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RESF refuse de rencontrer le Ministre de l’Intérieur

mercredi 22 décembre 2010

Il est assez rare qu’une organisation refuse la reconnaissance concédée par le pouvoir au nom des principes qui l’animent ! C’est ce que vient de faire le Réseau éducation sans frontière en déclinant une invitation du Ministre Hortefeux !

Le 17 décembre 2010
Monsieur le Ministre,

Monsieur le Ministre, vous avez souhaité rencontrer le Réseau Éducation Sans Frontières, RESF.
Le Réseau dans sa diversité aussi bien géographique que philosophique, politique, spirituelle, refuse de désigner en son sein quels que représentants que ce soit pour venir au ministère.

Le gouvernement que vous servez et vous-même avez pris le parti d’une politique du rejet de l’étranger, non pas celle d’un accueil des
familles et des jeunes présents en France par la délivrance d’un titre de séjour pérenne, mais celle de l’expulsion à tout prix avec des objectifs
précis fixés préfecture par préfecture, prime de résultat à l’appui. Le nombre d’expulsions a été de plus en plus important d’une année sur
l’autre. Vous avez choisi de devenir ce que nous appellerons « ministre de la Rafle et du Drapeau », vous l’avez fait, avez-vous dit, « sans
état d’âme ». Vous avez rempli vos objectifs.

Bien sûr, pour rassurer les bonnes consciences, vous avez dans le même temps affirmé que votre politique était « ferme mais humaine », vous
déclarant « fiers de nos valeurs », », de notre pays qui est à l’origine de la Déclaration des Droits de l‘Homme, qui a ratifié la Convention
européenne, la Convention internationale des droits de l’enfant. Ces grands textes qui défendent et protègent les droits fondamentaux de
chacun, quel qu’il soit, d’où qu’il soit, vous en usurpez le prestige dans le même temps que vous les bafouez en menant une politique qu’il
faut bien qualifier de xénophobie d’Etat.. La multitude de cas inhumains que vous avez assumée est trop longue pour qu’il soit possible d’en
faire la liste. Enfants en rétention, familles brisées par l’expulsion d’un ou de plusieurs des leurs, lycéens expulsés en cours d’études sont
hélas des démentis vivants et désespérants de vos paroles. Ni les expulsés, ni leurs proches, ni leur entourage, ceux qui les rencontrent tous
les jours à l’école, au travail, ne peuvent croire que ce soit cela une politique humaine. Ils savent en outre que vous avez été alerté sur chacun
de ces cas et que votre humanité ne s’est pas manifestée.

Après l’intermède de Monsieur Besson qui a poursuivi sans faiblir votre politique, vous retrouvez aujourd’hui la charge de l’immigration au
sein du ministère de l’Intérieur. Police et immigration ! Tout un programme. Après les évènements de cet été, les Roms, citoyens européens,
nommément désignés comme devant être chassés de leurs habitats précaires pour être expulsés, nous voyons bien que si votre politique s’est
modifiée, c’est pour le pire, le renforcement de la xénophobie et la banalisation de la plus grande brutalité en paroles et en actes. Nous n’en
prendrons qu’un seul exemple concret, celui d’Ardi, jeune garçon de 15 ans très lourdement handicapé, que la police est allée chercher dans
un centre de soins spécialisés et qui a été expulsé par le ministre Besson. Mais, à notre connaissance, vous n’envisagez pas son retour en
France, bien que l’état de santé de ce jeune se dégrade de jour en jour.

Vous allez défendre la loi concoctée par votre prédécesseur car, dites vous, « vous vous inscrivez dans ses pas ». Vous n’hésitez donc pas à
franchir un seuil très grave en restreignant très fortement le contrôle judiciaire sur l’administration. Ce projet de loi renforce les pouvoirs
arbitraires de l’administration au détriment de ceux du juge pourtant garant selon la Constitution des libertés individuelles. Il bafoue la
notion d’accès équitable à la justice garantie par la Convention européenne des droits de l’Homme. Il utilise le prétexte de directives
européennes pour banaliser et aggraver l’enfermement, il construit une société fondée sur la peur et le rejet de l’autre stigmatisant les
étrangers et les français d’origine étrangère.

Vous le savez déjà, et vous pouvez le constater tous les jours, RESF n’est pas d’accord avec la politique d’immigration que vous poursuivez
avec acharnement depuis de longues années. Vos protestations d’humanité, vos engagements ou ceux de Monsieur Besson sont constamment
démentis par vos actes. Que pourrions-nous donc nous dire ?

Fort de votre majorité au Parlement, vous allez faire passer une loi inique, vous expulsez chaque jour, mais vous le faites contre
l’assentiment d’une grande partie de la population de ce pays. Et nous, RESF, nous n’existons que parce que nous avons le soutien et l’aide
des citoyens ordinaires que votre politique révulse. Vous pouvez poursuivre des hommes et des femmes pour délit de solidarité, mais vous ne
pouvez pas en brider l’expression journalière. Vous refusez de l’entendre, mais tous ceux qui attendent la délivrance d’un titre de séjour par
décision administrative sont au cœur de la population, ils en font partie intégrante, ils sont des nôtres. Et si, nous qui avons des « papiers »,
nous les défendons, c’est parce que nous défendons l’idée d’une société humaine, solidaire et juste, où les considérations pour les êtres
humains que nous sommes tous, sont premières et non pas secondaires.

Monsieur le ministre, votre politique est insoutenable car nous, citoyens, nous sommes nombreux, conjoints, enfants ou petits enfants de
migrants. Nous avons des conjoints, qui sont des migrants. Le président de la République lui-même est enfant de migrant. C’est cela la
population de la France aujourd’hui et vous n’y pouvez rien changer.

Nous voulons, quant à nous, que les jeunes de toutes origines puissent étudier, travailler, aimer, vivre leur vie sans craindre une expulsion qui
anéantisse leur avenir, nous voulons que cessent la chasse aux « sans papiers », l’enfermement de parents et trop souvent d’enfants dans les
centre de rétention, la négation quotidienne de droits fondamentaux comme l’asile, le logement, le travail, l’accès aux soins... Nous voulons
que cessent les poursuites contre tous les militants de la solidarité et ceux qui dénoncent le caractère inhumain et régressif de votre politique.

C’est pour toutes ces raisons que nous ne donnerons pas suite à votre demande. Nous n’irons pas faire semblant d’être consultés alors que
votre politique, déjà tracée et bien connue, va à l’inverse de ce que nous réclamons.

Pour RESF : Mireille Peloux (RESF Rhône), Brigitte Wieser (RESF Paris), Jean-Michel Bavard (RESF Oise)

Voir en ligne : Education sans frontière

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