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Edito 168 Avril 2007

samedi 14 avril 2007, par Courant Alternatif


En démocratie, c’est "marche toujours"…

La société française est une société qui marche ; les citoyens et citoyennes de France sont des marcheurs et marcheuses, ils parcourent à longueur d’année des kilomètres et des kilomètres de rue et de boulevard, à travers toutes les villes de l’hexagone. Ils sont des milliers qui marchent, lentement, en courant par instant, en marche arrière ou en sautillant, au pas scandé par les musiques, les slogans … et ce genre de sport n’est pas prêt de disparaître, bien au contraire. En ce début d’année, nous avons marché pour soutenir les Sans-Papiers, les Sans Domicile Fixe, pour le maintien des emplois dans divers secteurs, pour le service public, contre le contrôle social, pour l’émancipation des femmes, contre le nucléaire et l’EPR, contre la guerre en Irak ou l’occupation américaine, contre l’invasion du Liban, pour la paix en Israël ou contre l’occupation en Palestine, pour la libération des prisonniers d’Action Directe, contre les OGM, etc.
Les causes ne manquent pas et la générosité des Français est sans limite ; nous étions 50, 100, 1000, 5000 ou plus, notre satisfaction ou notre insatisfaction n’a pas de conséquence directe sur la prochaine marche. L’implication n’est pas à mettre en doute, ni la volonté de changer mais changer quoi au juste ? C’est ce qui parfois pose problème. Manifester contre l’EPR ou bien contre la société nucléaire ? Demander la libération des prisonniers d’Action Directe ou l’abolition de cette barbarie démocratique qu’est la prison ? Sauver les emplois d’Airbus ou changer le système de production ? Et changer le système de production ou abolir la propriété privée des moyens de production ? Et encore, gérer cette abolition par un Etat central ou par des collectifs et une organisation horizontale de la production ? Etc. Mais ce n’est pas pour cela qu’il faut minimiser l’intérêt de ces mouvements, marches et manifs ou toute autre forme d’expression de solidarité, de résistance car l’intérêt "de tel ou tel mouvement ne réside pas seulement dans son degré de radicalité mais dans la dynamique qui lui est propre. Un mouvement social sectoriel, contestant peu l’ordre établi, peut être un lieu en pleine évolution, parce que les brèches qu’il crée montrent des gens en train de découvrir, d’aller à leur rythme vers plus de radicalité, c’est-à-dire de contestation et de compréhension de l’ordre établi, de conquérir davantage d’autonomie. A l’inverse un mouvement parvenu à un stade plus avancé de radicalité et de contestation peut se trouver dans une situation bloquée, composé essentiellement de militants ne produisant plus ni avancées ni ruptures." Cependant on constate de plus en plus qu’il y a une remise en cause des arguments dits radicaux ou rupturistes ou révolutionnaires avec des motifs divers : "en attendant le grand soir, il faut quand même avoir quelque chose à grignoter !" ou bien priorité donnée aux luttes "écologistes" car en cas de catastrophe il n’y aura plus de luttes sociales et adieu le grand soir …. alors, laissons la lutte de classes de côté et concentrons-nous sur "une sortie très rapide du nucléaire".
On voit là poindre une pensée unique et dominante dans ce vaste secteur des revendications et des résistances à l’évidente démocratie citoyenne.
Que ce soit sous le prétexte de la réforme ou de l’unité des luttes, il s’agit d’effacer les marques visibles de l’inégalité -que l’on nomme pudiquement différences- et de faire croire au plus grand nombre des exploité-es que, si ce monde est rude, c’est ensemble et uni que l’on pourra le mieux s’y adapter en le modifiant juste là où cela fait trop mal et ainsi maintenir le système coûte que coûte. Seulement cela coûte toujours aux mêmes : le travail rémunéré n’enrichit que les très hauts salaires et n’émancipe que la classe au pouvoir, ceux-ci forment une élite qui se reconnaît non pas au son d’un chant guerrier ou à l’ombre d’un drapeau mais plutôt autour des fluctuations de cotations boursières. L’agitation médiatique électorale actuelle n’arrive pas à occulter tous les mouvements de résistances à l’ordre policier, financier, industriel, etc., en un mot au capitalisme.
Mais les "luttes partielles ne remettront jamais par elles-mêmes le système en cause : c’est pourquoi il est fondamental de travailler à leur mise en rapport, à leur rencontre et leur jonction pour que se forge une vision globale des enjeux." Car la "force du réformisme c’est sa capacité à trouver des réponses, à fournir des porte-parole, des représentants, à séparer les problèmes les uns des autres, et donc à mettre en avant des spécialistes de chacun d’entre eux (environnement, économistes, juristes, …) qui entretiennent des rapports de connivence avec les institutions et encouragent des attitudes de passivité, de prise en charge, de suivisme." Depuis 1945 la gauche crie : "le fascisme ne passera pas !" à la moindre occasion : contre de Gaulle, contre les CRS et la police, contre Le Pen, ou contre Sarkozy pour faire barrage à tout ce qui pourrait nous faire perdre le peu d’espace de libertés qui nous reste et défendre ainsi leurs valeurs de gauche ! Si l’autoritarisme est un réel danger, il l’est d’autant plus qu’il emprunte les habits de la démocratie, du droit, de la liberté qui n’a de sens que pour ceux et celles qui ont les moyens d’en jouir, et aucune sirène ne peut nous faire croire qu’en perpétuant ce système d’exploitation, un autre futur est possible. C’est bien ici et maintenant que notre vie est en jeu et nous ne laisserons quiconque en abuser au nom d’un bien commun qui n’a de commun que l’entente frauduleuse des capitalistes du monde entier.

mars 2007, Figeac.

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