dimanche 11 mai 2014
Samedi 10 mai, plus de 20.000 manifestants sont descendus dans les rues de Turin derrière une banderole affirmant « Nous sommes tous coupables de résister ». Cette manifestation avait été appelée pour exprimer la solidarité avec les 4 inculpés de l’attaque du chantier NoTAV, il y a un an, dans la vallée de Susa. Des trains et des centaines de voitures de nombreuses villes du nord de l’Italie, mais aussi plusieurs bus en provenance de Rome et de nombreux représentants de tous les grands mouvements de lutte du pays ont convergé dans la capitale piémontaise à quelques jours de l’ouverture du procès « anti-terroriste » le jeudi 22 mai.
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22 mai 2014 : Ouverture du procès anti-terroriste contre le mouvement NoTAV
Rêver le futur où le maître mot est « connexion », fluidité partout, un avenir d’ubiquité absurde, un bonheur de bonhomme en cartons pâtes, la vie « soft » revendiquée depuis l’intérieur d’un TGV high tech. Nos rêves et notre présent se racontent autrement. Notre réalité n’est pas une publicité pour une marque de bagnole, la réalité est moins « soft ».
Les journées de batailles dans la boue du bocage nantais ou dans la forêt de la vallée italienne, les cordons de flics protégeant les chantiers, les blessés, les victoires communes, les perquisitions, arrestations et procédures antiterroristes, sont cet envers qui vient percer le décor.
Cela fait une vingtaine d’année qu’une lutte s’est engagée dans une vallée d’Italie autour d’un projet de construction d’une ligne de train à grandes vitesse. On appelle ceux qui s’y battent les NO TAV. Ce mouvement recouvre des formes multiples, attaques en masse ou en petit groupe du chantier de jour comme de nuit, harcèlement de la police ou des entreprises impliquées dans le projet, dépôt de recours pour ralentir la construction, pique-nique, manifestations massives dans la vallée ou dans toute l’Italie, sabotage assumé comme pratique du mouvement. C’est un mouvement qui gagne par son acharnement et sa détermination, commune à. toutes ces composantes.
Dans la nuit du 13 au 14 mai 2013, c’est une bonne trentaine de personnes qui ont attaqué le chantier de Chiomonte, où un compresseur ainsi que quelques câbles électriques sont incendiés et ce qu’il s’y trouve comme début de chantier est saboté. En décembre quatre personnes ont été arrêtées dans le cadre d’une procédure anti-terroriste, accusées d’avoir participé à cette attaque. Depuis elles sont en prison sous un régime spécial et si les chefs d’inculpation délirants d’« acte de terrorisme à l’aide d’engins pouvant entraîner la mort ou explosifs, dégradations par voie d’incendie, violence contre agents de police, détention et transport d’armes de guerre », ne sont pas modifiés, elles risquent une vingtaine d’années de prison minimum. Il n’y a rien d’anodin à ce que des procédures d’exception se déploient sur les NOTAV. Terroriste est la forme employée pour condamner l’irréductibilité d’une lutte. Ainsi on transforme une bande qui s’organise en « Association » en vue d’une « Entreprise », puisqu’il faut bien un langage spécifique, puis des peines spécifiques avec des régimes spéciaux pour encadrer, circonscrire et surtout frapper la détermination qui se répand avec la lutte.
L’anti-terrorisme est une technique contre-insurrectionnelle et donc une manière de gouverner, de maintenir l’ordre des choses.
Lutter contre un projet d’infrastructure que ce soit un aéroport ou le passage d’une ligne de train à grande vitesse, au fond c’est lutter contre une logique de rationalité qu’elle soit économique ou affective.
D’un côté, on nous dit que ces projets sont inutiles, de l’autre, nous disons que c’est bien la rationalité utile de ces projets qui nous semble le plus insupportable puisque se répandant partout, du repas de famille, de l’école au bureau, qu’avoir des projets, utiles en plus, c’est ce qui fera valeur. Si on regarde de plus près, ce à quoi l’on tient en vérité, est profondément inutile, n’est pas quantifiable, valorisable, interchangeable.
Le 22 mai 2014 s’ouvrira en Italie le procès de Chiara, Claudio, Niccolò et Mattia, les quatre inculpés de l’attaque du chantier.
Ceci est donc un appel à ce qu’autour de cette date en France se diffusent, se répandent des gestes comme prolongation du NOTAV : prendre la rue depuis nos villes et nos complicités locales, bloquer les flux, organiser des soirées... Parce que derrière chaque procédure anti-terroriste il y a une histoire commune, c’est une affaire commune.
Nous voulons bien plus qu’une pause de connexion, nous voulons arrêter de fonctionner.
Là où ils veulent connecter la moindre surface de la terre en construisant des lignes de train ou des aéroports, nous montrerons que nos liens sont ailleurs et que nos fragments de lutte contiennent un monde souterrain.
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