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BB 184, novembre 2008

mercredi 19 novembre 2008, par OCL St Nazaire

vers un fichier de la jeunesse - relaxe procès ADN - ficher les suicidaires - outils de délation - fichier des non-chrétiens- fichage et délation des précaires - citoyens volontaire de la police nationale


BIG BROTHER

Vers la constitution d'un fichier national de la jeunesse<br>

Le point sur Base élèves

Un point semble important à faire concernant Base élèves premier degré (écoles maternelles et primaires). Rappelons que ce fichier a été expérimenté à partir de la rentrée 2004, en partenariat avec des communes, dans une vingtaine de départements. A son origine, les directions des écoles concernées devaient rentrer des tas de données : Nationalité des parents, langue parlée à la maison, situation sociale des parents, suivis scolaire et sanitaire des enfants … Une résistance à ce fichage s’est alors progressivement mise en place.
En juin 2007, des apprentis informaticiens prouvaient que cette base de données n’était absolument pas sécurisée. Devant cette constatation médiatisée, le ministère de l’éducation nationale annonçait des mesures de sécurisation … qui, un an et demi plus tard, ne se sont pas concrétisées !
Début octobre 2007, le ministère de l’éducation nationale était contraint d’abandonner l’item de la nationalité devant les interrogations que suscitait cette question : L’Etat allait-il pouvoir repérer les parents d’élèves sans papiers grâce à cette base de données ? Malgré ce premier recul, la résistance à la généralisation à toutes les écoles de ce fichage n’a pas faibli durant l’année scolaire 2007-2008. A tel point qu’en juin 2008, le ministre, X. Darcos, déclarait : « Les données liées à la scolarité de l’élève ne porteront que sur des champs restreints : date d’inscription, d’admission et de radiation, classe » et que « la durée de conservation des données sera limitée à la scolarité de l’élève dans le premier degré ». Il reconnaissait, sans aucune démagogie…que ce document à renseigner était « profondément liberticide », que « l’origine sociale des familles, la langue des parents, etc. ne nous intéressent pas ». Il concluait : « Nous avons donc modifié le décret relatif à la base élèves de façon qu’elle indique uniquement le nom et l’âge de l’élève ». 4 mois après, ces modifications annoncées n’ont toujours pas été publiées !

La résistance s’organise
A la rentrée 2008, un directeur d’école maternelle de la Vienne était menacé de sanction pour avoir refusé de « renseigner cette Base ». Et quelle sanction : Suppression intégrale de son salaire, à partir du 1er octobre, tant qu’il n’aura pas rentré ses élèves dans cette Base ! Ce directeur saura fin octobre si cette sanction a été effectivement appliquée mais sa détermination est totale et une solidarité s’exprime. Le 8 octobre, un autre directeur d’école maternelle de l’Isère écrivait à son Inspecteur d’Académie pour l’informer de sa décision de refuser la mise en place du dispositif Base élèves dans son école (1). Il demandait, entre autres, le droit à l’objection de conscience par rapport à l’installation de Base élèves. A ce jour, nous ignorons la réponse de l’administration.
Il est fort possible que X. Darcos soit contraint de modifier le contenu de Base élèves comme il semblait vouloir le faire en juin 08, car, l’important est très certainement ailleurs. En effet, le ministère de l’éducation nationale a pour objectif d’attribuer à chaque élève, de la maternelle à l’enseignement supérieur, un identifiant unique. A terme, il s’agit de constituer un répertoire national des identifiants élève-étudiant (INE) de toute la jeunesse où les données pourront être conservées des dizaines d’années. Comme le dit Maurice Rajsfus : « Personne ne peut savoir comment un fichier, créé pour telle ou telle raison, évoluera au gré des lois, si bien que son objet est très vite détourné. Lorsqu’on a voté la création du fichier des empreintes génétiques (le Fnaeg), sous le règne d’Elisabeth Guigou en 1998, c’était soi-disant pour traquer les délinquants sexuels dangereux. Et on s’est aperçu plus tard que la loi a évolué pour concerner des petits délits, notamment suite à la loi Sarkozy de 2003. »

La résistance, jusqu’ici locale, semble s’organiser et se coordonner. Des directeurs d’écoles de plusieurs département, des collectifs contre Base élèves viennent de lancer un appel (2) pour une réunion nationale de résistance à ce fichier. La 1ère réunion aura lieu à Paris dans les locaux de la Bourse du Travail, 3 rue du Château d’Eau dans le 10ème arrondissement le samedi 8 novembre de 10h30 à 18h.

(1) Cette lettre, très argumentée, est disponible sur le site Internet de la ldh de Toulon.
(2) Cet appel est aussi disponible sur le site de la ldh-toulon.

Refus de prélèvement : relaxé en appel

Soupçonné d’avoir participé « à la mise à sac » de la permanence de l’UMP lors de manifestations anti-Sarkozy à Rouen, un jeune étudiant avait refusé, lors de sa garde à vue, de se soumettre à un test ADN. Il était passé devant le tribunal correctionnel de Rouen en juin 2007 et avait été relaxé. Le Parquet avait fait appel. Il a ainsi été rejugé en juillet 08. L’avocat général avait requis une amende de 1200 euros. Dans son délibéré du 1er octobre, ce jeune homme a été relaxé par la cour d’appel. Cette cour a motivé sa décision sur le fait qu’aucun élément ne permettait de dire s’il avait ou non participé à ces dégradations. Ce jugement peut servir de jurisprudence pour tous ceux et celles qui refusent cette prise d’ADN lors de garde à vue, à condition bien sûr que ces personnes ne soient pas mises en examen.
Cette victoire rouennaise qui en appelle d’autres est tout de même à relativiser. En effet le fichier national automatisé des empreintes génétiques commun à la police et à la gendarmerie dénombrait, fin septembre environ 717 000 profils ADN dont 178 000 condamnés, 425 000 mis en cause dans une affaire et une trentaine de mille dossiers non imputés.

L'INSERM s'organise pour ficher le suicide

L’Institut national de la santé et de la recherche vient d’éditer les résultats de sa deuxième (la première date de 2005) expertise collective sur l’autopsie psychologique du suicide. L’autopsie psychologique consiste à interroger l’entourage (famille, amis, ..) d’une personne décédée et surtout de réaliser des prélèvements biologiques chez le défunt. Le but est de constituer « une banque » d’ADN du suicide. Le coût d’une autopsie a été estimé au Canada, d’où nous vient l’origine de ces recherches, à plus de 300 000 euros ! Cette autopsie pose à ces chercheurs des problèmes de recrutement du public. Ce collectif de chercheurs évoque la possibilité de passer par un juge pour accéder au dossier du défunt. Mais ce collectif cherche aussi d’autres solutions plus rapides et moins coûteuses… C’est ainsi qu’il évoque les suicides en prison ! La prison est effectivement un traditionnel fournisseur de main d’œuvre quasi gratuite, aux ordres et corvéables à merci.
Le but ultime de ces recherches est de mettre si possible en évidence un « potentiel de prévention » des suicides étudiés, c’est-à-dire de savoir s’il était possible de faire quelque chose avant et de préciser quoi. Mais ce n’est qu’un discours ! Ce mode de prévention est pour le moins bizarre car elle a lieu après coup ! A moins qu’il ne s’agisse en fait qu’une étude génétique du suicide...
Et pour finir, cette deuxième expertise de l’Inserm parle des liens entre le suicide et les risques professionnels. Mais pour ces éminents chercheurs cela se résume aux seuls risques toxicologiques. Rien n’est dit sur les risques sociaux comme le poids de la hiérarchie dans une entreprise, l’exploitation capitaliste, la fatigue morale, …
Pour en savoir plus : http://psychanalysesuicide.free.fr

Un outil favorisant la délation

En décembre 2007, la Direction Départementale de la Sécurité Publique du Var avait mis en place une messagerie Internet pour permettre aux citoyens de signaler des délits. Pour le procureur de la République, ce n’était « qu’un moyen supplémentaire de communication entre le citoyen et la police » (voir cette rubrique dans le n°176).
Ce projet avait été finalement suspendu quelques jours après devant les protestations. A noter, qu’elles étaient de deux natures : Celles de la Ligue des Droits de l’Homme et celles de syndicats de police dont l’Unsa-Police qui s’insurgeaient contre le supplément de travail que cela allait entraîner…
Une nouvelle expérimentation a commencé le 6 octobre dans onze départements (Aisne, Dordogne, Doubs, Gard, Jura, Loiret, Meuse, Haute-Saône, Sarthe, Territoire de Belfort et Seine-Maritime). Une adresse mail a donc été mise en service par la Gendarmerie afin de permettre à la population de contacter directement les gendarmes. Si cette expérimentation est un « succès », elle sera généralisée à l’ensemble de la France. Le porte-parole de la gendarmerie s’est voulu rassurant en rappelant que « tous les moyens de délation existent déjà »… celui étant très certainement plus pratique, plus rapide mais moins anonyme.

Un essai de fichage de « non chrétiens »

En plein ramadan, la sous direction de l’information générale (Sdig) du département du Rhône créé en remplacement des RG et de la DST a envoyé un mail au Conseil Régional Rhône-Alpes. « Parmi votre personnel avez-vous des agents de confession autre que chrétienne ? » ; « Certains d’entre eux ont-ils demandé des aménagements d’horaires ou de service pour pratiquer leur religion ? ». Lorsque le contenu de ce mail a été rendu public… le ministère de l’Intérieur s’est senti obligé d’intervenir pour calmer l’ardeur de ces subordonnées…

Une histoire pas banale mais courante.

M.P. travaille comme jardinier chez des particuliers dans le département des Yvelines. C’est un travail précaire, pénible et usant et des revenus très bas (chèques emplois services). Dans ce type de boulot, il faut avoir un véhicule et apporter son matériel (débroussailleuse, sécateur, tondeuse, taille haie …). Monsieur P. n’ayant pas les moyens d’acheter ce matériel, il s’est adressé à la société Sthil qui le fabrique. En 2002, 2004 et 2006, cette société lui a fourni gratuitement quelques outils importants. En juillet 2008, sa débroussailleuse tombe en panne et ne peut être réparée. M. P. n’a pas les moyens de la remplacer. Il se tourne alors vers la société Sthil avec qui il a toujours eu de bons contacts et demande par téléphone s’il est possible que celle-ci lui procure une débroussailleuse. La réponse est positive.
Mais quelques jours plus tard, il reçoit un courrier du directeur Marketing et Technique de la société Sthil qui lui dit avoir contacté le service d’action sociale de la Mairie d’Aubergenville (78) où M.P. habite. Ce service social lui a précisé que M.P. « ne faisait aucun effort pour sortir de la précarité », qu’il « refusait tout accompagnement vers l’emploi ». Fort de ce témoignage accablant, la société Sthil refuse alors de lui fournir ce matériel d’autant plus que M.P. se ferait rémunérer parfois en espèces… Dans ce courrier, le directeur Marketing et Technique précise qu’il l’ aidera si celui-ci accepte de suivre les directives d’insertion de la Mairie d’Aubergenville ! M. P. se retrouve alors dans l’incapacité d’effectuer son travail.
M.P. a écrit à cette société et à la Mairie pour dénoncer ces façons de faire et demander réparation du préjudice moral et matériel subi. Il est soutenu par une association « Yvelines en lutte » qui a fait un appel à la solidarité matériel afin de le dépanner.

« Citoyen volontaire »

La loi pour la sécurité intérieure de 2003 modifiée par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance donne une base législative au dispositif du « service volontaire citoyen » de la police nationale. C’est une sorte de « réserve citoyenne » qui existe d’ailleurs dans de nombreux pays européens. Ce dispositif est expérimenté depuis juillet 2006 dans 26 départements. Depuis septembre 2008, il est généralisé à l’ensemble du territoire national. Dans son expérimentation, ce dispositif n’a pas recueilli beaucoup de bénévoles : Au 31 août, ils étaient seulement 303 malgré les efforts des maires des 3 communes les plus riches, les plus aisées mais aussi les plus fliquées d’Ile de France à savoir : Levallois (dont le maire est un certain Balkany…), Puteaux et Neuilly. C’est rassurant !
Mais depuis septembre, le ministre de l’intérieur veut développer ce dispositif : Prospectus, campagne d’affichage notamment à Paris.
Les objectifs de ce service volontaire et citoyen y sont clairement énoncés :
« Mobiliser et regrouper des personnes qui veulent exprimer leur citoyenneté active au bénéfice de la collectivité, aux côtés du service public de la police nationale »
« Renforcer le lien entre la Nation et sa police en confiant aux citoyens volontaires des missions de prévention, de communication, de médiation sociale et de solidarité ».
Après le triangle Levallois-Puteaux-Neuilly, c’est au tour de la ville de Meaux de se mobiliser. Son maire, un certain J.F. Copé, vient de recruter 169 « référents de proximité ». Ces « citoyens volontaires » auront pour fonction de relayer auprès du maire tous les problèmes quotidiens qu’ils rencontrent autour d’eux. La charte de M. Copé précise que « ces bénévoles auront une ligne téléphonique directe avec le cabinet du maire ». Il va sans dire que ce cabinet sera en lien permanent avec les polices nationale et municipale, sans oublier les B.A.C. locales.

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