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Edito 202 été 2010

Vivement la rentrée ?

lundi 19 juillet 2010, par Courant Alternatif


Vivement la rentrée ?

Face au déplacement du centre de gravité du capitalisme vers l’Asie, la montée des pays émergents, l’UE apparaît comme le maillon faible des centres du monde capitaliste. Le rôle dévolu aujourd’hui au FMI en Europe, alors qu’il sévissait auparavant essentiellement dans le tiers monde, est révélateur de la crise.

Le traité de Maastricht n’est qu’un traité, c’est-à-dire un accord international entre Etats différents désireux de créer une monnaie unique indispensable pour assurer une vie économique interdépendante, mais en gardant chacun sa propre politique économique, sa propre fiscalité, etc. Cela a pu marcher pendant quelques années, tant que les avantages l’emportaient sur les inconvénients. Mais les conditions fixées à Maastricht, c’est-à-dire un endettement inférieur à 60 % du PIB et un budget dont le déficit ne dépasse pas 3 %, ont été emportées dans la tourmente financière. Il n’y a plus dans la zone euro un seul Etat dont l’endettement soit inférieur à 60 % du PIB. Il n’y en a plus un seul où le budget soit équilibré. Le déficit public de l’Etat français dépassera, par exemple, les 8,2 % du PIB, bien au-delà des 3 % autorisés par Maastricht, et son endettement représente 83,6 % du PIB (88,6 % prévus pour 2011). Même le budget allemand présente un déficit public de 5 % du PIB et une dette publique de 78,8 %. C’est mieux que les dettes publiques de la Grèce (133,3 %) ou de l’Italie (118,2 %), mais c’est tout de même loin des fameux « critères de Maastricht » !

Ayant accentué leurs dettes pour sauver les banques, les Etats sont désormais contraints de se désendetter. Sous la menace d’une baisse de la note des agences de notation concernant la capacité des Etats à rembourser leurs dettes, les gouvernements annoncent des coupes claires sans précédent dans les dépenses publiques. De l’Espagne à l’Irlande, de la Roumanie au Royaume-Uni, tous les pays entrent dans la même danse macabre. Il n’y a donc pas qu’une crise grecque comme annoncée par certains commentateurs, ni même un problème qui ne toucherait que les fameux PIGS – selon l’acronyme infamant utilisé par les marchés financiers pour cibler le Portugal, l’Irlande, la Grèce et l’Espagne – mais bien une crise financière et politique qui touche l’ensemble de l’Union Européenne (UE) et l’euro.

En Espagne, le gouvernement Zapatero met en place un vaste plan afin de restreindre les finances publiques (50 milliards d’euros d’ici fin 2013) : gel des embauches dans la fonction publique, report de l’âge de départ à la retraite de 65 à 67 ans, hausse de la TVA de 16 à 18% applicable dès juillet 2010…Dans le même temps, profitant de cette offensive, il met en avant des réformes du marché du travail où sera adoptée une baisse des indemnités de licenciement. Un décret-loi inclut une baisse de salaire pour les fonctionnaires de 5 % en moyenne dès le mois de juin et un gel pour 2011 ; un gel des retraites en 2011 ; la suppression de l’aide à la naissance de 2 500 euros à partir de 2011 ; la réduction de 600 millions d’euros de l’aide au développement en 2010-2011 ; enfin, l’investissement public sera diminué de 6 milliards d’euros d’ici 2011 et le gouvernement va demander aux régions et aux municipalités de faire 1, 2 milliard d’euros d’économies supplémentaires.

En Allemagne, ce sont plus de 80 milliards d’euros qui devront être économisés. Tous les secteurs de l’Etat seront concernés sauf l’éducation et la recherche. Ce train de mesures vise à faire payer exclusivement aux chômeurs et aux salariés les plus pauvres les effets d’une crise financière dont ils ne sont pas responsables. Leur indemnité sera encore amputée, puisqu’ils ne percevront plus l’aide parentale qui jusqu’à maintenant leur était attribuée. Par ailleurs, la prime versée aux salariés les plus modestes pour faire face aux coûts du chauffage est également supprimée. Les fonctionnaires sont aussi touchés avec la suppression de 10 000 postes et le gel de la prime de Noël. Les déficits dans les budgets sociaux seront le prétexte d’une augmentation des cotisations chômage et maladie avant la fin de l’année.

Le gouvernement Berlusconi a annoncé un plan d’économies budgétaires de 24 milliards sur la période 2011-2012. François Fillon suit le mouvement en prônant 100 milliards de réduction du déficit public (50 milliards de réduction de dépenses et 50 milliards de nouvelles recettes) d’ici 2013.

En Roumaine, un plan d’austérité prévoit des coupes de 25% des salaires du secteur public et de 15% des retraites et allocations chômages notamment, à compter de juin et jusqu’à fin 2010.
Désormais, c’est le cœur des acquis sociaux du XXe siècle, comme le système de retraites, qui est dans le collimateur du capitalisme.

Dépôts de bilan, liquidations, plans sociaux, grèves, débrayages… L’actualité sociale égrène les coups durs sur l’emploi et aucun secteur n’est épargné, pas même les plus « protégés » a priori. On n’en finirait plus d’énumérer les noms d’entreprises qu’un plan social a fait sortir de l’anonymat. La nouveauté, c’est leur simultanéité. L’autre nouveauté, c’est que les salariés ne se battent pas seulement pour sauver les meubles. Quand ils gardent leur emploi, ils luttent aussi pour obtenir des augmentations salariales. C’est un réflexe comparable qui motive les demandes de primes « extralégales » par les salariés licenciés. Et quand les meubles ne sont pas sauvés, la bagarre continue. Ainsi 40 salariés d’Ardennes Forge (qui avait tenté de succéder à Thomé-Génot avant d’être liquidée en juin 2008) avaient obtenu début 2010 des prud’hommes de Charleville une indemnité de 920 000 euros pour « licenciement sans cause réelle et sérieuse » et pour « travail dissimulé », somme qui devait être versée par l’AGS (Association pour la Gestion du régime d’assurance des créances des Salariés) et que celle-ci refusait de payer. Répondant aux arguments de l’AGS, la cour d’appel de Reims a estimé que le montant total des indemnités « n’est pas de nature à mettre en péril (son) équilibre financier […] alors que cette association est financée grâce aux cotisations versées sur les rémunérations par les employeurs ».

Après plus de 8 mois de grève, les travailleurs sans papiers soutenus par onze organisations syndicales et associations ont obtenu d’être regardés non plus comme des migrants illégaux mais comme des salariés. Un texte a été publié le 18 juin par les Ministère de l’Immigration exposant les nouveaux critères de régularisation. Il concerne les dossiers déposés soutenus et déposés par les organisations syndicales (quid des autres, comme ceux qui sont à l’origine de la marche Paris-Nice ?) et n’a qu’une durée limitée dans le temps (du 1er juillet 2010 au 31 mars 2011).
Aucune durée de présence n’y figure (bien que le ministre soit tenté par 5 ans minimum), si ce n’est 18 mois d’activité sur les 18 derniers mois ou 24 pour les intérimaires. Une victoire partielle, parait-il ? Mais combien en fin de compte vont en bénéficier ? 1 à 2% des sans papiers en France ?

OCL Reims, le 26 juin

Pour rappel, le prochain numéro de CA sortira début octobre avec peut-être un nouveau format.

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