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DOM-TOM

L’après-Chirac en Polynésie française ?

Entre changement et continuité

jeudi 14 mai 2009, par Courant Alternatif

Depuis quelques mois, la Polynésie française revient davantage que de coutume sur la scène médiatique en métropole, sur des sujets aussi divers que des élections territoriales aux multiples rebondissements, l’enquête concernant la disparition d’un journaliste ou l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. Cependant, tous ces événements s’inscrivent dans un seul et même cadre, planté voici plus de trente ans : le « système chiraquien » qu’incarne l’insubmersible Gaston Flosse.


Les Etablissements français d’Océanie (EFO), comprenant les îles de la Société (dont fait partie Tahiti), Marquises, Tuamotu, Gambier et Australes, sont devenus en 1957 la Polynésie française, qui a obtenu en 1984 un statut d’autonomie interne (renforcé en 1990 et 1996). Gaston Flosse, instituteur puis assureur et entré au parti gaulliste en 1958, en a été le premier Président ; il a occupé ce poste pendant seize ans au total (1), faisant du territoire le second royaume de la chiraquie (2)…

En avril 2008, le sénateur Flosse a dû lâcher son 4e mandat de Président (qu’il avait entamé deux mois plus tôt) au profit de Gaston Tong Sang – ce second qui l’a trahi en créant son propre parti avec l’aval de l’Etat sarkozien ; et, en février 2009, celui-ci a à son tour dû céder son siège à Oscar Temaru, le leader indépendantiste (élu grâce au désistement d’Edouard Fritch, le gendre de Flosse… à qui il laisse le fauteuil de président de l’Assemblée territoriale). Mais en dépit de ces remous politiciens, le mode de gouvernement à la chiraquienne demeure bien en place dans le TOM ; et Flosse est loin d’avoir dit son dernier mot car il joue désormais la carte polynésienne contre la métropole, par des alliances avec le parti indépendantiste, son ennemi de toujours.

Les affaires publiques
au service
des bons amis

Au début des années 60, après les 17 « expériences » nucléaires effectuées au Sahara, le général de Gaulle a décidé que la France devait poursuivre son programme d’essais atmosphériques afin d’assurer son « indépendance », et la Polynésie française (plus particulièrement l’atoll de Mururoa) a été choisie pour ce faire.

Dès 1963 est implanté à Mururoa et Fangataufa le Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP), et 193 essais nucléaires (46 atmosphériques et 147 souterrains) y sont réalisés, tandis qu’une énorme manne financière est versée par l’Etat français au pouvoir polynésien afin d’assurer une paix sans nuages (autres que radioactifs, s’entend). Ce CEP va bouleverser profondément la vie des populations insulaires : la création d’emplois et le développement d’une économie monétaire les incitent à venir s’installer dans la ville de Faa’a (dont O. Temaru est maire depuis 1983), ce qui fait péricliter les activités traditionnelles d’agriculture et de pêche, tandis qu’affluent les métropolitains. Quant aux conséquences sanitaires liées aux essais, elles sont loin d’être anodines, on en reparlera… Mais si ces essais sont arrêtés en 1996, leurs effets ne restent pas présents que dans l’environnement et dans la mémoire des Polynésien-ne-s : officiellement pour compenser la disparition des flux financiers qu’engendrait le CEP, le Président Chirac met en effet à la libre disposition de son très cher Gaston (chef du parti Tahoera’a Huiraatira, gaulliste et autonomiste), pendant une décennie, une aide annuelle de 150 000 millions d’euros qui permet aux mêmes de continuer à se remplir les poches. Et, après sa réélection à la tête de la France, en 2002, il octroie une nouvelle aide de 840 millions d’euros – toujours pour financer le développement de la Polynésie, bien sûr (3). Aucun contrôle public sur la destination et l’utilisation de ces fonds n’étant prévu, les subventions servies par le gouvernement Flosse vont presque uniquement aux communes dont les élus ont la même couleur politique que lui, aux associations qui le soutiennent et à ses autres appuis (tels que le groupe Bouygues), la distribution des emplois ou des logements obéissant aux mêmes « règles ». Cependant, le Président n’oublie évidemment pas d’utiliser aussi l’argent à des fins personnelles, notamment par le biais de la SETIL, société d’aménagement du territoire qui effectue nombre de travaux publics à son profit : construction d’une route à Erima pour désenclaver une de ses propriétés ; aménagement d’un second palais présidentiel sur l’île de Tupai, achetée avec les finances publiques, comprenant un lotissement pour milliardaires et une piste pour son avion personnel ; et ainsi de suite concernant ses autres domaines privés, entretenus aux frais de la princesse par un personnel pour partie recruté dans le sinistre groupement d’intervention de la Polynésie (GIP) dont on reparlera également…

La « gestion Flosse », c’est donc une économie assistée, fondée sur une dépendance sans cesse accrue aux crédits de la métropole (depuis 1999, la couverture des importations par les exportations a chuté de façon spectaculaire, passant de 24 % à 8 %) et un « développement » axé pour l’essentiel sur le tourisme (avec tout un mythe sur son potentiel et celui des ressources halieutiques). Le clientélisme qui la sous-tend se traduit par l’attribution de postes dans une fonction publique pléthorique ; la création de bureaux d’étude bidons et de missions de « consultants » grassement payés ; des prêts colossaux accordés à perte à des notables locaux par la banque de développement SOCREDO (sans oublier les crédits gratuits pour Madame ou encore pour fiston Reginald – également vendeur d’un hôtel que son père a fait racheter à un prix très avantageux par la collectivité territoriale) ; la constitution de sociétés d’économie mixte privé-public qui permettent de confier la gestion de services à des proches du pouvoir… – bref, toutes les bonnes vieilles recettes des systèmes mafieux.

Le « copinage » s’exerce dans l’ensemble des marchés publics : l’eau, les ordures, le pétrole… sont réservés à d’autres amis-et-chiraquiens, tel Albert Moux, sans procédures ni études préalables. Mais aussi sur le terrain fiscal – avec comme ligne de conduite une obligeance maximale envers les plus nantis : pas d’impôt sur le revenu, un faible impôt sur les sociétés, et surtout (depuis la loi Pons) des investissements défiscalisés au point que ce TOM est un quasi-paradis fiscal pour les constructeurs d’hôtels ou d’immeubles (en particulier le plus gros, l’ami Louis Won) et autres titulaires de paquebots, créateurs d’entreprises ou acheteurs de nouvelles autos. Enfin, il y a les détournements de fonds pour contribuer au financement des campagnes du RPR – un « juste » renvoi d’ascenseur.
Dans le même temps, le salaire mensuel moyen dans la population polynésienne est de 1 000 euros, 30 % sont illettré-e-s, 20 % au chômage (et il n’existe pas d’allocations chômage) ; le coût de la vie sur le territoire est très élevé, l’accès à l’eau très inégal et on constate un fort manque de logements sociaux.

La nouvelle donne de l’ère Sarkozy
sur les affaires publiques
et judiciaires…

Au fil de sa longue carrière politicienne, Flosse a joui d’une très grande impunité : s’il a tour à tour été mis en examen pour abus de biens sociaux, trafic d’influence, faux et usage de faux, prise illégale d’intérêts, emplois fictifs, corruption passive… jusqu’à complicité de tenue illicite d’une maison de jeu de hasard, il détient le record (au moins français) des non-lieux, classements sans suite, actions judiciaires atteintes par la prescription ou cassées pour vice de forme. Et s’il a été radié des listes électorales avant les élections de mai 2001, il a été rétabli dans ses droits par une Cour de cassation réunie en urgence. Le soutien du Président Chirac, qui ne s’est jamais démenti, s’est manifesté jusque dans les tribunaux – par exemple à travers la nomination de magistrats peu susceptibles de « poser problème » (comme Michel Marotte, que la Fédération internationale des droits de l’homme a critiqué pour sa façon de ralentir les dossiers politico-judiciaires lorsqu’il œuvrait à la Réunion). Résultat : ainsi qu’un rapport de la FIDH l’a fait ressortir, il y a en Polynésie à la fois une pénurie de moyens, une lenteur des procédures et une difficulté d’accès à la justice pour les plus pauvres, et un fréquent classement sans suite des affaires ayant trait à la délinquance financière pour les plus riches.
Par ailleurs, une organisation assez au point de la fraude électorale assure à Flosse nombre de votes, et la technique consistant à multiplier les procès contre les médias qui cherchaient à échapper à son emprise lui a permis d’avoir une presse à sa botte. L’Echo de Tahiti, La Tribune polynésienne, Tahiti Matin ou Télé Fenua ont coulé par ce biais, pendant que les rares journaux restants – qui appartiennent au groupe Hersant ou à Albert Moux (autre bon ami, détenteur des Nouvelles de Tahiti) – de même que la chaîne privée TNTV (dite « télé Flosse ») lui servaient gentiment la soupe. Le contrôle du Président sur l’information passe également par l’achat de pages publicitaires, la mainmise sur l’AFP locale, le refus de laisser des journalistes trop indépendants venir à ses conférences et l’exercice de la censure (saisie d’un numéro de Libération dans lequel Oscar Temaru condamnait le système Chirac-Flosse, brouillage de certains « Guignols de l’info »…).
La disparition d’un journaliste polynésien, Jean-Pascal Courtaud, en décembre 1997, a par exemple connu un traitement médiatique particulier, puisqu’un reportage du « Vrai Journal » sur ce sujet a été complètement brouillé. « JPK » (sic !), ex-rédacteur en chef des Nouvelles de Tahiti, était un ennemi acharné de Flosse et l’avait mis en cause publiquement. Il a été retrouvé noyé au large de Papeete trois mois après avoir bouclé sa dernière enquête sur lui. Pendant que les médias s’ingéniaient à souligner l’état dépressif du journaliste, la police a conclu à son suicide, et un non-lieu a été prononcé en octobre 2002, enterrant l’affaire.
Mais, ces dernières années, des brèches importantes se sont fait jour dans le bouclier politico-judiciaire qui protège Flosse, du fait des changements intervenus à la tête des institutions françaises comme polynésiennes, et de leurs répercussions dans le traitement des affaires judiciaires « en cours » – en particulier celles contre Chirac. Ainsi l’enquête sur la mort de JPK a-t-elle rebondi avec l’apparition magique, dans l’instruction sur Clearstream, de pièces concernant ce journaliste (que Reporter sans frontières a aussitôt demandé à voir verser à son dossier). Elles démontrent que son meurtre est lié à ses investigations sur l’existence d’un compte ouvert en 1992, au Japon, au nom de Chirac par les services secrets français, compte où auraient été transférés des fonds provenant notamment d’une grosse entreprise polynésienne. Et divers éléments concordants permettent aujourd’hui de dire que JPK a en fait été enlevé et assassiné par quatre membres de la force spéciale créée par Flosse en 1995 – ce fameux GIP dont les pratiques rappellent celles du service d’action civique (SAC) de De Gaulle et dont les effectifs seraient deux fois plus importants que les forces de police « légales » (voir encadré).
La réélection triomphale, à la présidentielle française de 2002, de Supermenteur contre Supersalaud a laissé un goût amer dans la bouche de l’électorat « forcé » à un tel choix. Beaucoup, à gauche, et donc y compris dans la magistrature et les médias, ont eu envie de le voir « puni pour ses mauvaises actions », une fois son mandat terminé ; et sans doute cette idée a-t-elle joué dans la reprise des poursuites contre lui, désormais plus faciles à mener. Cependant, la venue aux affaires hexagonales d’un Sarkozy guère copain avec son prédécesseur a aussi eu un impact à la fois sur ces poursuites et sur l’évolution de la vie politique en Polynésie. Chirac avait déjà eu la mauvaise idée pour les intérêts de Flosse de décréter la dissolution de l’Assemblée territoriale en 2004 : le parti de celui-ci n’avait remporté qu’une dizaine de sièges aux élections suivantes, et lui-même avait perdu la présidence au profit de Temaru. Mais depuis, le TOM a connu pas moins de huit Présidents.
Flosse étant bien trop chiraquien au goût de Sarkozy, le nouveau chef d’Etat français a en effet misé sur son ex-adjoint, ce Gaston Tong Sang qui a osé lancer une nouvelle formation à droite (To Tatou Ai’a), et il lui a aussitôt apporté son soutien (le secrétaire à l’outre-Mer Christian Estrosi a ainsi félicité Tong Sang, en février 2008, pour l’« excellent résultat obtenu par son parti »). Le territoire a donc à présent trois principaux partis – deux autonomistes et un indépendantiste (l’Union pour la démocratie, UPLD, de Temaru) ; mais comme aucun des trois ne parvient à obtenir la majorité absolue, ils multiplient les alliances tactiques pour gouverner. Et comme Flosse a su d’entrée qu’il n’était plus en odeur de sainteté à l’Elysée, il s’entend sans cesse davantage, tout en jurant du contraire (voir sa dernière profession de foi électorale en document), avec les indépendantistes – au nom d’une « réconciliation » appelée selon lui de ses vœux par la population polynésienne. Pas encore enterré, le Gaston ! Son mandat présidentiel de 2008 a été conditionné à un accord avec Temaru (celui-ci obtenant en échange la présidence de l’Assemblée territoriale) sur le dos de Tong Sang – et rebelote en sens inverse entre (le gendre de) Flosse et Temaru, on l’a vu, sur les mêmes postes en ce début d’année. Mais si cette « alliance contre nature », dénoncée jusque dans les hautes sphères parisiennes, a eu pour effet de provoquer l’exclusion de Flosse des rangs d’une UMP outrée, elle a aussi pris de court un Parti socialiste qui soutenait « traditionnellement » Temaru et son rassemblement indépendantiste.

… et ses retombées sur l’« héritage » nucléaire

La fin de l’ère Chirac a également eu un impact sur la question des expérimentations nucléaires réalisées par la France en Polynésie : peu à peu se délite le mur de dénégations et de mensonges construit autour par la défense militaire de la Patrie-des-droits-de-l’homme voici quarante ans.
Le souvenir des essais est omniprésent dans les îles, et les problèmes de santé leur sont facilement attribués. Mais comment pourrait-il en être autrement, et qui pourrait croire à leur caractère inoffensif, déjà au simple vu du comportement adopté par les officiels français eux-mêmes à leur égard ? Le 2 juillet 1966, par exemple, une délégation officielle que mène le général Pierre Billotte, alors ministre de l’Outre-Mer, et dans laquelle figure le jeune maire Gaston Flosse, se rend sur l’île de Mangareva, à 400 kilomètres de Mururoa, pour assister à l’explosion d’une bombe de loin – une grande fête ayant bien sûr été prévue pour l’occasion, avec colliers de fleurs et danses du cru. Mais quelques heures plus tard, Billotte reçoit une information inquiétante : le nuage radioactif se dirige vers Mangareva. Dans la précipitation, toute la délégation réembarque dans son avion, laissant aux autochtones ledit nuage.
Aussi, quand en juin 1995 le Président Chirac nouvellement élu a annoncé la reprise des expérimentations dans l’atmosphère, il a déclenché émeutes et grève générale à Tahiti (des incendies ont détruit une partie de l’aéroport à Faa’a, des commerces à Papeete…). 95 pays membres de l’ONU ont voté une résolution en faveur de l’arrêt des tests nucléaires, mais deux nouveaux essais n’en ont pas moins été effectués par la France avant qu’elle ne renonce et signe le moratoire de l’ONU.
Deux associations sont nées en 2001 pour faire valoir les droits des victimes de la politique nucléaire française : l’Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN), pour les militaires français partis en Algérie et en Polynésie, et Moruroa e Tatou (Mururoa et nous) pour les travailleurs polynésiens des sites nucléaires. Mais il a fallu attendre la deuxième et brève présidence de Temaru, en 2005, pour que progresse vraiment l’enquête sur leurs conséquences environnementales et sanitaires, grâce au travail d’une commission conduite par Tea Hirshon à partir d’août sur la question. Cette commission a obtenu en février 2006 communication de documents jusque-là classés secret défense – comme les notes du Dr Millon, médecin de bord du navire La Coquille chargé d’examiner la situation après cet essai du 2 juillet 1966, où il remarque : « Il sera peut-être nécessaire, pour la suite des événements, de minimiser les chiffres réels [des retombées radioactives] de façon à ne pas perdre la confiance de la population, qui se rendrait compte que quelque chose lui a été caché dès le premier tir. »
Dans son rapport de février 2006, la commission contredit toutes les études officielles rendues jusque-là, et assure que même Tahiti a été touché, le 17 juillet 1974, les taux de radioactivité mesurés à l’époque étant entre six et sept fois supérieurs à la normale. Elle exprime « sa forte conviction que les essais nucléaires ont eu des conséquences graves sur la santé, non seulement des personnels qui ont travaillé sur les sites d’essai, mais sur l’ensemble de la population polynésienne », ajoute que l’on constate un « très fort taux de cancer de la thyroïde chez les femmes polynésiennes et le développement inquiétant des leucémies aiguës », et que « les retombées radioactives n’y sont pas étrangères ». Et elle conclut : « Alors que les autorités affirment que les essais étaient propres et que les retombées radioactives n’affectaient pas les populations, ce rapport montre au contraire que chacun des essais de 1966 et 1967 a provoqué des retombées sur tous les atolls habités de la Polynésie française. »
Dans la foulée est rendue publique une étude réalisée par une unité de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Son directeur, Florent de Vathaire, affirme qu’il existe « un lien entre les retombées dues aux essais (…) et le risque de cancer ultérieur de la thyroïde », et demande à l’armée de déclasser certains rapports du service de radioprotection du CEP, ce que celle-ci refuse.
En juin 2008, l’Assemblée polynésienne – se faisant l’écho d’une profonde indignation populaire – a voté à l’unanimité la motion suivante : « Les Polynésiens d’aujourd’hui et des générations futures ont droit à la transparence et à la vérité totale sur cette période des essais nucléaires »… parce que le Parlement français avait adopté le mois précédent une loi sur les archives « incommunicables », et elle a demandé à Sarkozy d’intervenir pour la faire réviser. En novembre, pour la première fois, l’Etat français a admis une relation entre les essais nucléaires et les pathologies constatées, mais l’Assemblée nationale a rejeté la proposition de loi de Christiane Taubira portant sur la création d’« un fonds d’indemnisation des victimes des essais et des accidents nucléaires » sur le modèle du fonds créé pour les victimes de l’amiante.
Enfin, le 24 mars dernier, le ministre de la Défense Hervé Morin a dévoilé son projet de loi sur l’indemnisation des victimes des 210 essais nucléaires menés par la France de 1960 à 1996 dans le Sahara et en Polynésie. Près de 130 000 travailleurs du Pacifique (et 20 000 en Algérie) seraient concernés, et environ 2 000 personnes dans la population polynésienne (dont 600 enfants de moins de 15 ans). 10 millions d’euros de provision annuelle seraient prévus « dans un premier temps », selon le ministère… quoique le nombre exact de victimes précis n’ait pas été établi !

Que réserve l’avenir à la population polynésienne ? L’instabilité politique actuelle est due à la fragilité des coalitions qui font et défont les majorités à son Assemblée : la défection d’un-e élu-e suffit pour permettre l’adoption d’une motion de censure contraignant le Président à démissionner. Quant à l’alliance entre Temaru et Flosse, si elle évoque de prime abord celle de la carpe et du lapin, et rien de très attractif sur le plan de l’intérêt général, elle n’est pas aussi invraisemblable d’un strict point de vue institutionnel (Temaru a évolué vers l’obtention progressive et pacifique de l’indépendance, et Flosse se déclare favorable à un accroissement des pouvoirs pour les institutions polynésiennes) – et ne peut sûrement pas être pire que ce cher Gaston tout seul ?
Il n’en demeure pas moins que Sarkozy, en continuant d’ignorer Temaru autant que les Polynésien-ne-s, pourrait bien avoir de nouvelles surprises, car la situation économique et sociale du territoire ne cesse de se dégrader sur un passé colonial toujours aussi présent.

Vanina

1. De 1984 à 1987, de 1991 à 2004, d’octobre 2004 à février 2005, et de février à avril 2008. Il a, en même temps ou dans les intervalles, été six fois maire de Pirae ; quatre fois président de l’Assemblée territoriale ; à de multiples reprises député à l’Assemblée nationale ou au Parlement européen, ou encore sénateur – et secrétaire d’Etat chargé du Pacifique sud, nommé par le Premier ministre Chirac sous la présidence Mitterrand.
2. … ou peut-être même le premier, si l’on considère que le budget de la présidence polynésienne s’élevait au plus fort de son règne à 29 millions d’euros pour un archipel de 300 000 habitants à peine, contre les 32 millions attribués à celui de l’Elysée pour un pays de 60 millions d’habitants. Mais il est vrai que Flosse a toujours veillé à payer très correctement les 629 personnes « employées » dans son palais – parmi lesquelles des piroguiers, surfeurs et chanteurs, d’ex-miss Tahiti, un curé ou un boxeur.
3. La description faite ici de la présidence Flosse est pour une bonne part tirée de Polynésie : les copains d’abord (Le Bord de l’Eau, 2005), le livre de l’élue socialiste de Clichy Séverine Tessier, présidente de l’association Anticor (« Elus contre la corruption ») qu’elle a fondée avec le juge Alphen. Mais il faut chercher ailleurs pour trouver que, sous le gouvernement Jospin, les socialistes ont montré une générosité tout aussi grande, avec une hausse de 11 % des crédits d’Etat à partir de 2000…

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