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Retraites : la victoire du président et l’échec du frangin.

jeudi 20 janvier 2011, par Courant Alternatif

Voici peu, nous apprenions par Médiapart et autres journaux en ligne que le projet de fusion entre le groupe Malakoff Médéric (privé) et la CNP (sous tutelle de l’état) n’aurait plus lieu. Les agréments nécessaires des autorités de tutelles dont la banque de France n’auraient pas été accordés.


En février 2007, le journal « le monde » publiait l’entretien de David Thesmar éminent économiste (membre du Conseil d’Analyse Economique (CAE) regroupé autour du premier ministre. Il est aussi directeur scientifique de BNP-Paribas Hedge Fund Centre).
Il y dit entre autre : « …Infléchir le système de retraite. Raboter le système par répartition pour les français ayant un certain niveau de revenu. Cotisant moins, récupérant moins, ils seraient incités à acheter des actions ce qui permettrait de développer les fonds de pension à la française.

Quand un Sarkozy en cache un autre.
En février 2007, la crise ne s’était pas encore révélée ; N. Sarkozy à la tête de l’UMP briguait la présidence et le grand public ignorait l’existence de Malakoff Méderic.
Depuis, la bataille des retraites a été perdue pour les salariés malgré une opinion largement favorable, les fortes mobilisations et les multiples lieux de débordements hélas restés trop minoritaires. Mais cette bataille a été gagnée par le gouvernement uniquement grâce à la bienveillante complicité des bureaucraties syndicales.
La loi votée au parlement et au sénat, puis promulguée par le président N. Sarkozy est une étape pour détruire la retraite de solidarité par répartition et y substituer celle par capitalisation, chère aux banques et autres assurances privées. Cette nouvelle loi est une victoire pour le patronat et le MEDEF, dont Guillaume Sarkozy (le frère) fut vice-président jusqu’en 2006. Il est aujourd’hui, « Délégué Général » du groupe « Malakoff-Méderic » (groupe d’assurance de santé privé).


Méderic Malakoff.

Ce groupe, crée en 2008 par la fusion de Malakoff et de Médéric, est un de ces groupes d’assurances et mutuelles santé paritaires de protection sociale complémentaire.
Le groupe Malakoff est la continuité de la caisse syndicale d’assurance mutuelle des forges de France : association d’un patronat éclairé crée vers la fin du 19° siècle. Celle-ci garantira les indemnités en cas d’accident du travail, des salariés affiliés dépendant de l’UIMM : Union des Industries et Métiers de la Métallurgie. L’évolution de la couverture sociale et santé ne doit, bien sûr, rien à un patronat philanthrope envers les travailleurs. Elle résulte des luttes menées et des rapports de forces du prolétariat qui a pu alors arracher ces avancées sociales.
Le groupe Médéric, trouve son origine dans les gestions des CCAF : Comité Central des allocations familiales et du CCAS : Comité Central des Assurances Sociales. La coordination de ces comités qui deviendront les « Caisses » se fera dans les années 1920. Résultat, non pas de la confrontation par les luttes d’un prolétariat vaincu et décimé par la boucherie de 1918, ou de la philanthropie des maîtres et capitaines d’industrie de l’époque, mais bien de la situation économique de la France au sortir de la guerre. Il faut à la fois, repeupler le pays et trouver de la main d’œuvre. D’où l’instauration des aides familiales au nombre d’enfants à charge dès la maternité, qui permettra aux femmes de se « libérer » pour suppléer aux emplois et postes laissés vacants par les hommes morts à la guerre ou trop invalides pour faire tourner les usines. Face à une classe ouvrière réduite mais encore combative et attentive aux échos d’une révolution sociale naissante de l’autre côté de l’Oural, les gestionnaires du capital français ont opté pour le paiement d’une paix sociale. Il en sera de même au sortir de 1945 via le conseil national de la résistance qui trouvera le juste équilibre entre le redéveloppement du capital français et l’élargissement de toutes ces lois sociales en faveur des travailleurs.
Ainsi au fil des décennies et des gouvernements successifs (quelque soient leurs étiquettes politiques) les deux groupes évolueront et se rapprocheront au point de faire fusionner leurs intérêts en 2008.
Ce groupe de protection sociale couvre aujourd’hui la gestion des retraites complémentaires des salariés cadres comprenant 3,1 millions de cotisants salariés, 2,7 millions de retraités et des assurances pour les salariés d’entreprises dans les domaines de la santé, de l’épargne retraite…
Comme tous les autres groupes mutualistes du secteur santé, Malakoff-Médéric se veut aussi à but « non lucratif ». Le fonctionnement paritaire assure une représentation égale aux représentants des entreprises et des assurés/cotisants dans les lieux de décisions que sont les conseils d’administration. Paritarisme oblige, les représentants des salariés/assurés qui y siègent sont quasiment tous affiliés aux organisations syndicales : CGT, CFDT, CFTC, FO et CGC. Tous bénéficient de détachement ou de temps syndicaux d’entreprise pour y siéger. Les autres : UNSA ou Solidaires n’ont sûrement pas eu le temps de s’y faire une place conséquente car la bataille y est rude.
De fait, le groupe Malakoff-Médéric n’est pas pire que les autres groupes des mutuelles qui couvrent le marché français des retraites et autres assurances. Un secteur financier, qui n’a plus de « mutualiste » que l’appellation. Un secteur qui est aussi « solidaire » que les bureaucraties syndicales sont porteuses d’émancipation sociale. On peut comprendre alors leur silence sur ce groupe privé lors du conflit des retraites.

Oligarchie et népotisme ?

Rappelons d’abord l’affaire de Jean Sarkozy… Il est promu à la présidence de l’EPAD : structure économique et financière de la région la plus riche de France, les Hauts de Seine, car fils de son papa Président de la république. Devant le tollé suscité dans les milieux d’affaires et politiques (y compris dans les rangs de l’UMP), N. Sarkozy dût battre en retraite et faire patienter le fiston à la mairie de Neuilly.
Notons aussi l’autre demi-frère du président : François Sarkozy. Ancien pédiatre recyclé dans la gériatrie, via l’industrie pharmaceutique. Conseiller de surveillance chez Bio Alliance Pharma, président de l’AEC dont une des activités est le conseil d’investissement aux fonds de pensions. Il est aussi parti prenant d’une chaîne télé sur la santé, financée par le groupe pharmaceutique des laboratoires Sanofi.
Si différentes enquêtes ont démontré les accointances de R. Bachelot, ex pharmacienne, ex employée représentante des trusts pharmaceutiques, suite au scandale des achats du vaccin anti-grippal H1N1, personne ne manquera de remarquer les liens entre François, très lié au monde des labos, traitant entre autre de la gériatrie, et Nicolas, président qui a décidé de la mise en place d’un grand plan de plusieurs centaines de millions d’euros pour lutter contre la maladie « d’Alzheimer ».
Nous passerons rapidement sur l’autre demi-frère du président : Olivier Sarkozy qui codirige depuis 2008 l’activité internationale des services financiers du groupe d’investissement américain : Carlyle Capital Corporation.
Cette fois-ci, il s’agit du frère du président : Guillaume Sarkozy. Ex vice président de la CNAM (Caisse Nationale Assurance Maladie) de 2004/2005. Ex vice président du MEDEF jusqu’en 2006, et aujourd’hui à la tête de Malakoff-Médéric en tant que Délégué Général du groupe.
Depuis la loi Fillon 2003, les entreprises peuvent proposer des mutuelles employeurs à leurs salariés. Celles-ci seront obligatoires en 2011. En échange, elles prennent en charge une partie des cotisations qu’elles récupèrent par des exonérations de charges. L’employé doit alors résilier son contrat de mutuelle personnelle et y inscrire même ses ayant droits (famille). Obligés les salariés du secteur de l’architecture (2008). Obligés les salariés de la SECU, de la CAF. Ceux de Pôle Emploi : ex ASSEDIC et ANPE. Vu la concurrence on peut s’interroger sur les conditions offertes par Malakoff Médéric. Pour 2011 seront contraints les employés de l’Hôtellerie Restauration environ 800 000 personnes. Les tractations étaient-elles une contre partie contenue dans la baisse du taux de TVA accordée aux bistrotiers ? Bref depuis 2008, grâce à ce dispositif, le groupe Malakoff Médéric a récupéré plus d’un million de souscripteurs.

Bref, avec une telle famille qui sert les intérêts des labos, les fonds de pension anglo-saxons en embuscade, un groupe français d’assurances complémentaires, tous derrière le plus connu à la tête de l’Etat en charge de l’exécutif politique et économique de la France, on reste dubitatifs sur l’éternel et abyssal « Trou de la Sécu » ou à l’irrémédiable et proche faillite de notre système de retraite solidaire par répartition à cause d’un vieillissement de la population. Comme résumerait l’autre : nous sommes bien soignés.

Une cagnotte à plus de 110 milliards d’euros.
Le gouvernement nous a ressassé qu’il agissait pour le bienfait du système de retraites par répartition. Dès la loi Woerth-Sarkozy promulguée, la propagande officielle (dont le frère Sarkozy) claironnait que les retraites étaient sauvées. Réalité oblige, personne n’est dupe. Cette réforme va entraîner une nouvelle baisse du taux des pensions, conduisant les futurs retraités qui n’ont pas le profil énoncé en début d’article à rejoindre ceux qui vivent déjà sous le seuil de pauvreté.
La perspective de la baisse de cette retraite versée par le régime solidaire, incitera nombre de salariés, ceux qui en ont les moyens, et surtout les jeunes « obligés », à se tourner vers les complémentaires privées. Cette politique pénalisera encore plus à la baisse le pouvoir d’achat des bas revenus. Nombre de groupes en concurrence, dont des plus puissants que Malakoff-Médéric, rêvent de se partager ce futur marché, évalué à 110 milliards d’euros en 2020. D’ailleurs la loi prévoit quelques dispositions pour obliger les grandes entreprises privées à mettre en place des systèmes d’épargne retraite.


Le groupe SEVRIENA

Le groupe du frère Sarkozy espère bien se tailler une part de ce juteux marché très concurrencé. A cet effet, et pour lui, a été crée une société commune avec la Caisse Nationale de Prévoyance (CNP) pour prendre pied dans le secteur de l’épargne retraite en entreprise. Cette co-entreprise devait donner naissance, dès janvier 2011, à une société d’assurance : SEVRIENA, dont l’objectif était de développer massivement la retraite par capitalisation.
Notons que la CNP est une filiale de la Caisse de Dépôts et Consignation (qui gère le fond de réserve des retraites pour l’Etat), de la Banque Postale et du groupe Caisse d’Epargne. Le président de ce dernier n’est autre qu’un ancien secrétaire général de l’Elysée.
Cette fusion avait, alors, été dénoncée dans les conseils d’administration et auprès des salariés par SUD-CNP et FO (GIEGES) : « Ce projet est avant tout un projet politique, visant à créer un système de fond de pension à la française, destiné à substituer aux anciens régimes de retraite par répartition, un système par capitalisation…Une alliance CNP/Malakoff -Médéric, malgré sa présentation dithyrambique, ressemble au mariage de la carpe et du lapin… » Alliance contre nature des partenaires car la mission de la Caisse des Dépôts et Consignation et de garantir la pérennité des régimes par répartition du fond de réserve des retraites. Le groupe Malakoff Médéric de droit privé spécialisé dans la retraite complémentaire et l’assurance a l’objectif opposé : tirer profit du marché ouvert par cette réforme des retraites. La part du marché visé par SEVRIENA est évaluée à plus de 17% pour les retraites collectives.
En effet, la réforme des retraites aboutira à l’asphyxie financière des grands régimes par répartition, et favorisera, ainsi, l’éclosion des grands fonds de pension français. La CNP assure déjà la gestion de fond de pension complémentaire comme PREFOND Retraite, vendu aux agents de la fonction publique.
Avec sa réforme, N. Sarkozy favorise certes son frère mais a surtout répondu à la demande du MEDEF et de L. Parisot, sa présidente, qui réclamait : « …un nouveau dispositif, très incitatif, voire obligatoire, de système par répartition. » Cette obligation faite aux entreprises profite, certes, à tous les groupes d’assurance et banques, mais le lien familial aide grandement le frère du président et son groupe Sevriena. C’est la loi Fillon de 2003 qui favorisa la mise en place et le développement de l’épargne retraite en entreprise, avec la création du PERP (Plan Epargne Retraite Populaire) et du PERCO (Plan Epargne Retraite Collectif) qui se substitue au Plan d’Epargne Salarial Volontaire mis en place par la gauche en 2001.
En 2009 ces plans d’épargne n’ont drainé qu’une dizaine de milliard d’euros. Pour un jackpot à se partager, estimé à plus de 100 milliards dans les années à venir, on comprend l’impatience des banques et assurances, via N. Sarkozy, à nous faire admettre la faillite programmée du système solidaire de retraite par répartition.
Pour autant, sont-elles une des causes du camouflet subit par l’Elysée et de l’échec du frère dans son projet de fusion ? Ce coup d’arrêt résulte-t-il d’agissements discrets de la part de groupes financiers : banques (BNP-Paribas, Société Générale…) et groupes d’assurances privées (AXA leader mondial) qui convoitent avec la même voracité ce juteux marché ?
Les liens d’intérêts familiaux étaient-ils trop flagrants au risque de susciter un nouveau futur scandale pour favoritisme et connivence entre le président et son frère ? Liens révélés par le député communiste A. Gérin lors d’une séance de l’assemblée Nationale en exhibant le montage photo de Nicolas et de Guillaume suite aux informations de Médiapart ?
Toujours est-il que si l’on se réjouit de cette bonne nouvelle « institutionnelle » la casse de notre système des retraites est belle et bien programmée. Cette loi n’est qu’une étape avant que le sujet ne soit repris par les députés. La loi dit que les partenaires sociaux et le parlement devront examiner en 2013 s’il est possible de mettre en place un régime alternatif à notre actuel régime par répartition.

MZ caen le 26 12 2010.

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