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BB 159

mai 2006

mercredi 10 mai 2006, par OCL St Nazaire

Nous connaissons depuis belle lurette (fin des années 80), le grand thème des futures élections : LA SECURITE ! Toute politique sécuritaire, pour détourner l’attention des citoyens face aux véritables enjeux de société, a besoin de boucs émissaires. Historiquement, les immigrés ont toujours fait l’affaire mais depuis quelques années la délinquance de la jeunesse est aussi un bon fond de commerce pour tous les politiciens.


 Prévention de la délinquance

Sur le métier depuis plus de deux ans, l’avant-projet de loi de prévention sur la délinquance devrait, si l’on en croit Sarkozy, être présenté en conseil des ministres, courant mai. Ce projet est très attendu par les travailleurs sociaux qui ont manifesté, à quelques milliers, le 22 mars à Paris et dans diverses autres villes.
A l’occasion de la Conférence des maires sur la sécurité organisée par le Forum Français pour la Sécurité Urbaine, le jeudi 23 mars à Paris, le préfet B. Hagelsteen, secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance (mis en place par De Villepin en novembre 2005), a expliqué que le texte était « dans sa phase terminale ». Pour le Pouvoir, il constitue le troisième acte de la politique gouvernementale en matière de sécurité, après la Loi sur la Sécurité Intérieure de Sarkozy et les lois Perben. Le dépôt de l’avant-projet devrait être accompagné d’un livre blanc sur la sécurité qui fournirait un état des lieux de la société française afin de dégager une vision des enjeux à plus long terme…Quelle horreur en perspective !
Devant une centaine d’élus, B. Hagelsteen a insisté sur le rôle de pivot que ce nouveau texte conférera au maire. « Le propos n’est pas de créer de nouveaux dispositifs, ni d’imposer un cadre rigide aux maires, mais de leur donner de nouvelles possibilités pour sortir des difficultés ». Rappelons que le maire et ses adjoints sont des officiers de police judiciaire, fonction qui va être revalorisée et étendue tant au niveau du pouvoir policier qu’il confère qu’aux niveaux juridiques (administratif, affaires familiales, … jusqu’à la possibilité de distribuer des Travaux d’Intérêts Généraux).
La première mesure sera de rendre obligatoire la mise en place du Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD) pour toutes les communes de plus de 5000 habitants. Mais à ce jour, environ 800 CLPSD fonctionnent déjà.
Le maire aura le devoir de signaler toute personne en difficulté sociale, éducative ou matérielle aux services de l’Etat. Pour ce faire, pas de mystère, il devra recueillir ses informations auprès des travailleurs sociaux, comme l’avait proposé en novembre 2005, J.A. Bénisti, député-maire de Villiers sur Marne (94). Cela implique donc un partage de données nominatives sur les « délinquants » et plus largement sur les populations jugées « à risque ».
Ce texte, quand il sera voté, devrait marquer légalement la fin du secret professionnel auquel sont soumis les travailleurs sociaux. Légalement, car de plus en plus nous ne pouvons que constater que ce secret est largement piétiné dans diverses réunions bi-tri-quadri … parties (voir l’exemple de villes des Pyrénées Atlantiques développé plus loin).
Pour B. Hagelsteen « la confidentialité partagée est une nécessité incontournable si l’on veut avoir une prise sur les difficultés sociales. Il faut trouver une coordination entre tous ceux qui peuvent détenir un bout de la question ».
Le pouvoir sait que la fin du secret professionnel (dans ce secteur comme dans d’autres) est l’élément déterminant de la mobilisation des travailleurs sociaux. Sur ce secteur, il peut rencontrer une opposition massive avec un risque (très petit malheureusement !) de liaison horizontale entre les travailleurs sociaux et leurs publics. Alors, le texte a prévu un garde-fou… Le maire devra désigner un coordinateur parmi les travailleurs sociaux. Celui-ci « communiquera au maire les seuls éléments dont il aura besoin dans le cadre de ses compétences ». Pas de quoi rassurer qui que ce soit !
Quant à l’expertise de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) consacrée aux troubles de conduite chez l’enfant et l’adolescent et à leur dépistage précoce (dès 3 ans !), la question de savoir si une telle disposition figure ou non dans ce projet n’a pas encore été tranchée. Mais B. Hagelsteen a indiqué que cette mesure de dépistage « constitue un progrès médical et organisationnel. Il en va de l’intérêt de l’enfant » ! Cette mesure pourrait non pas figurer dans ce projet de prévention de la délinquance mais dans un autre projet de loi sur « la protection de l’enfance » qui a été annoncé début mars par le ministre délégué à la famille, un certain Philippe Bas. A suivre donc !
Pour terminer, ce projet de loi consacrera le principe de la prévention situationnelle. Il s’agit de rendre moins vulnérables les cibles potentielles, notamment dans les projets d’urbanisme (commerces, halls et caves,...) et les transports publics. Cette méthode est déjà appliquée dans quelques villes comme Lyon où existe depuis 4 ans une commission communale de prévention situationnelle qui n’a, à ce jour, aucune base légale.

Du « conseil » au « traitement de la délinquance », il n'y a qu'un pas…

Cette étape vient d’être franchie par quelques maires des Pyrénées Atlantiques (64), plus précisément ceux d’Oloron, de Mourens et de Pau sous l’égide d’un procureur de la République. Il s’agit de la création dans ces 3 villes de Groupes Locaux de Traitement de la Délinquance (GLTD). Ce groupe a pour premier objectif de mettre en relation les forces communes que sont les élus, la gendarmerie et le procureur. Ce premier cercle constitue la base prépondérante et essentielle d’un premier niveau d’échanges d’informations nominatives relevant du secret professionnel et du secret de l’enquête. Dans certains cas ( !) s’y adjoindront un deuxième cercle composé de représentants de l’Education Nationale, des travailleurs sociaux. Enfin, le cas échéant pourront être invité à ces festivités un ultime cercle composé de personnes morales ou physiques comme des associations de quartier, sportives, de commerçants, etc. Le but, avoué clairement, est de se « doter d’une structure opérationnelle, un outil de répression et de traitement de la délinquance ». Les GLTD offriront un traitement judiciaire prioritaire (comparution immédiate assurée) et une exécution rapide des peines prononcées.
A noter que les faits de violence à Oloron ont diminué de 23% en 2005 par rapport à 2004. Le maire qui a rendu visite au procureur pour demander « conseil » reconnaît qu’ « Oloron est une ville plutôt sûre. Mais on voit se développer des petites incivilités, des faits qui paraissent bénins mais qu’il faut traiter pour qu’il ne s’aggrave pas ». Encore une preuve que le délire sécuritaire actuel est loin de reposer sur une quelconque réalité.

La chasse aux sans-papiers s'amplifie

Par une circulaire du 21 février, les ministres de l’intérieur et de la justice détaillent les conditions d’interpellation et de mise en garde à vue d’un étranger en situation irrégulière, que ce soit à son domicile, dans un foyer, en préfecture ou dans la rue. C’est ainsi que des sans-papiers en demande de régularisation reçoivent des convocations-type (dont le modèle est reproduit dans cette circulaire) en vue de leur interpellation au guichet des préfectures. Si les rafles se multiplient dans certains quartiers de Paris, des demandeurs de cartes de séjour se font arrêter au guichet des préfectures, à leur domicile, dans leur foyer … Médecins du Monde a lancé une pétition contre cette circulaire qui remet en cause le droit aux soins des sans-papiers. En effet, cette circulaire donne aux forces de l’ordre l’accès aux établissements ouverts au public tels qu’un hôpital ou un centre d’accueil pour toxicomanes. C’est ainsi qu’un sans-papier a été appréhendé dans l’enceinte d’un bloc opératoire. Le ministère de l’intérieur pris en flagrant délire a précisé qu’il « n’était en aucun cas envisageable de procéder à ce type d’interpellation dans l’enceinte des hôpitaux ». Néanmoins le libellé de cette circulaire permet ce type de pratique qui ne peut être considéré comme une bavure de flics zélés.
Un exemple récent, parmi d’autres, de l’application de cette circulaire : Le jeudi 20 avril, la police a débarqué à 8h30 dans les locaux d’un service social d’Aurillac pour y interpeller une famille tchétchène débouté du droit d’asile.
Face à cette circulaire, au projet de loi RESEDA sur l’immigration jetable, à la pratique quotidienne de reconduite à la frontière ; une résistance se met en place. A ce jour (le 23 avril) 136 sans-papiers en rétention administrative à Vincennes sont en grève de la faim. A noter que ce type de résistance, existe, d’une manière assez massive (plusieurs milliers de personnes en manifs et des centaines de sans-papiers en lutte) en Belgique depuis l’été 2005 où fut découvert un protocole de coopération qui autorise les arrestations et les expulsions de demandeurs d’asile dans les centres ouverts.
Le Réseau Education Sans Frontières a lancé une pétition : « Nous les prenons sous notre protection » en ligne sur le site http://www.educationsansfrontieres.org/ qui a reçu des milliers de signatures en quelques jours. Cette pétition appelle à la désobéissance civile en revendiquant l’hébergement et l’aide matérielle aux sans-papiers traqués par la police ! Cette pétition est motivée par le fait qu’à partir du 30 juin prochain, les expulsions des jeunes majeurs sans papiers scolarisés et des parents sans papiers d’enfants scolarisés reprendront de façon accélérée et massive.

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