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Mumia Abu-Jamal : « Un Mandela aseptisé »

jeudi 2 janvier 2014

Par le prisonnier politique Mumia Abu-Jamal

Publié le 21 décembre 2013

Il est né Rolihlahla en juillet de1918, dans un pays où il n’était pas vraiment un citoyen, dans un pays appelé l’Union Sud-Africaine qui faisait partie de l’Empire britannique.
Le monde sera amené à le connaître comme Nelson, le nom que lui a donné un enseignant de l’école primaire : Nelson Mandela.
Enfin, après avoir vécu 95 années, Mandela est retourné à ses ancêtres.
Entre la naissance et la mort, il a tracé une vie stupéfiante, d’amour et de révolution, de lutte et de résistance, de prison et d’isolement, de liberté et maintenant de mort.

Á sa mort, les médias américains l’ont dépeint comme une sorte de leader africain des « droits civiques », peut-être un « Martin Luther King V », dans un halo de cheveux blancs. Un président américain a publié une déclaration déplorant sa « condamnation injustifiée ».
En fait, il est dangereusement fallacieux de faire de Mandela un ‟King” ou un ‟Malcolm”. Il n’était ni l’un ni l’autre.

Il était, lui-même, un avocat africain qui a utilisé tous les outils à sa disposition, légaux quand ce fut possible, illégaux quand ce fut nécessaire, pour résister à un système qui broyait les vies des Africains comme des coquilles de cacahuètes. Il était un révolutionnaire, un guérillero armé, le commandant d’une armée de guérilla – Umkhonto we Sizwe (la Lance de la Nation) de l’African National Congress (ANC).

Après 1948, le gouvernement sud-africain est devenu un instrument de terreur et de torture que seul un peuple paranoïaque comme les Boers d’Afrique du Sud pouvait réaliser. Sous la bannière du Parti national, le gouvernement a érigé la barrière odieuse de l’apartheid (« mise à part » en Afrikaans), qui a conduit la suprématie blanche et la subordination des Noirs à des niveaux vraiment déments et déshumanisants.

L’Afrique du Sud est devenue l’incarnation légalisée du racisme blanc et d’une oppression brutale et aveuglante, conçus principalement pour obtenir et exploiter le travail des Noirs au plus bas prix. À chaque occasion, ce système s’est efforcé de répandre l’humiliation, la douleur et la violence dans la vie des Africains. Il a corrompu toutes les facettes de la vie des Africains – l’économie, l’éducation, la santé, l’emploi et la famille – pour le bénéfice des Blancs.

Quand le Dr Nelson Mandela a été jeté en prison, ce fut après avoir été reconnu coupable de sabotages dans le cadre de ses activités paramilitaires, et il a été condamné à une peine à perpétuité.

Le mouvement grandissant contre l’apartheid et la campagne ultérieure pour le désinvestissement qui a contraint les institutions occidentales à retirer leur argent investi dans le régime de l’apartheid, a convaincu les principaux secteurs du pouvoir blanc de l’Afrique du Sud de s’asseoir à une table de négociations et de changer leur politique.

Ils l’ont fait à une condition importante : ils ont livré la machine politique du pays à l’African National Congress (ANC), mais ils ont retiré à l’économie tout contrôle politique.

Kwame Nkrumah, le premier président postcolonial du Ghana a dit une fois que « l’indépendance politique sans indépendance économique n’est qu’une illusion. » Cet adage de Nkrumah a été vérifié après l’indépendance de l’Afrique du Sud qui a ouvert aux Noirs la porte des postes électifs, mais leur a fermé la porte des grandes richesses du pays en les mettant dans des mains privées.

Le Dr Nelson Mandela a été embauché pour consolider cet état de choses, et aujourd’hui l’Afrique du Sud est l’un des pays les plus économiquement inégaux à la surface de la terre, seulement dépassé, peut-être, par les Etats-Unis.

Cela dit, ce qu’a fait Mandela a été d’amener une nation devenue notoirement un paria international et la transformer en une des nations les plus respectées au monde. Il a fermé la porte de l’histoire sur un pays qui semblait chercher à supplanter les nazis dans le racisme et la haine.

Un enfant né dans une famille royale d’une tribu africaine – dans un territoire revendiqué par l’Empire britannique, dans un pays où la race et la couleur de la peau donne droit aux privilèges ou à l’oppression – a ouvert la porte à une nation nouvelle lorsqu’il a quitté la maison de sa prison politique pour entrer dans celle de la présidence.

C’est la substance d’un grand drame, des rêves devenus réalité, des pertes épiques, de la douloureuse solitude, de faire les choses justes au bon moment.

Mon beau-frère et diplomate américain m’a dit une fois que l’Afrique du Sud a été le plus beau pays qu’il ait jamais vu, mais que sa politique et ses pratiques racistes en avaient fait l’un plus laids.

Le Dr Nelson Rolihlahla Mandela et le vaste mouvement international anti- apartheid ont aidé à ramener cette beauté.
Mandela a inspiré des millions de personnes à l’intérieur et hors de l’Afrique du Sud. Des millions de Blancs et d’Européens par ce qu’ils ont appelé « réconciliation », mais ce qu’ils voulaient dire était que lui et son gouvernement leur permettaient de conserver leurs terres et leurs profits mal acquis.

Les Africains ont reçu la fierté et le pouvoir politique ; les Blancs ont reçu la richesse, la terre et les privilèges économiques.
Encore une fois, les Noirs ont payé le prix de la « paix sociale » et d’un compromis politique.

L’apartheid a peut-être disparu, mais pas les privilèges.
Pour des millions de Sud-Africains, la longue marche vers la liberté est encore devant eux.

Depuis la nation emprisonnée, Mumia Abu-Jamal.

Audio enregistré par Noelle Hanrahan le 8 décembre 2013 : www.prisonradio.org

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Texte diffusé par Fatirah Litestar01@aol.com
Traduction XYZ / OCLibertaire


Mumia Abu-Jamal est en prison depuis le 9 décembre 1981, soit depuis 32 ans dont 30 dans l’enfer du couloir de la mort.

Son délit : être journaliste et militant de la cause de l’émancipation des Noirs aux Etats-Unis. Initialement condamné à la peine de mort, il subit actuellement celle de la mort lente qu’est l’incarcération à perpétuité sans possibilité de sortie conditionnelle. Des Blancs l’ont accusé d’avoir tué un Blanc, qui plus est policier, ce sont des Blancs qui l’ont jugé, des Blancs qui l’ont condamné, des Blancs qui allaient l’exécuter, des Blancs qui rejettent toute révision du procès et le surveillent sans relâche et veulent le voir mourir en prison.

Il a toujours clamé son innocence sans jamais pouvoir la défendre face au système politico-judiciaire raciste de son pays qui sait comme partout défendre les intérêts des puissants et des possédants. Arrêté et incarcéré à l’âge de 28 ans, il aura 60 ans le 24 avril 2014. Il publie régulièrement des textes et chroniques sur l’actualité états-unienne et internationale.

La campagne pour sa libération continue.


Informations sur Mumia.
Collectif français « Libérons Mumia » : http://www.mumiabujamal.com/site/in...

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