lundi 19 avril 2010, par
Depuis toujours nous avons émis des réserves vis-à-vis du Réseau « Sortir du nucléaire ». Son incapacité à se prononcer pour une sortie immédiate du nucléaire officiellement pour fédérer le plus largement possible un lot d’associations hétéroclites (avec pour beaucoup d’entre elles comme seul engagement antinucléaire l’adhésion au Réseau) et de taille diverse nous a toujours paru suspecte. En revanche, ce ne sont pas les Verts (103 associations parmi les 872 revendiquées par le Réseau) qui allaient s’en plaindre puisqu’une telle position n’était pas de nature à entraver leur compagnonnage avec la gauche traditionnelle
Tactiquement nous avons toujours dénoncé l’activité antinucléaire du Réseau qui se résume pour l’essentielle à du lobbying et à des actions spectaculaires médiatisées, au détriment d’actions offensives sur le terrain. Activité antinucléaire pour laquelle des salariés pouvaient pallier le manque de militants. À ses débuts, le fonctionnement du Réseau nous a paru relativement démocratique, mais rapidement force nous a été de constater que si toutes les associations fédérées étaient égales, certaines l’étaient plus que d’autres. Idem pour les adhérent(e)s individuel(le)s.
Ces derniers temps, une âpre lutte de pouvoir a secoué le Réseau.
Les 6 et 7 février 2009, l’AG annuelle révoquait le Conseil d’Administration dans son ensemble et en élisait un provisoire dans l’attente d’une nouvelle AG les 19 et 20 juin prochains. Cet acte « parfaitement légal » est le résultat d’un conflit politique au sein du Réseau. Tout semble commencer avant le « Sommet de Copenhague pour le climat » avec l’« Ultimatum climatique » adressé à Sarkozy, initié par 11 associations dont le WWF-France, Greenpeace-France (membre du Réseau jusqu’en 2007), la Fondation Nicolas Hulot, les Amis de la Terre (membre du Réseau ainsi que 12 de ses associations locales), Réseau Action Climat-France (adhérent du Réseau). Le Réseau sollicité signe en septembre, puis se ravise, une majorité de son CA et son porte-parole (salarié) prennant conscience qu’il n’est pas possible d’avaliser ce texte qui ne précise pas que le nucléaire ne doit sous aucun prétexte être utilisé pour protéger le climat. Le 1er décembre 2009, une lettre demandant le retrait de la signature est envoyée aux 11 associations à l’initiative de l’« Ultimatum climatique » (1).
Début décembre, le Directeur administratif (salarié) du Réseau décide d’engager une procédure « pouvant aller jusqu’au licenciement » du porte-parole tandis que les autres salariés posent un ultimatum de grève illimitée si le CA entrave la procédure. Le CA mis devant le fait accompli ne cède pas à la pression des salariés et rejette le licenciement du porte-parole. Les salariés se mettent en grève. Le Directeur administratif tente d’imposer le licenciement et menace le CA des prud’hommes pour « remise en cause de ses prérogatives ». La grève se poursuit tout le mois de janvier. Les revendications des grévistes (sanctions contre un autre salarié et restriction de ses missions) étant jugées irrecevables, les négociations échouent et la situation reste bloquée jusqu’à l’AG de début février. Les salariés et la minorité du CA se donneront les moyens nécessaires, par manœuvres et pressions diverses, pour faire révoquer le CA par l’AG et pour faire apparaître cette révocation comme la seule solution pour débloquer la situation.
Ceux qui dans le Réseau veulent privilégier la lutte contre le changement climatique au détriment de la lutte contre le nucléaire ont pour l’instant gagné. Mais sauront-ils garder le pouvoir à l’issue de l’AG de juin et faire entrer le Réseau dans le clan des « écolos modernes », ceux qu’Anne Lauvergeon (Présidente du Directoire d’AREVA) appelait de ses vœux quand elle déclarait à l’Assemblée Nationale, en décembre 2009 : « Dans les années soixante-dix, le mouvement écolo s’est développé à partir de sa lutte antinucléaire, mais je pense qu’une scission interviendra sous peu entre les écolos "canal historique", qui resteront antinucléaires jusqu’à la fin des temps, et les écolos modernes qui vont finir par reconnaître que le nucléaire fait partie des solutions ». D’Anne Lauvergeon, on pourra dire ce qu’on veut, sauf qu’elle ne sait pas faire une analyse pertinente des forces en présence chez ses adversaires !
Scylla (le 17-III-2010)
(1) Lors de l’AG de février, une motion est adoptée qui déclare : « Concernant le CLIMAT, le Réseau « Sortir du nucléaire » ne signera aucun texte qui ne condamne pas explicitement le recours au nucléaire ». Le débat semble donc tranché. Pourtant, à ce jour, le Réseau reste signataire de l’appel « Ultimatum Climatique ». Le Réseau interpellé sur ce point « a le regret » de faire savoir que son CA a refusé à l’unanimité des votants (7 contre) de retirer la signature, car déclare son Directeur administratif : « D’une part, la motion votée en AG était rédigée au futur, et n’était pas présentée comme rétroactive. D’autre part, le CA n’a pas jugé bon de revenir sur la lettre ouverte en date du 1er décembre 2009 qui avait été envoyée par l’ancien CA du Réseau « sortir du nucléaire » aux différents responsables des associations à l’initiative de l’Ultimatum Climatique ».