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Edito 200 mai 2010

samedi 22 mai 2010, par Courant Alternatif

Comment créer sa propre information ? Comment ne pas se retrouver uniquement en réaction à la désinformation officielle ? Et surtout comment la faire circuler le plus largement possible et au-delà du cercle des gens convaincus de la nocivité de cette société ?


Il y a trois degrés dans le processus de diffusion de l’info : le recueil, le stockage, le traitement et la circulation. Aujourd’hui l’ensemble est imbriqué de manière cohérente dans des structures internationales capitalistes.
Le pouvoir, quelle que soit sa forme, ne peut se passer de cette arme à fabriquer des catégories de citoyens passifs, obéissants et soumis. La force de cette arme n’est pas seulement dans le contenu idéologique (traiter tel événement et en ignorer d’autres) mais aussi dans le réseau technique qu’elle développe ; ce réseau crée toute une classe de journalistes, spécialistes en tout genre, reporters, photographes et cinéastes qui sont, par leur fonction même, le relais du pouvoir.
L’industrie de l’information, en France par exemple, est constituée d’un réseau technique complexe qui génère des profits considérables. La multiplication des chaînes audiovisuelles – télé, radios- et la presse écrite sur papier ou en numérique, constituent l’essentiel de ce secteur économique. Le support matériel et technique de l’information est en soi porteur d’une information idéologique qui participe à la fabrication d’idées et tente d’influer sur le comportement des usagers de l’information, même en faisant abstraction du contenu.
D’autant plus que le terme « information » superpose deux niveaux de sens : l’un renvoie à l’univers de la construction matérielle – l’action concrète de façonner et de donner forme -, l’autre à celui du savoir et de l’instruction.

Le contrôle total de l’information est le rêve de tout pouvoir. La volonté du pouvoir actuel d’exercer ce contrôle se manifeste par exemple par cette décision présidentielle qui modifie les règles du jeu dans les médias français, en annonçant sans aucune concertation que désormais le président de France Télévision ne sera plus nommé par le CSA mais par l’exécutif. L’annonce de la suppression de la publicité le soir sur les chaînes de TV publiques peut être interprétée non pas comme un cadeau à TF1 (et autres..) mais comme une tentative de redorer le blason de ces chaînes en donnant une image neutre et non commerciale du service public. Alors, il redevient un service de propagande gouvernementale que l’on doit différencier du secteur privé.

Quant au contenu, il est souvent à double tranchant et les forces de résistances peuvent le retourner contre l’Etat. Mais les forces révolutionnaires ne disposent que du contenu, par les outils qu’elles se donnent - presse militante, et dans une certaine mesure, radios libres et sites Internet, mais sans aucune prise sur le réseau technique et industriel du recueil de l’information et de sa diffusion (voir la mutation/suppression des NMPP).

L’information, reste cependant un outil de lutte.

Les réseaux alternatifs, qui en général (mais pas toujours !) fonctionnent dans un cadre non professionnel et non-marchand, ont aussi leurs faiblesses. Une des limites en particulier est qu’ils sont amenés à faire de la contre-information, ce qui crée une dépendance vis-à-vis des médias professionnels et cantonne à une attitude de défense. Mais que les gens en mouvement produisent leur propre information, leur propre analyse et rendent visible ce que les médias officiels taisent ou faussent est un enjeu très important.
La médiation (en clair, la censure), nécessaire face à une circulation en continu d’informations aux sources non vérifiables ou identifiables, singularise chaque réseau … L’orientation politique de ces réseaux définit les priorités accordées à l’une ou l’autre information. L’intérêt est donc dans leur nombre, leur diversité de traitement de l’information.
Le contexte est essentiel pour jauger l’efficacité des informations alternatives ; ainsi pendant une lutte, les relais de solidarité, les contacts entre divers secteurs en lutte sont des outils qui peuvent permettre la poursuite des actions de résistances.
Quant aux informations sur la répression, surtout en dehors d’une période de dynamique sociale forte, elles sont à double effet : elles peuvent indirectement servir la cause de l’idéologie sécuritaire ou au contraire susciter la construction de solidarités effectives (voir CA n° 199) ; il est en effet très important de faire circuler l’information sur les agissements des forces de police, pour mettre en évidence leur fonction, pouvoir les contrer, les dénoncer, s’y soustraire, etc.

Dans les mouvements sociaux, la production et la circulation autonomes de l’information en tant qu’outil politique et de politisation sont indispensables.
L’information accompagne l’action, elle peut aussi la déclencher. Cependant il ne faut pas la mythifier. Etre informé ou"savoir" ne suffit pas pour agir si l’essentiel, réseaux militants et dynamiques sociales, n’existe pas ou est insuffisant.

Courant Alternatif existe et ce numéro 200 que vous avez entre les mains est la preuve de la nécessité de produire et de soutenir une presse alternative mais jusqu’à quand les moyens militants suffiront-ils ?

CJ Sud Ouest, avril 2010

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