conflits contre l’industrie minière, l’extraction pétrolière et gazière, les projets de barrages, de canaux et détournements de rivières, d’incinérateurs de produits toxiques, contre la pollution des ressources naturelles et en défense de l’eau.

Au cours de ces mois de mars à juin, ce conflit de basse intensité n’a pas cessé, au contraire. La relative trêve de janvier-février a laissé la place à une montée lente et continue du conflit, de la militarisation du territoire et des accrochages que cela provoque.

Le 14 mars s’est ouvert le procès de 40 dirigeants dans le cadre de la « Marche pour l’eau ».
Le 16 mars, les rondes paysannes ont retenu 7 fonctionnaires collaborateurs de l’entreprise Yanacocha alors qu’ils faisaient de la propagande pro-Conga dans une zone montagneuse. Les retenus ont parlé de « séquestration » alors qu’il ne s’agissait que de les expulser du territoire, ce qui a entraîné une violente intervention de la DINOES (Direction des Opérations Spéciales) de la police dans la communauté de Pampas Verdes : fouilles maison par maison, violation de domiciles, coups laissant plusieurs blessés dont deux graves.

Le 20 mars, les rondes paysannes ont intercepté, en présence du procureur de garde, près de mille cuisinières et bouteilles de gaz. De toute évidence, le ministère de l’Énergie et des Mines s’appétait à les distribuer dans des zones d’influence du projet minier, clairement pour convaincre les paysans d’accepter le projet Conga…

Les 28 et 29 mars, l’appel à un « paro regional » le 11 avril a été ratifié par 2000 délégués issus de 13 provinces, réunis à Celendín.

Ce 11 avril anticipe de quelques jours la date où doit être rendu public le rapport de l’étude d’impact environnemental (EIA). Cet appel avait été lancé depuis longtemps sous la forme d’un « paro regional ». Le processus de confirmation par les divers mouvements a pris le temps nécessaire et finalement l’appel s’est élargi à un « paro macroregional » [blocage d’une ‟macro-région”] dans les treize provinces concernées, bien au-delà des 3 ou 4 provinces les plus proches du projet dans la région de Cajamarca.

Le 9 avril, le gouvernement avait envoyé des forces militaires et policières dans trois provinces (Bambamarca, Celendín et Cajamarca) de la région. Officiellement, il s’agirait d’un renfort de 560 militaires et 600 policiers… Les opposants parlent de l’arrivée de 1500 hommes en armes.

Le « paro macroregional ». Les portes paroles des principaux mouvements appelant à cette journée ont critiqué le « servilisme » du Président et de son Premier ministre devant la direction de Yanacocha et la militarisation de la région. Ils ont aussi critiqué la CGTP (Confédération général des travailleurs) et la CCP (syndicat paysan) pour leur silence complice et leur soutien au gouvernement, y compris face à la répression et la militarisation de la zone de conflit.

Le premier ministre a fait savoir que l’EIA serait connue vendredi 13 avril.

Dès le matin tôt, toutes les voies d’accès au centre de la ville de Cajamarca ont été bloquées par des effectifs de police pour empêcher l’arrivée de manifestants. Un groupe d’étudiants, enseignants et personnels administratifs ont pris possession de l’Université, pendant qu’un autre groupe rejoignait la place principale (Plaza de Armas).

Le 21 avril, des groupes de « gardiens » parmi les opposants se sont installés à proximité des lacs. Malgré les divergences entre ‟électoralistes” et ‟radicaux” dont la propagande pro-Conga ne cessait de marteler l’existence et la menace, le 25 avril l’ensemble des composantes de la lutte (rondes paysannes et urbaines, fronts de défense, syndicats, étudiants…) des 13 provinces de la région de Cajamarca se sont réunies et ont créé un ‟Comando Unitario de Lucha”. Elles ont déclaré la région « en résistance pacifique pour la vie et la dignité » et ont donné un délai, jusqu’au 31 mai, pour que le gouvernement déclare ‟non viable” le projet Conga. Faute de quoi, ils débuteraient un paro [blocage/grève générale] régional illimité.

L’extension « macrorégionale » du mouvement s’est traduite par des marches vers les départements voisins, des rencontres, des projections de vidéos.

Dans la région de Cajamarca, les tensions ont été nombreuses et grandissantes. « A Bambamarca, la population a empêché que les soldats participent à la cérémonie du salut au drapeau. Les enfants cireurs de botes ont multiplié par trois leurs tarifs quand il s’agissait de soldats. A Celedín, les soldats ont été expulsés de la place par la population. Les rondes paysannes ont arrêté des soldats qui tentaient de prostituer des mineurs » rapporte la revue Lucha Indígena (juin 2012)

Pendant ce temps, à Espinar (Cuzco), un autre « front » s’est ouvert

Au mois de mai, à 1800 kilomètres de là, dans la région sud orientale de Cuzco (cordillère), dans la province d’Espinar, les mobilisations contre la société minière anglo-suisse Xstrata Cooper ont été réprimées dans le sang après que les manifestants aient essayé de pénétrer dans les installations de la mine de cuivre deux manifestants tués, des dizaines de blessés… En représailles, ils ont séquestré un procureur pendant quelques heures et ont brûlé sa voiture puis ont mis le feu dans les locaux de la fondation Tintaya, dans la localité de Yauri.
Le maire de la ville, très en pointe dans la contestation, a été arrêté et incarcéré, ainsi que 24 manifestants : un véhicule de la municipalité d’Espinar a été opportunément découvert par la police avec à son bord des cocktails molotovs.

Les manifestants ont ensuite défié l’état d’urgence en sortant dans la rue à Cuzco pour exiger la libération de leur maire et des autres prisonniers.

Les manifestations avaient commencé le 21 mai, lorsque les autorités régionales d’Espinar avaient dénoncé, lors d’un forum sur le thème « 30 ans de coexistence avec la mine », une pollution chimique des rivières Salado et Cañipa, voisines de la mine de cuivre Tintaya. Les produits trouvés par une étude indépendante : plomb, cuivre, arsenic et cadmium

Il s’agit en fait de la réactivation d’un conflit dont les origines remontent aux années 1990 et qui a connu des moments de latence et d’autres de confrontations très intenses et parfois violentes, notamment en 2005. Cette pollution des rivières provoque des maladies et malformations sur le bétail (vaches, moutons, lamas…), mais aussi de malformations humaines, accouchements précoces, etc.

A ce moment-là, à la fin du mois de mai, le nombre de morts lors des conflits miniers s’élève déjà à 12 depuis l’arrivée au pouvoir d’Ollanta Humala à la fin juillet 2011. Lors du gouvernement précédent d’Alan García (2006-2011), les victimes mortelles des conflits sociaux ont été officiellement de 142.

Le maire d’Espinar, Óscar Mollohuanca, a été transféré dans la prison d’Ica, loin de la zone de conflit et est poursuivi pour émeutes, enlèvements, dégâts et contrainte. Il a déjà été condamné à 5 mois de prison ferme sur une partie des faits reprochés.

La situation à Cajamarca : vers l’épreuve de force ?

Depuis le mois d’avril, les mobilisations n’ont pas cessé. Le patronat local et les bases de soutien du gouvernement ont créé un collectif « Sauvons Cajamarca » financé par Yanacocha. Ils ont lancé plusieurs initiatives en faveur du projet et ont réussi à mobiliser une fois quelques milliers de personnes dans une manifestation « pour la paix », la fin du conflit et le « progrès », essentiellement de la population urbaine, notamment dans la ville de Cajamarca.

Mais les opposants au projet sont plus nombreux, très mobilisés dans l’ensemble du territoire notamment dans les zones rurales, et ont maintenu les rassemblements, les manifestations à un rythme soutenu, et depuis semaines, ont installé un campement à proximité d’un des lacs menacés par le projet.

Depuis le 31 mai, une grève générale illimitée a été appelée sur l’ensemble des provinces de la région, il y a des rassemblements, des actions tous les jours.

La semaine dernière, l’entreprise Newmont Mining et le consortium Yanacocha ont déclaré qu’ils commençaient les travaux de construction d’un réservoir d’eau prévu pour remplacer les eaux de l’une des lagunes qui seront transformées par le projet. Au même moment, les témoins signalaient une augmentation notable de la présence policière et militaire dans toute la région.

Le soir même du mardi 3 juillet, des personnes rassemblées sur la Plaza de Armas de Cajamarca pour honorer les morts de la mi-journée ont été chargé par la police. Des témoins ont vu dans la soirée également des minibus de la société Yanacocha utilisés pour transporter les policiers.
Le lendemain matin, jeudi 4 juillet, les forces de police ont pris le contrôle de la place centrale de la ville et empêchent tout regroupement. Les tentes et les « marmites communes » qui avaient été installées depuis 30 jours, ont été démantelées.

Le projet Conga revêt un enjeu qui dépasse la simple situation d’un conflit local. D’abord parce que c’est un projet monstrueux à tous les niveaux : investissements, surface de la concession, de la zone d’extraction, des masses de roches concernées et des quantités d’eau requises à partir des réserves naturelles que sont les lagunas situées à 4000 mètres d’altitude. Il est devenu le symbole presque caricatural du modèle extractiviste qu’a adopté le capitalisme au Pérou (et évidemment bien au-delà), aussi bien pour le gouvernement et l’élite criolla [d’origine européenne] qui dirige le pays que pour ses opposants, parce qu’il donne aussi un écho retentissant à une situation d’ensemble, à tous les conflits locaux contre les mégaprojets, qui, pour la plupart, sont totalement invisibilisés. En mai 2012, selon la Defensoría del Pueblo, il y avait dans l’ensemble du pays 173 conflits sociaux actifs et 72 conflits latents, dont 60% de type socio-environnemental (149 sur 245).

En 11 mois de la nouvelle présidence du Pérou, il y a eu 15 morts au cours de conflits sociaux, surtout contre les mégaprojets miniers. Et la colère est d’autant plus grande qu’elle provient des propres électeurs d’Humala : à Espinar, sa coalition Gana Perú avait obtenu 76% des voix (52 au niveau national). Quelques soutiens (députés, sénateurs) commencent à faire défection, certains partis qui soutenaient l’élection d’Humala commencent à prendre leurs distances.

La lutte contre le projet Conga, la « Marche pour l’eau », la bataille d’Espinar, ont généré dans un court laps de temps une extension de la protestation dans d’autres régions, comme dans le Nord, dans les départements de Piura, Lambayeque, La Libertad, notamment pendant la journée du 31mai, à l’initiative des rondes paysannes.
De son côté, le Front de Défense du ‟Macrosur” [Grand Sud] a appelé à 2 jours de mobilisations les 31 mai et 1er juin, « en soutien de la lutte de Cajamarca et contre les projets qui affectent les régions du sud, comme Tía María et Tapada, à Islay (Arequipa), Quellaveco et l’entreprise Golffi à Torata (Moquegua), Pucamarca à Tacna, entre autres » (Lucha Indígena, juin 2012)

Raúl Zibechi, bon connaisseur des mouvements sociaux d’Amérique Latine, écrivait récemment : « La participation des rondes paysannes dans le conflit pour l’eau et contre l’exploitation minière anticipe l’échec du gouvernement malgré l’envoi de soldats. Instrument des communautés paysannes, elles ont joué un rôle déterminant dans la défaite militaire du Sentier lumineux dans les années 1990. Elles jouissent d’un énorme prestige, d’une organisation bien huilée, d’un fort soutien parmi ceux d’en bas qui les intègrent et les dirigent et ne se laissent pas impressionner par des ennemis armés. » (La Jornada, le 15 juin 2012).

La lutte contre l’exploitation minière est de toute évidence arrivée à tournant au Pérou. La volonté du gouvernement de passer en force peut, dans un premier temps, parvenir à « pacifier » en surface le conflit, en faisant occuper les centres urbains et les principaux axes par la police et l’armée. Mais elle peut tout aussi bien provoquer des retours de flammes, une radicalisation et une extension du conflit, ouvrant alors sur une crise d’une toute autre ampleur.

C’est la croisée des chemins.

Le 4 juillet 2012

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1 Message

  • Le plus souvent les luttes ne se rejoignent pas, surtout quand les distance sont grandes. Par contre, nos ennemis savent très bien unir leurs forces et savoir-faire, entre business et intérêts partagés...

    La France forme des policiers péruviens

    La police péruvienne a terminé aujourd’hui à Cajamarca (nord), théâtre de violentes manifestations autour du secteur minier, sa première formation sur le maintien de l’ordre public sous la houlette de la gendarmerie française, a indiqué un représentant de la Croix-Rouge. Ce cours de trois semaines a consisté à "expliquer les standards internationaux en matière d’usage de la force pour contrôler des manifestations sans faire de victimes", a expliqué Pedro Villanueva, représentant du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Pérou, en Bolivie et en Equateur, hôte de la formation.

    "Le message est que l’on peut utiliser la force pour contrôler des manifestations mais en respectant les droits humains fondamentaux et la meilleure façon de le faire est de disposer d’une police qui maitrise les standards internationaux", a ajouté Pedro Villanueva. Un commandant et un major de la gendarmerie française ont dirigé la formation, à laquelle ont participé 50 policiers de l’unité anti-émeute et cinq instructeurs de la police anti-terroriste. Selon le CICR, son rôle est "d’inciter la police a faire un usage graduel de la force, adapté au niveau de menace, et sous le contrôle de la loi, en essayant de ne pas inciter à la violence".

    "La France a cette expertise technique, c’est pour cela que nous avons fait venir deux instructeurs du Centre d’excellence européen de l’ordre public, dont le siège est en France", selon Pedro Villanueva. Le cours s’est déroulé à proximité du site du projet minier Conga, porté par le géant américain Newmont, qui a provoqué de violentes manifestations d’opposants, dont la répression a fait cinq morts ces derniers mois.

    (Le Figaro du 16 novembre 2012)


    Après Notre-Dame-des-Landes, le maintien de l’ordre public français s’exporte à Cajamarca

    2 Décembre 2012

    A défaut d’exceller dans la mise en œuvre d’une véritable transition énergétique, la France excelle dans un domaine bien particulier : le maintien de l’ordre public. Les résistants de Notre-Dame-des-Landes ont pu le vérifier à leur dépens, eux qui luttent contre un projet climaticide.

    Les habitants du Pérou pourraient bientôt tester ce savoir-faire tricolore dont s’enorgueillissent ceux qui nous gouvernent...Le 5 novembre dernier, des militaires français spécialistes de l’ordre public se sont envolés de France en direction de ce pays andin.

    Objet de ce voyage ? Former la police péruvienne aux techniques d’usage graduel de la force... Un beau programme qui prend encore plus de relief quand on sait que la destination précise de cette mission n’était autre que Cajamarca.

    Cette province située sur les hauts plateaux andins du nord du Pérou est un lieu symbolique pour les défenseurs de l’environnement : depuis plusieurs années, la population locale lutte contre le projet d’une multinationale péruvienne-états-unienne qui envisage d’exploiter, à Conga, tout près de Cajamarca, une gigantesque mine d’or et de cuivre.

    L’ouverture de ce méga projet minier aura des conséquences incalculables en menaçant gravement l’écosystème hydrique de la région ainsi que l’accès à l’eau potable de se habitants. Symbole de la politique extractiviste à l’œuvre dans cette partie du monde connue pour les richesses de son sous-sol, Conga est aujourd’hui l’un des conflits social-environnementaux majeurs en Amérique latine. Et aussi l’un des plus violents. En juillet dernier, 5 personnes ont trouvé la mort lors d’une manifestation et une vingtaine d’autres ont été gravement blessées par les balles de l’armée et la police.
    Et c’est donc au beau milieu de ce conflit que l’excellence policière française a décidé de faire étalage de sa science, en matière, rapporte la dépêche AFP, d’utilisation « de la force pour contrôler des manifestations mais en respectant les droits humains fondamentaux ». Ouf, nous voilà rassurés, c’est donc une mission humanitaire que nos pandores ont réalisé pendant trois semaines. Peut-être serait-il bon d’interroger d’autres opposants, ceux de Notre-Dame-des-Landes par exemple, sur le traitement humaniste appliqué par les 500 miliaires depuis un mois dans le bocage nantais....

    Mais il y a mieux... ou pire ! Car cet alibi de l’excellence française était précisément le même que celui employé une certaine Michèle Alliot-Marie il y a presque deux ans, lors du soulèvement démocratique tunisien.

    Souvenez-vous : alors que la répression s’abat sur le peuple tunisien, l’ex ministre des Affaires étrangères, droite dans ses bottes, lance à l’Assemblée nationale que « le savoir-faire, reconnu dans le monde entier, de nos forces de sécurité, permet de régler des situations sécuritaires de ce type ». Et d’ajouter aussitôt que « C’est la raison pour laquelle nous proposons effectivement à l’Algérie et la Tunisie de permettre dans le cadre de nos coopérations d’agir pour que le droit de manifester puisse se faire en même temps que l’assurance de la sécurité. »
    Des propos qui avaient suscité aussitôt l’ire du parti socialiste et d’un certain Jean-Marc Ayrault alors président du groupe PS à l’Assemblée qui déclarait, rouge de colère : « Voilà la parole officielle du gouvernement devant les députés (...), je trouve que c’est ignoble de dire ça à l’égard d’un peuple qui souffre ».

    Presque deux ans ont passé et les socialistes ont désormais une vision nouvelle de la souffrance des peuples. De Notre-Dame-des-Landes à Cajamarca, la realpolitik économique et sécuritaire à laquelle se sont convertis Ayrault et Valls ne s’embarrasse plus de vagues considérations sur les droits de l’homme ni sur l’environnement...

    L’escapade péruvienne de nos représentants de l’excellence sécuritaire française permet de vérifier une nouvelle fois le double langage perpétuel de celles et ceux qui nous gouvernent.
    Comment nous faire croire que la transition énergétique est une priorité nationale quand la seule réponse à des conflits environnementaux consiste à employer la force ou à dispenser des cours de maintien de l’ordre ?

    Au Pérou comme à Notre-Dame des Landes, c’est le rêve d’un autre rapport à la nature, à la richesse, qui se joue. Les industries extractivistes, clé de voûte de l’économie ultra libérale dopée aux énergies fossiles l’a bien compris et œuvre donc, en coulisse, pour convaincre par tous les moyens nos gouvernements de ne surtout pas enrayer la belle mécanique.

    Les socialistes avaient l’occasion de faire pencher la balance de l’autre côté, de changer de paradigme et d’aller vers une société débarrassée des scories du 20ème siècle. Hélas, 6 mois après leur arrivée au pouvoir, de Fillon à Ayrault et d’Alliot-Marie à Valls, il n’y a que les visages qui changent, la politique, elle, reste la même.


    (source : ALDEAH)


    Ce "savoir-faire" policier dont on a encore pu voir l’efficacité hier lundi à Lyon, où les opposants au projet de LGV Lyon-Turin ont été littéralement séquestrés dans une prison à ciel ouvert, contrôlés, gazés et tout simplement empêchés de manifester. Mais derrière la "technique" du maintien de l’ordre, c’est bien d’une politique d’imposition par tous les moyens (criminalisation, police, justice, prison...) de projets d’infrastructures dévastatrices qu’il s’agit.

    Le savoir-faire français

    Pas de raison qu’on réserve à l’exportation ce savoir-faire français dans la répression des mouvements populaires dont une ministresse de l’Intérieur avait vanté les vertus depuis la tribune de l’Assemblée en réponse aux soulèvements arabes. Une impressionnante démonstration à domicile a été menée : le millier de manifestants anti-tav rassemblées devant la gare Brotteaux à Lyon contre la signature par Hollande et Monti d’une énième déclaration d’intention sur la construction du Grand Projet Inutile a éprouvé littéralement sur sa propre peau l’excellence répressive française.
    A Lyon, qui semble être devenu un laboratoire policier, la technique de la mise en cage d’une manif entière, expérimentée pour la première fois, me semble-t-il, durant les manifs anti-cpe a été appliquée avec rigueur et efficacité. Enfermés toute la journée sur une place, soumis à des charges et des gazages, les manifestants ont vu leur droit à manifester tourné en dérision non seulement par la gestion policière mais aussi par le mépris délibéré des médias, tous et exclusivement tournées vers les deux représentants des banques et des lobbys en train de signer l’accord. Selon la presse du régime, une cinquantaine de personnes ont été interpellées.

    La suite ici

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