Accueil > Actualités, Tracts et Communiqués > Réflexions à chaud sur les émeutes réactionnaires de Belleville

Manifestation et lynchages intercommunautaires à Paris

Réflexions à chaud sur les émeutes réactionnaires de Belleville

20 juin 2010

lundi 21 juin 2010, par OCLibertaire

Les évènements décrits ci-dessous méritent l’attention, car ils révèlent un niveau de tensions internes d’une société au bord de l’explosion émeutière (justement dans une communauté consciente de son existence et non pas un conglomérat informe d’individus sans liens et conditionnés médiatiquement).
Bien sûr ces évènements révèlent aussi l’incapacité à poser un positionnement de classe au-delà des identités respectives et des manœuvres policières dignes d’une "Russie de 1900" et de ses pogroms. L’intervention politique est plus que jamais d’actualité, mais l’art et la manière restent à trouver. En tout cas, le fétichisme de la violence, cultivé par les partisans de l’émeute à tout prix, comme recette miracle, prend un cinglant désaveu...


Voir en ligne : source : NonFides

En revenant d’une balade très peu champêtre, nous nous rendons dans le quartier de Belleville à Paris. Quelques heures plus tôt, une manifestation y avait démarré pour dénoncer, selon les mots des organisateurs : « Les violences chroniques dont est victime la communauté chinoise ». En cause : des vols de sacs, agressions, dépouilles. Une manif aux relents bien réactionnaires, comme en témoignent les slogans criés et inscrits sur les banderoles et pancartes :"Sécurité pour tous", "Vive la citoyenneté", "Stop la délinquance", drapeaux français, chinois et européens, hymne national. On ne comprend pas bien de quelle violence il s’agit (ayant plutôt l’habitude de phénomènes de violence intra-communautaire dont nous parlerons plus tard), mais nous comprendrons plus tard ce qui se cachait derrière cette manifestation.

Après la fin officielle de la manif, l’ambiance est très chaude sur place, des gens sont attroupés, des camions de flics arrivent en masse. On entend à droite à gauche des bruits de casse, puis un torrent de violence se déchaîne sur les flics, attaqués à mains nues et au corps à corps par des centaines de personnes, qui leur jettent œufs, pierres et bouteilles de verre. Des voitures sont retournées, des CRS se font charger et sont obligés de reculer.
Face à ce déchaînement de violence anti-flic, nous hésitons à entrer dans la danse, mais nous attendons, par "prudence éthique".

Tout d’un coup, les gens se mettent à courir. Nous pensons que tout le monde fuit une énième charge de keufs, mais nous nous rendons très vite compte qu’il s’agit d’autre chose. Des manifestants étaient en train de poursuivre des gamins, qu’ils ciblaient "noirs et arabes", en leur lançant des bouteilles de verre. Un des gamins tombe à terre, et tente de se réfugier sous le perron d’une porte. Courant à leurs côtés, nous devons alors calmer la fureur des lyncheurs. Ceux-ci lâchent prise, cette fois-ci. Nous comprenons, en écoutant les conversations : que « les flics ne faisant pas leur travail, et laissant les voleurs en liberté, les manifestants auraient décidé de prendre l’affaire en main et de se venger eux-mêmes ». Nous comprenons aussi que tout serait parti du vol du sac à main d’une manifestante par un gamin du quartier, puis de la tentative des manifestants de livrer le gamin aux flics, qui n’en auraient pas voulu. C’est à partir de là que les manifestants ont déchainé leur violence contre les flics. Une violence sans retenue, comme on a pas l’habitude d’en voir. Une violence pour punir les flics de ne pas assez bien faire leur boulot.

Les flics décident de battre en retraite, en noyant la place sous un épais nuage de lacrymo tiré dans le tas. C’est plus d’une cinquantaine de cametards de flics qui disparaissent en un clin d’œil, au moment même où la violence commençait à atteindre un pic. Clairement, les flics ont décidé d’abandonner la place, pour laisser se dérouler des violences inter-communautaires, alors qu’une heure plus tôt, c’est contre les flics que tout le monde s’acharnait. Se crée alors un ballet entre trois à quatre cent membres de la communauté chinoise et quelques gamins noirs et arabes, parfois passés à tabac au sol par plusieurs dizaines de personnes, accusés à la va-vite d’être des voleurs, sous les yeux assoiffés des journaflics ayant flairé l’odeur du sang et des gros-titres, en bon charognards qu’ils sont. Mais précisons qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, rien n’est encore sorti de précis dans les médias sur ce qu’il s’est réellement passé. Nous avons pu observer des sortes de milices improvisées, réunissant plus d’une centaine d’asiatiques, allant dans la cité voisine pour casser du noir et de l’arabe, dans une chasse à l’homme rappelant les pogroms.

Durant ces émeutes, nous avons ressenti chez les émeutiers chinois une haine farouche contre les « voleurs ». Par exemple, après qu’une voiture banalisée de flics fut renversée, et son gyrophare coupé, des personnes ont commencé à fouiller dans le coffre, immédiatement prises à partie et lynchées car accusées d’être des voleurs, par les mêmes personnes qui avaient retourné la voiture. Autant dire que l’incompréhension nous gagne à ce moment.

Cette chaude après-midi, et les évènements qui l’ont marquée, semblent préfigurer un scénario de guerre civile qui se développe de-ci, de-là en ces temps de "crise". L’attitude de la police vient confirmer cette impression, elle qui a quitté les lieux au moment où elle sentait que la rage à son encontre était en train de remplacer la haine ethnique entre les gens. Nous pouvons imaginer que pour le préfet une bonne émeute raciste est préférable à une émeute tournée contre les flics, et autres symboles de l’État et du capital (banques et autres McDonald’s sont restés intacts).
Au fond quel besoin d’une présence policière dans une émeute contre des "délinquants" ?
Précisons que toutes les semaines, des chinois se font rafler par dizaines par les flics, et ce dans l’indifférence générale, sans qu’une seule manifestation aussi importante ne soit appelée. De même, jamais nous n’entendons une quelconque protestation contre l’exploitation de chinois par d’autres chinois. Cette violence-là, celle de l’exploitation, n’est jamais dénoncée.
Impuissants et tristes face à ce spectacle infâme, nous tenons tout de même à exprimer quelques positions claires.

Cette journée a prouvé que toutes les émeutes ne sont pas bonnes, malgré ce que peuvent en penser les quelques hooligans et nihilistes qui y croient encore, par leur apologie de la guerre civile.
En outre, nous croyons qu’il est nécessaire de déserter les guerres entre pauvres, entre ethnies et entre toutes les communautés imaginaires, entre tous les rôles sociaux tout aussi imaginaires : "honnêtes travailleurs chinois" contre "voleurs arabes".
La guerre sociale n’est pas la guerre de tous contre tous, mais la guerre qui de tout temps a opposé la domination à tous ceux qui ne la supportent pas.

Encore et encore, il faudra nous battre contre les cancers nationalistes, ethniques, communautaristes, religieux et politiques.

Des anarchistes.

<img1100|left>

P.-S.

Cette Manifestation du dimanche 20 juin 2010 à Belleville (Paris), était appelée par « L’Association Des Résidents Chinois De
France » et le "Collectif des Associations Chinoises" avec le soutien de
l’association « Hui Ji » sur le thème « Sécurité Pour Tous - Solidarité avec les chinois de Paris ».

Si nous ne connaissons pas ce collectif d’associations. En revanche nous savons que Réseau Education Sans Frontière a coupé tous les
ponts avec « Hui Ji » depuis 2008 quand plusieurs témoignages de familles
chinoises fraichement régularisées ont fait état des sommes importantes
réclamées par « Hui Ji » : 2000 € de "frais de dossier" par carte de séjour
obtenue "grâce à l’accompagnement" de cette "association" !

Pour qui roulent les "organisateurs", volontairement
ou involontairement ? Qui veut et qui a intérêt à monter à Belleville les
uns contre les autres en soufflant sur les braises du communautarisme ?

Répondre à cet article

2 Messages

  • précisions sur Belleville

    23 juin 2010 10:01

    quelques précisions sur Belleville :

    • un il ne faut pas croire tout ce qu’écris Non fides, qui est un espèce de groupe "toto internet", que personne ne voit dans les luttes.
    • par contre il est effectivement exact que la manif de samedi était un appel "pour la sécurité pour les chinois".

    Voila la situation, le quartier est "divisé" en trois :

    • les bobos sur le boulevard, et le haut Belleville, proche des "ateliers d’artistes", qui n’entrent pas en compte.
    • une tres forte communauté chinoise sur le bas Belleville et jusqu’à Menilmontant.
    • une forte communauté africaine et arabe sur le Haut Ménil vers St Blaise etc.

    Il y a des tensions inter ethniques très fortes et depuis longtemps, car les asiatiques ouvrent de nombreux commerces (restos, grandes surfaces et quelques magasins de fringues) et ne font pas vraiment confiance (d’ailleurs on le comprend) aux banques.

    Ils ont donc pour habitudes de garder le liquide sur eux ou dans leurs commerces. De plus c’est un milieu extrêmement structuré et hiérarchisé, machin donne l’argent au chef qui le passe au chef qui paye la taxe au super chef etc... qui comprend énormément de migrants en situations illégales (par ailleurs trés difficiles à toucher car impossible de les sortir des associations chinoises tenues par des chinois et souvent payantes qui se
    "chargent" de trouver les papiers moyennant rémunération lourde) donc peu tentés de se plaindre en cas d’agressions.

    Ce sont donc des proies faciles et juteuses pour les populations habitants dans les tout aussi quartiers pauvres de l’arrière de Ménil (les amandiers et surtout st blaise ou existent une partie des rares cités parisiennes). Et comme tout quartier populaire ils sont remplis par les populations pauvres, donc une grande partie d’immigrés. mais sans les chinois qui eux ne vivent qu’entre eux : donc beaucoup d’africains du nord et d’Afrique noire.
    tout est donc en place pour ce qui s’est passé samedi :

    • deux communautés qui ne se connaissent pas mais durement frappées par la misère.
    • des tensions autour du contrôle du quartier
    • des agressions fréquentes.

    Ajoutez à ca un peu de propagande raciste et tu obtiens : une ratonnade. Alors là ou je m’inscris en faux par
    rapport a Non fides , c’est que des comptes rendus que j’ai eu, c’était pas la guerre non plus. Mais oui
    c’était très puant. Et bien sur exploité par les médias friands de ce genre d’évènements.

    repondre message

    • précisions sur Belleville 5 février 2012 18:45

      Il serait bon de faire par de ses sources parce que dire que non-fides c’est des toto-internet ne suffit pas à nous prouver que leur témoignage ne vaut pas un clous...

      repondre message


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette