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LGV au Pays Basque :

Une lutte contre l’aménagement capitaliste du territoire

vendredi 15 octobre 2010, par Courant Alternatif

L’aménagement du territoire, c’est la politique visant, sur un espace donné, à organiser et répartir les humains, les activités, les services, et à faciliter les liaisons (routières, ferroviaires, maritimes, aériennes, numériques...) entre eux et avec le monde extérieur.
Tout cela a évidemment des conséquences sur l’avenir, sur ce que sera cet espace demain, comment nous y vivrons. L’aménagement du territoire conditionne donc fortement notre espace et notre temps, puisqu’il s’occupe de la question « comment vivre ensemble » ?
Cette question est essentielle : un signe flagrant en est la résistance qu’opposent des populations à des projets d’infrastructures qu’elles jugent inutiles, voire néfastes et dangereux, et qu’on cherche à leur imposer.


Caractéristiques générales
des luttes contre
les grands projets

Les projets d’aménagement peuvent être de toutes sortes : ils peuvent être très localisés et de taille apparemment modestes, mais non sans conséquences négatives (carrières, déchetteries, habitats touristiques, micro-centrales...)  ; ou bien être de gigantesques projets, coûtant beaucoup d’argent et provoquant de lourdes conséquences négatives environnementales, sociales et économiques.
Mais qu’ils soient à échelle locale, nationale ou internationale, une caractéristique est commune à la mise en place de ces aménagements : la parole des habitant-e-s est confisquée, et ceux-celles-ci sont totalement exclus de la prise de décision alors qu’ils-elles sont directement concernés dans leur quotidien d’aujourd’hui et de demain. Ce qui met en mouvement en priorité les populations, c’est qu’elles se sentent agressées par une infrastructure qu’elles jugent non seulement inutile mais aussi destructrice  ; et c’est également qu’elles se sentent méprisées par les promoteurs qui leur mentent, qui feignent la concertation et qui cherchent à leur imposer coûte que coûte, sans qu’elles aient droit à la parole et encore moins à la décision, un projet dont elles expriment clairement le refus.
Les luttes concernant l’aménagement du territoire sont au cœur de la question sociale.
Elles sont une défense de l’espace, un combat contre sa transformation en marchandise ; elles reflètent l’attachement à un territoire, à un espace de vie, à une terre, à un environnement, à des rapports sociaux et culturels dont on refuse la détérioration ou la destruction. Elles mettent en évidence les intérêts, en termes de rentabilité et de pouvoir, qui guident les promoteurs des projets, et leur opposent les besoins et les valeurs de ceux-celles qui luttent face aux puissants. Elles remettent en cause les procédures d’information et de décision dans la mise en place de ces projets et posent le problème du pouvoir de décision, de la démocratie. Elles pointent du doigt les tares du système capitaliste, modèle économique, social et culturel colonisateur et destructeur, et peuvent porter en germe le projet d’un autre type de société.


Le cas particulier de la lutte
contre le projet de LGV
au Pays Basque nord

Dans cet article n’est prise en compte que la lutte contre une grande infrastructure de transport, le projet de nouvelle ligne à grande vitesse (LGV) au Pays Basque nord. Ce cas peut servir à élargir la réflexion à d’autres luttes concernant l’aménagement du territoire.

Il est intéressant de se demander pourquoi les projets de grande infrastructure font naître des luttes dans certains territoires et pas dans d’autres. L’action collective n’est pas un phénomène spontané, et les mêmes causes ne produisent pas systématiquement les mêmes effets.
La capacité de résistance et de mobilisation des populations face à des projets jugés indésirables tient à une certaine alchimie. Plusieurs éléments y contribuent  : l’attachement à un territoire, et la conscience aussi bien individuelle que collective de ce qu’on risque de perdre ; une tradition de lutte, ou la connaissance et l’influence d’autres luttes contre des projets similaires ; un contexte sociopolitique qui favorise une meilleure prise de conscience ; un fort investissement militant pour rechercher des informations précises sur le projet qui menace et pour les diffuser largement ; un travail soutenu pour faire circuler publiquement informations et argumentations ; un effort d’organisation et de coordination pour que se constitue dans la durée une force collective.
La richesse des liens sociaux, une culture de la lutte, la densité d’un tissu associatif et militant dynamique contribuent à l’impulsion, à la pérennisation et à la montée en puissance de la mobilisation.
Le Pays Basque a beaucoup de ces atouts.

Clivages de classe

De telles luttes touchent toutes les couches sociales. Elles sont donc interclassistes, regroupant toutes sortes de gens.
Mais des clivages existent. Au Pays Basque nord, les « grands élus », ainsi appelés parce qu’ils sont à la tête des plus grosses villes (Bayonne, Anglet, Biarritz), sont favorables à la LGV, à la différence des élus des autres villes traversées. On retrouve la même chose au Pays Basque sud : le parti de la droite nationaliste (PNV) défend la mise en place du TGV et contribue à son impulsion et à son financement public, aux côtés des PS basque et espagnol et du parti de droite, le PP. Clivages donc entre les « représentants » des zones urbanisées et ceux des zones rurales ou moins urbanisées ; clivages de classe, puisque, au-delà des étiquettes politiques de droite ou de gauche ( PS, UMP et FN défendent la LGV au Pays Basque nord) et au-delà des appartenances nationales, ce sont les bourgeoisies régionales qui agissent, main dans la main, avec les Etats pour garantir leurs intérêts et ceux des multinationales.

Le conflit se situe entre deux modèles opposés de société et de développement. La ligne de fracture se fait entre, d’un côté, les partisans de l’accroissement de l’urbanisation, de la concentration des richesses, de l’augmentation des flux de marchandises, y compris humaines, sous couvert d’intérêt général et au nom du progrès, du développement – qualifié dorénavant de « durable » ou « soutenable » pour faire passer la pilule. Ces hommes et femmes politiques-là, de droite comme de gauche, sont les serviteurs zélés des intérêts de la bourgeoisie et des groupes industriels et financiers, avides de coloniser toujours plus les espaces et le temps pour accroître leurs profits. Et, face à eux, ceux-celles qui s’opposent au projet remettent en cause son utilité et sa pertinence, dénoncent les tromperies et les mensonges des promoteurs et de leurs alliés politiques, mettent en évidence les dégâts environnementaux, sociaux, culturels qu’ils subiront, signalent le renforcement des inégalités territoriales (désertification sociale et économique de nombreuses régions au profit des gros pôles), pointent du doigt le gaspillage des finances publiques pour les intérêts de quelques-uns, alors que des besoins réels ne sont pas satisfaits.
Les intérêts de classe, dans le cas d’une LGV comme dans celui de bien d’autres projets, sont assez évidents pour tous et toutes, et sinon méritent d’être pointés : le projet de LGV a essentiellement pour objet de satisfaire les intérêts du BTP (Vinci, Eiffel, Bouygues...) et le lobby du matériel ferroviaire (la société Modalhor, par exemple). Les profiteurs sont multiples qui gravitent autour des marchés LGV, l’œil rivé sur le CAC 40 et sur le nombre de LGV et TGV qu’ils pourront vendre à l’étranger. Et les bourgeoisies locales et surtout régionales ainsi que leurs représentants politiques voient d’un bon œil les miettes qu’ils pourront en tirer en termes de développement et de pouvoir ; c’est ainsi que se mène une rivalité débridée entre les conseillers régionaux de Bordeaux et de Toulouse pour se disputer la priorité dans la mise en place des tronçons.

Par ailleurs, la dimension de classe est aussi apportée par des cheminots quand ils entrent dans la lutte avec leurs connaissances et leurs informations sur la politique de RFF, sur leurs conditions de travail, sur la dégradation du fret, sur les suppressions de postes qu’ils subissent et/ou qui les menacent, et qu’ils mènent des actions communes sur ces thèmes avec les anti-LGV.
Elle l’est également quand des petits paysans se mobilisent et, par exemple, refusent, collectivement et avec l’appui des habitants, dans chaque commune touchée par le tracé, de répondre aux enquêtes de RFF, maître d’œuvre de la LGV, menées pour réaliser un prétendu « diagnostic » agricole, en catimini et avec la complicité de la chambre d’agriculture de Pau, diagnostic qui n’est qu’une expropriation déguisée en faveur de la LGV. Bien que traversant des zones urbanisées, la LGV contribuerait fortement à faire disparaître des petits paysans de la province côtière du Labourd : elle absorberait 9 ha de terre/km, une trentaine d’exploitations agricoles seraient détruites, 700 ha de prairies et de champs disparaîtraient.

Forces et limites de la lutte

Cette lutte a des aspects très positifs. Elle est le fruit d’un travail militant préparatoire. Le CADE (Collectif des associations de défense de l’environnement), qui existe depuis longtemps au Pays Basque nord et fédère quasiment toutes les associations qui luttent contre des projets d’aménagement contestés pour leurs nuisances environnementales et sociales, a joué un rôle de dynamisation indéniable : recherche d’informations précises dans un contexte où les promoteurs cherchent à cacher, à truquer, à mentir ; élaboration d’une analyse argumentée ; travail de socialisation de ces informations. La population est bien sensibilisée et bien informée, au travers de réunions publiques, d’articles dans la presse et dans les radios, de revues autonomes (Ortzadar, BP 90080 64990 Mouguerre), d’actions. Des efforts vont être faits pour mieux informer les habitant-e-s de l’intérieur du Pays Basque, par des séries de réunions publiques dans les provinces de Basse-Navarre et de Soule, afin que l’écho de cette lutte se fasse plus fort dans tout le Pays Basque nord et étende davantage la mobilisation. Des collectifs se sont constitués dans chaque localité touchée par le tracé et y sont bien ancrés. Ils se sont intégrés dans le CADE et se coordonnent, au travers d’assemblées fréquentes et d’une information qui circule bien. Une réflexion collective est menée, assez poussée, qui remet en cause clairement le modèle de développement actuel.
Des « petits » élus (29 maires) ont été amenés à s’opposer à la LGV, alors qu’ils y étaient favorables à 80 % il y a à peine un an. Ils ont financé une contre-expertise qui a contredit le diagnostic et les prévisions de RFF et qui a donné raison aux analyses du CADE ; ils sont obligés de prendre en compte les référendums locaux organisés par les comités de village dans les communes touchées, et qui ont montré qu’une moyenne de 90 % des votant-e-s sont hostiles à la LGV ; ils sont conscients de perdre une partie de « leur » territoire, et surtout de devoir payer une énorme facture. En effet, l’Etat étant très à court de finances, les collectivités locales et régionales seront mises à contribution ; l’ensemble des projets Atlantique (20 milliards) coûtera près de 4 800 euros en moyenne à chaque foyer fiscal au bout de cinquante ans, dont 2 700 euros d’intérêts ; les usagers des TGV devront eux aussi payer la note.
La participation de cheminots, de paysans est un atout important dans la lutte. De même que les positions anti-LGV de partis politiques, de syndicats, d’associations de toutes sortes, et elles sont nombreuses au Pays Basque.
Enfin, l’extension de la coordination à toutes les luttes anti-LGV en France, en Italie, au Pays Basque sud et dans les Asturies, depuis la manifestation et l’adoption de la charte d’Hendaye en janvier 2010, permet d’espérer une amplification de la lutte, même si les associations signataires ne jouissent pas toutes des mêmes forces ni d’une combativité égale. Ainsi, la prochaine manifestation envisagée au cours de l’hiver 2010-2011 pourrait se faire de façon simultanée dans plusieurs régions et pays.

Cependant, il est important aussi de pointer les limites, ou plutôt de faire apparaître les questionnements posés par cette lutte et son avenir.
Tout d’abord, pour ce qui concerne les formes de lutte, le CADE souligne la nature pacifique de son action. On peut même dire sa nature essentiellement légale, puisque le Collectif utilise, pour le moment, tous les moyens légaux à sa disposition. Cette prudence peut être analysée comme une démarche tactique de l’association (s’en tenir officiellement à des actions pacifiques pour se garantir pénalement, mais surtout réussir l’objectif de mettre en place et de consolider une force collective, en faisant que s’impliquent dans la mobilisation le plus de gens possible). Cela n’empêche pas le CADE de dénoncer l’attitude méprisante des autorités en la considérant comme propre à « déclencher des incidents », comme s’il anticipait sur une radicalisation éventuelle de la lutte face à l’intransigeance du pouvoir, et une fois qu’auront été épuisées les cartes de la légalité.

Au Pays Basque sud, les anti-TGV ont refusé très clairement l’immixtion de ETA dans leur lutte. Ils veulent aussi que celle-ci soit pacifique, appellent à la mobilisation et à la prise d’initiatives ; mais également à employer des formes d’action directe, à commettre des actes de désobéissance pouvant passer par des actes illégaux.

Ensuite, sans être dupes ou naïfs, les opposant-e-s de plusieurs régions et pays qui ont signé la charte d’Hendaye jouent la carte du jeu politique et des institutions, en tentant de faire pression sur ces instances de pouvoir.
Ils s’adressent aux décideurs pour leur demander de changer de politique, comme s’ils essayaient de se constituer en contre-lobby… Ainsi, ils sollicitent les instances européennes : un déplacement a eu lieu à Bruxelles, en mai, pour demander à la CE et au Parlement européen, « en tant que moteurs des politiques des transports à moyenne et longue distance au niveau de l’UE, l’ouverture d’une réflexion sur l’absurdité et la non-nécessité des grandes infrastructures, et une révision profonde de la stratégie de l’UE relative aux transports européens ». Ils prennent à parti les gouvernements français, italien, espagnol en leur demandant l’« arrêt immédiat des travaux et projets de LGV pour entamer un véritable débat public uniforme au niveau européen sur le modèle de transport, d’aménagement du territoire et de société sous-jacent à ce développement effréné des LGV ». Ils s’adressent au TEN-T (Trans European Network-Transports) : ils sont allés à Saragosse, en juin, lors d’une réunion organisée par la Commission transport de l’Union européenne (qui doit redéfinir de nouveaux objectifs pour sa politique de transport) «  pour faire entendre [leur] voix discordante, face aux lobbies très forts des bétonneurs (Bouygues, Vinci, Eiffage et autres) et des vendeurs de matériel ferroviaire spécifique à la très grande vitesse ».

Enfin, la lutte contre la LGV est qualifiée de « citoyenne ». D’où les recours aux référendums locaux, le jour des élections cantonales, puis régionales. On peut admettre que ces consultations ont le mérite, en offrant un cadre qui permet l’expression de la volonté populaire, de « démocratiser la démocratie », comme le dit le CADE ; de montrer que le peuple est souverain et détient le pouvoir collectivement. Elles peuvent impliquer et souder les habitant-e-s d’une commune, faire fortement pression sur les élus, témoigner de l’ampleur du refus. Le succès de ces référendums peut symboliser l’exigence qu’ont les habitant-e-s de pouvoir décider de toutes les infrastructures et de tous les projets qui conditionnent totalement le présent et l’avenir de chacun-e.

Ces votations à caractère purement symbolique sont en effet dans la lignée d’une exigence démocratique : à savoir que ce sont les populations directement concernées qui sont les mieux à même de répondre aux questions « De quoi avons-nous besoin ? Quels transports voulons-nous mettre en place qui répondent à ces besoins ? »  ; que c’est à elles que doit revenir en dernier recours la décision, « fondement d’une authentique démocratie et autonomie locale face à un modèle de développement imposé ». Mais la confusion existe de considérer ces votations comme un exercice de démocratie directe,alors qu’elles équivalent, le décorum électoral en moins, à un recueil de signatures au bas d’une pétition.

A un autre niveau, le CADE s’est investi dans les dernières élections régionales, non pour appeler à voter pour telle ou telle liste particulière mais pour appeler à ne pas voter pour les listes et/ou les individus clairement pro-LGV. Là, la tactique est plus discutable, dans la mesure où ce type d’élection va à l’encontre de l’autonomie et de la démarche collective. De plus, intervenir sur ce terrain donne de la légitimité à la « démocratie » représentative. Ainsi, par exemple, de nombreux-ses électeurs-trices de la côte basque ont voté pour les candidat-e-s d’Europe Ecologie parce que cette liste affichait son opposition à la LGV avant les élections ; or, pour retrouver un strapontin à la région, Europe Ecologie n’a pas hésité à se faire à nouveau partenaire d’un président de la région Aquitaine PS, pro-LGV notoire et réélu. Et ce retournement de veste assez spectaculaire d’Europe Ecologie, quoique peu surprenant, n’a pas fait l’objet de dénonciation en bonne et due forme de la part du CADE et n’a été accueilli que par un laconique « Sans commentaire ».

L’amorce de projets de société
en rupture avec le capitalisme ?

Souvent, dans ce type de luttes, la mise en avant d’alternatives afin d’asseoir une certaine crédibilité et de ne pas apparaître comme uniquement « anti » apparaît comme un passage obligé. Or, dans le cas des anti-LGV, cela est en partie évité puisque les revendications sont, au Pays Basque nord  : « Non à une ligne nouvelle LGV, les voies anciennes suffisent, au prix de quelques améliorations de bon sens et peu coûteuses »  ; et qu’au Pays Basque sud la lutte porte carrément sur le refus du TGV. Donc, il n’y a pas de proposition alternative proprement dite, sinon celle de conserver et d’améliorer les voies existantes et de répondre aux besoins des populations pour un service public de transport en commun de qualité (les lignes TER sont de plus en plus vétustes ; les gares disparaissent, éloignant d’autant les usagers du point de départ ou d’arrivée ; la formule TGV devient le mode de transport ferroviaire imposé...) et accessible à tous. Des réflexions et des actions existent dans ce domaine, portées par les anti-LGV ainsi que par des syndicats ouvriers et d’autres associations.

Des axes de la lutte sont anticapitalistes, dans la mesure où celle-ci remet en cause une idéologie du développement, de la croissance et de la vitesse. Où elle combat la conception d’un réseau d’infrastructures démesuré, destructeur (l’argument du ferroviaire se substituant à la route pour ses mérites écologiques ne tient pas, puisque l’autoroute Bayonne-Hendaye vient de passer à 3 x 3 voies, que le TGV est nourri par l’électricité nucléaire…), centralisé et destiné à relier les gros pôles (1), l’urbanisation galopante, le gaspillage au détriment des besoins réels, une société vouée au fric, à la technologie et à la marchandise, qui transforme les territoires et les humains eux-mêmes en marchandises. Est clairement mentionnée la revendication de la « décroissance des transports, liée à une transformation profonde du modèle économique et social, en faisant notamment de la proximité et de la relocalisation de l’économie une priorité ». Principes qui s’opposent effectivement aux tendances actuelles du capitalisme.

Mais s’il n’est pas clairement dit que le capitalisme est, par nature, un système d’exploitation et d’oppression destructeur, productiviste, gaspilleur, colonisateur des espaces, et qu’il impose la marchandisation à tous les aspects de la vie, le risque est de lutter contre une forme seulement du capitalisme, le (néo)libéralisme, le capitalisme « globalisé ». En effet, la lutte tend à mettre en avant une idéologie de la décroissance, compatible finalement avec un capitalisme à échelle plus locale et/ou régionale, bien vu par une bourgeoisie ravie de renforcer son enrichissement et ses pouvoirs. De plus, quand les opposant-e-s à la LGV invitent les décideurs politiques à cesser leurs projets pharaoniques et absurdes, ne les invitent-ils pas à s’engager dans un capitalisme plus prudent et mesuré, la crise financière et la dette publique pouvant leur fournir des arguments supplémentaires dans ce sens ? D’ailleurs, même des capitalistes libéraux remettent aujourd’hui en cause la stratégie française de développement des TGV, qu’ils trouvent aberrante car de moins en moins rentable (cf. l’article dans Cyber voix libérale : « Les lignes nouvelles sont des gouffres financiers » « grand gaspillage lié à notre fétichisme proferroviaire », « insoutenabilité financière du rail »).

Quant à la réflexion sur la démocratie dont est porteuse cette lutte, elle permet, par de nombreux aspects, de rompre avec la pseudo-démocratie actuelle : elle remet en cause la détention du savoir et de la décision par les experts et par les élus ; elle prône le contrôle des gens sur les élus. Les gens en lutte s’approprient l’information, le savoir, la réflexion et la décision, donc la politique ; ils font la preuve qu’ils sont porteurs du projet d’une autre société, et que la vie publique ne peut se passer d’eux. Mais cela a aussi ses limites ; cette lutte est empreinte d’idéologie citoyenniste et ne va pas jusqu’à rompre avec le jeu politique actuel – comme l’indique la demande faite aux gouvernements de l’ouverture d’un « véritable débat public sur le modèle de transport, d’aménagement du territoire et de société sous-jacent à ce développement effréné des LGV ». Quel pourrait être un « véritable débat public » fomenté par des gouvernements et des décideurs au service des lobbies Vinci, Eiffage, Lafargue, Bouygues... ?


Pays Basque, le 20-09-2010
Sites :
www.voiesnouvellestgv.webou.net
www.ace.hendaye.overblog.fr


Une des initiatives anti-TGV au Pays Basque sud

Après le camping anti-TGV de cet été organisé comme chaque année par l’Assemblée anti-TGV du Pays Basque sud, un autre camping s’est déroulé à Zornotxa (dans la contrée de Durango, en Biscaye), pour trois journées du 17 au 19 septembre, ouvert à « toutes les personnes qui veulent réfléchir à une autre façon de vivre avec la terre et refusent qu’elle soit submergée de ciment, de tunnels, de viaducs, de routes, etc. ».
L’appel vient d’un collectif local d’opposants au TGV en voie de construction au Pays Basque sud. Depuis juin 2010, ils occupent le hameau du quartier de Leginetxe du village de Zornotza. Il s’agit d’empêcher la destruction de ce hameau, condamné par le chantier du TGV. Il s’agit, au-delà, d’essayer de paralyser un projet qui menace Zornotza, la contrée de Durango et tout le Pays Basque. Au cours de l’été, des gens de tout le Pays Basque et d’ailleurs sont venus participer à l’occupation.
Les opposants revendiquent une autre façon de vivre, plus de lenteur, le respect de la terre  ; la volonté de maintenir les bois, les ruisseaux, les fermes. « C’est pour cela que nous continuons, à Leginexte, à entretenir cet humble espace de résistance face à la folie du développement qu’ils cherchent à nous imposer. D’ici même, nous observons l’avancée brutale des travaux. La crise n’existe pas pour le TGV. Il continue à se faire, dévorant des millions d’euros puisés dans toutes nos bourses alors que tant de gens sont au chômage et n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois. La construction du TGV dévore aussi des vies humaines sur les chantiers : officiellement, deux ouvriers sont morts en Alaba. Alors que ce chantier était annoncé comme porteur de bien-être et de prospérité pour notre pays, la seule chose qu’il a apportée, c’est la destruction de la terre et la mort de travailleurs. »

Contacts :
elkarlanadurango[at]gmail.com / www.sindominio.net.ahtez / www.ahtgelditu.org

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