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Grève générale à Lebrija (Andalousie)

lundi 23 février 2009

Comme il était prévisible, la municipalité de gauche (PSOE et IU) n’a pas répondu à la demande de la population qui, à trois reprises, est descendue dans la rue pour demander la création d’une Bourse du travail transparente, sous contrôle d’un comité d’habitants et du syndicat CNT (anarcho-syndicaliste) et une juste répartition du travail censé être créé par les mesures économiques « anti-crise » décidées à Madrid par le gouvernement Zapatero.

Le 18 février dernier, a donc eu lieu une grève générale dans cette localité andalouse de 26000 habitants. D’après le porte-parole de la CNT, seul syndicat appelant à la grève, Victoriano Vela, celle-ci a été suivie à 90%, chiffre confirmé par la Police locale d’après le quotidien El Confidencial.
Le mouvement a été général : grandes surfaces, agences bancaires, entreprises de services, secteur de la construction, jusqu’aux kiosques, boulangeries, cafétérias, petits commerces… tous fermés ! Seuls quelques bars et une station service sont restées en activité.
Une manifestation de 1500 personnes s’est formée en direction du Mercadona, seul supermarché demeuré ouvert sous haute protection policière par la volonté de la municipalité d’en faire un enjeu contre la grève. Ensuite, les manifestants décidèrent de repartir dans l’autre sens et de se diriger vers la mairie afin de montrer leur colère contre l’équipe municipale, relais local du gouvernement espagnol.
Jusqu’à 21 heures, un piquet d’une centaine de personnes est resté aux abords du supermarché resté ouvert grâce à la présence policière.

Au cours de cette journée, le gérant d’une superette explique qu’il a fermé son commerce pour appuyer la grève afin que « l’argent qui arrive soit partagé de manière équitable et qu’il serve à ce qu’il y ait du travail ».
D’après un conseiller municipal du PP (opposition de droite) la municipalité devrait recevoir au moins 5 millions d’euros du gouvernement central pour les travaux publics (construction d’un parking) et des emplois municipaux temporaires. Tout l’enjeu de cette lutte est d’en finir avec le favoritisme, les emplois réservés à ceux qui ont la carte d’un parti ou syndicat de gauche.
Si le PP et le Parti Andaluciste (opposition municipale) ont déclaré soutenir la grève pour des raisons d’opportunité très politicienne, les petits patrons qui lors des précédentes manifestations avaient fait mine de soutenir le mouvement, se sont bien évidemment rallié au front anti-grève.

Partis et syndicats de gauche contre la grève

La municipalité a décidé de mener une intense campagne contre la grève dans un véritable déchaînement de mensonges, de criminalisation, de lynchage contre les initiateurs du mouvement.
Par un déploiement policier sans précédent qui a créé un climat de tension, de harcèlement contre les grévistes tout le long de la journée. Guardia Civil et police locale postées à toutes les entrées de la ville, patrouilles permanentes, contrôles des piquets de grève, protection du seul supermarché ouvert…

Elle a pu compter sur les forces politiques et sociales qui la soutiennent. Et d’un silence médiatique quasi parfait.
Localement, l’association des parents d’élèves a lancé un appel contre la grève et « à la responsabilité de tous les parents afin qu’ils emmènent leurs enfants à l’école comme une journée normale car beaucoup travaillent en dehors de la commune et n’ont personne à qui confier la garde des enfants ».
Dans la ville de Lebrija, les organisations PSOE, IU, CCOO, UGT… ont multiplié les appels contre la grève et ses organisateurs. IU qui est l’organisation la plus « à gauche » s’est distinguée en allant le plus loin dans la campagne de dénonciation de la grève et a lancé « un appel à la responsabilité de tous pour que la journée de mercredi se déroule dans la normalité la plus absolue, en respectant le droit au travail et le libre exercice de leurs activités les citoyens et citoyennes de Lebrija qui gagnent par leurs effort leur pain et celui de toute la famille ». Dans la journée, c’est de ce secteur qu’ont été lancée les attaques les plus féroces contre les organisateurs de la grève, appelant à ce que la Guardia Civil « contrôle » les piquets…
Pour le responsable des CCOO cité par un journal local proche de la municipalité, « une grève locale dans une ville ne fait que dévier l’attention sur l’origine du problème. Si nous devons aller à la grève générale, nous irons mais ensemble, pas seulement une petite ville ». Il rappelle que son syndicat participe à différentes commissions d’embauche, que ce soit au Service andalou de l’emploi ou à celui de la municipalité de Lebrija et que cela suffit pour « garantir » la clarté dans le fonctionnement de ces organismes. Pour Felipe Pereira de l’UGT, tout au long de leur histoire, CCOO et UGT « ont travaillé et solutionné les problèmes de beaucoup de camarades » et d’ajouter qu’ « en des temps obscurs naissent de faux prophètes ».

Pour la presse, c’est plus simple. Soit la grève n’a pas eu lieu car elle n’a pas fait l’objet du moindre article, soit elle a été un échec car les manifestants n’étaient que 150 (!) et tout s’est passé normalement…
Pour la CNT de Lebrija, le bilan est tout autre.
Cette grève a été un succès. C’est la première grève générale contre le crise capitaliste dans l’Etat espagnol, même si elle s’est déroulée à une échelle locale.
Retour au local justement : c’est aussi la première grève générale dans l’histoire de Lebrija, avec notamment la fermeture des grandes surfaces, objectif qui n’avait jamais été atteint même par le secteur historiquement combatif des agriculteurs. Une lutte contre le caciquisme, les notables, toute une camarilla de petits bureaucrates, de professionnels du syndicalisme jaune, tout un système de petits arrangements entre amis, de partage du pouvoir et de ses avantages à quelques uns…

Le blocus total de la presse et la réaction des forces politiques et syndicales de gauche est le signe de la panique qui s’empare des différents pouvoirs devant les capacités de lutte et de transformation que le peuple peut acquérir et exercer directement comme cela se passe à Lebrija. Le blocus médiatique n’a pas atteint ses objectifs car toute la population de la commune sait à quoi s’en tenir sur ce qui s’est passé. La seule conséquence a été pour les organisateurs de la grève (CNT et Comité des Citoyens) de redoubler d’efforts, des diffuser des milliers de tracts, d’affiches, des multiplier les contacts dans les entreprises… Sue la réaction des forces organisées, Victoriano Vela de la CNT note que « le plus dur est de voir confirmée la soumission totale vis-à-vis du PSOE dans laquelle se trouvent beaucoup de collectifs et d’organisations, quelque chose qu’on arrive pas à comprendre, c’est terrible ».
Si la grève a été un succès dans ce qu’elle a démontré de la détermination des habitants de cette commune, bastion historique de la gauche, elle n’a pour l’heure rien obtenu sur la revendication principale : une bourse du travail contrôlée par le Comité des Citoyens de Lebrija (composé majoritairement par des chômeurs) et la CNT en lieu et place d’un bureau d’embauche de la municipalité socialiste dans laquelle n’interviennent que les « amis » des CCOO et UGT. Et, au-delà de cette bourse, la fin des licenciements, des heures supplémentaires, une juste répartition du travail.
En toute logique, lutte continue donc…

ça bouge ailleurs...

D’autre part, à Martin de la Jarra, petite ville de 2000 habitants, également de la province de Seville, des ouvriers constitués en assemblée se sont enfermés dans la Mairie pour demander la création d’une commission municipale pour l’administration des fonds publics que vont fournir la communauté autonome d’Andalousie et le gouvernement et que dans cette commission soient représenté les partis politiques, les syndicats et une commission d’ouvriers au chômage.
Les ouvriers exigent également la transparence absolue aussi bien dans les contrats avec les entreprises que pour les embauches en donnant la priorité aux projets qui créent le plus d’emploi et donnent la possibilité de futures embauches.
L’Assemblée des chômeurs appelle à une "cacerolada" (concert de casseroles) devant la Mairie en appui à l’occupation. L’Assemblée des chômeurs qui se déclare indépendante des partis et associations proteste parce que la municipalité veut destiner les fonds du gouvernement de plan "anti-crise" à la réalisation de travaux d’envergure, ce qui obligera à les sous-traiter à de grandes entreprises et non à l’embauche des chômeurs de la localité.
Ils demandent "la clarté dans les embauches et que soit favorisé le travail des résidents" de cette localité.

Le 21-02-2009

Sigles  :
PSOE : Parti socialiste, au pouvoir à Madrid (Etat espagnol), à Seville (gouvernement autonome d’Andalousie), et à la tête de la municipalité de Lebrija.
IU : Gauche Unie. Petite coalition politique créée à l’origine par le PCE et des socialistes « indépendants » avec la participation active de divers groupes d’extrème-gauche trotskistes. IU connaît depuis des années une crise permanente, revers électoraux, perte d’influence dans les syndicats, avec hémorragie de militants, de cadres… Récemment, les groupes d’extrème-gauche ont quitté le navire et tentent de former une force « anticapitaliste » sur le modèle du NPA de France. IU ne participe pas au gouvernement à Madrid mais s’allie avec le PSOE dans les régions et les municipalités.
CCOO : Commissions Ouvrières. Syndicat longtemps dirigé par le PCE. Aujourd’hui les sociaux-démocrates y sont majoritaires, le PCE gardant quelque influence dans certains secteurs.
UGT : Union Générale des Travailleurs, syndicat socialiste.

Sources :
El Confidencial, Kaosenlared, La Haine, Rebelion, ADN.es

Voir en ligne : Une ville d’Andalousie se mobilise contre le chômage

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