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Mobilisation générale des Kurdes contre la création d’un Etat islamique en Syrie

lundi 5 août 2013

Mobilisation générale des Kurdes contre la création d'un Etat islamique en Syrie

La forte progression des groupes liés à Al-Qaïda en Syrie est à l’origine d’un véritable conflit interne dans les zones sous contrôle de la rébellion tandis que dans les régions habitées par les Kurdes un appel a été lancé à la mobilisation générale pour freiner la montée en puissance des djihadistes.

Même le Parti de l’union démocratique (PYD), la principale organisation politique dans le nord de la Syrie, a prévenu la communauté internationale que ces forces djihadistes étaient prêtes à proclamer la création d’un "émirat islamique" en profitant de la fête de l’Aïd al-Fitr, qui, le 8 août, mettra fin au jeûne du Ramadan.

Cet émirat aura pour capitale la ville de Raqqa mais s’étendrait pratiquement à toute la région située au nord du désert central, depuis la ville d’Alep jusqu’à la frontière irakienne, en occupant le bassin fertile de l’Euphrate et en ayant actuellement comme objectif principal d’atteindre la frontière avec la Turquie, le long de laquelle se trouvent les régions habitées par des Kurdes. Un tel projet aurait, pour les projets d’Al-Qaïda au Moyen-Orient, le grand avantage d’unir les insurrections islamistes en Syrie et en Irak en établissant une continuité territoriale entre la zone contrôlée en Syrie et ce qu’on appelle le « triangle sunnite » de l’Irak.

Il n’y a pas d’autre raison pour que les responsables d’Al-Qaïda aient refondé l’organisation de l’Etat islamique d’Irak, déjà présent dans ce « triangle sunnite », pour en créer une autre appelée Etat islamique d’Irak et de Syrie (EIIS)[1], né au mois d’avril dernier du Front Al-Nosra, jusqu’alors le représentant officiel d’Al-Qaïda en Syrie. A partir de ce moment, les deux organisations collaborent à un même projet politique, la principale différence entre elles étant que, si l’EIIS est composé principalement de djihadistes étrangers, Al-Nosra regroupe des combattants de nationalité syrienne.

Devant l’impuissance de l’Armée Libre (ASL), le bras armé de la Coalition Nationale, l’alliance de l’opposition reconnue par la communauté internationale, de nombreuses villes sont tombées l’une après l’autre sous contrôle djihadiste ces derniers mois. À l’heure actuelle, et selon ces informations, les seules zones rebelles qui échapperaient à la domination d’Al-Qaïda serait certains quartiers d’Alep, de Lattaquié, d’Idlib et de Hama, où, non sans grand effort, les unités fidèles à l’ASL peuvent encore résister aux islamistes radicaux.

Dans ces endroits, l’ASL a vu comment le drapeau de la ‟révolution syrienne” a été remplacé par le drapeau noir avec cercle blanc et les versets du Coran propre à Al-Qaïda et comment plusieurs commandants de l’ASL ont été exécutés par des membres de l’EIIS. Parmi ceux-ci, on peut citer Kamal al Hamami, qui appartenait au Conseil militaire suprême de l’ASL et dont la mort des mains des djihadistes à Lattaquié a été considérée par l’ASL comme une « déclaration de guerre ». De même, il a eu des combats entre des unités de l’ASL et les islamistes radicaux dans la région d’Idlib, en particulier dans la ville de Dana, où ont eu lieu des exécutions sommaires, dont celle du chef de la Brigade Hamza Asad, dont le corps décapité a été retrouvé dans une benne à ordures.

La consternation dans les rangs de la Coalition Nationale a également été provoquée par l’exécution à Alep d’un enfant de 15 ans, Mohammad al Qata et par l’assassinat de sang-froid des dizaines de soldats gouvernementaux qui avaient été faits prisonniers, comme cela s’est produit avec les trois officiers alaouites exécutés publiquement sur la place de Raqqa, ville où, d’ailleurs, a été signalé la disparition du jésuite Paolo Dall’Oglio, connu pour sa médiation entre les différents adversaires. Selon les dernières informations, le père Dall’Oglio aurait voyagé vers la ‟capitale de l’émirat” pour négocier la libération de plusieurs civils détenus par ordre de l’émir.

Les autres secteurs qui sont en dehors de la zone d’influence djihadiste sont habités par une population kurde en raison d’un large soutien populaire qu’ont les partis kurdes, notamment le PYD, caractérisé par ses positions nationalistes, de gauche, et contraires à l’intégrisme islamique. Ces régions sont devenues l’objectif prioritaire d’Al-Qaïda car elles leur permettraient de gérer à la fois les douanes frontalières stratégiques avec la Turquie et les grands champs de pétrole situés à l’est de Hasakah.

C’est dans ces zones que ce sont produites récemment les dernière offensives djihadistes, n’hésitant pas, comme dans la ville de Tal al-Abyad à faire sauter les maisons et les bâtiments utilisés par les organisations kurdes, en expulsant également ses habitants, ce qui a été dénoncé par le PYD comme le début d’un nettoyage ethnique pour étendre le territoire du futur émirat. Précisément, la mort d’Issa Heso, un éminent leader du PYD, tué par une bombe placée sous sa voiture à Qamishli, a conduit ce parti à lancer un appel à la mobilisation générale, demandant à tous ceux qui sont en mesure de prendre les armes à se joindre à la lutte contre Al-Qaïda.

Manuel Martorell
Cuartopoder, 2 août 2013

Traduction :XYZ


[1] En fait, il s’intitule « d’Irak et du Levant » (al-Sham), qui inclut la Syrie et le Liban.

Carte des villes dans la guerre : ici


Quelques commentaires et compléments rapides

Sur le rôle et la position de l’ASL

Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’y a pas de cohérence entre les diverses positions et courants internes de l’ASL.

Si officiellement certaines déclarations critiquent ouvertement les façons d’agir des groupes djihadistes (notamment les Comités locaux de coordination), si effectivement certains se plaignent de plus en plus que les djihadistes ne combattent pas véritablement l’armée d’Assad et profitent au contraire de la guerre pour consolider leurs positions à l’arrière du front, si effectivement certaines unités de l’ASL ont refusé de livrer bataille contre les Kurdes, notamment dans l’offensive contre la petite ville de Tal al-Abyad le 20 juillet dernier, d’autres informations indiquent un tendance contraire : l’implication de nombreuses brigades de l’ASL, notamment celles proches des Frères Musulmans, dans les attaques contre les zones habitées par la population kurde, en particulier dans la province d’Alep et notamment dans les petites villes de Tall Hasal et Tall Aren où des tueries (plusieurs dizaines de personnes) et des enlèvements de civils kurdes (au moins 215 selon diverses sources) se sont produits ces derniers jours.

Dans la propre ville d’Alep, la situation des combattants des deux quartiers kurdes de la ville (Sheikh Maqsoud et Ashrafieh) devient très difficile car ils sont attaqués sur deux fronts : les forces du régime et leurs divers supplétifs (Hezbollah, milices alaouites, baasistes...) et les brigades islamistes/djihadistes appartenant à l’ASL (Ansar al-Islam) ou non (Al-Nosra, EIIS).

La situation est d’autant plus confuse que dans la plupart des régions, des brigades djihadistes y compris le Front al-Nosra, font partie de l’ASL, opèrent avec d’autres katibas, soit de manière coordonnées, soit de manière plus autonome.

Plus inquiétante, une déclaration émise ces derniers jours par une bonne partie des mouvements et brigades composant l’ASL dans la région d’Alep (Liwaa Al Tawhid, Liwad Jond Al Rahman, Etat islamique d’Irak et du Levant, Ahrar Al Sham, Liwaa Ashab Al Yamin, Liwaa Al Yarmouk, Liwaa Ahrar Al Shyoukh, Souqour Al Sham) disant qu’ils considèrent le PKK comme un parti appartenant au régime de Bachar al-Assad, appelle à la « cessation de toute négociation ou réunion publique avec tout groupe qui représente le PKK » et affirme que « tout bataillon rebelle ou habitant des zones libérées qui conclut un accord avec le PKK est un traître à Allah, au Prophète et aux musulmans, et seront punis par tous les bataillons. »

Déclaration cohérente avec celle du colonel Abdel Jabbar al-Oqaidi, chef du conseil militaire de l’ASL à Alep, qui a critiqué les forces du Parti de l’union démocratique (PYD) en Syrie, qui selon lui est affilié au « Parti terroriste des travailleurs du Kurdistan (PKK) », parce qu’il combat aux côtés des forces du régime. « Ils [les miliciens du PYD] sont les shabiha du régime. J’espère que nous allons triompher », a déclaré ce colonel. Les shahiba est le nom utilisé pour désigner les groupes de miliciens utilisés par le régime syrien contre les forces de l’opposition. Un peu plus tard, le même Abdel Jabbar al-Oqaidi a déclaré dans une vidéo à Alep, « Les Kurdes sont nos frères mais nous devons exterminer les combattants du PKK » et les miliciens du Front al-Akrad (formellement membre de l’ASL, composé majoritairement de miliciens kurdes hors du Kurdistan et indépendants du PYD). Ce que ferait parait-il la Brigade kurde Azadi de l’ASL, affiliée aux Frères Musulmans. En attendant, il a déclaré que le conseil militaire d’Alep de l’ASL a décidé d’exclure le Front al-Akrad (kurde) et a exigé qu’il rende ses armes. Le Front a aussitôt répondu qu’il n’en était pas question et son leader a déclaré : « Personne ne nous a donné ces armes. C’est le peuple que nous avons juré de défendre contre la répression et les massacres du régime du Baas qui nous les a données. C’est pourquoi, j’ai envoyé ce message à Abdel Jabbar al-Oqaidi qui nous a demandé de rendre nos armes : Viens les prendre si tu as le courage. »

Une nouvelle guerre

La guerre en Syrie est en train de changer de physionomie. En fait, il y a maintenant plusieurs guerres où chaque « camp » n’a pas les moyens de vaincre ni d’être vaincu à court terme. Avec les risques évidents, si la situation n’évolue pas en interne ou si elle évolue trop vite, de débordements (qui existent déjà) et surtout d’escalades dans toute la région, partout où chacun des camps de la scène syrienne peut compter sur des alliés, en particulier au Liban, en Iraq (y compris dans la partie sous administration du KRG, le gouvernement régional du Kurdistan).

On assiste à une offensive d’une bonne partie des forces de l’ASL et des groupes djihadistes contre le projet politique des Kurdes, pas seulement défendu par le PYD mais officiellement par la plupart des partis (il y en a11 !) et mouvements, visant à former un gouvernement autonome dans les zones qu’ils considèrent être le Kurdistan occidental le temps de la guerre, mais évidemment s’inscrivant dans une perspective plus longue. Projet annoncé publiquement courant juillet et qui a contribué à déclencher l’offensive en cours. Projet combattu tout autant par le régime sanguinaire d’Assad, par les divers mouvements liés ou proches d’Al-Qaida et par l’État turc qui, avec l’Arabie saoudite et le Qatar, arme, finance et appuie les divers mouvements de la rébellion « islamiste » sunnite et réprime les manifestations de solidarité avec les Kurdes de Syrie qui s’expriment de l’autre côté de la frontière, dans la partie ‟turque” du Kurdistan. Projet combattu bien sûr par toutes les puissances (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie…) qui ont les capacités de peser et d’influer sur la situation régionale.

Les Kurdes, une fois de plus, et avec leurs divisions et contradictions internes, doivent se défendre et se battre seuls sur plusieurs fronts en même temps.

Espérons qu’un mouvement de solidarité pourra naître dans les semaines qui viennent sur des bases pas seulement humanitaires ou affectives, mais pour une perspective globale.
Un mouvement clairement contre la guerre, pour la fin des tueries de masse et de la folie guerrière de nettoyage ethnique et d’extermination, qui ne peut être en même temps qu’un mouvement en faveur d’une révolution sociale et politique dans tout le Moyen-Orient, pour la libération et l’autodétermination des peuples, contre toutes les tyrannies et tous les despotismes, le régime baasiste, les divers Etats et mouvements de la réaction et de la contre-révolution arabo-islamiste et le régime sioniste de l’Etat d’Israël.


Le 4 août

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1 Message

  • Communiqué

    Au moins 70 civils kurdes ont été massacrés et 350 autres ont été enlevés par des djihadistes dans deux villages de la région d’Alep, au cours des derniers jours.
    Parmi les civils enlevés, figurent des femmes et des enfants, la plupart étant des membres de la famille de combattants d’Al-Akrad, groupe kurde allié des Unités de défense du peuple (YPG). D’après des sources locales, les villages kurdes de la région d’Alep seraient assiégés et leurs habitants menacés d’exécution et de viol. Selon des villageois qui ont réussi à fuir, de nombreux jeunes auraient déjà été exécutés par pendaison.
    Dans le même temps, les imams des mosquées sous contrôle des djihadistes édictaient des fatwas invitant à piller les Kurdes et violer les femmes. Des milliers de civils auraient fui vers le désert afin d’échapper aux violences.

    Ces attaques interviennent après les lourdes défaites des djihadistes face aux combattants des YPG dans plusieurs régions kurdes : des centaines de membres du front Al-Nosra et de l’’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), groupes liés à Al-Qaïda, ainsi que des brigades de l’armée syrienne libre (ASL) soutenant les djihadistes ont été tués par les combattants kurdes. Elles interviennent aussi après la réunion qui a rassemblé 70 commandants de « l’opposition syrienne » à Gaziantep, en Turquie, le 26 juillet. La décision d’attaquer les Kurdes aurait été prise lors de cette réunion, selon l’agence de presse kurde ANHA. Le chef du conseil militaire de l’ASL, Abdul Jabar al-Akidi, aurait déclaré au cours de cette réunion qu’il était temps de « chasser les kurdes ».
    Ces groupes sont ouvertement soutenus par certains pays étrangers comme la Turquie qui leur a ouvert ses frontières. C’est à travers les frontières de la Turquie et de l’Irak que les armes et les renforts de ces groupes sont acheminés. Des ambulances turques transportent les combattants islamistes blessés dans des hôpitaux situés dans le sud de la Turquie.

    Les YPG ont riposté aux attaques en lançant une opération d’envergure contre les bases d’Al-Qaïda à Tall Halaf : Au moins 50 combattants de ces groupes ont été tués selon des sources proches des YPG.
    Le 31 juillet, l’Union des Communautés du Kurdistan (KCK) a appelé les Kurdes de toutes les parties du Kurdistan à se mobiliser pour défendre les Kurdes de Syrie. Par ailleurs, le Parti de l’Union Démocratique (PYD), principale formation politique kurde de Syrie, a appelé la communauté internationale à soutenir le peuple kurde dans sa lutte contre Al-Qaïda et ses affiliés fondamentalistes.
    Cependant, la communauté internationale continue de fermer les yeux sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par ces groupes islamistes. Seule la Russie à condamné les attaques contre les Kurdes.

    Dans un communiqué récent, le bureau des relations internationales du PYD lance un cri d’alarme en direction de la communauté internationale :

    « La révolution syrienne, qui a commencé avec les cris pacifiques des femmes sur le marché Hamadiah à Damas, en mars 2011, a dégénéré en une guerre sanglante entre le régime syrien et toute une série de soit-disant combattants de l’opposition.
    Bien que l’opposition se présente comme révolutionnaire et démocratique, ses actions n’ont rien de tel.
    Menée par des groupes affiliés à Al-Qaïda comme Jabhat al Nosra et l’Etat islamique en Irak et en Syrie (Isis), elle a récemment attaqué les régions kurdes, en ciblant aveuglément des civils, femmes et enfants.
    De leur propre aveu, ils visent à établir un califat islamique, strictement basé sur la charia dans les régions kurdes de Syrie, et n’ont par conséquent aucun égard pour les droits des minorités ethniques ou religieuses.
    Sous l’égide du Conseil suprême kurde, les Kurdes ont jusqu’ici gouverné leur région avec succès et ont réussi à se tenir plus ou moins à l’écart des horreurs de la guerre civile. Cependant, aujourd’hui, la stabilité de cette région est directement menacée par ces groupes salafistes radicaux.
    Depuis plus d’un mois, Jabhat al-Nusra et l’ISIS se livrent au pillage des villes et des villages kurdes. Les attaques avec des armes légères et lourdes, harcèlements, tortures, viols, enlèvements et massacres sont perpétrées au nom de la religion et de la guerre sainte (djihad).
    Les prises d’otage de civils sont devenues un moyen de pression sur les parents, tandis que les imams salafistes émettent des fatwas contre les Kurdes, appelant dans les mosquées au massacre, au pillage et à l’enlèvement de femmes.
    Le plus frappant est sans doute les attaques menées dans les petites villes de la province d’Alep, en particulier dans Til Tall Hassel et Tall Aren, où des civils ont été exécutés sommairement.
    Ces groupes radicaux se nourrissent du chaos et de l’instabilité. Ils essayent de gagner de l’influence en semant la discorde entre les différentes composantes du tissu syrien. Ils cherchent également à faire taire les militants progressistes kurdes tels qu’Isa Hisso, membre du Conseil suprême kurde, assassiné dans un attentat à la voiture piégée le 30 juillet 2013.
    À la lumière des événements tragiques qui se déroulent actuellement dans les régions kurdes, et dans l’intérêt de la révolution syrienne en général, nous appelons au soutien de la communauté internationale. Nous exhortons tous les défenseurs de la démocratie à soutenir le peuple kurde dans sa lutte contre Al-Qaïda et ses affiliés fondamentalistes. »

    Centre d’Information du Kurdistan
    147, rue La Fayette
    75010 Paris

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