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Turquie : encore un manifestant tué au cours d’une manifestation

mercredi 11 septembre 2013

Un manifestant de 22 ans est mort au cours d’une des protestations ininterrompues liées aux manifestations du parc Gezi dans la province méridionale de Hatay, aurait après avoir été frappé à la tête par une grenade lacrymogène tirée par la police.

Ahmet Atakan est décédé aux alentours de 2 heures du matin, dans la nuit du 9 au 10 septembre dans le quartier chaud d’Armutlu à Antakya (Antioche) après avoir participé à une marche qui avait été appelée en solidarité avec les étudiants et les habitants d’Ankara qui résistent contre la construction d’une route à travers l’Université technique du Moyen-Orient (ODTÜ ), qui doit entrainer la destruction de 3000 arbres, ainsi que pour rendre hommage à Abdullah Cömert, un autre résident d’Armutlu qui a été tué par la police au début du mois de juin au début des protestations de Gezi.

Atakan aurait été touché par une grenade de gaz dans la tête par la police.

L’agence d’État Anadolu a cependant prétendu qu’elle avait des images montrant Atakan tomber et rouler sur le sol, ainsi que des séquences vidéos montrant des pierres et un réservoir d’eau jetés sur les véhicules de police depuis les toits.

Le 6ème manifestant tué cet été

Atakan est le sixième manifestant tué dans les manifestations anti-gouvernementales en Turquie cet été, après Abdullah Cömert (22 ans), Ali Ismail Korkmaz (19 ans), Ethem Sarısülük (26 ans), Mehmet Ayvalıtaş (20 ans) Medeni Yıldırım (18 ans). L’officier de police Mustafa Sarı également mort après être tombé d’un pont en poursuivant les manifestants à Adana.

Affrontements à Istanbul…

Le 9 septembre, la police s’est affrontée à un groupe de manifestants qui s’étaient rassemblés dans le quartier d’Okmeydanı d’Istanbul en soutien au jeune de 14 ans, Berkine Elvan, qui est dans le coma depuis la mi-juin, lorsqu’il il a été frappé par une grenade de gaz lacrymogènes par la police pendant les manifestations de Gezi.

Le groupe s’est réuni de nouveau dans la soirée dans Okmeydanı après que la police avait empêché, plus tôt dans la journée, les manifestants de marcher vers le palais de justice d’Istanbul à Çağlayan.

Les affrontements se sont poursuivis entre la police et les manifestants jusqu’à 22h30

Les manifestants exigent que les policiers en service le 16 juin qui ont blessé Elvan soient traduits en justice.

La police a d’abord prévenu les manifestants que la manifestation était illégale, puis a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser les gens après que quelques hommes masqués soient apparus dans les rues latérales pour jeter des cocktails Molotov et de pierres.

… et à Ankara

Les affrontements entre les manifestants et la police ont aussi eu lieu dans un certain nombre de quartiers à Ankara.

La police est intervenue avec des véhicules anti-émeute contre des manifestants qui avaient érigé des barricades.

Elvan n’était pas un manifestant, mais un spectateur qui a été attaqué après être sorti pour acheter du pain lors d’une intervention policière dans le quartier, qui est connue comme un bastion anti-gouvernemental.

Le 21 août, Amnesty International a lancé un appel demandant aux autorités turques de mener une enquête équitable pour déterminer quel est l’officier de police responsable d’avoir tiré la grenade lacrymogène qui a frappé Elvan.

Cinq personnes sont mortes et des milliers ont été blessés depuis que les manifestations de Gezi ont éclaté à la fin mai, lorsque municipalité métropolitaine d’Istanbul a tenté d’abattre des arbres dans le parc emblématique de Taksim, suscitant la colère à Istanbul et les autres villes du pays.

(source : Hürriyet)

Une autopsie préliminaire, dont les conclusions ont été rapportées par l’agence de presse Dogan, établit que la victime est morte d’« un traumatisme général » et d’« une hémorragie cérébrale ».

Des manifestation contre la guerre en Syrie

D’après des médias indépendants, la manifestation d’Antakya avait aussi pour but de protester contre la guerre en Syrie et les menaces d’interventions militaire soutenues activement par le gouvernement Erdoğan. L’un d’eux signale :

« En raison de la position géographique d’Antakya qui est une ville située près de la frontière de la Syrie, il y a beaucoup de soldats de l’Armée Syrienne Libre dans la ville, soldats qui sont connus pour déranger et menacer les personnes qui y vivent. Cette tension ne se limite pas à la présence des soldats de l’ALS dans la région, mais également à cause de la position d’Antakya, ville qui sera touchée directement par la possible guerre.

Les médias pro-gouvernementaux essaient de créer une image pro -Assad des manifestations Antakya alors que la plupart des déclarations faites par les manifestants affirment l’importance de la ‟paix” plutôt que l’existence de groupes favorables au régime d’Assad dans la zone. Les partis socialistes et de gauche organisent régulièrement des actions pour la paix et des rassemblements anti- guerre à Antakya, et la force de leur position politique dans la zone rend le gouvernement encore plus furieux à cause de son incapacité à contrôler ce qui se passe là-bas. »

« Le gouvernement devra rendre des comptes »

Dans la journée de mercredi, des manifestations se sont déroulées dans les principales villes. A Istanbul, un rassemblement, aux cris de « le gouvernement devra rendre des comptes » et « Taksim sera le cimetière du fascisme », a été dispersé par les gaz lacrymogènes de la police sur la place Taksim tandis que dans le quartier de Kadıköy, sur la rive asiatique de la ville, une autre manifestation a eu lieu.

La quantité de gaz lacrymogène balancée a atteint un niveau tel que le match de football entre la Turquie et la Suède (équipe des moins de 21 ans) qui se déroulait dans le quartier Kasımpaşa (stade Erdoğan), proche de la place Taksim, a dû être interrompu à plusieurs reprises.

La mort d’Ahmet Atakan porte à six le bilan des victimes la contestation depuis juin, auxquelles s’ajoutent plus de 8.000 blessés.
Les obsèques d’Ahmet Atakan ont été l’occasion de nouveaux heurts mardi à Antakya où la police a tenté de disperser avec du gaz lacrymogène et des canons à eau un millier de manifestants, selon l’agence Dogan. Des groupes de manifestants continuaient cependant de défier la police dans la soirée derrière des barricades de fortune et des poubelles et des pneus enflammés, a indiqué la chaîne d’information NTV. Des heurts étaient également rapportés dans plusieurs autres villes à travers tout le pays. (Hürriyet)

Le 11 septembre 2013

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  •   
    Depuis le début du mois [de septembre], l’opposition d’étudiants de l’Université Technique du Moyen-Orient d’Ankara (ODTÜ) au passage d’une route sur leur campus a pris un tournant national en Turquie
    Explications sur cette situation que certains comparent déjà à un “nouveau Gezi”.

      

    1. Le point de départ des manifestations

    La protestation débute en juin dernier à l’Université Technique du Moyen-Orient (ODTÜ) d’Ankara. En ligne de mire : un projet municipal prévoyant la construction d’une autoroute. Deux routes sont en réalité concernées mais une seule des deux pose problème. Le plan entrainerait un déboisement partiel du campus, soit l’abattage de près de 3.000 arbres selon les manifestants et l’administration de l’université, et entre 250 et 300 selon les autorités. Le campus d’ODTÜ, ainsi que son quartier, est l’un des plus verdoyant de la capitale. La multiplication des constructions ces dernières années à Ankara a entrainé une augmentation de la circulation automobile. Ce projet d’autoroute vise à désengorger le trafic mais la forêt d’ODTÜ est considérée comme une zone protégée par le ministère de la Culture depuis 1995. Cette classification protège le site et interdit en principe toute construction. Les travaux ont déjà commencé en dehors du site naturel. Le Conseil d’Etat a annulé le projet de construction de la seconde route le 4 septembre dernier.

    2. La propagation du mouvement

    Les protestations débutent en fin d’année universitaire. Gezi agite déjà Istanbul et Ankara suit le mouvement. Les étudiants d’ODTÜ réécrivent les slogans et se mobilisent contre l’arrêté municipal. De nombreuses échauffourées éclatent et les manifestations sont réprimées avec l’aide de canons à canon à eau et gaz lacrymogènes. L’été apaise la crise mais dès le 25 août, un groupe d’étudiants reprend la contestation. Ils organisent un camp et plantent leurs tentes sur le site en question, afin d’empêcher la construction de la route. Dès le lendemain, six bus anti-émeutes de la police investissent les lieux et font démonter les tentes. Des marches sont organisées devant le ministère de l’Environnement et de l’Urbanisme. Les manifestations s’amplifient jusqu’à prendre un tournant, le week-end dernier, lorsque des centaines de manifestants rejoignent les étudiants. Istanbul, Izmir et plusieurs grandes villes appellent à la mobilisation en soutien à l’université d’Ankara. Les protestataires sont dispersés à grand renfort de gaz lacrymogènes et canons à eau. Des dizaines de manifestants sont arrêtés.

    3. La réaction des autorités

    Fin juillet, le maire d’Ankara, Melih Gökçek, membre de l’AKP (Parti de la justice et du développement), fait savoir que plusieurs projets avaient été soumis à l’approbation de l’université. Le 27ème a été accepté. Le maire affirme que ce plan avait déjà été arrêté sous l’autorité de son prédécesseur à la mairie, avant 1993. “Ankara ne sera pas un deuxième Gezi” déclare l’édile le 30 août, tout en proposant de replanter 10.000 arbres dans une zone choisie par l’administration de l’ODTÜ. De son côté, le recteur de l’université, Ahmet Acar, déclare fin août, suite à la reprise du mouvement, qu’aucun chantier ne pourra être entrepris avant l’approbation du projet par le ministère de l’Environnement et de l’Urbanisme. Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdoğan, et le président, Abdullah Gül, n’ont pas encore réagi à la situation, sauf pour condamner des violences verbales prononcées à l’encontre de jeunes étudiantes voilées de l’université par un groupe de jeunes manifestants vendredi dernier.

    4. Un nouveau Gezi ?

    Comme Gezi, le mouvement démarre par une préoccupation environnementale et un projet d’urbanisation.
    Le décès hier d’Ahmet Atakan, 22 ans, en marge de manifestations à Antakya, dans le sud de la Turquie, pourrait réenclencher un mouvement jamais vraiment éteint, prédisent certains éditorialistes. Les autorités locales affirment que le jeune homme est tombé du toit d’un bâtiment lors des incidents alors qu’il répliquait avec des pierres à une intervention policière. Les opposants des grandes villes de Turquie ont appelé au rassemblement hier soir, à la mémoire de cette 6ème victime depuis le début des manifestations de juin. Les manifestations ont été dispersées par la police antiémeutes.

    Lola Monset (http://www.lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 11 septembre 2013

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    •   

      En Turquie, la contestation reprend de la vigueur

      LE MONDE | 13.09.2013 à 16h59 | Par Guillaume Perrier (Istanbul, correspondance)
        

      Les explosions de grenades assourdissantes, l’odeur du gaz qui envahit les petites rues, le vrombissement des hélicoptères et les sirènes des ambulances... Les environs de la place Taksim, au coeur de la ville d’Istanbul, ont, depuis mardi 10 septembre, un air de déjà-vu.

      Le vaste mouvement de protestation contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan né fin mai après une mobilisation pour sauver le parc Gezi de la voracité des bulldozers, a redémarré tambour battant. Les concerts de casseroles entrechoquées aux fenêtres pour soutenir les manifestants, résonnent de nouveau à 21 heures.
      Comme au printemps, l’avenue piétonne Istiklal a été noyée par la police antiémeute dans un nuage de gaz lacrymogène. Au point que le match de football entre les équipes espoirs de Turquie et de Suède, dans le stade Recep-Tayyip-Erdogan a dû être interrompu. Des dizaines de personnes ont été blessées par les tirs de grenades ou de balles en caoutchouc. Douze journalistes ont été victimes de violences, rapporte Reporters sans frontières.

      La mobilisation à travers le pays a été ravivée par la mort d’un manifestant, lundi soir, à Antioche, près de la frontière avec la Syrie. Selon le gouverneur, Ahmet Atakan, 22 ans, a succombé à une hémorragie cérébrale après être tombé du toit depuis lequel il caillassait la police. Des témoins affirment qu’il a été atteint à la tête par une cartouche de gaz lacrymogène tirée par un policier. C’est le sixième manifestant tué depuis fin mai, le deuxième à Antioche.

      Mardi soir, plusieurs députés d’opposition se sont joints à un sit-in, devant un cordon de policiers, pour rendre hommage à la victime. Des défilés ont animé Ankara, Izmir et une dizaine d’autres villes aux cris de "Taksim est partout". Comme en juin, les télévisions turques en ont très peu montré.

      DES MOTIVATIONS HÉTÉROCLITES

      Trois mois après l’occupation du parc Gezi et de la place Taksim, le vent de la révolte n’est pas retombé. Il a suffi qu’un fonctionnaire à la retraite repeigne en couleur les marches d’un escalier public de son quartier pour que les réseaux sociaux bruissent de nouveau de messages critiques ou ironiques contre le gouvernement turc. Dès le lendemain, les employés municipaux avaient recouvert l’escalier de peinture grise. Des dizaines d’autres arborent désormais les couleurs arc-en-ciel.
      La dérive autoritaire du pouvoir, qui avait fédéré contre lui des dizaines de milliers de personnes pendant plusieurs semaines, continue de relier des manifestants aux motivations hétéroclites. Une loi décriée restreignant la vente et la consommation d’alcool est entrée en vigueur, lundi. La contestation se nourrit aussi des appels du gouvernement à intervenir militairement contre le régime Assad en Syrie, auxquels s’oppose une majorité de Turcs, selon les sondages.

      De son côté, le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, tient les manifestations pour responsables de l’échec de la candidature d’Istanbul à l’organisation des Jeux olympiques en 2020 et attise la rancoeur chez ses partisans. "Les traîtres à la patrie de Gezi" sont la cible des messages incendiaires lancés par le maire d’Ankara, Melih Gökçek.
      M. Erdogan continue de blâmer "le lobby du taux d’intérêt" ou "la diaspora juive". Mais malgré ce revers olympique, Istanbul poursuit ses grands projets urbains, à l’origine du soulèvement de mai. Début septembre, plusieurs dizaines d’étudiants ont planté leurs tentes sur le campus de l’université technique du Moyen-Orient, à Ankara, pour s’opposer à un projet d’autoroute et à l’arrachage de milliers d’arbres. Comme en mai à Taksim, le campement a été brutalement dispersé par la police.


        

      En Turquie, le spectre de la place Taksim refait surface

      le Vendredi 13 Septembre 2013 à 20:13

      Par Lucas Roxo / France Info
        

      La Turquie est en proie à de nouvelles manifestations depuis lundi soir. La mort d’un protestataire lors de heurts avec la police a provoqué la colère de milliers de personnes, qui se sont une nouvelle fois mobilisés dans la nuit de mercredi à jeudi. Le spectre d’une reprise de la contestation entrevue place Taksim début juin réapparait.

      La mort d’un protestataire turc, lundi soir, a fait renaître de ses cendres le mouvement de la place Taksim. Deux versions, celles des manifestants et celle de la police, s’opposent : les premiers clament qu’Ahmet Atakan, un jeune de 22 ans, a été tué par les forces de l’ordre, alors que la police affirme qu’il est mort en tombant d’un toit duquel il lançait des pierres.

      Depuis lundi, plusieurs villes du pays connaissent leur lot de manifestations : Istanbul, Hatay, Ankara, Izmir... Chaque nuit, des milliers de Turcs descendent dans la rue pour protester contre la mort d’Ahmet Atakan et contre le gouvernement turc.
      "Nous protestons contre la mort d’Ahmet. Nous résisterons jusqu’à obtenir justice. Le gouvernement sait que nous ne lâcherons pas, c’est pour ça que la police est là", a déclaré un jeune protestataire à Kadiköy, un quartier d’Istanbul.

      Canons à eaux et gaz lacrymogènes

      Dans la nuit de mercredi à jeudi soir, les manifestants ont été particulièrement réprimés par les forces de l’ordre. La police anti-émeute turque a tenté de disperser des groupes de manifestants avec des canons à eaux et des tirs de gaz lacrymogènes. Soutenus par des véhicules blindés équipés de canons à eau, les policiers ont pourchassé jusque tard dans la nuit des groupes de protestataires dans le quartier stambouliote de Kadiköy, sur la rive asiatique du Bosphore.

      "AKP Assassin !"

      Selon la chaîne d’information CNN-Türk, la police a procédé à une vingtaine d’arrestations et plusieurs manifestants ont été blessés. Des manifestants qui criaient "AKP Assassin !" en référence au parti au pouvoir en Turquie.
      Il y a quelques jours, peu de temps avant l’annonce de la ville hôte des JO 2020, le ministre des Affaires européennes Egemen Bağış avait déclaré que "si Istanbul perdait, ce serait de la faute des manifestants", en faisant référence au mouvement de la place Taksim. Il ne se doutait sans doute pas que la jeunesse turque redescendrait dans la rue aussi vite.

      Par Lucas Roxo

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      • Turquie - Le malaise d’Erdogan 18 septembre 2013 13:59

        Des affrontements ont éclaté en Turquie entre des manifestants hostiles au gouvernement et à la police. Le gouvernement turc est mis à mal par la résurgence du mouvement de contestation qui avait éclaté en juin, ainsi que par la crise kurde.

        Maha Al-Cherbini
        18-09-2013

        Al-Ahram hebdo

        Depuis son arrivée au pouvoir en 2002, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, chef du Parti de la Justice et du développement (AKP), n’a jamais traversé une période aussi critique pour son avenir politique. Plus d’une décennie de réalisations économiques et de popularité sans précédent ont nourri une seule ambition chez Erdogan : briguer les présidentielles de 2014.

        Or, ce rêve a pris un coup suite à la vague de manifestations antigouvernementales sans précédent secouant le pays depuis juin. Des manifestations qui, après quelques semaines de répit, ont repris de plus belle. Ainsi, des affrontements ont éclaté cette semaine entre plusieurs milliers de manifestants et la police dans les grandes villes de Turquie pour dénoncer la mort d’un protestataire tué par la police la semaine dernière. Ce décès a entraîné une recrudescence des manifestations. Vendredi, pour le deuxième jour consécutif, la police est à nouveau intervenue à Istanbul pour disperser avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau des milliers de protestataires. Plusieurs manifestants ont été arrêtés et des dizaines ont été blessés. La répression policière était encore plus brutale à Izmir et à Ankara contre les manifestants qui scandaient « AKP assassin ! ». Ahmet Atakan, un jeune de 22 ans, a perdu la vie la semaine dernière à Antakya (près de la frontière syrienne) qui abrite une population cosmopolite, composée entre autres de Turcs, de Kurdes et d’Arabes, mais aussi sur le plan religieux de musulmans sunnites et alaouites, la minorité à laquelle appartient le président syrien, Bachar Al-Assad. Vendredi soir, un technicien de 35 ans a trouvé la mort sous les gaz lacrymogènes de la police à Istanbul. Celle-ci, rejetant toutes accusations, a annoncé samedi qu’une autopsie serait effectuée sur le corps de ce technicien pour déterminer les causes de son décès. « Cette personne ne se trouvait pas dans une zone où du gaz a été utilisé par nos forces », a assuré la direction générale de la sûreté.

        Une fois de plus donc, chaque étincelle se transforme en contestation globale contre la manière de gouverner du premier ministre. On lui reproche la répression policière à Istanbul, à Ankara ou à Izmir. On lui reproche également son autoritarisme et ses tentatives d’islamiser la Turquie. « Après avoir renforcé son pouvoir, Erdogan est devenu trop autoritaire. Il n’entend plus la voix des opposants. Il a tenté de restreindre les libertés individuelles et d’imposer sa vision islamique et conservatrice à la société », explique Dr Mustafa El-Labbad, directeur du centre Al-Charq pour les études régionales et stratégiques.

        Dilemme kurde

        En sus de toutes ces menaces, un autre facteur de poids vient perturber le sommeil d’Erdogan : la résurgence de la crise kurde. Les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont, en effet, annoncé la semaine dernière avoir interrompu le retrait de leurs troupes de Turquie, reprochant à Ankara de ne pas tenir ses promesses de réformes, dans le cadre des négociations de paix engagées le 21 mars à l’occasion du nouvel an kurde avec le chef emprisonné de la rébellion, Abdullah Öcalan. Il s’agit du premier gros accroc au processus de paix qui a ravivé l’espoir de mettre un terme à un conflit qui déchire depuis 30 ans la Turquie et a déjà causé la mort de 45 000 personnes. Les Kurdes ont encore durci le ton, vendredi, en appelant les familles kurdes à soutenir les manifestations et à boycotter la rentrée scolaire pour réclamer un enseignement en kurde. « Le combat du peuple pour la démocratie en Turquie et le combat du peuple kurde pour la liberté et la démocratie vont s’unir jusqu’à ce que l’AKP trouve une solution à la question kurde », a affirmé le PKK. Selon Dr Mustafa El-Labbad, les Kurdes se sont sentis « trompés par le pouvoir ».
        Alors que l’accord de paix stipulait un cessez-le-feu et un retrait des troupes du PKK vers l’Iraq, il exigeait du gouvernement la libération des détenus kurdes, la modification de la loi de la lutte contre le terrorisme et l’enseignement en langue maternelle kurde. Le PKK exige aussi des amendements aux lois sur les élections ainsi qu’une forme d’autonomie régionale. Or, le mois dernier, Erdogan s’est attiré la colère kurde en affirmant qu’une amnistie générale pour les rebelles et le droit à l’éducation en kurde n’étaient pas d’actualité. « Les Kurdes trouvent que le gouvernement continue à les ignorer. Il n’y a aucune avancée sur leurs revendications. De nouveaux centres militaires dans les régions à majorité kurde ont été construits. Aucune promesse n’a été tenue. Erdogan a profité de ses négociations avec les Kurdes pour renforcer sa position face à l’opposition », poursuit Dr El-Labbad.

        A cela s’ajoute un autre facteur, cette fois-ci régional, qui peut affaiblir le gouvernement d’Erdogan, à savoir la chute du régime des Frères musulmans en Egypte, un allié important d’Ankara. Or, si ceci peut avoir un impact sur le poids régional de la Turquie, il n’influe que peu sur le plan intérieur. Selon Dr El-Labbad, la chute du gouvernement turc est un scénario lointain, car c’est un cas différent du gouvernement des Frères musulmans en Egypte. « L’AKP n’est pas un simple parti au pouvoir, mais il représente les intérêts culturels, économiques et politiques de l’Anatolie (majorité du peuple turc vivant à l’est et au sud du pays) », explique-t-il. « La Turquie n’est pas comme l’Egypte. Elle est divisée en deux entités géographiques et culturelles distinctes : l’Anatolie et la Roumélie (ouest du pays incluant les grandes villes comme Istanbul, Ankara et Izmir). La partie qui se révolte contre l’AKP ne représente pas la majorité du peuple, c’est pourquoi les manifestations ne sont pas persistantes. Le gouvernement turc ne va probablement pas tomber avant les législatives de 2015 », pronostique Dr El-Labbad. Erdogan devra donc tirer profit de ce répit pour redorer son image ternie par la violente répression des manifestations et l’échec de la politique turque au Moyen-Orient.

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