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Rome, sportivement contre l’austérité (m-à-j du 15/04)

lundi 14 avril 2014

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Samedi 12 avril, entre 20 et 30 000 personnes se sont rassemblées à Rome et ont participé à la première manifestation contre la politique d’austérité, la flexibilité, la précarité et la criminalisation des mouvements de lutte, notamment ceux pour le droit au logement, du gouvernement Renzi : le ‟Jobs Act” (loi sur l’emploi, voir ici Italie - Réforme de l’emploi Renzi : flexibilité/précarité toute !) et le ‟Plan Logement” (décret du ministre Lupi), en particulier son article 5 qui est une véritable déclaration de guerre aux occupations et aux mouvements de lutte, parce qu’il retire la qualité de résidence aux squatters et leur interdit l’accès et la connexion aux services publics de base comme l’eau, l’électricité, etc.[*]

Les bus en provenance de Padoue, Brescia, Bergame et Turin ont été arrêtés et fouillés intégralement aux entrées nord de la ville. Le rassemblement a commencé à remplir la place de la Porte Pia aux alentours de 13 heures. Parti un peu après 15h30, derrière une banderole de tête disant « Renversons le gouvernement Renzi, supprimons le décret Lupi et le Jobs Act » et avec des slogans comme « Notre plan logement : occupons tout ! », le cortège s’est dirigé vers les quartiers de la ‟city” romaine où se trouvent les sièges de banques, des multinationales, les ambassades et les ministères de l’Économie, du Travail et de la Politique sociale, de l’Industrie, etc. avec toutes les artères fermées et bloquées par des barrières, des véhicules de police et un déploiement de plus de 1600 policiers.

Sur ces ministères, ces ‟palais du pouvoir”, des ‟attaques” très symboliques se sont produites (jets pétards, de fumigènes, d’oranges, d’œufs sur les bâtiments et les flics) à mesure que la manifestation s’en approchait. Les choses se sont ensuite gâtées et vers 17 heures le cortège a été pratiquement arrêté par des charges frontales de la police contre la tête du cortège dans la célèbre via Vittorio Veneto et quelques rues voisines. Au moins 6 personnes ont été arrêtées à ce moment-là et il y a plusieurs blessés parmi les manifestants, dont au moins deux à la tête et un plus grièvement, avec la main arrachée : un travailleur ambulant de 47 ans, de nationalité péruvienne, partie prenante du mouvement romain d’occupation des logements.
Malgré la panique, le cortège a pu ensuite se recomposer mais difficilement et s’enfiler dans le tunnel Umberto I, puis retourner à la Porte Pia par un autre itinéraire qu’à l’aller.

XYZ, le 13 avril

(Mise à jour du 15/04 : nouveau texte - interview d’un des initiateurs de la manifestation - à la fin)

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[*] L’article 5 stipule en effet que « toute personne qui occupe illégalement un bien immobilier sans titre ne peut pas demander la résidence ni la connexion aux services publics en rapport avec ce même bien immobilier et les actes délivrés en violation de cette interdiction sont nuls à tous égards de la loi. »). Or, en Italie comme ailleurs, la notion de « résidence » est équivalent à celle de « droit » (droits et devoirs évidemment) en termes de citoyenneté très concrète (pour voter, inscrire ses enfants à l’école, faire appel à une assistance en matière de santé, demander des papiers si la personne est étrangère, etc…).

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Les mouvements ont assiégé le centre de Rome

Leonardo Bianchi

La mobilisation des mouvements antagonistes repart de la Porta Pia, l’endroit même où s’était terminée la manifestation du 19 octobre 2013. Pendant ces six mois, un gouvernement a sauté et Matteo Renzi a évincé Enrico Letta (qui donne maintenant un cours sur le « Europe et populisme » à Paris) par un coup de force à l’intérieur du PD ; mais les raisons de fond du mécontentement n’ont pas changées. Au contraire : avec l’ajout de la Loi sur l’emploi et du Plan Logement, elles vont probablement augmenter.

La journée du 12 avril 2014 s’est ouverte avec l’information de « 80 jeunes arrêtés par la police » à la Piazzale del Verano pour possession de bâtons et d’objets ‟dangereux”. Peu de temps après la sortie de cette dépêche d’agence, mais à partir d’un compte Twitter du mouvement, sort le démenti : les arrêtés « sont dans la rue avec nous ».

Le rassemblement à la Porta Pia, entre temps, se gonfle lentement. Le camion placé en tête de la manifestation retrace la semaine de turbulences à Rome (avec des occupations de bâtiments abandonnés et des évacuations) et explique les raisons de la protestation, la première révolte explicitement contre le gouvernement Renzi.

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La rue, dont la composition à ce moment-là est estimée à entre douze et vingt mille personnes, commence à avancer à trois heures et demi passées, un retard notable sur la feuille de route. Comme nous approchons de la Piazza Fiume, à ma droite, je vois une banderole du CRAC (comités de soutien à la résistance communiste) suspendue à un arbre. Le texte dit : « Le socialisme est l’avenir de l’humanité ».

Le cortège, contrôlé à vue par un impressionnant dispositif de forces de l’ordre, se faufile dans la Via Piave en criant « lutte dure, sans peur » et arrive dans la Via XX Settembre, où se trouve le siège du ministère de l’Économie, l’un des objectifs du ‟siège” de la dernière fois. Mais contrairement au 19 octobre 2013, le bâtiment n’est pas gardé par la police : pour le ‟protéger”, il n’y a qu’une sorte d’échafaudage en contreplaqué.

Les manifestants ‟sanctionnent” le palais avec un lancer nourri d’œufs et d’oranges. Pendant un moment, volent aussi des insultes, quelques ballons bouteilles d’eau en direction de journalistes qui s’étaient regroupés en bas du ministère pour récupérer les légumes tombés au sol.

Une fois dans la place Barberini pleine de touristes ignorants tout de la situation et estomaqués, on entre officiellement dans la Zone Chaude de la manifestation. Un groupe de manifestants se détache du gros du cortège et se dirige vers la Via Veneto pour ‟assiéger” le ministère du Travail. Le tronçon de rue (qui était prévu dans le plan initial du parcours en boucle) est barré par plusieurs véhicules blindés et un cordon de policiers en tenue anti-émeute.

Les manifestants jettent des œufs, des pétards et des bouteilles sur la police, qui dans un premier temps se borne à encaisser. À l’arrière, entre temps, des groupes de manifestants abaissent casquettes, lunettes et masques à gaz sur le visage ; beaucoup commencent également à porter des k-ways bleus, que jamais je n’avais vus dans une manifestation en Italie.

L’étrange arrêt dure une vingtaine de minutes. Je regarde autour de moi et je remarque qu’il n’y a pratiquement aucune possibilité de fuir, et les risques de l’entonnoir avec l’écrasement comme résultat sont assez élevés. Il y a un calme apparent, mais c’est une stase nerveuse, illusoire, incertaine. Cela ne dure que quelques secondes parce que brusquement l’atmosphère change.

La première ligne des manifestants avance de quelques mètres en intensifiant le lancement des objets : des fusées, des bombes de papier, des fumigènes et même des feux d’artifice sont jetés sur la police. Les forces de l’ordre réagissent avec des gaz lacrymogènes et une première charge plutôt violente qui rencontre peu de résistance de la part des manifestants.

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La rue recule, tangue, dérive dangereusement dans toute la Via Veneto, qui se vide rapidement sous les coups de la police. Les trottoirs sont complètement embouteillés, et de l’intérieur des hôtels, les touristes et les employés observent la scène. Les manifestants cagoulés tentent de resserrer les rangs, en vain, à la hauteur de la fin de la Via Veneto et de l’entrée de la Piazza Barberini.

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Le deuxième charge de la police, accompagnée d’un autre lancement de gaz lacrymogènes, déborde sur la Piazza Barberini et la Via del Tritone et ne laisse aucune échappatoire : tous sont anéantis, sans exclusion – les cagoulés, les manifestants pacifiques, les familles, les passants. C’est la panique la plus totale, la foule court en désordre, tangue, tousse et crie.

Je me couvre le visage pour atténuer les effets du gaz et en même temps je cherche à éviter d’être submergé par la foule. Devant moi, une dame d’âge moyen s’écroule à terre et est secourue par d’autres manifestants. Dans le chaos général, je tombe même sur une mère qui arrache littéralement son fils de sa poussette et se réfugie en larmes et avec la respiration haletante, dans une ruelle voisine peu de temps avant d’être écrasée par la cohue.

Pendant ce temps, derrière, les ‟tout en bleu” (déjà rebaptisés par la presse généraliste comme le ‟bloc bleu”) se déshabillent le long de la Via del Tritone et rejoignent avec difficulté le tunnel Umberto I. La police utilise les matraques sans aucun discernement, ouvrant des têtes et arrêtant toute personne qui se trouve à sa portée.
Plusieurs personnes tombent, sont prises par la police, sont renversées par la foule qui fuie et restent à terre, y compris un couple d’enfants qui est déjà devenu le symbole de la journée.
Je réussis à me réfugier in extremis dans une rue étroite (également occupée par la police) dans l’attente que les choses se calment. L’air est encore plein de gaz lacrymogène et de l’odeur âcre des fumigènes, et les sirènes des camionnettes de police et des ambulances se mêlent aux cris de la rue. Si celles-ci sont des « charges de désengorgement », comme elles ont été définies par le chef de la police Alessandro Pansa, je ne parviens vraiment pas à imaginer les conséquences que pourraient avoir une véritable charge.

Passée la vague de violence, je retourne Via del Tritone, qui en vingt longues minutes s’est transformé en un champ de bataille avec du sang, des chaussures, des foulards et divers objets éparpillés pêle-mêle sur l’asphalte. A ce moment-là, commence à circuler sur la place la rumeur selon laquelle ils auraient « arraché » – ou selon une seconde version – « amputé » la main d’un manifestant.
Ensuite, on apprendra que la victime est Juan Zabaleta, âgé de 47 ans, d’origine péruvienne, qu’il vit avec sa famille dans un bâtiment occupé dans la Via Prenestina. La blessure s’est produite sur la Via Veneto, au plus fort des combats ; probablement le manifestant lançait un pétard qui, dans la confusion, lui a éclaté dans la main, la lui réduisant en bouillie.

A partir de là, la manifestation est à peu près terminée. Le cortège se recompose sur la Via Nazionale – où se trouve la Banque d’Italie, une autre cible de la protestation – traverse la Piazza della Repubblica, passe à Castro Pretorio en bas de l’ambassade d’Allemagne protégée par trois énormes blindés de la police et s’écoule dans la Porta Pia, sous le monument du Bersagliere.

Il y a une certaine fatigue dans l’air, et les coups reçus sur la Via Veneto ont sans doute laissé leurs marques, et pas seulement physiques. Le bilan de la journée est lourd : les blessés se comptent par dizaines, que ce soit parmi les forces de l’ordre ou parmi les manifestants (dont un sévère) tandis que les détenus sont au moins au nombre de six. Comme l’a dit un militant des centres sociaux du nord-est : « les conflits sociaux font mal et font voir un autre pays. »

La vision de cet “autre pays” a provoqué une série de polémiques peu de temps après la fin de la manifestation. Certaines personnes ont exprimé leur consternation en voyant la Via Veneto, « l’une des rues de Rome les plus célèbres au monde », « violée et vandalisée ». Le ministre des Infrastructures, Maurizio Lupi, n’a pas mâché ses mots et a qualifié les manifestants de « criminels et délinquants » : « face à cette dernière manifestation à Rome, nous devons avoir le courage de dire que quiconque occupe illégalement une maison commet un délit ». Le maire de Rome, Ignazio Marino, a parlé d’une « violence qui n’est pas seulement physique, mais qui frappe l’ensemble de la ville. Le droit de manifester, surtout pour une question aussi importante et aussi dramatiquement actuelle que l’urgence en matière de logement ne peut pas être transformé en des actes comme ceux auxquels nous avons assisté dans le centre de Rome. »

Les critiques adressées au travail de la police n’ont pas manquées. Fiorenza Sarzanini du Corriere della Sera (pas exactement un journal extrémiste), a déclaré que « ce qui est déconcertant, c’est l’attitude de la police qui a permis que ces manifestants [...] restent plus d’un quart d’heure dans la Via Veneto [...] et ensuite les charge au lieu de les disperser. Une attitude incompréhensible, car il était évident que, dans un espace aussi étroit, avec des centaines de personnes amassées à ce moment-là en bas du ministère, cela pouvait finir de la pire façon. Et c’est en effet ainsi qu’il en a été ».

Pour le reste, les leaders de la contestation ont déclaré que le 12 avril n’est que « le début de la contestation du gouvernement Renzi », une contestation qui « doit croître » au cours des prochains mois. La promesse du mouvement, en effet, ne laisse pas de place au doute : le nouveau Premier ministre recevra en bas de chez lui d’autres visites indésirables, comme hier.

Le 13 avril 2014

Source : ici

Traduction : XYZ/OCLibertaire


Le #12A, les affrontements, le pays réel

Les mouvements qui se sont donné rendez-vous à Rome, en provenance de diverses expériences de lutte et de différentes parties de l’Italie, ont réalisé la première manifestation du printemps à l’attaque du gouvernement Renzi. Une manifestation de 30.000 personnes a traversé la ville et elle s’est dirigée vers les ministères responsables des politiques des coupes dans le welfare et des menaces de nouvelles attaques aux garanties minimales sur le travail pour la main d’œuvre précaire de notre pays, en adoptant sans peur des comportements en syntonie totale avec le ressenti commun de la majorité de la population italienne. Un cortège parti sous les bons auspices du Tango Down d’Anonymous contre le site Internet de Matteo Renzi ; et le nombre des participants, significatif, ne nous arrêteront pas, même pour un instant, dans la lutte quotidienne et ramifiée sur le territoire – la plus importante – par une pénétration réelle dans le tissus social du pays ; une pénétration que les mouvements pour le droit au logement, contre la destruction de l’environnement et les grands travaux, pour la réappropriation du temps et des espaces métropolitains, représentent mois après mois, lentement mais au final de manière concrète.

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L’évidence d’une disponibilité diffuse de la jeunesse à se mobiliser et à descendre dans la rue, comme en témoignent les nombreux cars arrivés ce matin dans la capitale, ne peut pas nous dispenser de réaffirmer combien la recherche d’étapes de vérification, et si possible d’attaques massifiées aux institutions, ne doivent ni ne peuvent céder à une quelconque tentation de ‟court-termisme” [ou d’‟immédiatisme”]. Mais la donnée que nous tenons à souligner est la continuité que cette mobilisation détermine, que ce soit sur le plan social ou politique : Rome, nous le savons maintenant, n’est plus une ville qui doit rester ‟intacte”, l’endroit où chaque rendez-vous national doit défiler de manière disciplinée et où les présages des préfets de la police de service doivent, de bonne ou de mauvaise grâce, être respectés. Encore une fois, les mouvements (les romains en particulier) ont su indiquer aux exploités et aux dépossédés de leur ville et de ce pays qu’il est possible de passer des mots aux actes, des défoulements de comptoir au projet ; et que le projet de ceux qui veulent le changement est toujours un projet d’attaque. Une attaque qui ne peut pas ne pas viser le centre institutionnel et politique représenté par le gouvernement. Une attaque qui, précisément parce qu’elle est politique, ne pourra que s’approfondir toujours plus à l’abri de possibles rapports de médiation.

Une attaque dans ce cas ‟velléitaire”, selon certains journalistes. Un ‟assaut”, celui au ministère du Travail (précédé par les lancements d’objets et de manifestations de colère contre d’autres ministères), qui a été empêché et endigué sans surprise par les forces de l’ordre, disent-ils (naturellement en faisant silence sur les habituels épisodes d’acharnement sur les personnes désarmées et qui étaient à terre : nous profitons de l’occasion pour apporter notre totale solidarité à tous les blessés et arrêtés). Nous le savons : nous ne sommes pas en mesure de mettre en déroute un dispositif énorme de policiers bien armés et d’envahir les palais. Malgré cela, il y a toujours ce désir futur auquel chacune de nos tentatives fait allusion ; briser les interdictions de la police est l’unique pratique concrète et immédiate en mesure de recomposer des sujets sociaux sur le plan de la mobilisation dans l’espace métropolitain contemporain ; et de ne pas le faire sur des tons de lamentations, peut-être bons pour légitimer une nouvelle liste aux européennes, ou pour contenter les niaises velléités para-syndicales de ceux qui pensent uniquement à placer de nouvelles cartes d’adhésion (*), mais en signalant que la partie dépossédée de ce pays est capable d’agir et se réunir pour agir. La subjectivité est en cours de formation et en devenir, et les rapports de force dans la rue ne doivent être conçus comme immuables et éternels. Il reste encore beaucoup à faire sur le terrain de l’autodéfense et de l’organisation dans la rue, mais la voie a été indiquée.

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Le système d’information mainstream a d’ailleurs su confectionner une fois de plus ses vérités, déjà écrites depuis la veille et recopiées de la précédente manifestation : la condamnation de la violence de rue et les obscurs petits groupes organisés qui prennent les manifestations en otage. Un disque rayé qui, de la Rai3 à Rete4, de La7 à SkyTg24, déverse une représentation comme toujours ridicule et fausse ; ce ne sont pas des ‟groupes” qui s’organisent : les mouvements savent s’organiser ! Et ils le feront, espérons-le, de mieux en mieux et de plus en plus avec le temps. Les rebelles avec les masques d’anonymous, avec les casques, les ‟bombe-carta” [sorte de pétards artisanaux] et peut-être même les molotovs plaisent d’ailleurs énormément s’ils sont immortalisés par les caméras lorsqu’ils attaquent des ministères et la police en Ukraine ou en Argentine ; ils plaisent un peu encore quand ils agissent en Turquie, moins quand ils apparaissent au Brésil ou en Grèce, mais pour ce ramassis d’hypocrites qui se cachent aujourd’hui sous le noble titre de ‟journalistes” (exception faite de ceux qui travaillent pour des organes et des plateformes indépendantes), ce qui ne doit jamais arriver, c’est que les mêmes pratiques qu’ils encensent à Kiev ou à Buenos Aires puisse se transformer, dans des formes et des contextes différents les uns des autres, en une authentique rage en Italie.

Un jeu de mensonges et de revirements intéressés si manifeste qui, nous le pensons, parvient de moins en moins à convaincre les lecteurs et téléspectateurs qui, grâce au choix d’objectifs politiques compréhensibles de notre part, tendent souvent (grâce aussi à l’aide de l’Internet) à se construire des narrations autonomes des événements. Des mensonges et des revirements journalistiques fabriqués en tandem avec la police qui traite les grands événements de protestation comme des annonces de l’apocalypse, en décrétant la perquisition des bus des manifestants et en les bloquant pour créer de la tension, en exerçant des pressions sur les commerçants pour qu’ils ferment leurs magasins le jour de la manifestation, en essayant de présenter l’assaut aux palais comme si c’était un assaut à la ville. Sur la même ligne que les flics, il y a des personnages pathétiques comme le maire de Rome, Marino [du Parti Démocrate, gauche] qui, plutôt que de se préoccuper de la dette que son institution continue à accumuler sur les dos de tous les Romains, s’abandonne à des commentaires sur la violence et sur les « dommages à la ville » qui montrent sa totale continuité culturelle – et donc substantielle – avec l’ancien maire Alemanno [du parti de Berlusconi, droite] (si jamais quelqu’un avait encore eu des doutes et certains, en effet – même à Rome – risquent de toujours en avoir).

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Nous savons que la violence n’est pas la tentative de prendre d’assaut un ministère, mais l’assaut des ministères à nos intérêts sociaux, à nos espoirs de libération et de changement, à nos vies concrètes. Tout ce que les rapports sociaux existants déterminent, défendus et imposés par la totalité de l’appareil institutionnel, est salubre seulement lorsqu’il est combattu. Tout le reste n’est que bavardages inutiles et rengaines hypocrites que, depuis longtemps, nous ne sommes plus disposés à écouter.

Infoaut

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[*] Une référence à une tendance affichée par certains syndicats de base, actuellement plus intéressés à montrer un grand nombre d’adhérents afin de s’opposer aux syndicats traditionnels que dans la mise en œuvre de politiques qualitatives d’antagonisme social et dans les entreprises dans l’objectif de renforcer davantage les luttes et la manifestation du #12A.

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Derrière la « guérilla urbaine » dont se délecte la presse…

Pendant la manifestation, certains manifestants ont dressé des ‟amendes” à des ministères en urinant devant. Les photos de ces ‟actions” ont été popularisées sur les réseaux sociaux avec les militants urinant pour protester devant le siège de certains ministères. Le groupe Cagne Sciolte [Les Chiennes Lâchées] a revendiqué l’action au ministère de la Santé avec une photo sur Twitter, pour la défense de la loi 194 sur l’avortement, accompagnée d’une banderole disant « Nous pissons sur votre conscience – Non à l’objection ! ». Une autre photo montre de dos des manifestants – des hommes cette fois – faisant pipi. Pas seulement des actions démonstratives mais aussi une protestation assaisonnée de slogans très durs contre le gouvernement et la précarité de l’emploi. Sur les banderoles on peut lire des phrases comme « Logement - Revenu - Dignité » ou « De l’Université à la métropole, assiégeons l’austérité et la précarité ». Et, affichés sur les murs, des tracts qui disent « Vous pouvez nous appeler Neet [acronyme anglais qui signifie ‟Not in Education, Employment or Training” – ni étudiant, ni employé, ni stagiaire –, ndlr], nous restons des précaires énervés ».

(Il Fatto Quotidiano – extrait)

Traduction : XYZ/OCLibertaire

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mise à jour 15 avril 2014

# 12 avril, Di Vetta : {« Une manifestation dure parce que les politiciens nous ont tout pris »}

Paolo Di Vetta, des mouvements pour le droit au logement, à RomaToday : « La participation insuffisante ? Il a manqué le syndicalisme de base et conflictuel. Évidemment 80 € de plus par mois [1] rendent plus acceptables certaines mesures ».

Interview d’Ylenia Sina pour RomaToday

« Un ‟assaut radical” contre des mesures » qui ont tout enlevé aux sans-logement et aux précaires. » Après les affrontements qui ont eu lieu au cours de la manifestation des mouvements de samedi, Paolo Di Vetta, leader du Mouvement pour le droit au logement fait le point de la situation et la mobilisation des mouvements.

Pouvez-vous nous livrer un bilan sur la mobilisation de samedi ?

La première donnée à mettre en évidence est la force des mouvements pour le droit au logement, qui ont fourni une grande contribution à la journée de samedi, que ce soit en termes de participation ou en termes qualitatifs dans les pratiques de conflit très dur. Deuxièmement, une évaluation positive devrait être avancée sur la façon dont les mouvements sociaux ont pu s’imbriquer entre eux dans la manifestation. Enfin, je voudrais faire une évaluation sur les pratiques mises en œuvre au cours de la manifestation.

Il y a eu des affrontements très durs.

L’assaut radical aux ministères est lié à la lourdeur des mesures prises par le gouvernement Renzi sur la vie des gens, à la fois sur le plan du logement et celui du travail. Et l’article 5 du décret Lupi, qui criminalise les occupations en coupant l’eau, l’électricité et en retirant la capacité d’obtenir la résidence, est éloquent. Sur la différence du nombre de manifestants par rapport à la manifestation du 19 octobre, nous n’avons pas approfondi la question. Le rendez-vous d’avril a été mis à l’ordre du jour sans qu’il y ait de grands événements pour l’appuyer, en dépit d’être un moment très important pour donner de la force aux différents processus de lutte qui sont ensemble dans cette trajectoire ayant comme perspective le sommet européen de juillet prochain sur le chômage des jeunes.

À propos de chiffres. Même si elle a été une journée de protestation très différente, s’il on devait faire une comparaison entre les chiffres de participation du 15 octobre 2011 et ceux de samedi, en passant par le rendez-vous du 19 octobre 2013, qu’est-ce qui a changé dans l’opposition sociale de ce pays ?

Avant tout, les chiffres de samedi premier ont souffert du report du sommet au mois de juillet, initialement prévu pour le printemps. En outre, il n’y a pas eu la présence du monde du travail garanti, en particulier avec les syndicats de base et conflictuels qui avaient déclenché une grève le 18 octobre et ensuite manifesté dans les rues le 19. Sur ce point, il est certainement nécessaire de vérifier les langages et les objectifs en vue des journées de mobilisation de juillet pour voir si l’on peut ouvrir un raisonnement commun plus large, non seulement du point de vue numérique mais aussi des secteurs sociaux sur le terrain.
Probablement le changement de gouvernement, en passant de celui de Letta à celui de Renzi, qui a changé la nomenclature de certaines dispositions et qui a promis plus d’argent sur la feuille de paie, rend plus acceptables certaines mesures. Le problème est qu’il y a des milliers de gens complètement coupés de ce discours, sans feuille de paie, sans garanties ni droits. Nous devons éviter de diviser les processus de lutte.

Aucune garantie sur le logement et l’emploi. Pouvons-nous dire que ceux qui descendent dans la rue sont ceux qui sont réellement touchés par la crise et les mesures mises en place ?

Il y a des migrants en première ligne pour le droit au logement et au revenu. Suivent les sans-abri, les expulsés mais aussi les nombreux travailleurs précaires. A cela s’ajoute la frustration des étudiants qui, après des années d’études, se rendent compte que ce pour quoi ils ont travaillé pendant une longue période ne va servir à rien. Une frustration qui se transforme en colère. Ce qui est descendu dans les rues, c’est un monde irréductible à la médiation de la vieille logique politique simplement parce que tout lui a été enlevé. Dans ce contexte, il n’y a pas de place pour la simulation du conflit, ni pour ceux qui pensent qu’ils peuvent représenter ces réalités dans l’optique d’une médiation.

Après la manifestation du 19 octobre, un espace de discussion s’était ouvert avec le ministre Lupi. Qu’est-ce qui a changé depuis ? Il semble avoir été pris un peu de recul...

Le gouvernement a fait un pas en avant en attaquant les mouvements pour le droit au logement. Le décret qui a été instauré ne fournit pas la moindre réponse pour ceux qui vivent dans l’urgence en matière de logement. L’attaque sur les occupations écrit : nous ferons tout ce qu’il faut nous y opposer en coupant l’eau, l’électricité et la résidence. Le décret-loi est conçu pour relancer le secteur du bâtiment et ne parle pas de la régénération urbaine et des logements vides, ni ne vient en aide à ceux qui sont sous la menace d’une expulsion. Lupi fait un désastre, conscient de le faire, pour défendre la propriété privée, les banques, avec des aides fiscales incitatives pour le bâtiment, les coopératives de la construction.

La semaine a débuté avec des occupations, des expulsions et un blitz très discuté au siège romain du groupe du Parti démocrate. Quelle est la situation dans la capitale ?

Le Parti démocrate est au gouvernement et soutient le décret Lupi. Il n’est pas possible que le sujet du droit au logement ne produise pas quelques contradictions internes dans cette ville où ont été réalisés quelques pas importants sur ce thème qui tenaient compte de la réalité de la crise. Le décret Lupi vient d’en haut et provoque une confusion totale. Le PD romain, y compris le maire, Marino, et son administration, doivent prendre la responsabilité de le mettre en pratique et de produire un désastre dans la ville. Ils doivent dire comment sont les choses. S’ils sont du côté des expulsions ou s’il y a un espace pour un dialogue. Le décret fait aussi sauter la résolution prise par la région sur l’urgence en matière de logement qui parle de la réutilisation de l’existant et reconnaît les occupations. Le blitz dans la Via delle Vergini servait à demander de la clarté.

L’avez-vous obtenue ?

Nous avons eu un dialogue avec certains membres qui semblaient prêts à ouvrir un débat. Le point est de comprendre si cette ouverture va se transformer en quelque chose de concret. Le 29 mai prochain, le décret sera adopté. Nous continuerons à nous battre et à pousser pour une solution réelle.

Quelles sont les prochaines mobilisations ?

Au niveau local, jeudi prochain, il y aura une manifestation organisée par la ‟Coordination citadine de la lutte pour le logement” à Magliana [2] avec les locataires menacés d’expulsion de logements sociaux des collectivités locales. Nous continuerons le 30 avril avec une assemblée nationale sur le décret Lupi en passant par une journée de rencontre à Florence la 5 mai avec le réseau ‟Habiter dans la crise” et la manifestation du 17 mai appelée par les mouvements pour la défense de l’eau publique et pour les biens communs. L’horizon de toutes ces initiatives est le sommet européen sur la précarité de la jeunesse à Turin dans lequel nous présenterons notre composition métisse et précaire.

Traduction : XYZ

Note de la traduction

[1] Renzi a promis de réduire les impôts de 1000 euros par an (environ 80 par mois) pour les personnes gagnant moins de 1500 euros par mois, selon le slogan « 10 milliards d’euros à 10 millions d’Italiens ». Évidemment, ces 10 milliards de recettes en moins dans le budget de l’État se traduiront par autant de coupes dans le welfare. Au-delà de ce tour de passe-passe, les mesures de Renzi visent clairement à briser les tentatives de convergence entre divers secteurs sociaux : plus de précarité et de flexibilité pour les emplois précaires (en particulier les jeunes) avec le Jobs Act, criminalisation des occupations de logements avec l’article 5 du décret Lupi, mais coup de pouce salarial pour les travailleurs ‟garantis”, ceux du moins qui ont un salaire régulier (en Italie, les impôts sont prélevés à la source et apparaissent sur la feuille de paie) et cela dès le mois de mai 2014 selon ce qui a été annoncé.
[2] Magliana Vecchia, quartier situé au sud-ouest du centre de Rome,

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