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[Pérou] Répression sanglante contre les mineurs en grève

lundi 5 avril 2010, par OCLibertaire

Quatre morts, 25 blessés et plus d’une douzaine de disparus, tel est le premier bilan des affrontements entre la police et les mineurs informels hier dimanche 4 avril, premier jour d’une grève massive nationale illimitée, en lutte pour exiger du gouvernement qu’il abroge une série de décrets législatifs et de décrets d’urgence, sous le prétexte de « formaliser » le secteur informel.


Les rassemblements se sont effectués en Madre de Dios (Puerto Maldonado et Tambopata), Ica (Nazca) et Arequipa (Ocoña et Chala). C’est dans cette dernière localité qu’a été enregistré la mort par balles de plusieurs mineurs informels seulement dix mois après les événements tragiques de Bagua , qui avaient coûté la vie à 34 personnes lorsque la police avait attaqué militairement un barrage routier mis en place par les amérindiens en lutte pour l’abrogation de décrets-lois antiamazoniens favorisant l’exploitation minière et pétrolière [1]

Dans un entretien avec le journal La Primera, le leader Teódulo Medina, président de la Fédération nationale des exploitants miniers artisanaux du Pérou (Fenamarpe), a indiqué que vers 7 heures du matin des agents de la Direction des opérations spéciales (DINOES) ont attaqué plus de dix mille manifestants qui bloquaient la route Panaméricaine sud à la hauteur du kilomètre 600, sur le pont Caleta, district de Chala, province Caravelí, région de Arequipa.
« Ils étaient en train de prendre leur petit déjeuner sur un des côtés du pont et de la route parce que les mineurs d’Ayacucho, de Puno et de Huancavelica venaient d’arriver, quand, tout à coup, la police est arrivée et en tirant des coups de feu venue, a voulu dégager la route à l’aide d’un hélicoptère ». A ce moment là, dejà des centaines de véhicules étaient bloqués et la tension est montée d’un cran.

La semaine dernière, les mineurs avaient annoncé des mesures de force parce que le premier ministre Javier Velásquez n’a pas voulu répondre à leurs exigences notamment de comment donner réalité au Plan National de Formalisation [officialisation, légalisation] des artisans, en plus de mettre fin à les poursuites et les arrestations de leurs principaux dirigeants.

Les simulacres de dialogue n’ont rien donné et c’est pourquoi les mineurs ont décrété un mouvement de grève, massif, avec des opérations de blocage de routes. Premier bilan provisoire entièrement du fait du gouvernement : 3 mineurs et un pilote de mototaxi qui ne participait pas à la grève ont été tués par balle. Il y a plusieurs dizaines de blessés.

Les mineurs décédés ont été dans veillés sur un côté du pont Caleta car le ministère public n’était pas encore arrivé sur les lieux. Le fonctionnaire a déclaré que les morts présentaient des impacts de balles dans la poitrine ou à la tête, et l’un d’eux a été retrouvé à moitié enterré dans le sable. Certains témoins ont rapporté que ce sont des policiers qui ont essayé de l’enterrer.

L’avocat de la Fenamarpe, Juan Carlos López, a déclaré que deux autres mineurs, de la base minière d’Ayacucho, se débattaient entre la vie et la mort. Il a indiqué que 90% des blessés souffrent de blessures par balles.

Mobilisations ailleurs

Par ailleurs, environ 10 mille mineurs artisanaux en provenance de localités comme Laberinto Mazuco Huaypete, Delta Uno, Pacá, Sa Juna Grande, Bocamigo, Unión, Boca Grande y Vuelta Grande ont manifesté dans les rues de Puerto Maldonado, fortement surveillés par la police.

Et ce n’est pas tout, plus de huit mille mineurs de la Base de Secocha et d’autres zones d’exploitation minière proches se sont concentrées dans Ocoña, au km 737 de la route Panaméricaine Sud, dans la province aréquipègne de Camaná, où il n’est pas exclu une nouvelle confrontation avec la police.

Selon le président de la Fenamarpe, il pourrait y avoir d’autres morts non identifiés. Au moins une dizaine sont portés disparus.

Pour Medina, « le gouvernement a assassiné les mineurs qui étaient précisément en train de protester contre la politique de criminalisation dont ils sont les victimes ». Il a ajouté : « les mineurs ne volent personne, ils créent des emplois dans des endroits où il n’y a pas de présence de l’Etat. Nous voulons nous légaliser, mais avec des lois qui favorisent notre activité et non avec des lois qui les criminalisent. »

A ces 4 morts par balles, il faut ajouter le décès d’une passagère de 80 ans d’un bus arrêté par le blocus de la route. La police rend responsable les mineurs, devenus « antisociaux », de ce décès, apparemment dû à un arrêt cardiaque.

Lundi matin

Medina a déclaré qu’à partir de 9 heures aujourd’hui (lundi), environ 5 mille mineurs manifesteront à Lima, depuis le Champ de Mars jusqu’au Parlement, où ils délivreront une pétition au Président du Congrès, Luis Alva Castro, exigeant l’adoption immédiate de la Loi pour le Renforcement de la Légalisation de la Petite Exploitation Minière.

La route panaméricaine reste bloquée sur une longueur de 3 kilomètres, là où ont eu lieu les affrontements. Des milliers de mineurs restent concentrés et veillent pour les défunts.

La presse parle d’un nouveau total de 6 morts. Il y aurait 29 blessés et 32 personnes détenues (source policière). D’autres sources parlent de 50 arrestations.

Un autre mouvement de blocage de la route, à 460 kilomètres de là, à Nasca, regroupant 5 000 manifestants a été attaqué et dispersé par la police, avec un bilan de 10 blessés et 15 personnes arrêtées (source policière).

Le 1er avril, l’état d’urgence était décrété dans trois provinces du Sud-Est pour 60 jours

Le gouvernement a décrété l’état d’urgence, le 1er avril, pour une durée soixante jours dans sept provinces (de 3 régions de Ica, Arequipa et Madre de Dios) du sud-est du pays en réponse à l’annonce de l’appel à une grève illimitée par la Fédération des artisans mineurs du Pérou (Fenamarpe) et la Fédération Minière de Madre de Dios. « Nous maintiendrons l’ordre avec le soutien de l’armée. Nous comptons défendre les installations publiques et privées et assurer les transports publiques », a déclaré le ministère de l’Intérieur.

Les syndicats de mineurs “informels” se sont mobilisés autour de plusieurs revendications dont la suspension de plusieurs décrets qui prévoient de limiter l’activité minière artisanale pratiquée par les petits producteurs, en créant des zones d’exclusion, en suspendant des concessions promulguées, en confisquant et en détruisant les équipements de ces petits producteurs. Sous prétexte d’empêcher la pollution engendrée par l’exploitation minière “sauvage” et de défendre l’environnement, le gouvernement menace tout simplement la vie de 30 000 mineurs notamment dans la zone forestière de Madre de Dios, sur un total impossible de connaître mais qui peut atteindre 100 000 personnes dans tout le sud-est du pays.

Ces mineurs ont reçu depuis le début le soutien de plusieurs municipalités de la région, car l’activité minière artisanale fournit 80% de la richesse de cette zone amazonienne.

Jeu du gouvernement et enjeux

Pour le ministre de la justice García, le mouvement des mineurs « n’est pas une revendication politique. Pas même une exigence syndicale, c’est fondamentalement un acte de délinquance. Ils ont dégradé leur statut de citoyens et se sont réduits à l’état d’antisociaux. Et pour cette raison, cela justifie les mesures qu’avait prévu le gouvernement ». Le gouvernement péruvien, comme lors des affrontements de Bagua, fait feu de tout bois. Il accuse aussi des commerçants « russes et brésiliens » d’être derrière les protestations des mineurs. Pour le premier ministre, ils financent la grève parce que les mesures gouvernementales les empêcheront de prospérer ; « ils ne paient pas d’impôts et sont en réalité des délinquants qui ont beaucoup d’argent, paient les mineurs pour l’extraction de l’or et ensuite le vendent. » Derrière les arguments de défense de l’environnement et de la lutte contre les trafiquants, c’est bien d’autre chose qu’il s’agit : le contrôle financier du commerce de cette richesse.
C’est bien ce que ne cessent de dire les mineurs qui voient dans les décrets promulgués, le moyen de laisser le champ libre à de véritables sociétés minières. Selon de multiples articles de presse publiés ces derniers mois en effet, il y a dans cette activité en pleine expansion (environ 650 millions de dollars d’après certains, sans doute plus, et par définition impossible à chiffrer), un marché potentiel qu’il ne faudrait pas laisser plus longtemps aux mains de travailleurs “informels” ou artisanaux ; et qu’arrivé à un certain niveau de développement, il faut passer à des moyens plus industriels…
Ce que refusent les mineurs en voulant être au contraire inclus dans un plan de légalisation de leur activité.

Le 5 avril

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Les revendications des mineurs

- Clause dérogatoire des Décrets-lois 1010 y 1040.

  • Clause dérogatoire du Décret d’Urgence 1012 -2010.
  • Création du Plan National de Légalisation [Formalización] de l’Exploitation Minière Artisanale.
  • Destitution immédiate du ministre de l’environnement Brack.
  • Clause dérogatoire du D.S. 019-2009-EM (Madre de Dios).
  • Non à la construction de l’usine Hydroélectrique de Inambari, que bénéficiera seulement au Brésil, mais qui fera disparaître plus de 40 mille hectares de forêt native.
  • Inclure dans Plan National de Légalisation [Formalización] de l’Exploitation Minière Artisanale les régions où se développe l’exploitation minière alluviale.
  • Liberté pour les mineurs poursuivis et détenus injustement et arrêt des persécutions contre des dirigeants de la Fenamarpe.

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