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Les cheminots maliens meurent. Ne laissons pas faire !

samedi 23 février 2019, par OCL Paris

Ce qui se passe avec les cheminots maliens est symptomatique de la situation du pays à plusieurs titres.
Déjà, il faut savoir que c’est la seule ligne de chemin de fer du pays, et que dès la privatisation le transport de voyageurs a été supprimé. A l’époque, il n’y avait pas de route pour desservir Kayes depuis Bamako. Or Kayes a une grande importance économique du fait que c’est la plus grande ville de la région qui a le plus fort taux d’émigration vers la France. Depuis plusieurs années, il y a une route, mais elle ne dessert pas forcément les villages qui étaient au bord de la voie ferrée. Le reste de cette catastrophe est bien décrit dans l’appel.
Ensuite, pourquoi les cheminots maliens n’ont pas été payés alors que les cheminots sénégalais l’ont été ? Pour les Maliens la réponse ne fait aucun doute : à cause de la corruption à grande échelle de leur gouvernement.
Il faut comprendre que la colère sociale gronde depuis un moment au Mali. Un article était paru en novembre 2017 sur le mouvement dirigé par Ras Bath. Ca continue, et beaucoup de choses se sont passées entre-temps. Notamment, il y a eu des élections présidentielles qui ont reconduit le président sortant Ibrahim Boubakar Keita (IBK pour les Maliens), résultat reconnu par la France avant même sa proclamation officielle, résultat qui a été fortement contesté sur place, preuves de fraudes à l’appui, avec toute une série de manifestations pendant longtemps. Non seulement le « terrorisme » n’a pas été éradiqué, mais la guerre ne fait que s’étendre et se complexifier. D’une part, la France (avec l’Algérie) continue de jouer son petit jeu avec les touaregs et c’est aussi pour l’application de ses accords de paix majoritairement rejetés par la population malienne qu’elle a forcé la réelection d’IBK. Le terrorisme est avant une affaire de banditisme (pas du banditisme d’honneur, hein, des trafics internationaux) dans des régions laissées totalement à l’abandon. S’y mêlent progressivement des affaires complexes où certains groupes ethniques pensent que l’étiquette de djihadiste peut les protéger, d’autres faisant le pari inverse, avec des attaques meurtrières qu’on fait parfois faussement passer pour des règlements de compte inter-ethniques, mais avec pour résultat de vrais règlements de compte inter-ethniques. Notamment, les peuls (groupe le plus important vers le nord) sont tour à tour victimes de sanctions collectives car soupçonnés de djihadisme et rackettés par les djihadistes. Dans la colère actuelle, il y a le sort de la masse des peuls réfugiés à Bamako dans un abandon et une misère totales.
Ce qui cristallise la colère, c’est la corruption à grande échelle, corruption qui a un rapport avec ce qui précède. Alors que le président s’est offert un jet privé avec l’aide militaire, les soldats sont très peu armés, très mal nourris, au point de provoquer des désertions. Les généraux, eux, sont recrutés par piston et ne quittent pas les grandes villes du sud du pays. Des affaires retentissantes de corruption d’imans sont également dénoncées.
Il est très difficile de savoir d’ici ce qui se passe réellement là-bas. L’information est monopolisée par la voix de la France, RFI et France 24. La presse malienne n’est pas fiable. L’essentiel de l’information circule par le biais des réseaux sociaux, avec beaucoup de rumeurs difficilement vérifiables, et en bambara. Espérons que cet appel contribuera au moins à ce que ce que subit le peuple malien en conséquences des petits jeux des grandes puissances sorte du silence, de même que les combats qui sont menés.


{{Les cheminots maliens meurent. Ne laissons pas faire !

Depuis le 18 décembre, bientôt deux mois, des dizaines de cheminots maliens ont lancé une action de grève de la faim. Pourquoi mettent-ils leur vie en jeu ? Pourquoi plusieurs d’entre eux sont morts ? Parce qu’ils sont privés de salaire par l’Etat malien depuis presqu’un an !

Depuis le début de ce mouvement, 6 grévistes sont décédés  : Moussa Sissoko, conducteur de draisine à Kita ; Siaka Sidibe, conducteur de train à Toukouto ; Seydou Sidibe, aiguilleur à Kayes ; Sekouba Bagayoko, chef de section à Bamako ; Mariam Doumbia, agent de santé à Bamako ; Mohamady Sissoko, de Kita. Des nouveaux nés, des épouses de cheminots sont aussi décédées, faute de soins parce que les cheminots n’ont plus un sou. Plusieurs familles ont été expulsées de leur logement : elles ne pouvaient plus payer de loyer, faute de revenu depuis des mois. D’autres cheminots en grève de la faim sont hospitalisés dans des états graves : Souleymane Bagayoko, Souleymane Monson Traore, Sekou Keita, Bolidiandian Keita, Mathurin Keita, Sekouba Niare, Abdoulaye Diarra, Bassirou Diakite…
Le 23 janvier, l’Etat a payé par virement aux banques 2 mois de salaire. Celles-ci ont tout absorbé, au vu des « dettes » accumulées par nos camarades. Hier, le paiement de 3 autres mois a été promis pour jeudi 21 février. C’est 11 mois de salaire que l’Etat doit aux cheminots !
Au Mali et au Sénégal, la privatisation du chemin de fer a été une catastrophe. Comme dans bien d’autres régions du monde, des organisations syndicales, associatives et politiques avaient alerté sur les conséquences à venir. Les pouvoirs publics n’en n’ont pas tenu compte, et plusieurs cheminots ont été réprimés pour avoir dit la vérité. La privatisation a été nocive pour l’ensemble de la population : l’abandon de la ligne Dakar/Bamako a eu des conséquences dramatiques pour tous les villages alors laissés à l’abandon. Les cheminots, livrés à des repreneurs pressés de se faire de l’argent sur leur dos, ont aussi payé cher les choix politiques auxquels ils s’étaient opposés.
Le bilan fut tellement exécrable que les gouvernements sénégalais et maliens, qui avaient décidé la privatisation, ont résilié la convention avec Advens en 2015. Il y avait 22 locomotives en 2003, en 2015 il n’en restait que 3. L’ensemble des infrastructures a souffert d’un énorme déficit d’entretien ; ne parlons même pas de rénovation et modernisation !
Depuis 2015, bien des problèmes demeurent. Un engagement a été pris par les ministres des transports des deux pays, le 7 décembre 2015 : « Les Etats du Mali et du Sénégal informent que toutes les dispositions nécessaires sont prises pour assurer la continuité des activités sur la ligne ferroviaire Dakar-Bamako. De même, les mesures adéquates ont été prises pour préserver les emplois des travailleurs et payer régulièrement les salaires pendant toute la phase transitoire. » Si cela se passe correctement du côté sénégalais, il n’en n’est pas de même au Mali. Cela fait onze mois que les cheminots maliens ne sont pas payés ! Malgré les interventions répétées du syndicat SYTRAIL/UNTM, le gouvernement n’a tenu aucun engagement. Depuis le 18 décembre, plusieurs dizaines d’entre eux ont entamé une grève de la faim.
Les organisations signataires soutiennent les cheminots maliens, qui ne font que réclamer leurs salaires impayés depuis onze mois, et pour cela ont mis leur vie en jeu ! Nous rendons hommage à celles et ceux qui sont décédés, nous présentons nos condoléances à leurs proche et saluons le courage de toutes et tous.
Il faut que cesse cette tragédie ! L’Etat malien doit régler sans délai les salaires dus. La reprise pleine et entière du trafic ferroviaire sur la ligne Dakar/Bamako est aussi une nécessité !

Organisations signataires au 19 février 2019 : Réseau syndical international de solidarité et de luttes ; Réseau Rail Sans Frontière ; Union syndicale Solidaires ; Fédération des syndicats SUD-Rail ; CEDETIM-IPAM ; Europe solidaire sans frontières ; No-Vox ; Sortir du colonialisme ; Alternative Libertaire ; Ecologie sociale ; Parti communiste des ouvriers de France ; Nouveau parti anticapitaliste.

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