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Roms

Ne soyons pas amnésiques… Nique la République !

vendredi 15 octobre 2010, par Courant Alternatif

Le 30 août, Eric Besson affirmait que, dans sa politique menée à l’encontre des délinquants en général et des Roms en particulier, la France était « fidèle à la tradition républicaine ». Il ne faisait que répéter là ce que Sarkozy ou Hortefeux avaient déjà martelé à plusieurs reprises. Et les uns comme les autres avaient parfaitement raison ! Ceux qui, comme les rédacteurs de l’« Appel citoyen contre la politique du pilori » pour la manifestation du 4 septembre, prétendent le contraire sont des menteurs, des ignorants ou des amnésiques.


Leur argumentation repose sur le fait que « la Constitution de la France, république laïque, démocratique et sociale », assure « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».
On sait pourtant que les Constitutions n’ont que peu de poids, face aux réalités des rapports de forces entre les classes sociales que traduisent les pouvoirs législatif et exécutif. Il n’est que de se souvenir de celle de l’URSS, qui se prévalait de « la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes » et avait le communisme comme objectif ! Ou bien de celle de 1980 au Chili, sous le régime de Pinochet, affirmant que ce pays était une démocratie républicaine qui élisait ses représentants au suffrage universel. La réalité d’une société, ce n’est donc pas sa Constitution mais les mesures législatives, judiciaires et policières qui la structurent.
Lorsqu’on se penche sur l’histoire de la place des Roms, Gitans, Manush et autres Bohémiens dans l’hexagone et des législations qui les encadrent, on ne fait que dérouler un fil qui montre que c’est bien dans la tradition républicaine de discriminer sur des bases ethniques les bons et les mauvais « citoyens ». On constate alors que la fameuse égalité de tous les Français devant la loi n’est qu’un mythe maintes fois démenti dans les faits par tous les gouvernements y compris républicains. Il ne s’agit nullement d’« accident de l’Histoire » ou de dérive autoritaire, mais d’une constante structurelle.

Quelques rappels élémentaires

Il faut tordre le cou au cliché du Rom nomade qui aurait le voyage dans le sang.
Dans les pays de l’Est, les neuf dixièmes sont maintenant sédentaires, ouvriers ou paysans. Sous le régime communiste, le nomadisme était interdit et il a été éradiqué. Concernant les Roms nouveaux arrivants (environ 15 000) en France, aucun n’est un « nomade ethnique » (1) ; leur nomadisme, c’est celui, contraint et forcé, de tous les migrants en situation irrégulière. La France est avec la Grande-Bretagne le pays qui compte la plus grande proportion de nomades (qui possèdent un carnet de circulation), mais cela ne représente qu’un peu plus du tiers des quelque 400 000 Roms de nationalité française.

Pour mémoire, rappelons quand même le sort qui leur fut réservé avant 1789 en Europe – et la République n’y est ici pour rien ! Chassés de partout à partir de la seconde moitié du XVe siècle, ils fuient souvent les villes et se refugient dans des zones tampons, dans les forêts ou les montagnes. Les mesures d’expulsion prises à leur encontre sont assorties d’arsenaux législatifs, en cas de refus, qui rivalisent d’ingéniosité : décapitation aux Pays-Bas, flagellation en Espagne et en Allemagne, mutilation des oreilles en Castille, en Bohême et en Moravie, rasage des cheveux et de la barbe avec internement en France, envoi aux galères en Espagne ou au Portugal (2)… En Moldavie et en Valachie (Roumanie), ils sont tout simplement réduits en l’esclavage jusqu’au milieu du XIXe siècle). Pendant tout le XVIIIe siècle, en France, être Bohémiens peut signifier bannissement pour les femmes et galère pour les hommes.

Survient la République…

En 1789 survient la Révolution française, qui dit dans sa Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». Très vite, pourtant, la République cherche à contrôler et à restreindre les mouvements des tsiganes en même temps que ceux des vagabonds et des mendiants, perçus dès cette époque comme classe dangereuse (3). La formule de « République une et indivisible » va servir à combattre tous les « particularismes » et à asseoir l’impérialisme culturel d’une minorité à la fois territoriale (le grand bassin parisien) et sociale (la bourgeoisie), et parmi ces particularismes les Tsiganes seront particulièrement soignés !

Un petit détour par la question linguistique permet de comprendre ce qui se joue alors. Pour que la population devienne « citoyenne », il faut qu’elle parle la même langue (4). En 1789, sur les 26 millions d’habitants que compte le pays, 12 ne sont pas francophones et une grande partie des autres n’ont qu’une connaissance limitée du français. L’abbé Grégoire précise même que « le nombre de ceux qui le parlent purement n’excède pas 3 millions et le nombre de ceux qui l’écrivent correctement est encore moindre », et ils sont concentrés dans une quinzaine de départements de l’intérieur (5). Or « pour être un bon républicain, il faut parler le français » ; l’unité linguistique est le ciment de la nation, pensent les conventionnels. Ce rêve unificateur sera aussi celui de Staline, qui affirmait que lorsque l’économie mondiale socialiste serait instaurée, il faudrait une langue unifiée (6).

La volonté « citoyenne » de fabriquer une République « une et indivisible » qui n’existait pas s’est fondée de manière visible sur un impérialisme linguistique, mais qui fut l’arbre cachant la forêt d’une volonté plus large – nous dirons d’une nécessité pour la bourgeoisie conquérante – d’uniformisation, d’éradication des différences et d’attachement à la nation. Le fameux « Tu l’aimes ou tu la quittes », deux cent vingt ans plus tard, n’exprime pas autre chose.

Et, dans ce processus, les populations romanii qui, le plus souvent pourtant, épousaient la religion et la langue du lieu où elles s’établissaient, n’entraient pas dans le moule centralisateur. Elles ont ainsi joué, malgré elles, un rôle non seulement de victimes directes, mais aussi d’alibi et de justification permettant à l’Etat de mener une politique répressive à l’égard des pauvres et des vagabonds en général. Si les Roms n’avaient pas existé, il aurait fallu les inventer.

A titre d’exemple, douze ans après la Déclaration des droits de l’homme, neuf ans après la Constitution de 1793 qui déclare que « Tous les hommes sont égaux par nature et devant la loi », et malgré l’« égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine » qui scelle la République une et indivisible, se déroule au Pays Basque la « battue de Bohémiens » (7) en 1802. La rafle est ordonnée par le préfet, donc par l’Etat, dans les arrondissements de Mauléon et de Bayonne, mais les mesures sont aussi réclamées par les parlementaires du département. Dans la nuit du 6 au 7 décembre, 155 femmes, 125 hommes et 195 enfants de moins de 12 ans sont arrêtés. Il fut question de les déporter en Louisiane, mais, leur état de santé rendant le voyage difficile, après avoir projeté de les regrouper pour « assainir les Landes », ils furent finalement dispersés au gré des « besoins de la République » : les jeunes comme mousses, petites mains dans les ateliers maritimes ; les hommes sur des chantiers, un peu partout en France.

Certes, le Consulat n’est plus tout à fait la République, mais ce n’est pas encore l’Empire ! Sa grande œuvre fut de faire considérablement progresser le chantier de l’unification législative de la France que la République ne parvenait pas à concrétiser assez vite. Elle lui en sera reconnaissante, puisque la plupart des réformes consulaires seront revendiquées et conservées par ses successeurs.

Il est intéressant de s’attarder sur les motifs officiels de cette rafle : « L’existence des Bohémiens sert de prétexte pour encourager ceux qui ont des dispositions au crime, dans l’espoir que tout sera rejeté sur eux (…). Il serait digne de la sagesse du gouvernement d’envoyer cette caste nomade dans une colonie où elle serait forcée de pourvoir par son travail à sa subsistance », écrivait le préfet dans un rapport à l’Hortefeux de l’époque. Outre l’appellation de nomade qui ne correspond en rien à la réalité (ils sont presque partout sédentaires, portent des noms basques, sont installés dans des villages depuis plusieurs générations), contrairement à ce qui est suggéré, ils se livrent également à des activités économiques diverses – dont le commerce du poisson sur la côte, la contrebande – une véritable activité inscrite dans l’économie locale (vente de viande aux boucheries espagnoles, exportation de tabac ou importation de laine, etc.) (8). Plus intéressant encore est le raisonnement tordu qui servira mille fois pendant deux siècles. On ne les poursuit pas pour ce qu’ils sont, mais pour ce qu’ils sont supposés être (voleurs, ripailleurs, dépravés et débauchés, voire sorciers) aux yeux de ceux que le pouvoir accuse des mêmes « tares », sans pourtant être Bohémiens. On se sert d’eux comme boucs émissaires.
On voit ainsi comment le pouvoir pourra, par la suite, tout à la fois réprimer les Roms sans les nommer explicitement (Constitution oblige !) et les utiliser pour contrôler et punir une fraction beaucoup plus large de la population considérée elle aussi comme dangereuse.

En 1810, le vagabondage devient un délit qui touche « les vagabonds ou gens sans aveu », qui sont « ceux qui n’ont ni domicile certain ni moyens de subsistance, et qui n’exercent habituellement ni métier ni profession ». De fait les Roms, même sédentaires, sont assimilés à des pauvres errants dont, soit dit en passant, la majorité est constituée, à l’époque, par des réfractaires bien « français » aux armées de l’Empire (9).

Après les guerres napoléoniennes, c’est au tour de la révolution industrielle de jeter sur les routes une quantité de vagabonds considérés toujours comme partie de cette classe dangereuse qu’il faut surveiller, punir, éradiquer. La Troisième République n’est pas en reste : elle promulgue des lois antinomades qui visent implicitement les « Bohémiens », sans bien souvent, là encore, les nommer. Les maires ont pouvoir de réglementer leur stationnement ; les préfets, celui de les refouler en dehors de leur département.

« En ce qui concerne les nomades, généralement étrangers, dont un défaut de vigilance à la frontière aura permis l’entrée en France et que l’exercice d’une profession ne permet pas de ranger dans la catégorie des vagabonds, il conviendra de généraliser une mesure déjà prescrite dans quelques départements et qui consiste à les refouler purement et simplement jusqu’à la frontière du département. Le préfet du département voisin, immédiatement avisé de cette disposition, procédera à leur égard de la même manière, les bandes nomades seront successivement menées sur la limite de notre territoire » (circulaire aux préfets, 1889) (10).

La plupart du temps, les législations répressives et discriminatoires ne visent pas les Roms en tant qu’ethnie mais en tant que « nomades ». Ce qui présente, pour le législateur, le double avantage de ne pas apparaître comme raciste tout en stigmatisant une population que la vox populi reconnaît parfaitement entre les lignes, même si elle est sédentarisée depuis très longtemps dans tel ou tel centre-ville d’une cité du Sud ou dans la périphérie d’une du Nord ; et de pouvoir contrôler d’autres secteurs « à risques », mais non-tsiganes, de la population.

A la fin du siècle, la crise économique des années 1890 jette encore plus d’ouvriers et de journaliers sur les routes au moment même où des « Bohémiens » de l’Europe de l’Est, libérés du servage, viennent en France chercher à vivre enfin. Toutes les conditions sont réunies pour que se perpétue la savante rhétorique nomades/Bohémiens/classes dangereuses.


Le carnet anthropométrique
de 1912 : du fichage
scientifique républicain…

La paranoïa est alors son comble, le fantasme des voleurs de poule s’installe dans les campagnes. Les fameuses brigades du Tigre sont créées par Clemenceau en 1907 pour surveiller le territoire et ses frontières, améliorer la sécurité dans un pays supposé être submergé par la criminalité (déjà !). Afin de contrôler les déplacements des « vagabonds, nomades et romanichels », elles commencent à les ficher en établissant le carnet anthropométrique d’identité (mensurations, photos, empreintes digitales, dates et départs d’une commune, vaccination), institutionnalisé par un vote du Parlement en 1912. Chaque individu à partir de 13 ans doit en posséder un individuellement et figurer sur un autre, collectif, délivré au chef de famille. Il doit être présenté dans chaque commune, laquelle peut refuser le stationnement. Les véhicules des nomades doivent comporter à l’arrière une plaque distinctive. Toutes ces mesures sont évidemment une entrave à l’exercice des activités économiques des Roms nomades ou semi-sédentaires.
C’est la méthode dite de Bertillon (mise en œuvre dès 1880), l’ancêtre de tous les fichages scientifiques permettant de suivre les criminels à la trace, qui est utilisée. Là encore, l’objectif est double : les Bohémiens, certes, sont visés, mais par la même occasion les « errants » de toutes sortes, dont le nombre est estimé à 400 000 (la France compte alors environ 40 millions d’habitants), et parmi eux les « bandits anarchistes » divers et variés. Le carnet anthropométrique d’identité a été obligatoire jusqu’en 1969… date à laquelle on l’a remplacé par le carnet de circulation – qui remplit certaines fonctions de la carte d’identité, mais pas toutes (alors qu’en France celle-ci n’est pas obligatoire !).

Ainsi se crée une nouvelle catégorie d’ambulants beaucoup plus large que celle de culture bohémienne, et dont il est très difficile de sortir, descendance comprise, dès lors que l’on est fiché comme tel et titulaire de ce carnet : « Il a créé de toutes pièces une population de Français soumis à un traitement d’exception. Interdiction de sortir du territoire national, pas de droit de vote, les membres de la famille ne devaient pas se séparer ; par contre, les hommes faisaient comme tout Français leur service militaire et ils furent nombreux à mourir au champ d’honneur (11). »
Une population, de nationalité française rappelons-le, soumise à des mesures d’exception : cinq documents différents dès l’âge de 2 ans, avec photos anthropométriques et inscription au registre des nomades. Toutes ces lois sont bel et bien des lois racistes, qui tentent sans y parvenir de dissimuler ce racisme derrière des désignations de métier, de logement et non d’ethnie. Mais nul n’a jamais été dupe depuis cent cinquante ans.
Après la Première Guerre mondiale, les Tsiganes contrôlés dans les territoires reconquis d’Alsace et de Lorraine sont envoyés dans des camps, où se retrouveront aussi certains de ceux qui avaient choisi de quitter ces régions en 1871 (12).


… aux camps d’extermination

Ce fichage « scientifique » qui date d’avant la Première Guerre mondiale s’est poursuivi, et il servira trente ans plus tard au régime de Vichy – comme serviront un jour ou l’autre les fichiers actuels ADN, Base élèves, etc.
Mais c’est bel et bien le régime républicain « démocratique », et non celui de Vichy, qui, à partir d’octobre 1939, assigne à résidence les Roms soupçonnés de former une « cinquième colonne ». Le décret du 6 avril 1940 les interdit de circulation : «  Leurs incessants déplacements, au cours desquels les nomades peuvent recueillir de nombreux et importants renseignements, peuvent constituer pour la défense nationale un danger très sérieux, il est donc nécessaire de les soumettre à une étroite surveillance de la police et de la gendarmerie. (…) Ce ne serait pas le moindre bénéfice du décret qui vient de paraître, s’il permettait de stabiliser des bandes d’errants qui constituent du point de vue social un danger certain et de donner à quelques-uns d’entre eux, sinon le goût, du moins les habitudes du travail régulier. » L’inspirateur de ces mesures est le ministre de l’Intérieur du gouvernement Daladier, le rad’soc’ républicain laïcard Albert Sarraut (l’ex-ministre des Colonies qui avait déclaré que « la politique indigène, c’est la conservation de la race » ; qui, en juillet 1940, votera les pleins pouvoirs à Pétain ; qui, après la guerre, s’inscrira au groupe Gauche démocratique, radicale et radical-socialiste… et deviendra président de l’Assemblée de l’Union française en 1951).

Le 14 juin, l’armée allemande entre dans Paris. Le successeur de Daladier, Paul Reynaud, démissionne et est remplacé par Pétain, qui devient chef d’Etat un mois plus tard et nomme Laval Premier ministre.
L’occupant allemand comme les autorités vichystes n’auront plus qu’à récolter les semailles républicaines : en octobre 1940, 5 000 Roms sont placés dans des camps d’internement en zone occupée, et 1 000 en zone « libre ». Il s’agit là de 6 000 Français, les seuls qui furent officiellement enregistrés, mais auxquels il faudrait ajouter un nombre inconnu de Roms étrangers. Les regroupements dans quelques grands camps furent le prélude à des déportations vers l’Est – de Poitiers et de Lille vers Sachsenhausen et Buchenwald. 3 000 Roms mourront dans des camps... français. Certains resteront enfermés jusqu’en mai 1946, près de deux années après l’armistice, ce qui dénote à quel point la politique antirom ne fut pas imposée par les nazis au régime de Vichy, mais constituait bien et bien une idéologie intrinsèque de l’Etat français ! Une circulaire de mars 1945 précise que cet internement prolongé n’est pas une sanction judiciaire pour fait de collaboration, mais une mesure de police préventive « destinée à mettre hors d’état de nuire ceux des individus estimés dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique (13) ».
Ceux qui pourront rentrer chez eux à partir de l’armistice seront soumis à l’interdiction de quitter leur commune jusqu’au 1er juin 1946 (y compris les survivants des camps de concentration !).

Par la suite, les Roms ne bénéficieront d’aucun dommage pour préjudice, et d’aucun recouvrement de leurs biens. Une fois libérés, ils furent de nouveau enregistrés en famille comme « nomades », jusqu’à l’abandon de l’obligation du carnet anthropométrique en 1969. L’appellation « gens du voyage » remplace alors celle de « nomade » quel que soit leur mode de vie (rappelons qu’aujourd’hui en France environ un tiers des Roms sont véritablement nomades, un tiers sédentaires et un tiers semi-nomades). Ils sont toujours enregistrés « en famille », ce qui signifie qu’ils ne peuvent sortir de la catégorie assignée. Un enfant enregistré comme tel et qui deviendrait oiseleur taxidermiste aurait toutes les peines du monde à ne plus être un « gens du voyage » (en admettant qu’il le désire, ce qui est loin d’être certain).
Ironie du sort, ces nouvelles mesures présentées comme libérales se sont révélées très perverses. En même temps que l’on remplaçait le nomadisme par le voyage, la législation sur le camping changeait. Rappelez-vous (si vous pouvez !) : avant 1969, n’importe qui pouvait stationner où il voulait sauf dans les endroits interdits. C’était l’époque bénie où des générations de jeunes pratiquaient le « camping sauvage », depuis le Front populaire. En 1969, on inverse la donne : le stationnement est interdit… sauf dans les endroits autorisés. Le délit de vagabondage, quant à lui, ne disparaît du droit français que dans les années 90, mais il est sans problème remplacé par une multiplicité de décrets municipaux contre la mendicité, contre les stationnements prolongés dans les centres-villes ou dans les cages d’escalier. Les classes dirigeantes ne manquent jamais d’imagination pour tenter de rendre invisibles les produits honteux de leur domination.

Nous ne nous étendrons pas ici, parce qu’elles sont connues, sur les mesures plus récentes prises à l’encontre des Roms. De celles prises par Besson 1 en 1990 – sur l’obligation de la mise à disposition d’aires de stationnement dans toutes les communes, mais qui ne furent jamais appliquées – à celles de Besson 2 ouvertement racistes, quel que soit le contexte spécifique du gouvernement Sarkozy-Hortefeux, elles ne sont que le prolongement de ce que furent les politiques menées par les défenseurs des valeurs républicaines. Nous n’avons pas les mêmes valeurs !

JPD


(1) Henriette Asséo, « Le “nomadisme tsigane”, une invention politique », Le Monde, 29 juillet 2010.
(2) Nicole Lougarot, Bohémiens, éd. Gatuzain, 2009.
3) Xavier Rothéa, France pays des droits des Roms  ?
 Gitans, « Bohémiens », « gens du voyage  », face aux pouvoirs public depuis le XIXe siècle., éd. Carobella ex-natura, 2003.
(4) Faire croire que « nul n’est censé ignorer la loi » nécessite que tous la comprennent. On fait alors comme si comprendre le français mettait les citoyens à égalité face à cette nécessité, alors qu’en fait le langage juridique est à lui seul une langue étrangère que seuls les initiés comprennent – et encore ! puisqu’ils s’étripent sur le sens à lui donner !
(5) Voir Alain, « Langue et citoyenneté », Courant alternatif, hors-série « L’arnaque citoyenne », n° 9, 2e trimestre 2003.
(6) J.-L. Calvet, « Le colonialisme linguistique en France », in « Minorités nationales en France », Les Temps modernes, 1973.
(7) Bohémiens, op. cit.
(8) Bohémiens, op. cit.
(9) Jose Cubero, Histoire du vagabondage du Moyen Age à nos jours, Imago, 1998.
(10) Centre européen pour le droit des Roms, Hors d’ici, antitsiganisme en France, 2005.
(11) « Le “nomadisme tsigane”, une invention politique », op. cit.
(12) Emmanuel Filhol, Un camp de concentration français. Les Tsiganes alsaciens-lorrains à Crest 1915-1919, Presses Universitaires de Grenoble, 2004.
(13) Xavier Rothéa, op. cit.


Vous avez participé
à la manifestation
du 4 septembre ?
Vous allez voter
socialiste en 2012 ?
Bon appétit !

Petit rappel sur le PS du Lyonnais

La xénophobie et la politique anti-Roms, ce sont les municipalités PS de Lyon et de Villeurbanne qui les mènent. C’est le PS qui orchestre l’assaut contre la friche RVI (Friche artistique autogérée), dès que celle-ci affirme sa solidarité avec les Roms, en mettant des blocs de béton contre leurs installations, en plaçant des vigiles tout autour, en soudant les portails des lieux susceptibles de les accueillir ; et c’est cette politique qui permet aux flics de crever les pneus des véhicules des personnes qui aident les Roms.
C’est la mairie PS de Villeurbanne qui a organisé l’expulsion du 88 (squat rom) et du Boulon, simplement parce que ce lieu a accueilli plusieurs familles rom expulsées. La xénophobie, c’est ceux qui mettent en place les politiques sécuritaires du gouvernement dans les municipalités depuis des années, et qui, maintenant, crient au loup et prétendent manifester le 4 septembre ! Le PS est aussi notre ennemi !

Dijon
François Rebsamen, maire de Dijon et bras armé de Segolène Royal, fut chargé de piloter le programme PS sur la sécurité. Si ce dernier revient aux affaires, François sera certainement un bon successeur de Vaillant au ministère de l’Intérieur.« Sa » ville s’est illustrée par une politique d’expulsion des lieux où vivent les Roms particulièrement musclée, depuis avril 2009. En désaccord avec la manifestation du 4 septembre contre le racisme, il déclarait :
« Or je crains que ce type de manifestation n’aille jusqu’à demander à nos maires et nos élus d’installer eux-mêmes des campements de Roms dans nos villes ou de fermer les yeux sur certains squats (...).L’occupation illégale de terrains publics ou privés n’est pas permise. Les maires ont raison de saisir la justice pour les expulser. Quant à l’expulsion du territoire français, il est du devoir d’un gouvernement de reconduire à la frontière des étrangers en situation irrégulière. » (Le Parisien, 3 septembre 2010).Selon lui, il ne s’agit que d’« excès de langage du pouvoir actuel », il en appelle au réalisme d’un parti d’alternance.
Plus d’infos sur le site www.brassicanigra.org


Le nazisme
n’est pas tombé du ciel !

On évalue à 500 000 le nombre de Roms victimes de la politique d’extermination de l’Allemagne nazie. Seuls quelques milliers survécurent à l’holocauste et aux camps de concentration. Le 16 décembre 1942, un décret d’Himmler, « Auschwitz Erlass », ordonne l’élimination des Roms de la Grande Allemagne (les départements du Nord et du Pas-de-Calais sont concernés, car dépendant du commandement militaire allemand de Bruxelles). Mais les dirigeants du troisième Reich ont eu leur travail préparé, facilité et préorganisé par les régimes antérieurs. En 1899, sous le règne de l’empereur Guillaume II, une « centrale des affaires tsiganes » est créée à Munich, qui publie en 1905 le rapport « Zigeunerbuch » fondant les bases théoriques de la politique anti-Roms.
En 1925, nous ne sommes plus sous l’Empire, mais sous la social-démocrate République de Weimar qui vient d’écraser les tentatives révolutionnaires du prolétariat. Pourtant, une loi pour lutter contre « les Tsiganes, les nomades et les fainéants » est votée en Bavière !

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