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Iran :Le mouvement populaire et les diverses tendances au sein du régime

mercredi 17 février 2010, par Courant Alternatif

L’agitation qui a fait suite à l’élection présidentielle iranienne de juin 2009, et qui se poursuit actuellement par un mouvement de contestation du régime qui résiste malgré la répression, a été présentée ici comme l’expression d’un soutien au courant réformateur s’opposant au courant fondamentaliste pour le contrôle du pouvoir. Le texte d’Alireza Saghafi (1) écrit en juillet, dont nous vous proposons une traduction, met en cause cette vision des choses. Il nous montre en quoi fondamentalistes et réformateurs ne sont que les deux faces d’une même médaille dont s’accommode très bien le capitalisme international, qui préfère soutenir de fait un régime officiellement décrié mais avec qui les affaires sont rentables, plutôt que de risquer l’embrasement d’un mouvement populaire incontrôlable.


A l’encontre des analyses qui soutiennent que l’une des tendances représente les travailleurs et les couches inférieures de la société et l’autre les classes moyennes et les néo-libéraux, il convient de dire qu’aucune d’entre elles n’a de partisans ni de représentations de ce genre.
Le mouvement social iranien, qui traverse actuellement une période critique, a connu bien des hauts et des bas au cours de ces trente dernières années. Cette dernière insurrection ne peut être comprise indépendamment des luttes de ces trois dernières décennies, car elle emprunte la même voie et avance des revendications similaires.

Ces mêmes revendications qui n’ont jamais été satisfaites, qui ont été avancées à diverses reprises par différents groupes sociaux, et auxquelles les autorités ont toujours répondu par une répression sévère.

Derrière
les apparences :
l’Iran auxiliaire
de l’Occident

Certains articles ou essais écrits par des gens de gauche en Occident – des gens dont les Iraniens attendent un soutien – parlent de « révolution de couleur » à propos des événements consécutifs à la dernière élection présidentielle. Certains analystes espèrent même son échec et félicitent le camp des vainqueurs, ce qui s’explique peut-être par le fait que la seule chose qui ait trouvé un écho dans les médias occidentaux, c’est la rhétorique anti-américaine du gouvernement iranien. Certains médias ont fait pas mal de battage autour de la couverture des événements post-électoraux, et des gens qui ne savaient rien des revendications de notre peuple s’en sont présentés comme de fervents défenseurs au point d’amener à penser qu’ils étaient les orchestrateurs du mouvement. En cette époque de manipulation médiatique, de confusion et d’absence de reportage sur les événements et les positions des uns et des autres, les points de vue sont déformés et présentés de façon telle que cela laisse penser que le mouvement a été planifié. Il est intéressant de voir qu’il existe deux groupes distincts qui parlent de révolution de velours à propos de ce mouvement, l’un de gauche, l’autre de droite. Les deux n’ont vu que la surface des choses, ni l’un ni l’autre n’a de véritable compréhension de la société iranienne et de ses mouvements récents.

Il y a des tas de raisons de penser et de multiples éléments prouvant que dans les trente dernières années, les gouvernements en place en Iran ont eu le soutien des Etats-Unis, de leurs alliés et du monde occidental en général. Entre eux il n’y a pas eu de conflit ouvert, et ce à quoi nous avons assisté par le passé (des slogans du genre « A bas les Etats-Unis ! », « Mort à Israël ! »…) n’était qu’un jeu du chat et de la souris visant à détourner les regards des aspirations populaires. La seule chose qui ait joué un rôle vraiment déterminant dans les choix politiques, ce sont les immenses profits économiques…

Il y a quantité d’éléments qui le prouvent (« Faut-il se fier au discours du renard ou aux plumes de poulet qui pointent sous son ventre  ? », dit un dicton persan). En trente ans, ces preuves sont devenues si nombreuses que ce n’est plus contestable, sauf pour les régimes similaires à celui de l’Iran et pour leurs partenaires commerciaux occidentaux. Ce jeu a permis aux entreprises qui ont investi dans le pays de faire d’immenses profits. Les gouvernements des Etats-Unis, de Russie et d’autres pays européens se sont servis de questions comme l’affaire Salman Rushdie, les droits des l’homme ou la filière nucléaire pour exercer une pression sur l’Iran, signer des contrats, faire une énorme moisson de profits et obtenir des concessions de la même veine que celles faites par la dynastie Qajar à la Russie par le traité de Turkmanchai (2).
Dans pareil contexte – et notamment lors de l’instauration de sanctions – beaucoup de transactions commerciales se sont faites, et continuent de se faire, de façon officieuse. Avec des profits sans commune mesure avec ceux dégagés à travers des accords officiels. C’est très lucratif pour les deux parties – qui se trouvent être les enfants des mollahs et certains autres membres du pouvoir en place. Exemples : l’Iran est de fait le troisième importateur en volume de cigarettes américaines ; il achète des armes et des armements et bien d’autres choses encore.
Pour mieux faire comprendre les choses, nous partirons de la situation actuelle.
Dès le départ, la création de la République islamique a obtenu le soutien de quatre puissances industrielles (Etats-Unis, Royaume-Uni, France et Allemagne), lors de la conférence de Guadeloupe [1979]. Depuis, la révolution du peuple d’Iran a été entraînée dans la direction dessinée par l’accord passé entre les fondamentalistes et l’Occident. L’objectif poursuivi par l’échange de lettres entre les mollahs et les leaders occidentaux, le soutien des cercles occidentaux à ces chefs religieux en Iran, étaient clairs pour tout le monde. Les choix politiques de l’époque, comme la création d’une ceinture verte autour de l’URSS, la formation de pôles religieux dans le but de faire échec au bloc de l’Est… étaient ouvertement discutés dans les écrits des hommes politiques d’alors. C’est un fait indéniable, dont on peut trouver sans peine un grand nombre de preuves dans les journaux de l’époque.
Puis, à la suite de la révolution, vint la crise des otages américains. Elle a fait l’objet de nombreux débats, et il est maintenant prouvé que l’objectif poursuivi était essentiellement de faire échec à la lutte pour l’indépendance vis-à-vis des Etats-Unis et du système capitaliste international dans son ensemble. C’est pourquoi, après l’élimination de groupes indépendants, les otages ont été remis au gouvernement conservateur de Ronald Reagan. Celui-ci déclara aux médias que les chefs iraniens lui faisaient là le plus beau cadeau de son mandat présidentiel. En signant l’accord d’Alger, le Premier ministre et son adjoint ont accepté de rendre les otages, ce que le président de l’époque, Bani Sadr, a lui-même dénoncé comme « un accord à la Vosough od-Dowleh  (3) ».
Ensuite, ce fut l’affaire de l’Irangate, qui se produisit en même temps que le voyage du président McFarlane en Iran, relaté dans son intégralité dans le rapport Tower, qui met au jour l’arrangement secret permettant de vendre des armes à l’Iran pendant cinq ans à travers des canaux officieux. Le revenu de la vente finançait les forces paramilitaires en Amérique latine. Peu à peu on apprit qu’au moins 2008 roquettes TOW et 235 missiles Hawk avaient été vendus à l’Iran. Et que la majeure partie du chargement avait été fourni par Israël.
Puis ce furent les événements de 1988 : le massacre des prisonniers politiques, dont l’Occident n’a pas pipé mot. Aucune plainte n’a été officiellement déposée contre ce crime de génocide, alors qu’au même moment le gouvernement libanais était cité devant les tribunaux pour avoir bombardé un avion avec deux cents passagers à bord. Les vies humaines n’auraient-elles pas toutes la même valeur ? La seule explication plausible, c’est que ceux qui furent assassinés en Iran en 1988 étaient politiquement hostiles à l’Occident et aux Etats-Unis, donc ne méritaient pas qu’on s’inquiète de leur sort.
De ces meurtres de masse de prisonniers politiques, le régime fut ensuite récompensé par l’octroi de plusieurs prêts, venus de diverses sources occidentales. L’Iran reçut quasiment 50 milliards de dollars en l’espace de trois ans. Ces prêts permirent au gouvernement iranien d’assassiner ses opposants en différents endroits du monde, ce dont on eut un aperçu en certaines occasions, comme lors du procès de Mykonos. Selon certaines sources, il y eut environ deux cents cas d’assassinats. Les meurtres du Dr Ghassemloo, de Bakhtiar, de Kazem Rajavi et de Fereidoon Farrokhzad, perpétrés à l’étranger, et des centaines d’autres perpétrés dans le pays, comme ceux de Forouhars, de Mokhtari et de Pouyandeh, ont été commis sous les yeux assoupis des Occidentaux. Chose remarquable, pendant toute cette époque, l’une au moins des forces impliquées dans les événements iraniens d’aujourd’hui était au pouvoir.
Une fois ces incidents dévoilés, l’Occident se mit à soutenir les réformes politiques et les réformistes en Iran et commença à traiter avec le gouvernement réformateur. De gros contrats d’exploitation du gaz et du pétrole furent signés avec des entreprises comme Total et Royal Dutch Shell, et de gros contrats d’exclusivité tels que Crescent, Iran Cell ou d’autres furent accordés à de grosses multinationales. Des entreprises comme Halliburton (propriété de Dick Cheney et Condoleezza Rice) commencèrent à jouer un rôle en Iran. Dans cette période d’apparent réformisme, des organes de répression furent remis sur pied, que l’on peut voir en action aujourd’hui. Le mutisme de l’Occident lors de la révolte étudiante du 9 juin 1999, son silence à propos des tortures de prisonniers – les Etats-Unis étaient occupés à faire de même à Guantanamo et ailleurs, à l’époque – et les négociations du gouvernement réformateur avec l’Irak, l’Afghanistan, les pays du Moyen-Orient et même des Balkans, tout indique qu’il y avait compatibilité entre les méthodes du gouvernement en Iran et la volonté de l’Occident.


Iran - Etats-Unis :
une coopération multiforme

Pour illustrer cette coopération, voici quelques éléments :
1. La façon dont les Etats-Unis et l’Iran ont coopéré pour démanteler la Yougoslavie montre clairement que les fondamentalistes islamistes en Iran et les responsables des politiques expansionnistes en Occident travaillaient de concert. Cette coopération et la signature de contrats bilatéraux ont coïncidé avec l’assassinat des opposants politiques iraniens à l’étranger.

Lorsqu’éclata la guerre en Yougoslavie, Mohammad Reza Naghdi fut envoyé en Bosnie-Herzégovine à la tête d’un bataillon de Pasdaran (Gardiens de la révolution) et resta l’un des trois commandants de ce corps jusqu’à la fin du conflit dans la région. A l’époque, les Etats-Unis et l’OTAN avaient instauré une couverture aérienne pour neutraliser les forces aériennes yougoslaves, permettant ainsi aux forces moudjahidin de renforcer les défenses bosniaques avec le soutien de l’Iran.
Dans la guerre des Balkans, le musulman Rasim Delic commandait lui aussi l’unité de volontaires des Pasdaran envoyée en Bosnie. Alors que la base militaire était sous le commandement des officiers des Pasdaran, l’unité de volontaires était tout entière intégrée dans les brigades d’Al-Moudjahid. Cette unité qui comptait en 1993 deux mille combattants étrangers est, d’après Ali Ahmad, un moudjahid afghan toujours incarcéré dans la prison de Zenitsa, responsable du meurtre de 24 civils dans le village de Delic. En 1993, la même unité a assassiné des dizaines de prisonniers serbes à Orasac et exposé leurs têtes coupées dans les rues du village.

Rasim Delic, ce vieux général de l’armée bosniaque âgé de 56 ans, est actuellement accusé de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et de génocide. Il fut à la tête de cette armée de 1992 à 1995. Il doit également répondre devant le tribunal de La Haye du viol de dizaines de femmes et d’enfants croates et serbes commis par les forces de volontaires étrangers qui opéraient sous son commandement. Ces dernières années, Rasim Delic travaillait avec certaines entreprises d’import-export fondées par Karis Zilasic, le chef des forces de sécurité bosniaques, qui commerçaient essentiellement avec la République islamique.
2. L’Iran et les Etats-Unis ont coopéré pour porter le gouvernement Karzaï au pouvoir en Afghanistan.
A la conférence de Bonn sur l’Afghanistan post-talibans (2001), une coordination des efforts fut mise en place entre les deux pays. Elle avait existé à l’époque de l’occupation de l’Afghanistan par l’URSS, où l’Iran travaillait en collaboration étroite avec l’Occident pour fournir aux moudjahidin afghans la logistique et les armes dont ils avaient besoin. L’aide de l’Iran et l’entraînement des forces moudjahidin dans leur combat étaient d’une telle ampleur qu’il est inutile de revenir dessus.

Cette coopération se poursuivit avec la participation de l’Iran à la conférence de La Hague sur l’Afghanistan [mars 2009]. Certaines dépêches évoquant une possible coopération entre l’Iran et l’Otan, certaines informations récentes au sujet de négociations entre le régime islamiste et des entreprises allemandes à propos du passage par le territoire iranien des engins livrant des équipements non militaires aux forces allemandes stationnées en Afghanistan, mais aussi le récent message d’Obama, sont autant de signes d’une volonté américaine de négocier avec l’Iran.

En mars une rumeur a circulé selon laquelle un accord secret avait été signé par les Etats-Unis et l’OTAN prévoyant que tout le matériel militaire transporté par bateau pour livraison à l’Afghanistan passerait par l’Iran. Cet accord n’a pas été porté à la connaissance des membres du Parlement iranien avant signature, et les seuls à en connaître l’existence étaient le secrétaire privé du Guide suprême et le chef du Comité pour la sécurité nationale et la politique étrangère du Parlement. Le journal londonien Sunday Times du 29 mars 1999 annonça que l’Iran et les Etats-Unis avaient entamé leur première série de discussions sur la fin de la guerre en Afghanistan. Le même journal signale que des diplomates iraniens et américains se sont rencontrés, à l’initiative des Russes et avec un diplomate britannique assurant la liaison, le 27 mars. Etaient présents le chef de la division Asie centrale et du Sud du ministère américain des Affaires étrangères, Patrick Moon, et le vice-ministre iranien des Affaires étrangères. Certains parlementaires ayant reproché de n’avoir pas été informés de cette importante rencontre, le Comité des affaires étrangères déclara que, comme le Pakistan traversait une période d’instabilité, les Etats-Unis avaient fait plusieurs concessions à l’Iran de façon à obtenir ce passage du matériel militaire par son territoire. Toutefois, personne n’a mentionné quelles étaient ces concessions ni à qui et lors de quelle rencontre elles avaient été faites.
3. Coopération des Etats-Unis et de l’Iran dans le but d’instaurer un gouvernement islamique en Irak. Le résultat des élections qui ont eu lieu après l’occupation montraient que le peuple irakien désirait un gouvernement laïque. Et pourtant les négociations menées et les accords signés entre l’Iran et les Etats-Unis ont débouché sur l’arrivée au pouvoir de Nouri al-Malki et la marginalisation des forces laïques. Les deux pays ont eu trois séries de rencontres sur l’Irak, auxquelles ont pris part à chaque fois des hauts responsables de l’armée et de la sécurité des deux pays. Au même moment, les deux parties s’accusaient par médias interposés de ne pas coopérer sur les questions de sécurité en Irak. Et pourtant c’est bien la coopération des deux pays qui a permis l’arrivée au pouvoir de l’actuel gouvernement irakien et sa stabilité. Chacun sait que ce gouvernement est proche du régime iranien et que la plupart de ses membres ont vécu en Iran pendant des années ; aucun autre pays de la région a autant d’influence en Irak que le gouvernement iranien.
4. Dans les trois dernières décennies, l’Iran et les Etats-Unis ont, en collaboration étroite avec le monde capitaliste occidental, travaillé à l’avènement de gouvernements religieux. Dans les trois exemples que nous venons de citer, sans coopération irano-étasunienne, ces gouvernements n’auraient jamais pu arriver au pouvoir. Et leurs pays respectifs n’auraient pu devenir la proie des capitaux internationaux et des marchés capitalistes. Mais, dans cette même période, l’Iran lui-même n’a pas été à l’abri de ce genre de transactions.
L’épouvantail islamiste n’empêche pas les profits juteux

Parmi les importantes transactions économiques de ces dernières années, on peut retenir – outre les armes achetées par voie directe ou indirecte – les cas qui suivent :

  • Voici ce que rapporte l’agence iranienne Fars News Agency, citant Magic City : « La compagnie pétrolière américaine Halliburton a vendu pour 40 millions de dollars d’équipements de raffinerie à l’Iran, en dépit des sanctions économiques américaines qui frappent ce pays. Après l’adoption de ces sanctions, Halliburton a commencé à créer des filiales étrangères de façon à pouvoir contourner les règles d’embargo. En effet, les sanctions ne s’appliquaient qu’aux entreprises américaines et pas aux entreprises étrangères. L’inspecteur new-yorkais William Thompson a interrogé Halliburton sur cette transaction, mais les responsables de l’entreprise considèrent que leurs activités en Iran ne contreviennent pas aux lois américaines. »
    Le vice-président et directeur général d’Oriental Kish Corporation et l’ancien vice-président des Etats-Unis Dick Cheney ont tous deux joué un important rôle facilitateur dans la signature d’un accord entre Halliburton-Oriental et l’Iran. Le voyage de Dick Cheney en 2000, destiné à préparer le terrain à la signature de contrats de gaz et de pétrole en Iran, a été tenu secret pendant plusieurs années. Mais l’histoire la plus énorme a débuté en 2002 lorsque Halliburton a remporté l’appel d’offres pour le forage du champ pétrolifère de South Fars, un contrat lucratif où la compagnie s’engageait à creuser douze puits en phases 9 et 10 de ce champ, et l’on s’attendait à trouver du pétrole aux alentours de 2007 dans deux sections maritimes et terrestres et à en extraire 50 millions de mètres cubes de gaz naturel et plus de 400 tonnes de soufre. Halliburton n’était bien sûr pas seule engagée dans la transaction. C’est le consortium Halliburton-Oriental qui remporta l’appel d’offres. Autre élément intéressant : Halliburton avait avancé le chiffre de 23 millions de dollars par puits et réclamait au total 282 millions ; or le gouvernement iranien – qui en tant que client aurait dû avancer un chiffre inférieur – accorda, dans la version finale du contrat, 360 millions de dollars au consortium.
  • Le contrat pour l’assemblage de 55.000 automobiles Chrysler signé au moment où la compagnie était au bord de la faillite. Plusieurs hauts représentants des Pasdaran, a-t-on appris, s’étaient rendus à Dubai pour rencontrer l’entreprise américaine, par l’entremise de courtiers internationaux. A cette occasion l’aéroport et la ville de Dubai avaient été bouclés par mesure de sécurité. Selon certaines informations, la délégation militaire iranienne parvint à un accord préliminaire avec Chrysler, ce qui représentait l’aide la plus importante qui puisse être apportée à l’entreprise en banqueroute.
    Lors de ces négociations, les commandants du corps des Pasdaran annoncèrent leur accord – au nom de l’entreprise SAIPA – pour l’achat de 55.000 Chrysler à assembler en Iran. Des citoyens du Koweit et des Emirats arabes unis firent fonction d’intermédiaires dans cette transaction. La délégation iranienne se rendit à Dubai sous prétexte d’accompagner l’équipe nationale de football. Le directeur général de SAIPA, nommé par le président, en aurait lui-même fait partie.
    Le ministre iranien de l’industrie avait auparavant fait mention, lors du 6e Salon international de l’industrie automobile à Téhéran, de la signature d’un contrat pour la production d’automobiles Mercedes-Benz en Iran, selon certaines sources. « On trouvera des Mercedes 240 et 320 sur le marché l’année prochaine, même si c’est en nombre limité », aurait déclaré le ministre. Bien évidemment, dès que les informations ont commencé à filtrer, ça a été démenti !
    Les discussions autour de ces contrats se sont faites dans la période où Bush acceptait d’accorder un prêt de 13,4 millions de dollars à Chrysler et General Motors prélevé sur la somme destinée à sauver le système bancaire (annonce du 12 décembre 2008). Ce prêt continue à courir. Ces négociations et accords, qui consistaient essentiellement à aider Chrysler à sortir de la crise, étaient en complète contradiction avec les discours servis à la population par les chefs des Pasdaran et le président iranien selon lesquels l’empire américain était au bord de l’effondrement et avec le ton joyeux sur lequel étaient transmises les informations sur la crise financière aux Etats-Unis.
  • D’après le Wall Street Journal, « depuis début juin [2009], l’Iran a acheté plus d’un million de tonnes de blé aux Etats-Unis, ce qui est considérable : cela représente 3 à 4 % des exportations américaines annuelles de blé. Les chiffres du ministère américain de l’Agriculture montrent en outre que le dernier achat de blé fait par l’Iran aux Etats-Unis remonte à 1981-82, et portait alors sur 728.000 tonnes ».
  • La vente à l’Iran de dispositifs de filtrage électronique et d’émission de bruit par des pays qui parlent de démocratie et élèvent la voix en ce moment à propos du sort fait aux Iraniens. La question du filtrage du Net et des équipements achetés au Royaume-Uni et aux Etats-Unis avec l’implication apparemment d’Israël a été abordée lors d’une table ronde de presse en Iran. A cette table ronde, le PDG de Data Communications, branche de la compagnie iranienne de télécommunications a déclaré : « Notre entreprise a dépensé 7 milliards de tomans (7 millions de dollars) ces dernières années pour le filtrage. » D’après, le chef du syndicat iranien des fournisseurs de services Internet, « le matériel et les logiciels de filtrage produits aux Etats-Unis ont été sélectionnés par mise en concurrence interne des offres ». C’est l’entreprise Asr-e-Danesh Company qui a remporté le morceau, mais il est apparu depuis qu’elle achetait le matériel à une entreprise basée en Angleterre.
  • Début juin [2009], une compagnie financière de Wall Street qui travaillait pour un fonds de pension américain a adressé une lettre au ministre de l’Economie demandant que soient officiellement établies les frontières de la propriété privée et les règles d’investissement pour les étrangers à la Bourse de Téhéran.
  • Deux géants bancaires américains, Citibank et Goldman-Sachs, ont également demandé à être présents en Iran. Citibank est la propriété de Citigroup, deuxième banque américaine en importance, dont 5 % du capital est détenu par un prince saoudien. Lequel a joué apparemment le rôle de facilitateur dans les négociations entre Citigroup et la Banque centrale iranienne. Goldman-Sachs est un autre des géants de Wall Street dont le précédent PDG, Robert Zoellick, est actuellement à la tête de la Banque mondiale.
  • Récemment, l’Iran est entré en contact avec l’OTAN pour la première fois depuis trente ans, et des représentants des deux bords se sont rencontrés pour parler de la question des réfugiés afghans et du trafic de drogue. Dans le cadre de cette recherche de stabilité en Afghanistan, Barak Obama a suggéré que soit créé un groupe de contact régional incluant l’Iran. Selon le Sunday Times, Obama chercherait par ces discussions à convaincre l’Iran de négocier sur la question de son programme nucléaire.
    Pendant l’Irangate, il était question d’achat d’armes à Israël. Les liens entre l’Iran et ce pays n’en sont pas restés à ce genre de tractations secrètes. Voici quelques exemples illustrant notre propos :
  • Nestlé est une entreprise dont les liens avec des groupes sionistes et avec le régime israélien ont été révélés par certains membres du régime en place en Iran. En raison de ces liens, elle a été boycottée par différents groupes dans le monde. Or plusieurs de ses articles sont produits en Iran, dont les céréales pour bébés Cerelac et l’eau minérale Anahita sous licence Anahita-Blour. Et certains produits Nestlé sont importés en Iran, dont le Nescafé, le café en poudre Coffee Mate, les bouillons de viande Maggi, le lait en poudre Nan, divers types de chocolat dont Kit Kat et Smartees, la nourriture pour animaux Frisky (importée par Pars-Pooran).
  • Coca-Cola, également connue pour ses liens avec le pouvoir israélien, est distribuée en Iran par les entreprises Khoshgovar de Machhad et Astan Qods Razavi. L’un des dirigeants de Coca-Cola, « Dana Bolden », a déclaré – selon l’agence Mehr News Agency citant le London Times – que « l’entreprise a[vait] obtenu de l’administration de contrôle des fonds américains à l’étranger l’autorisation de vendre du sirop de coca concentré à l’Iran ». A propos de protestations de grande ampleur à Machhad contre le transfert annuel de 150.000 dollars à Coca-Cola USA par l’intermédiaire d’une filiale irlandaise, il a fait ce commentaire : « Pour certaines raisons, je ne peux parler de nos transactions avec des pays chez qui nous exportons et avec lesquels nous avons des accords financiers. » Coca-Cola, qui avait renoncé au marché iranien après la révolution de 1979, est revenu Iran en 1994 après la signature d’un contrat de franchise avec des entreprises comme Khoshgovar. Les entreprises iraniennes recevaient le sirop de coca par l’intermédiaire d’une compagnie irlandaise baptisée Atlantic Coca-Cola puis Drogheda Concentrate. L’entreprise Sasan, qui détient la licence d’American PepsiCo, produit entre autres les boissons Pepsi-Cola et Miranda, marque qui se vend massivement en Iran et dans la région.

Les Européens
ne sont pas de reste

Nombreux sont les exemples de ce genre de transactions avec d’autres pays capitalistes occidentaux, dont la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, ce qui s’explique facilement par le fait que le régime iranien n’a pas la même prévention envers ces pays qu’envers les Etats-Unis et Israël. En voici quelques exemples :

1. Une grande partie de l’essence importée par l’Iran est fournie par l’entreprise indienne Reliance, mais aussi par les compagnies française Total, suisses Vitol et Clangour et britannique British Petroleum. La compagnie d’assurances londonienne Lloyds assure la plupart des cargaisons d’essence. Ces dernières années, « la banque américaine d’import-export » aurait, dit-on, fourni à Reliance jusqu’à 900 millions de dollars de prêts. Des prêts du même ordre lui seront accordés pour l’année fiscale 2010 (qui démarre en octobre 2009). Lors d’une visite en Inde, Hillary Clinton a donné à Reliance l’assurance qu’aucun embargo sur l’essence destiné à l’Iran n’était à l’étude. Ce qui s’explique peut-être par le besoin permanent d’essence des véhicules des forces de sécurité au moment fort des manifestations en Iran ! Ceux qui se rendaient à pied à ces manifestations n’en avaient pas besoin, eux …

2. Iran Khodro a constitué avec SAIPA un duopole sur le marché automobile, dont SAIPA possède 35 % de parts et Iran Khodro 55 %. Une fois assouplies les règles d’importation dans le secteur, Iran Khodro a commencé à collaborer avec les entreprises étrangères : 750.000 voitures ont été vendues en 2004, 1,1 million en 2006 et 1,2 million en 2008. Le but d’Iran Khodro était de conserver sa position sur le marché tout en accédant à de nouvelles technologies, essentielles pour améliorer la qualité de ses produits et pour se préparer à la compétition sur le marché international. Le groupe Peugeot-Citroën, qui dès 1992 avait travaillé avec Iran Khodro à la fabrication de la Peugeot 405 (produite à 60 % dans le pays), a fait un grand pas en avant en signant un contrat en 2001, qui prévoyait l’assemblage de Peugeot 206 et 307, avec une très faible participation locale à la production.
Renault, de son côté, s’est associée avec les deux géants automobiles iraniens au sein d’une grande entreprise baptisée Renault Pars, chargée de l’assemblage de la Logan (appelée localement Tondar). Elle en détient 51 % du capital, Iran Khodro et SAIPA en détenant conjointement 49 %. On remarquera que les industries pétrolière, gazière et automobile –qui représentent la majeure partie de l’investissement américain et européen en Iran et qui sont source de gros profits– imposent les pires conditions du travail aux ouvriers et que les défenseurs des droits de l’homme n’ont pas élevé la moindre protestation contre les conditions de travail sauvages et répressives qui sévissent dans ces industries, ni même contre le fait que toutes les associations de travailleurs –syndicats islamistes compris– y sont interdites par la loi. Alors que dans les autres secteurs, les syndicats islamistes liés au patronat sont encouragés, dans ces industries les travailleurs sont soumis à une énorme pression et la moindre protestation déclenche l’intervention des forces de sécurité. Dans leurs usines, les forces nationales de sécurité sont présentes en nombre, sous couvert d’assurer la sécurité de l’entreprise. Il faut savoir que les industries pétrolière, gazière et automobile, qui sont entièrement sous le monopole du capital étranger, participent pour plus de 90 % à l’économie iranienne. Un gouvernement pro-occidental en Iran pourrait-il faire plus pour prouver sa loyauté envers l’Occident ? Difficile à dire... Sur ce point, les deux camps présents au sein du gouvernement ont toujours été d’accord.

3. En janvier 2008, un membre du Parti travailliste suggéra, lors d’une séance de questions parlementaires, que la Lloyd’s TSP Bank se voie infliger une lourde amende pour blanchiment supposé d’argent sale en faveur du régime iranien et interrogea Gordon Brown à ce sujet. En déclarant accepter de blanchir des fonds pour le pouvoir en Iran, la Lloyd’s TSP Bank choisit d’enfreindre la loi américaine, d’ignorer les embargos bancaires internationaux et de payer volontairement une amende de 350 millions de dollars au gouvernement américain. Ce qui veut dire que certains documents et fichiers seront ouverts aux inspections et que, s’il était prouvé qu’une partie des fonds blanchis ont servi à aider les organisations terroristes, les directeurs de la banque seront inculpés ! Le parlementaire a interprété la chose ainsi : blanchir de l’argent ne pose pas problème au gouvernement iranien, et les hommes politiques iraniens sont autorisés à transférer à l’étranger ces produits du pillage, à la seule condition de ne pas les employer dans des activités terroristes. Cela aussi a un sens, bien sûr, cela veut dire : on peut se permettre d’ignorer les meurtres d’opposants. La Lloyd TSP Bank, qui a reçu récemment une aide financière importante du gouvernement britannique destinée à la sauver de la faillite, savait ce qu’elle faisait en transférant 300 millions de dollars de fonds iraniens aux Etats-Unis. Selon des sources fiables, après leur conversion en dollars US, ces fonds ont été transférés à une organisation new-yorkaise de couverture et de là envoyés vers d’autres destinations à travers le monde. Certains comptes rendus font aussi apparaître l’implication dans le blanchiment d’argent pour l’Iran de plus de dix banques de bonne réputation dans le monde, qui ont permis ainsi de transférer des milliards de dollars d’argent iranien vers des fonds américains et de les déposer sur différents comptes.

4. La vente des avoirs d’entreprises industrielles et minières à des multinationales. La vente de 65 % des actions des mines de cuivre iraniennes à des compagnies suédoises et de mines d’or à des compagnies britanniques…

5. Enfin, le jeu du chat et de la souris autour du programme nucléaire iranien et le meurtre d’individus qui revendiquaient des droits de base et les libertés publiques dans des manifestations pacifiques. Le gouvernement iranien a bien été formellement condamné pour ses actes, mais rien de sérieux n’a été entrepris contre l’Iran. On s’est par exemple contenté de prolonger le temps d’émission des visas pour les fonctionnaires iraniens. Pendant ce temps, au Honduras – où des gens se sont fait tirer dessus – tous les pays européens ont rappelé leurs ambassadeurs. En Iran où 150 personnes ont été tuées, pas un pays occidental n’a rappelé son ambassadeur, ni même imposé des restrictions aux voyages diplomatiques. De plus, les divers comptes bancaires détenus dans ces pays par les chefs du gouvernement iranien sont restés intouchés. Il est donc évident que, pour ces pays, le traitement que font subir les gouvernants iraniens à la population et le respect des droits de l’homme ne comptent pas pour grand-chose, et que leurs politiques envers des pays comme l’Iran sont dictées par d’autres considérations. La principale question est : en quoi le gouvernement iranien a-t-il pu nuire aux intérêts des Etats capitalistes occidentaux ?


L’hypocrisie occidentale
face au
soulèvement populaire

Coopérer véritablement avec le peuple iranien, cela consisterait à restreindre la vente du matériel qui sert à le réprimer et à le censurer, et non pas celle de produits de base dont la rareté pèse sur les gens ordinaires et, combinée à une inflation galopante, rend leurs vies misérables. De même, couper tous les liens économiques avec le gouvernement iranien, interdire les visites de ses prétendus diplomates, bloquer les comptes en banque des gouvernants où dorment des millions de dollars, etc., voilà les initiatives qui aideraient véritablement le peuple iranien.
Mais, face aux profits astronomiques réalisés dans le pays, les gouvernements capitalistes voudront-ils prendre de telles initiatives ? Ces dernières années, les gouvernants de l’Iran – qu’ils aient été réformistes ou fondamentalistes – ont toujours mis en œuvre les politiques préconisées par l’OMC, la Banque mondiale et le FMI, et des milliers d’Iraniens en ont souffert. De nombreuses unités de production ont été fermées ou privatisées puis fermées, pour faire en sorte que l’Iran devienne un marché accessible aux produits des grandes nations capitalistes. Des centaines de millions de gens ont perdu leur emploi et des millions d’autres ont dû quitter leur maison pour offrir leurs bras à moindre prix aux capitalistes internationaux.
Tout cela a pu se faire, au cours des trois dernières décennies, grâce à la collaboration de l’une comme de l’autre faction de la République islamique ; et le fardeau que cela représente pour notre nation, c’est toute la population qui le porte

L’affrontement des deux groupes qui se battent actuellement en Iran pour gagner une plus grosse part du pouvoir n’est pas très différent d’autres épisodes qui ont marqué de façon répétitive l’histoire de notre peuple. Le problème principal, c’est d’arriver à briser l’appareil de répression qui s’est constitué au cours des trente dernières années par coopération du capitalisme occidental et du fondamentalisme régional. Le fondamentalisme s’est transformé en outil de répression des mouvements populaires dans la région, et ne pourrait pas être facilement contrecarré – chose dont notre peuple a bien conscience.
Les gens exploitent au mieux les possibilités créées par l’affrontement des forces au sein du gouvernement car c’est le seul espoir qu’ils ont de déstabiliser le pouvoir de l’aile droite, qui est une machine énorme, impitoyable et répressive. Ils exploitent cette brèche pour faire entendre leurs revendications. A l’encontre des analyses qui soutiennent que l’un des groupes représente les travailleurs et les classes inférieures de la société et l’autre les classes moyennes et les néo-libéraux, il convient de dire qu’aucune de ces factions ne représente les groupes sociaux en question. On ne pourrait parler de représentation et de soutien populaire que s’il était possible pour une organisation indépendante de travailler librement dans cette optique ou s’il existait un minimum de libertés politiques. Ceux qui font ce type d’analyse doivent expliquer comment ils en sont arrivés à ces conclusions ou nous dire où il existe ce minimum de libertés publiques. Ce à quoi on assiste en ce moment, c’est à un courant fondamentaliste aidé par la répression qui s’attaque au peuple iranien.
Beaucoup de ceux qui prennent part de loin aux récents événements n’ont pas conscience du fait que notre peuple est confronté à une violente répression depuis trente ans. Cette répression dure, brutale, s’est mise en place grâce à la coopération du système capitaliste et d’un système moyenâgeux. Moyenâgeux parce que les meurtres de masse et les méthodes de torture pratiqués en Iran sont sans équivalent dans aucun autre pays. Et à présent le seul rayon d’espoir qu’ait trouvé le peuple iranien, c’est la division qui s’est instaurée entre deux groupes au sein du parti dirigeant – quelque chose qui n’est malheureusement pas toujours compris. Il y a un parti unique au pouvoir en Iran, que l’on ne peut comparer aux régimes latino-américains et à ceux des pays du bloc de l’Est. Une simple manifestation de 1er Mai a été réprimée de la façon la plus brutale ; des rassemblements pacifiques ont été accueillis par des balles. Deux détenus au moins on perdu la vie depuis le 9 juillet suite aux mauvais traitements infligés par les forces de sécurité. La violence dont la police fait preuve est sans équivalent dans aucun pays depuis trente ans.
De tous ces épisodes notre peuple a tiré des leçons, et il se sert aujourd’hui de ce qu’il a appris pour faire entendre ses revendications en exploitant la division qui s’est faite au sein du pouvoir. Des slogans comme « Hashemi, si tu n’interviens pas tu es un traître » est en fait une façon de monter une partie du régime contre une autre, et montre que notre peuple connaît bien ces deux factions. Cela montre aussi l’intelligence collective de notre peuple. Tous ceux qui pensent que les gens suivent une tendance de ce régime devraient aller discuter dans la rue avec eux. Notre peuple gagnera ses droits par ses propres forces. C’est pour cela qu’un grand nombre de membres de l’intelligentsia qui ont été victimes de mauvais traitements pensent qu’il faut participer à ces manifestations. La principale revendication des gens est la suppression des organes de répression. Cette machine répressive compte au moins neuf forces de police différentes : les milices Basij, les Pasdaran, les forces spéciales du NOPO, la police régulière, la police de sécurité, le ministère de l’information, le service de renseignements des Pasdaran, la police judiciaire…

Fondamentalistes, réformateurs
et capitalistes :
une même peur
de la radicalisation

L’inconsistance avec laquelle les médias occidentaux ont traité du mouvement populaire dans notre pays montre qu’ils n’ont aucun intérêt à ce que le mouvement se radicalise et élargisse ses revendications, et qu’ils désirent au contraire le canaliser dans une direction prédéterminée. Ce que les forces réactionnaires, les réformistes et les forces capitalistes mondiales ont en commun, c’est d’avoir toutes les trois peur d’une radicalisation du mouvement populaire. Elles font tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher que cela se produise, en s’entraidant. Parce que chacune de ces forces sait que notre peuple la rejettera et qu’aucune ne peut accéder à ce que le peuple désire. Chacune de ces trois forces – le monde capitaliste et les deux factions du régime iranien – tente de juguler cette radicalisation par différentes tactiques. Comme les forces capitalistes ne sont pas homogènes, chacune d’entre elles tente de parvenir au même but par une voie différente. Le régime fondamentaliste, qui recourt essentiellement à la force et à l’intimidation, trouve sa récompense dans la faiblesse des protestations occidentales et dans certains accords secrets. Les réformistes considèrent les marchés libres et les puissants médias occidentaux qui diffusent des promesses de paradis capitalistes comme leurs alliés. Cette tendance pourrait au bout du compte consentir à supprimer l’obligation du port du foulard et à légaliser la diffusion de certains chanteurs et acteurs d’Hollywood, mais elle ne fera rien pour changer la nature du régime. Le monde capitaliste ne perdra pas grand-chose si le pouvoir passe d’une tendance à l’autre ; et que ce soit l’une ou l’autre qui satisfasse ses exigences ne changera pas grand-chose non plus pour lui. Les puissants médias occidentaux sont au service de ce système, et ils étaient là pour montrer le mouvement populaire sous différents jours, et ainsi brouiller les enjeux et les frontières entre les actions radicales et les actions réformistes. Ils peuvent dépeindre le mouvement comme radical tout en empêchant que quoi que ce soit de sérieux se fasse pour porter atteinte aux profits des puissances occidentales et en maintenant en l’état les accords juteux mis au point précédemment avec le régime iranien.
Aujourd’hui, ce que réclame le peuple, c’est la liberté et l’indépendance vis-à-vis de ces alliances diaboliques qui ont donné naissance à un monstre capable de faire taire toute voix réclamant la liberté en Iran et dans la région. Les forces capitalistes ont découvert que leur intérêt consiste à forger des alliances avec les régimes fondamentalistes qui leur fournissent tout ce qu’elles veulent. Le soutien apporté à des régimes comme l’Iran, l’Arabie saoudite, l’Irak, l’Afghanistan, les Emirats arabes unis, le Pakistan et même la Turquie joue un rôle clé dans la pérennité du capitalisme international dans la région.


Alireza Saghafi, Juillet 2009
Traduit de l’anglais par Nicole Thé

Texte publié en anglais sur :
Site de Rigths & Democraty for Iran
Le chapeau et les intertitres
sont de la CJ
Des informations régulières
sur l’Iran sont publiées
sur le site de l’OCL

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