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LE POUJADISME

Claude Lefort dans Socialisme ou Barbarie

vendredi 7 décembre 2018, par admi2

Ce texte de Claude Lefort paru en 1956 dans la revue Socialisme ou Barbarie nous décrit avec précision ce que fut vraiment le mouvement poujadiste, assez loin de l’acception qu’on lui prête souvent de nos jours. Il nous montre, s’il en était besoin, d’une part que le mouvement des gilets jaunes n’a rien à voir avec le poujadisme et d’autre part qu’un mouvement s’analyse d’abord d’un point de vue social de classe. Un peu d’Histoire …


{{Le poujadisme}}

Avec 2.600.000 voix et 52 députés, Poujade a bouleversé les prévisions électorales. Les techniciens lui octroyaient hier quelques centaines de milliers de voix tout en doutant qu’il puisse souvent dépasser le quotient électoral et donc obtenir plus de cinq ou six députés. Aujourd’hui, près de cent journalistes se pressent à sa conférence de presse ; à l’étranger des organisations se créent à l’image de la sienne ; en France on convient généralement qu’il est le grand triomphateur du 2 janvier, l’inconnue de demain et, tandis qu’à droite on cherche soit à s’agglomérer autour de lui soit à le neutraliser par une habile collaboration, à gauche on se préoccupe de le présenter comme le nouveau fascisme. Bien qu’il soit impossible de prévoir dès maintenant son évolution et sans doute oiseux de chercher à lui accoler une définition, on dispose cependant de données suffisantes pour en apprécier le sens dans le cadre du régime et en limiter la portée. Force réelle, le Poujadisme est certes à aborder avec sérieux. Deux millions et demie de personnes ne se sont pas rencontrées par hasard dans un jour de mauvaise humeur collective pour soutenir la hargne d’un papetier. A nous donc de le comprendre comme phénomène social. Quant à dire qu’il est une force neuve et, qui plus est, susceptible d’un développement considérable on ne le peut sur la seule base de son succès : ce n’est pas les millions de voix qu’il a captés dans une conjoncture particulière qui suffisent à le définir comme une force sociale stable, répondant à un besoin profond de la situation économique et susceptible, en ce sens, de jouer un rôle déterminant.

Rappelons d’abord les caractéristiques du vote poujadiste. Le mouvement a obtenu ses principaux succès dans le Massif Central et le Sud-Est d’une part (remportant par exemple 23 % des voix dans l’Aveyron et 27 % dans le Vaucluse), dans le Centre Ouest jusqu’à la Charente-Maritime d’autre part entraînant 10 à 20 % du corps électoral ; enfin 11 a marquée une poussée dans deux centres urbains, la région parisienne et la région lilloise. Dans ces deux derniers cas il semble qu’il ait bénéficié presque exclusivement d’une ancienne clientèle R.P.F. Dans le premier en revanche, il est sûr qu’il a. capté et des voix de droite et des voix de gauche <socialistes surtout mais aussi communistes) puisqu’en 1951 le Massif Central et le Sud-Est n’avaient donné qu’un nombre de voix peu élevé au R.P.F. Toutefois l’important n’est pas de disserter sur l’ascendance politique du poujadisme, mais de repérer les couches sbciales qui lui donnent vie. Or sur ce point aucune hésitation n’est permise et aucun mouvement politique n’a été jusqu’à ce jour aussi transparent. L’immense majorité des poujadistes est composée de commerçants auxquels s’adjoignent des artisans et des cultivateurs. Et il est remarquable que ces couches se sont. d’abord rassemblées dans le Massif Central et se sont rapidement cristallisées dans le Centre-Ouest, soit dans ·tes régions les plus arriérées de France, où la dépopulation est sensible, où le rendement à l’hectare est des plus bas. A l’opposé, dans le Nord et le Nord-Est, où l’essor industriel est le plus vif, le poujadisme a été totalement inefficace. En ceci le poujadisme reflète clairement les traits les plus archaïques
de l’économie française. D’une part il est lié au petit commerce, à l’artisanat, à la culture - secteurs qui occupent une place démesurée en France parce qu’ils ont été artificiellement protégés par la bourgeoisie pour des motifs de stratégie politique et sociale (quel meilleur garant de stabilité pour la droite et le radical-socialisme entre les deux guerres ? Et quel meilleur écran entra le gros capitalisme et la classe ouvrière ? ) et pour des raisons « objectives » d’incapacité de gestion (le placement dans les valeurs étrangères, prédominant jusqu’à 1939, s’avérant à court terme plus attrayant que l’investissement productif mais ruineux à la longue). D’autre part, l’U.D.C:A. prolifère dans les régions dévitalisées, soit chaque fois que ces couches archaïques ne sont pas intégrées· dans un cadre économiquement solide. Est-ce à dira que le Poujadisme n’a pas aggloméré autour de lui les éléments les plus
agressifs de l’extrême droite ? Il est tout au contraire certain que d’ex-miliciens, des débris d’anciennes ligues fascistes, des anciens combattants « professionnels » d’Indochine ont pu soutenir l’U.D.C.A. notamment à Paris (un inventaire de la clientèle du commissaire Dides ne laisserait aucun doute sur ce point). Au surplus, l’attitude de journaux tels que Rivarol est sans équivoque et le caractère de Fraternité française, composé par d’anciens vichystes ou doriotistes montre assez que Poujade fait momentanément figure d’espoir pour l’extrême droite. On n’en saurait pour autant surestimer l’importance du mouvement. En premier lieu il convient de remarquer que la présence de partis ou de groupements d’extrême droite, nationalistes, antitiparlementaires, colonialistes, et prônant la dictature est une constante dans
la politique française. La défaite du fascisme, la dynamique particulière du Gaullisme lié à la Résistance et à des couches sociales hétérogènes ont empêché longtemps cette extrême droite de reconquérir une expression autonome.
En la retrouvant, elle ne fait que reprendre une place dont le vide serait incompréhensible. Cette place demeure mineure, au moins pour l’instant. Obnubilé par la résurrection de l’extrême droite on oublie de remarquer qu’elle est limitée, assez étroitement localisée, et pas nécessairement liée à l’essor du poujadisme. A Marseille, fief doriotiste, le poujadisme a remporté moins de 40.000 voix et ceci malgré l’agitation viticole toute proche.. Au demeurant, là n’est pas l’essentiel : le mouvement poujadiste en tant que tel, il faut y insister, est né sur la base d’une agitation corporative, antifiscale et s’il a fait vite usage de thèmes politiques d’extrême droite, il n’a jamais perdu son caractère primitif. Il s’est voulu et continue de se vouloir - nous y reviendrons - l’expression de revendications corporatistes. Quels que soient les oripeaux idéologiques dont il faut bien qu’il s’affuble, il est d’abord la politique du « zinc », la défense du petit vol (fraude fiscale), la revendication de la betterave à disposer d’elle-même. A cet égard, c’est un phénomène incontestablement original. Car pour la première fois sans doute, on voit un mouvement qui commence par se présenter tel qu’il est réellement, où la dissimulation idéologique demeure accessoire, et qui choisit ses représentants dans ses propres rangs (47 sur 52 des députés poujadistes sont commerçants ou artisans). La frénésie mystique des classes moyennes, qui, la main sur le tiroir-caisse, suivaient d’un œil fasciné les évolutions d’un général victorieux a fait place à la considération « sordide » des intérêts immédiats. Plus de noble médiation entre le boutiquier et son livre de comptes. Nul doute que le général, le journaliste et les traditionnels « professionnels » de l’anti-parlementarisme n’y trouvent pas leur compte exact.

De bons esprits, il est vrai, expliquent aussitôt que nous assistons sans nous en apercevoir à la genèse d’un nouveau fascisme. Ne voit-on pas sous le déguisement du papetier poindre la défroque du peintre en bâtiment. Et de recenser tous les thèmes qu’une bonne mémoire historique a, une fois pour toutes, catalogués : paupérisation des classes moyennes, nationalisme, impérialisme, anti-sémitisme, etc ... On convient seulement que la conjoncture économique n’est pas propice au fascisme, tout en ajoutant qu’elle pourrait le devenir. La comparaison est assez tentante et assez erronée pour qu’on s’y arrête un moment. De fait, ou l’on appelle fascisme tout mouvement qui aspire à une dictature ou y conduit et l’on ne sait pas ce qu’on dit : à quoi bon nous parler de la paupérisation des classes moyennes pour nous expliquer la vogue du général Boulanger, puisqu’elles vivaient alors leur belle époque, ou l’avènement de Franco puisqu’en Espagne elles existaient à peine. Ou bien l’on prétend définir strictement le fascisme sur les exemples allemand et italien et alors la différence qui le sépare du poujadisme saute aux yeux. C’est en effet ne rien dire que de se référer à la situation économique pour la traiter aussi superficiellement. Sans la conjoncture économique d’après-guerre il n’y aurait eu ni nazisme ni fascisme. Faut-il donc rappeler en un mot l’effondrement
de l’économie allemande qui au lendemain de la guerre s’est concrétisé par un recul brutal de la production industrielle et agricole, par un chômage massif, par une chute verticale de la monnaie qui a ruiné le petit commerce et annihilé les petits rentiers. Faut-il rappeler qu’après une période de reconstruction de l’infrastructure industrielle, une nouvelle crise mondiale a enrayé les exportations allemandes en 1939 et appauvrit avec une nouvelle souveraineté la paysannerie, que la crise industrielle a jeté dans la rue un nombre croissant de chômeurs, plus d’un million en 1929, plus de 5 millions en 1932 ; le nombre des chômeurs partiels dépassant 12 millions). Que la masse des sans-travail, et tout particulièrement des jeunes, les couches effectivement paupérisées de la petite bourgeoisie ont été ensemble le terrain sur lequel a proliféré l’hitlérisme ; que seule cette situation exceptionnelle permet d’expliquer qu’il ait pu se présenter comme un phénomène social total, répondant dans tous les secteurs à la fois à un besoin.
L’économie française en revanche est en expansion depuis la libération.
Si celle-ci peut-être jugée lente relativement à celle des autres grandes puissances, elle n’en est pas moins continue sinon régulière. Le nombre des chômeurs ne dépasse guère deux ou trois cent mille. Il n’y a pas de menace immédiate qui pèse ni sur l’économie française ni sur l’économie mondiale. Au contraire, l’année 1956 paraît devoir être celle d’une production record aux Etats-Unis. S’il est juste de parler d’une paupérisation des classes moyennes en France c’est donc en un tout autre sens que ne l’imposait la situation allemande de la première après-guerre. Il n’y a eu aucun bouleversement qui ait brutalement réduit le niveau de vie des commerçants ou des artisans français. La vérité est plutôt que l’appauvrissement s’est étendu sur une très longue période, qu’il tient à la subsistance anachronique nous l’avons dit, de couches sociales qui auraient dû être peu à peu intégrées dans la production. Encore faut-il préciser : pour une couche de tous petits commerçants ou de paysans travaillant dans des régions défavorisées qui voient leur situation menacée, la plus grande part de la population commerçante et agricole continue à jouir d’un niveau de vie supérieur à celui de l’ouvrier et de l’employé des villes. Hurlant contre toute réduction de ses bénéfices, obstinément opposée à toute politique de développement qui menacerait ses privilèges et à longue échéance exigerait une redistribution professionnelle et sociale de la population, elle se cramponne au drapeau betteravier, d’autant plus justifiée dans ses revendications que sa position est inscrite dans des siècles d’histoire ... (A sa manière, Poujade invoquant les glorieux ancêtres et la continuité de la France a raison). La petite récession de 1952-53 a pu aider à cristalliser le mouvement dans les régions particulièrement frappées, elle ne rend pas compte de son relatif succès à une échelle beaucoup plus large en 1956, période de haute conjoncture économique.

A lui seul le cadre économique suffit donc à distinguer radicalement le poujadisme du fascisme. Mais il vaut la peine de se souvenir des traits idéologiques de ce dernier qui lui ont donné d’emblée sa vraie nature. Ces traits se sont constitués dès l’origine, et, en ce sens, il est artificiel de prétendre que Poujade les acquerra peu à peu. Si pauvre, si rudimentaire que fut l’idéologie d’Hitler, elle avait un caractère complet, elle fournissait une réponse à l’attente sociale. Dès 1920, dès l’avènement du national-socialisme les grands traits de la doctrine étaient fixés : grandeur de l’Etat, lutte contre capitalisme international judéo-plautocratique, résurrection de la grande industrie allemande, travail pour tous, éviction des juifs de la production, glorification de la race allemande. Poujade ne fait, nous le répétons, depuis deux ans, qu’agglomérer autour de la lutte contre la fiscalités, les traditionnels slogans de la racaille d’extrême-droite, sans souci de les élaborer et de les systématiser. Encore est-il remarquable de constater que notre papetier perçoit tous les périls d’une politisation qui mettrait son mouvement sous la coupe des professionnels des ligues ; il est conscient que ses troupes prêtes à mettre à sac le ministère des ’Finances n’auraient pas le goût de remonter de la rue de Rivoli à la Concorde. Ainsi le voit-on se dérober depuis les élections chaque fois qu’on le met en demeure de prendre une position publique d’anti-parlementarisme, d’anti-sémitisme, ou même de colonialisme. Il flétrit les « abandons » de la France Outre-mer, c’est bien le moins. Mais la résolution qu’il fait adopter par le Congrès de l’U.D.C.A. est prudente dans la forme. A ses conférences de presse il affirme que ses députés sont prêts à collaborer docilement dans une majorité, pourvu qu’on leur accorde satisfaction sur l’impôt. Il jure devant les journalistes étrangers qu’il n’y a pas trace en lui de racisme ou d’anti-sémitisme. Ne ment-il pas à chaque fois ? Assurément il ment. Mais c’est qu’il a d’excellents motifs de mentir : il a l’expérience des disputes de bistro et sait qu’il vaut mieux se taire ou faire diversion quand, mis en demeure de répéter tout haut la canaillerie qu’on a dit tout bas, on n’a pas la salle absolument pour soi. La bonne salle des commerçants français se secoue certes de rire quand Dupont vocifère contre Isaac Mendès, elle n’en oublie pas ses intérêts... Il a fallu connaître les limites de la misère et du désespoir pour qu’une telle couche sociale puisse transformer - comme en Allemagne - ses mesquineries. ses jalousies, ses rancœurs quotidiennes en une métaphysique historiaque. Métaphysique morte et dont les secrets ne seront jamais accessibles à l’aile marchante des détaillants de IV République, les bistros. Au reste, s’il est vrai que les passions des foules se reflètent sur le visage de leur leader, regardons Poujade : la brutalité, la grossièreté, l’astuce, nous connaissons ces traits à 100.000 exemplaires et le rire gras, la plaisanterie cynique qui les accompagnent. En vain l’on chercherait la véhémence pathétique, les transes, les prodiges, le délire inventif qui sont l’indice certain du héros mythique et des tragédies réelles par lui incarnées. Bonnimenteur de foire, Poujade n’a pas les pouvoirs du sorcier nazi : aux échos du magique « Deutchland über alles » il ne saura jamais répondre que par un très profane « passez la galette ».

Nous n’en concluons pas que le poujadisme est négligeable, encore moins dépourvu de signification. Que l’histoire de la bourgeoisie française rabatte son vol si près du sol et jusqu’à suivre les rigoles où s’entassent les ordures ménagères est tout au contraire plein d’enseignement. Comme nous y avons insisté, à plusieurs reprises dans cette Revue, la bourgeoisie française est l’une des moins conscientes. l’une des moins disciplinées du monde. l’une des moins capables de sacrifier l’intérêt immédiat d’une couche particulière à ses intérêts de classe dirigeante. (La guerre d’Indochine nous en a fourni une frappante illustration comme tout récemment la politique marocaine). La voici depuis des années face à des difficultés qui la dépassent : garder une place de premier rang dans le bloc occidental et appliquer un programme d’armement coûteux, définir de · nouvelles relations avec ses colonies oui s’émancipent une après l’autre, pallier une crise du logement qu’accentue encore la croissance de la natalité depuis la guerre, maintenir la paix sociale en donnant des miettes au proléariat et en lui garantissant ses conquêtes antérieures (sécurité sociale). Ces difficultés ne seraient solubles que si la France redevenait une puissance industrielle de premier plan (L’indépendance des colonies n’offrirait pas le même péril si elle ne signifiait pal !! la perte de marchés réservés au profit de concurrents mieux outillé). Insolubles, elles sont cependant inévitables : ni à l’intérieur ni à l’extérieur une politique de force n’est applicable. Notre bourgeoisie ne peut donc se mouvoir que dans l’entre-deux, pratiquer un empirisme aussi longtemps que possible efficace : et elle est favorisée par la conjoncture économique mon- diale. Mais tandis qu’une petite partie de ses représentants a une conscience aigu des tâches à accomplir ou plus exactement des replâtrages à effectuer au jour le jour, la majorité multiplie les expédients pour éviter les sacrifices.
Entre ces deux tendances il n’y a qu’une différence de degré (non de nature) : elle est cependant d’importance et explique la naissance du poujadisme.
Quels que soient sa volonté d’immobilisme, ses rêves de grandeur coloniale, son obstination à préserver la betterave, la bourgeoisie de Bidault, de Faure et de Pinay ne peut esquiver les problèmes les plus urgents : payer une armée, payer des logements, négocier en fin de compte avec Ho Chi Minh et le sultan du Maroc et, tout en conservant les privilèges des bouilleurs de
crû, voter des impôts. Le divorce de ce qu’elle prétend représenter et de ce qu’elle représente effectivement ouvre la voie à la fureur d’une partie de sa clientèle jugeant à bon droit trahis les intérêts sacrés de l’épicerie française.
Dans cette perspective, le poujadisme apparaît comme l’exact complémentaire du mendésisme. Chacun tire en un sens opposé, mais leur couple figure la contradiction du capitalisme français qui ne peut survivre que grâce à un effort continu d’industrialisation et de modernisation mais est embourbé dans des structures archaïques.

Remarque qui nous impose une seconde conclusion. Les contradictions de la situation réapparaissent au sein du mendésisme et du poujadisme. Mendès se présente comme l’homme d’un capitalisme « révolutionnaire », se fait le champion des réformes structurelles ; en fait son plan économique ne propose aucun bouleversement, son programme se situe bien en deca de celui du travaillisme anglais et l’on a vu, lors de son passage au pouvoir, l’inefficacité de la sa politique économique et sociale. Mendès est l’avant-garde d’une bourgeoisie qui traîne avec elle des millions de petits cultivateurs, de commerçants et d’artisans. Poujade, de son côté, ne peut esquiver, en dépit de sa démagogie, les problèmes généraux qui ne cadrent pas avec les solutions des bistrots et des épiciers. Ses talents de bonimenteur ne lui permettent pas de « placer » à la fois une politique de force en Algérie et une réduction de l’impôt. Ainsi s’expliquent ses hésitations. ses volte-faces et ses déchirements, ses hurlements au Vel’ d’Hiv, sa modération devant la presse étrangère, son nationalisme dans les colonnes de Fraternité française et sa défense exclusive de la boutique. Tout étonné de se découvrir deux âmes, depuis son succès, le voici initié déjà aux déchirements de la vie intérieure et donnant le spectacle de la maturité en regard de son ami Pierre Dupont qui garde encore l’innocence de ses bestiaux. Nul doute que les limites du développement du poujadisme ne soient inscrites dans cette situation tyranniquement objective et qu’à les considérer on ne gagne davantage qu’à lui prêter une cohérence qu’il n’a pas. Mais bien sûr, on n’en saurait conclure qu’il ne fera pas de bruit : l’homme a de la voix.

Claude MONTAL.

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