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Complément

Autour de Jacques Rancière.

« Déconstruire la logique inégalitaire »

mercredi 7 octobre 2009, par OCLibertaire

De novembre 2008 à juillet 2009, La Parole Errante (Montreuil - 93) organisait une exposition autour de Mai 68. L’exposition "Comme un papier tue-mouches dans une maison de vacances fermée..." se voulait une circulation dans les écrits de Mai 68.

D’abord les tracts du 22 Mars puis le journal Action, les journaux de ceux qui voulaient fonder un parti, La Cause du peuple, Rouge et enfin les journaux de ceux qui suivaient le mouvement comme Tout !, les Cahiers de Mai, Le Torchon brûle…

Dans le cadre de cet évènement, une série d’interviews ont été réalisés.
Dont celui-ci avec Jacques Rancière où il revient sur cette époque, la rupture avec Althusser, Mai 68, la création de la revue Les Révoltes Logiques, le travail sur la parole ouvrière et la question de l’égalité.

Rappelons que, le monde étant parfois petit, cette expo et les entretiens ont été conçus et réalisés en grande partie par Stephane Gatti, père de Joachim qui a perdu un œil cet été suite à un tir de flash ball par un policier lors d’une manifestation à Montreuil en juillet dernier


Voir en ligne : La parole errante

CHANTIER de mai 68 à...

La Parole Errante

Propos recueillis par Pierre Vincent Cresceri et Stéphane Gatti
Rédaction et mise en forme Benoit Francès

 {{Entretien avec Jacques Rancière}}

““...déconstruire la logique inégalitaire...””

Dans l’ébullition de Vincennes, le philosophe Jacques Rancière, coauteur de Lire le Capital, commence à réévaluer la pensée d’Althusser. Les principes de la science marxiste professés par le maître de Normale sup ne rendent pas compte de mai 68, de ses bouleversements réels. L’étonnement, l’écart entre la réalité de la révolte et ce qui devrait en être la théorie ouvrent alors un projet, on pourrait dire un « établissement » théorique : reconstruire la généalogie du rapport entre pensée ouvrière et marxisme, en quête des manques de ce dernier. Mais Jacques Rancière découvre que la « pensée ouvrière », le « mouvement ouvrier » en tant que tels n’existent pas ; seulement l’émancipation ouvrière comme processus.

L’histoire de cette émancipation deviendra La Nuit des prolétaires (81), recherche-récit qui, en se ressaisissant de ce passé fragmentaire, ressaisit aussi, en creux, ce qui s’en rejoue en 68 – ouvrant une possibilité de raconter mai. Plus tard, Le Maître ignorant (87) dégagera la transmission du savoir du déterminisme en faisant de l’égalité un a priori sur lequel bâtir et non un but à atteindre. S’en remettre ainsi, comme le pédagogue Joseph Jacotot enseignant ce qu’il ignore, à la créativité de chacun, c’est sortir des légitimations de la logique inégalitaire, y compris de celles qui la perpétuent sous couvert de démystifier l’ordre dominant. C’est aussi un prolongement de l’âme libertaire de 68, en particulier de celle qui s’est exprimée à Vincennes.

“Il s’agit de déconstruire la logique inégalitaire à travers toutes les légitimations progressistes, révolutionnaires, démystificatrices qu’elle se donne”

Dans quelle mesure la rupture politique de 68 détermine-t-elle une rupture dans votre trajet philosophique et politique ?

En 68, mon trajet philosophique n’était pas très avancé. J’avais été élève à l’École normale supérieure et fortement influencé par Althusser. Au fond, j’ai découvert le marxisme en même temps qu’Althusser. L’ayant à peine découvert, je suis tenu de participer à une élaboration nouvelle puisque nous avions été recrutés par Althusser pour retrouver la véritable science marxiste et dire quelle était la vérité du Capital. C’était une sorte de gageure qui nous donnait en même temps une assurance.

Nous étions intervenus au sein de l’Union des étudiants communistes. J’avais, sans trop de problèmes, le sentiment d’appartenir à la vérité d’un marxisme dont il fallait rendre publique la science pure et dure afin qu’elle puisse profiter au mouvement révolutionnaire et aux masses. Au coeur de cette entreprise, Althusser avait lancé une polémique très violente, que l’on avait reprise, contre les mots d’ordre des étudiants dans les années 64, 65. Tous ces mots d’ordre anti-autoritaires apparaissaient à Althusser, et du même coup à nous, comme une sorte de protestation de jeunes gens un peu analphabètes qui ignoraient qu’il fallait passer par le grand détour de la science et des représentants autorisés de la science avant de se lancer dans des actions et des théories plus ou moins aventureuses.

Là-dessus arrive 68 que j’ai vécu, au départ, comme quelque chose de scandaleux, contre les bons principes de la science, entièrement entaché d’idéologie. Malgré tout, je me suis retrouvé un peu interloqué. Je n’étais pas vraiment convaincu, mais j’avais le sentiment qu’il se passait quelque chose de réel. En particulier, parce que j’avais toujours cette idée althussérienne que l’important n’était pas les étudiants, mais cette conjonction étudiants-ouvriers qui se produisait à ce moment-là. Tout un système de certitudes se trouvait alors ébranlé. Comment se fait-il que ces mots d’ordre anti-autoritaires des étudiants un peu simplistes et idéologiques avaient provoqué un tel bouleversement ? Ce n’était pas simplement les étudiants qui se remuaient dans la rue, mais il y avait des drapeaux rouges sur toutes les usines. Tout un pays était véritablement arrêté et il se produisait une propagation, une sorte de lame de fond antiautoritaire, à tous les niveaux de la société.

Il y a eu cette expérience de quelque chose qui n’allait pas parfaitement dans la science marxiste. Puis, il y a eu, à la fin de 68, la création de Vincennes et la discussion de ce que l’on allait y faire. Au niveau de ma réévaluation personnelle des choses, plus que les événements de 68 eux-mêmes, ce moment de création du département de philosophie de l’université Paris-VIII a été déterminant. On créait une université à neuf, une université où l’on essayait de mettre ce qu’il y avait de plus nouveau, de plus moderne : du structuralisme, de la psychanalyse, du marxisme althussérien, de la sociologie à la Bourdieu. Il y a eu des discussions pour savoir quel serait le programme du département de philosophie. Michel Foucault avait demandé à Étienne Balibar de faire un programme. C’était un programme de science marxiste, d’épistémologie, de théorie de la science et de philosophie du travail. Une espèce de cadre pour remplacer l’enseignement vieillot et bourgeois par un enseignement rénové, plus scientifique et plus marxiste. Je me souviens d’être un peu naïvement parti en guerre contre ce programme en disant qu’il était révisionniste et qu’il oubliait le principe maoïste de la politique au poste de commandement. À partir de là, j’ai commencé à réfléchir sur Althusser. Je faisais un cours sur L’Idéologie allemande. Petit à petit, j’ai eu de plus en plus le sentiment que le cœur de ce que l’on pourrait appeler la version réactionnaire du marxisme était, précisément, cette théorie de l’idéologie. Cette représentation des masses bourgeoises, petites-bourgeoises et ouvrières, toutes plus ou moins engluées dans l’idéologie, adhérant au système et victimes de ce dernier en raison du brouillard idéologique dans lequel elles vivaient. Dans l’althussérisme et dans le texte que j’avais écrit pour Lire le Capital, il y avait ce grand thème des agents de la production qui, du fait même d’être dans une pratique, sont nécessairement incapables de comprendre le système en raison de la place qu’ils y occupent. Et puis, tout d’un coup, je me suis dit : « C’est cela le cœur de l’affaire et c’est contre ce cœur que j’ai envie de réagir. »

Est-ce comme cela que le désir d’écrire le livre sur Althusser est né ?

Pas vraiment. Je n’avais pas programmé ce livre. C’est en faisant ce cours sur L’Idéologie allemande, en reprenant la généalogie de toute l’affaire, que j’ai rédigé un texte dénonciateur sur la théorie de l’idéologie d’Althusser. J’avais en quelque sorte réglé mes comptes et je croyais y voir clair. Par conséquent, j’avais laissé cela un peu de côté. En réalité, j’ai écrit La Leçon d’Althusser quatre années plus tard parce que c’était le moment où commençait déjà un certain reflux. Il se constituait alors un althussérisme rénové, rajeuni, qui essayait, comme on le disait à l’époque, d’intégrer les acquis de mai 68 tout en reconstruisant, au fond, les choses comme si rien ne s’était passé. À ce moment-là a été publiée une nouvelle édition de Lire le Capital. J’avais demandé à écrire une préface à mon texte afin d’expliquer pourquoi j’avais de fortes critiques à son égard. Cela a d’abord été accepté, puis refusé par Althusser. Il ne suffisait pas d’avoir réglé ses comptes personnellement. On était obligé de dire que l’on ne faisait plus partie de la famille.

J’ai dû mettre les points sur les « i », ce qui n’est pas tellement mon habitude. J’ai plutôt l’habitude de faire le point pour moi-même et puis de m’intéresser à autre chose. C’est comme cela que La Leçon d’Althusser s’est écrite et que j’ai pris, du même coup, la figure d’une espèce de polémiste alors que ce n’est vraiment pas mon intérêt.

Dénouer la leçon

Ce n’est sans doute pas pour rien que cela s’appelleLa Leçon d’Althusser, et que plus tard vous reprendrez Bourdieu sur « la leçon de la leçon », comme s’il y avait toujours quelque chose à nouer ou à dénouer autour du mot « leçon ».

Bien sûr, dénouer, ce qui sera développé, plus tard, dans Le Maître ignorant. Derrière les problèmes pratiques de la pédagogie, il y a un problème plus général qui est celui de la vision pédagogique du monde et, en particulier, de la vision pédagogique du monde en politique. Au fond, cette espèce de vision qui pense que s’il y a domination, s’il y a sujétion, c’est en raison de l’ignorance. Ce noyau de la pensée progressiste, repris très largement par la pensée marxiste, consiste toujours à donner la sujétion, la domination, comme cause de l’incapacité à comprendre, comme cause de l’ignorance des lois de la machine. Du même coup, c’est aux savants, aux avant-gardes de donner ces lois. Une fois que les gens les connaîtront, ils seront mieux armés dans leur combat. C’est là que se noue la question de la leçon. Effectivement, je l’ai reprise plusieurs fois autour de Bourdieu, qui en est un peu la figure caricaturale. Il essaye d’expliquer que si l’école sert à la domination, ce n’est pas par ce qu’elle fait, mais par ce qu’elle fait croire qu’elle fait. L’école sélectionne en faisant croire qu’elle ne sélectionne pas. Ce n’est pas pour des raisons sociales que les fils d’ouvriers s’écartent ou ne peuvent pas aller à l’université, c’est parce qu’on leur fait croire qu’on les accepte. En leur faisant croire, on leur montre, du même coup, que s’ils n’arrivent pas à y accéder, c’est qu’ils n’en sont pas capables. Il y a cette logique selon laquelle la domination ne pourrait fonctionner que par la dissimulation. C’est une logique confortable pour les savants. En principe, les savants sont là pour révéler les secrets dissimulés. Ils pensent, par conséquent, être au cœur de l’affaire. L’humanité à peu près entière est, malheureusement, plongée dans l’aveuglement, mais, grâce à eux, la lumière va arriver.

Vous insistez sur le fait que cette théorie de la dissimulation relance cette domination. Le pouvoir de la pensée et de la théorie redouble une naturalisation de cette hiérarchie sociale.

Je pensais qu’il fallait retourner les choses. Ce pouvoir que la science se donnait comme pouvoir de libérer en instruisant était, d’abord, une façon de consolider une vision hiérarchique du monde, une séparation entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, entre ceux qui sont capables et ceux qui ne le sont pas. C’est ce que j’ai repris plus tard dans Le Maître ignorant.

Toute la logique du système est toujours une logique qui consiste d’abord à construire l’autre comme ignorant. On promet à l’ignorant de l’instruire et, une fois instruit, qu’il sera notre égal et même nous dépassera. On affirme que l’on va supprimer la distance entre ceux qui ne savent pas et le savoir, mais cette logique même la reproduit indéfiniment.

Pour reprendre un fil chronologique, il y a eu ces années d’intenses activités militantes et de luttes depuis 69 jusqu’à 72. Vers 73, je me retrouve privé de perspectives militantes construites, organisées, claires. Puisque je me trouvais rendu à ma vocation d’enseignant-chercheur, il s’agissait de dérouler le fil du malentendu auquel j’avais assisté en 68. Ce grand malentendu entre la science marxiste et le mouvement étudiant-ouvrier. Faut-il l’appeler révolutionnaire ou pas ? Je n’en sais rien. En tout cas, il y avait un mouvement de masse et ce qui devait, en principe, être sa théorie était coupé de celui-ci. Il fallait faire le bilan de 68 et de ce qui avait suivi. La manière dont, malgré tout, les groupuscules reprenaient toujours les mêmes logiques. Des logiques de stratégie d’avant-garde, de gens qui savent où le mouvement et l’histoire vont et pourquoi les gens se trompent. Je me suis dit que j’allais essayer de faire cette généalogie du rapport entre théorie marxiste et mouvement ouvrier. Un des moments fort de mai 68 et des années militantes qui ont suivi était cette perception d’un écart important entre les raisons concrètes de ces révoltes et ce que la théorie en disait à travers les thèmes de la conscience de classe, de l’organisation de l’avant-garde. Marx a commencé à écrire dans les années 1840. Je vais alors remonter à cette date pour voir ce qu’était, à l’époque, la pensée ouvrière et en quoi le marxisme s’en était écarté. C’était un programme qui devait traverser toute l’histoire des révolutions et des mouvements ouvriers du XIXe siècle depuis l’anarchisme jusqu’à la naissance du Parti communiste. Je m’engageais dans un grand mouvement de découverte de la pensée ouvrière, de son histoire, de ses transformations et déformations au sein de la théorie et de la pratique marxiste. Je me suis lancé à corps perdu dans l’archive. Bien sûr, cette grande histoire n’a jamais eu lieu.

Je me suis rendu compte qu’il y avait là encore fausse donne parce que j’allais chercher une pensée qui aurait été vraiment ouvrière, qui aurait été vraiment une émanation de la classe, des pratiques de l’atelier, des cultures populaires. Mais cela ne marchait pas non plus comme cela. Une fois de plus, il y avait, d’une certaine façon, cette anticipation. On s’attend à trouver la classe ouvrière, à identifier ses pratiques propres, sa culture, sa pensée et il n’y avait justement pas cela. Je me trouvais devant une série de manifestations éclatées, divergentes, souvent paradoxales, au sens où elles ne correspondaient vraiment pas à l’attente.

À partir de là, il y a eu une nouvelle orientation. Je me suis véritablement déplacé d’une position qui était encore de maîtrise en voulant reprendre la totalité d’une histoire et décrire une classe, une culture, vers une autre position à partir de laquelle j’ai essayé de saisir non pas la pensée ouvrière, mais l’émancipation ouvrière en tant que processus. Quand j’ai écrit La Nuit des prolétaires, au lieu de définir la pensée originelle de la classe ouvrière, j’ai fait tout autre chose. J’ai essayé de construire le réseau des rapports et des raisons au sein desquels un certain nombre d’individus ouvriers du XIXe siècle avaient cherché à sortir de leur condition, à penser cette sortie. Non pas simplement par le fait de trouver la théorie qui allait les libérer, mais par le fait de construire des modes de vie, de perception et de pensée qui soient d’ores et déjà une rupture par rapport à une identité ouvrière imposée.
C’était le moment où, dans les années 75, il y avait une grande effervescence autour des cultures populaires dans la mesure où le marxisme, avec son autoritarisme, son primat de la science, n’avait plus l’air de très bien marcher. Tout le monde redécouvrait avec ivresse les cultures populaires carnavalesques. C’était la grande époque de succès de livres comme Montaillou, village occitan ou Le Cheval d’orgueil. Un retour à une culture populaire vive et fraîche. Avec toujours cette volonté de trouver la pensée comme jaillissant d’une terre, d’une condition, d’un mode de vie. Ce que je découvrais, au contraire, était le pouvoir de la rupture, la construction de l’émancipation ouvrière comme rupture avec une identité. L’identité ouvrière telle qu’elle existait était, précisément, l’identité d’une condition subie. Le problème pour tous ces ouvriers était de sortir de celle-ci, par conséquent, de prendre leurs distances avec ce qui était supposé être leur culture. Ce que l’on demandait aux ouvriers qui écrivaient, aux poètes ouvriers, était d’exprimer les modes de vie du peuple, faire de la culture et de la chanson populaires. Eh bien non, ils ne voulaient pas exprimer ces modes de vie, ils voulaient construire d’autres formes d’existence.

Du « mouvement ouvrier » aux ouvriers

Dans Le Philosophe et ses pauvres, vous parlez des ouvriers de 1830 et l’on peut y voir la meilleure définition de ce qui s’est passé en mai 68 : « Ces ouvriers qui, dans les années 1830, créaient journaux, associations, écrivaient des poèmes, rejoignaient les groupes utopiques, revendiquaient la qualité d’être parlant et pensant à part entière, ils voulaient d’abord s’approprier la langue et la culture de l’autre, la nuit des poètes et des penseurs. Ils étaient eux-mêmes cette population d’êtres amphibies dénoncés par Platon et par Marx, une population de voyageurs entre les mondes et les cultures brouillant le partage des identités, les frontières des classes et des savoirs. » C’est ce qui s’est passé pendant mai 68, mais personne n’en avait le vocabulaire. Durant cette période, beaucoup de choses se sont croisées et l’on n’arrivait pas à les désigner.

La vision officielle de 68 opposait la vision utopique des étudiants voulant changer la vie afin que cela ne soit plus comme avant à la conscience de classe bien structurée et bien organisée.

Ce qui était frappant en lisant ces textes ouvriers des années 1830, pas simplement les brochures de lutte, mais aussi toutes ces correspondances, ces poèmes, dont quelques-uns ont été conservés, était de se rendre compte qu’il n’y avait pas tellement de différence, d’un certain point de vue, entre les ouvriers de 1830-40 et les étudiants de 68. Après la révolution de 1830, on retrouvait l’idée que rien ne serait plus comme avant et un désir de changer la vie au sens de se construire véritablement un autre corps et une autre pensée. La découverte des archives du menuisier Gauny, qui sont à Saint-Denis, a été déterminante. Un peu par hasard, j’avais vu une petite notice dans le dictionnaire Maitron et je suis allé voir. Les premières choses qui me sont tombées dans les mains étaient des lettres, où son copain carreleur, entré pour peu de temps dans la communauté saint-simonienne, décrit ce qui se passe dans la communauté de Ménilmontant entre les pères saint-simoniens et les ouvriers qu’ils avaient recrutés. Le parqueteur Gauny, lui, est resté en dehors de la communauté, mais, le dimanche, il s’en va avec deux copains, à la fois pour prendre le frais à la campagne et faire de la propagande partout où ils passent. Ils arrivent dans une auberge et commencent à entreprendre les gens. Ils tombent sur un boucher qui leur explique que son métier d’égorgeur est horrible et qu’il ne lui est pas possible de continuer ce métier. Cette façon de lier une promenade du dimanche avec la propagande, de lier la propagande pour la vie nouvelle et l’émancipation avec une attention à tous les gestes de la vie m’a, tout d’un coup, sauté à la figure. J’ai fait le choix de lire les textes officiels, les textes constitués du mouvement et de la pensée ouvrière comme le résultat de tout un processus qui devait partir de ce désir de certains individus de changer la vie. Cela a déterminé pour La Nuit des prolétaires un mode d’écriture plutôt déroutant pour les gens parce que ce livre racontait des histoires. En principe, c’était un livre sur le prolétariat, la pensée ouvrière, le mouvement ouvrier, et les gens étaient effondrés parce qu’il n’y avait pas un gramme de théorie. Il n’y avait que des histoires. C’était un montage d’histoires qui étaient là pour définir non plus des idées, mais la texture sensible d’un processus de pensée.

Il faut commencer par raconter l’histoire avant de la théoriser et qu’elle soit disponible.

Il y a plusieurs niveaux. 75, c’est l’époque des débuts de Glucksmann et de Lévy avec leurs grands discours la main sur le cœur pour dénoncer les crimes du marxisme, les crimes de Hegel derrière Marx et, éventuellement, de Descartes derrière Hegel. Ils expliquaient que les crimes du communisme venaient de la Sorbonne, que Pol Pot y avait été élève. À un premier niveau, mon idée, qui s’est développée aussi à travers Les Révoltes logiques, est qu’au lieu de se complaire dans ce genre de généalogie apocalyptique il fallait plutôt essayer d’entrer dans la texture sensible des mouvements et des contradictions historiques qui avaient amené à l’existence de masse du marxisme concentrationnaire. Plutôt que de verser des larmes de crocodile sur les victimes du goulag, essayer de dire comment tout cela est arrivé. Penser les choses non pas en termes de crimes originaires, mais en termes de contradictions. À l’époque, j’étais encore très marqué par le concept maoïste des contradictions au sein du peuple. C’était une chose très importante si l’on pense à tout ce qui se passait autour du féminisme et des mouvements minoritaires. Pour les gens qui ne voulaient pas donner simplement dans la repentance et la dénonciation, il y a l’idée que l’histoire des révoltes est traversée par une série de logiques en tension et que c’est cela qui est intéressant. Il y a eu cette volonté de dire : « Allons voir les archives. Sortons des documents qui permettent de remplacer ces mots creux de conscience de classe, de mouvement ouvrier par des matériaux effectifs en pointant tous ces éléments de tension qui avaient traversé l’histoire ouvrière et révolutionnaire. » Il y avait ce recours aux matériaux qui permettent de faire une généalogie du présent.

Et puis, il y avait ce qui était plus particulièrement mon choix dans La Nuit des prolétaires ou dans Le Maître ignorant : la volonté d’imposer un certain type de récit tout à fait en écart par rapport à ce qui était, malgré tout, la norme dans le récit historien. C’était le modèle de Labrousse qui, à l’époque, était le grand modèle de l’historiographie marxiste. On part de la situation économique, on construit le social à partir de l’économique, le culturel au-dessus du social et l’idéologique pardessus. Il y avait ce modèle où la pensée ouvrière ne pouvait apparaître que comme l’expression d’une conscience qui était elle-même l’expression d’une situation et d’un mouvement global. Ce qui m’a importé était de construire un type de récit complètement en rupture par rapport à cela. Faire entendre des paroles en tant qu’elles construisent un monde et non pas reflètent un monde ou expriment une situation. Cela a été pour moi une chose essentielle de ne pas prendre la méthode historique traditionnelle qui consiste à dire : « Voilà ce qui se passait dans le capitalisme, dans ses crises. Donc, voilà ce qui se passait au niveau des classes sociales.
Donc, voilà ce qui arrivait aux malheureux ouvriers. Donc, voilà comment ils y réagissaient ». Eh bien non, voilà non pas le monde que ces gens subissent, mais le monde que, proprement, ils construisent, c’est-à-dire les modes de perception et d’interprétation à travers lesquels ils se constituent en sujet.

Entre l’université et le militantisme

Dans la revue Révoltes logiques, il y a un article assez troublant qui interroge la façon dont les gauchistes ont réfléchi les rapports entre la Résistance et la classe ouvrière. C’est un article sur les ouvriers pendant la Seconde Guerre mondiale. Quand on le lit, on se dit que l’on a mythifié un aspect de la Résistance en en gommant d’autres.

Ce que j’étudiais dans cet article était la prose des fractions issues du syndicalisme ou de l’anarchisme ralliées à Pétain, quand ce n’est pas carrément aux formes les plus dures de la collaboration. Il faut bien voir que ce sont de petites minorités. Ce n’est pas la classe ouvrière, ce ne sont pas les syndicats – ils étaient dissous – qui se sont lancés dans la collaboration, mais, effectivement, des petits groupes qui avaient été marginalisés par le PCF. Ils tenaient, en quelque sorte, leur revanche en 1940 en faisant valoir leur légitimité ouvrière. C’est vrai que, parmi ces gens-là, certains venaient de l’anarchisme et de l’extrême gauche. Ils se revendiquaient plus ou moins d’une tradition du syndicalisme révolutionnaire et ils ont mis ce discours ouvrier ou ouvriériste au service de la révolution nationale, trouvant que la charte du travail était la réalisation des vieux rêves ouvriers.

Pourquoi me suis-je intéressé à cela ? Par une espèce de déplacement, parce que, parmi les grandes pensées désespérantes que l’on retrouvait à l’époque, il y avait cette idée de la servitude volontaire. Tous ces discours qui se développaient en même temps que les discours sur la disciplinarisation des corps. Ce thème de la servitude volontaire, avec une masse de psychanalyse déversée là-dedans, servait à expliquer comment les masses désiraient être, nécessairement, asservies. Ce qui m’intéressait était de décrire non pas des formes d’asservissement renvoyées à une logique psychanalytique diffuse, mais de voir des formes « normales », bien légitimées d’asservissement. Ce n’était pas la même chose que la banalité du mal d’Hannah Arendt, mais c’était plutôt tout l’aspect raisonnable et raisonneur d’une certaine collaboration. Comment cela se passait-il dans la pratique ? Toute une part du pétainisme et de la collaboration avait fonctionné non pas par la terreur, mais par la sollicitation, par l’appel à collaborer en direction de ces leaders ou ex-leaders historiques. La collaboration avait pu être vécue par des gens comme une manière de profiter de l’occasion pour réinvestir autrement de vieilles valeurs ouvrières et, pourquoi pas, socialistes.

J’ai essayé de montrer comment tout cela fonctionnait modestement, sans crainte et sans tremblements, par des espèces de formes d’accoutumance. Cela faisait partie d’une réflexion sur le pouvoir que j’ai toujours essayé de développer, consistant à dire que le pouvoir n’est pas la grande disciplinarisation, que la sujétion n’est pas le désir de la servitude enraciné dans on ne sait quelle profondeur inconsciente. La participation au pouvoir, la collaboration, sa propre sujétion se fait par des formes beaucoup plus ordinaires qui, éventuellement, arrivent à se justifier assez facilement. C’était un aspect des choses. À l’époque de la grande polémique antimarxiste et de la valorisation d’une vraie tradition ouvrière et populaire différente du marxisme, il s’agissait aussi de montrer comment la tradition syndicaliste révolutionnaire, anarchiste pouvait finalement collaborer au pire. C’était une manière de remettre en question ce qui avait pu être à une certaine époque ma propre croyance. À savoir qu’il y avait une bonne tradition syndicale, ouvrière, révolutionnaire, qui avait été pervertie par le marxisme. Il apparaît qu’il n’y a jamais de tradition de classe pure et dure à laquelle il faudrait recourir pour être libéré de tous les risques et de toutes les tentations.

Les Révoltes logiques sont une niche de réflexion à la jointure de l’université et du militantisme. Mais, bientôt, il ne va rester que l’université puisque l’aspect militant va peu à peu se dissoudre. Comment avez-vous vécu cela ?

Les Révoltes logiques étaient une activité militante d’un genre particulier, qui n’était liée à aucun groupe, à aucune pratique politique collective. C’était une pratique d’intervention dans une situation politico-idéologique globale. Elle ne servait pas une ligne définie et ne prétendait pas en créer une. Elle essayait de contribuer à ce que l’on pourrait appeler un front de résistance à toutes les nouvelles idéologies démobilisatrices et réactionnaires, au départ sous des habits de gauche. Cela s’est effrité par le destin propre du collectif qui portait cette revue, et aussi parce que, malgré tout, cela n’était plus porté par le milieu. Les Révoltes logiques sont mortes dès l’arrivée des socialistes au pouvoir. Au moment où un certain héritage de mai et de l’après-mai se trouvait, en réalité, confisqué. On a toujours oublié que les congrès socialistes d’avant 81, que la prose de la gauche du Parti avaient repris une série de thèmes marxistes purs et durs. On avait l’air à la traîne par rapport à cela. Une fois les socialistes au pouvoir, tout a disparu très vite. C’est le contexte dans lequel Les Révoltes logiques n’avaient plus vraiment leur place du fait de l’essoufflement des mouvements avec lesquels elles étaient en dialogue et de cette espèce de liquidation accélérée qu’a signifié cette arrivée au pouvoir.

Avec des expériences comme Les Révoltes logiques d’un côté, le Cerfi d’un autre, il y avait l’idée, en tant qu’intellectuel, de peser sur les mouvements, tout en étant dans un rapport un peu oblique au militantisme.

On travaillait le tissu commun aux personnes héritières des mouvements des années 68. Il s’agissait de mener une réflexion rétrospective et, en même temps, de lutter contre toutes les formes de liquidation théorique, idéologique et politique. On avait la plus grande réserve par rapport à ce qui se faisait au Cerfi, parce que cela me semblait participer, d’une part, de tout un discours psychanalytique sur la politique. D’autre part, travaillant sur des commandes ministérielles, ils développaient, naturellement, ces discours sur la disciplinarisation. Ils constituaient une pensée du pouvoir omniscient et tout puissant. Il y avait aussi, à l’époque, les discours de Foucault sur la positivité du pouvoir. Le fait que le pouvoir réprimait moins qu’il ne produisait, qu’il ne faisait pas tellement taire, mais, au contraire, qu’il faisait parler. Je me sentais un peu en porte à faux parce que ces discours consistaient à dire que l’on est toujours déterminé, manipulé par un pouvoir tout puissant qui contrôle nos corps et nos pensées.

Dans mon travail d’archive, j’ai toujours essayé de mettre en lumière tout ce qui était de l’ordre de l’incertitude et de l’approximation dans les stratégies du pouvoir. Par exemple, en ce qui concerne les politiques culturelles, les problèmes du contrôle du théâtre et des chansons, j’ai essayé de mettre en avant le fait que le pouvoir ne sait pas ce qu’il fait. Les commissaires de police ne savent pas ce qu’ils font ! La répression est beaucoup moins savante et moins productive qu’on ne l’a dit. J’ai toujours eu cette attitude de distance par rapport à d’autres types de bilan de 68 qui sont inspirés de la psychanalyse, de Deleuze ou de Foucault. Je fus proche de Foucault à un certain moment, mais c’est vrai que je me suis, en revanche, éloigné d’un discours se réclamant de lui à propos des technologies de pouvoir et de la manière dont elles nous rendent sans pouvoir.

Jacotot ou l’égalité décrétée

Dans ce contexte, Le Maître ignorant va faire valoir une histoire d’un nouveau genre.

Cela ne faisait absolument pas partie de la culture universitaire.

Seules des personnes ayant fait de l’histoire de la pédagogie avaient peut-être entendu parler de Jacotot. Je suis tombé dessus par hasard. Il y avait d’autres personnes aux Révoltes logiques qui avaient un peu regardé. J’avais vu ce personnage pendant que je travaillais sur l’histoire ouvrière et je m’étais dit que, lorsque j’aurais le temps, j’irais voir ce que ce type raconte.

J’ai eu du temps vers 85, au moment des grandes polémiques sur l’école et de la publication du livre de Milner, De l’école. C’est le grand moment de la bataille entre les sociologues, disciples de Bourdieu, et les républicains. Tout le monde se battait dans des perspectives de réforme de l’éducation avec toujours la même idée.
Comment va-t-on faire pour réduire les inégalités sociales grâce à l’école ? D’un côté, il y avait les sociologues expliquant que, pour réduire l’inégalité, il fallait expliciter ses formes et montrer en quoi elles consistaient. Il y avait aussi des réformateurs pour qui cela voulait dire mettre moins de grande culture à l’école, plus de convivialité et de culture populaire. En tout cas, il fallait prendre en compte l’origine sociale et culturelle des gens pour s’adapter à elle. En face se trouvaient les républicains avec ce livre phare, De l’école. Ils adoptaient ce grand discours affirmant : « Non. Il ne faut surtout pas s’adapter aux élèves, au milieu social et culturel. Ce qui compte, c’est le savoir. L’école rend les gens égaux par la distribution du savoir en se moquant de connaître qui est en face du maître, mais aussi en demandant que celui-ci se taise pour recevoir la science qui le rendra, à terme, plus égal. »

C’est dans ce contexte-là que j’ai lu Jacotot. D’une part, cela faisait des années que j’étais en polémique avec toute la philosophie de la reproduction de Bourdieu. L’important n’est pas de renvoyer les deux camps dos-à-dos. L’important est de prendre de la distance par rapport à ce discours sur l’existence malheureuse de cet état d’inégalité que l’on va essayer de réduire afin que les gens soient égaux plus tard. Jacotot arrivait brutalement en affirmant : « On ne part pas de l’inégalité, on part de l’égalité ». Tout le système pédagogique et tout le système progressiste construit dessus présuppose cette inégalité. Il y a l’ignorant que l’on va rendre savant.

Jacotot pense qu’il faut fonctionner à l’envers, qu’il faut au contraire partir de l’égalité. Il y a toujours de l’égalité et de la capacité qui sont déjà données. On ne va donc pas partir du manque de savoir ou du manque de compréhension. On va partir de toutes les capacités qu’une personne supposée ignorante est déjà capable d’actualiser. Par exemple, celui qui connaît simplement une prière par coeur, si on lui montre le texte et si on l’oblige à vérifier la correspondance entre ce qui est écrit et ce qu’il y a dans sa tête, on pourra alors l’amener à entrer dans ce domaine réservé, interdit et énigmatique de l’écriture.
Pour moi, cela a été très important parce que c’était, effectivement, une manière de synthétiser des choses autours desquelles je tournais depuis assez longtemps. Tout ce qui était en jeu dans l’émancipation ouvrière, je l’ai mieux compris en lisant Jacotot. Par la suite, cela a été déterminant pour repenser la politique comme exercice de la capacité de n’importe qui et non pas comme lutte stratégique organisée pour l’exercice du pouvoir.

C’était quelque chose de décisif, précisément, parce que ce n’était pas une question de méthode pédagogique. Jacotot dit tout le temps qu’il n’y a pas de méthode Jacotot ou, plutôt, s’il y a méthode, c’est au sens le plus général. Quel chemin prend-on ? Est-ce que l’on prend le chemin qui part de l’égalité, de ce que le savant et l’ignorant, le maître et l’élève partagent en commun ? Ou est-ce que l’on prend le chemin de l’inégalité en partant de ce qui les sépare et en promettant de réduire la distance ? Cela a engagé, pour moi, non pas simplement une intervention dans le débat sur l’école. Si cela avait été le cas, c’était raté parce que, finalement, personne ne s’est intéressé à la pensée de Jacotot dans ce contexte. Cela faisait surtout appel à une histoire beaucoup plus longue. Ce n’était pas simplement la question de la réforme de l’école qui était en jeu, mais surtout la question de l’égalité. Qu’est-ce qu’on entend par égalité ? Comment pense-t-on l’égalité ? Comme un point d’arrivée ou comme un point de départ ? Qu’est-ce que l’on peut tirer de la présupposition de l’égalité ? Il est intéressant que ce livre, à l’époque, ait été très peu lu par les enseignants et pas du tout par les gens qui s’occupaient de réformer l’éducation. Il a d’abord été lu par des gens qui avaient accès à cette problématique par d’autres voies, des artistes, des chorégraphes, et puis, éventuellement, des éducateurs, des psychologues et des psychanalystes. Jacotot a fait son chemin non pas par les canaux de la réflexion pédagogique, mais par des canaux beaucoup plus diffus qui correspondaient, au fond, à sa pensée. À savoir que l’on n’instruit pas les institutions. Les institutions ont leur logique. Cette logique se reproduit, leur suffit et aucune institution n’a vraiment besoin de réformes. Le problème n’est pas la réforme, la question est l’insistance sur ce dont chacun est capable.

Les principes actifs de mai 68 – l’idée de mouvement, le refus des théories globales, la méfiance vis-à-vis des gens qui affirment des contenus dans le cadre d’une institution – conduisent à une lecture assez libertaire de votre travail, comme s’il y avait là une sorte de jeu de miroir.

Entre l’époque où j’étais jeune étudiant althussérien construisant la science marxiste régénérée et puis le moment où j’ai travaillé sur Jacotot, il y a eu tout un processus assez long. Il a commencé par la surprise, l’énigme de 68. Il a continué par les déconvenues de l’action militante, la constatation de la reproduction des mêmes types de rapports de pouvoir. Puis il s’est poursuivi par ce travail sur l’archive ouvrière qui, là aussi, produisait des surprises, parce que la classe ouvrière n’était pas là où on l’attendait, ne parlait pas comme on attendait qu’elle parle, ne pensait pas comme on attendait qu’elle pense. Il y a eu un mouvement de déconstruction de toutes les théories globales de la société et de son intelligence. C’est un mouvement qui va de plus en plus vers un noyau premier. Comment se comporte-t-on par rapport à la présupposition que l’on a sur l’intelligence ou l’inintelligence d’une autre personne ? Petit à petit, l’important a été cette rupture avec la logique pédagogique incluse dans la stratégie. Je n’ai pas cessé de me battre contre toutes les grandes théologies historiques supposant que l’histoire avait des buts. Buts qui, éventuellement, se retournent et deviennent quelquefois des points d’arrêt absolus, l’horreur dans l’histoire. Je suis arrivé à inverser le chemin pour retourner vers cette dispersion des paroles qui n’est pas simplement considérée comme une donnée irréductible.

Là où l’on voulait du tout, il y a du fragmentaire et là où l’on voulait des buts clairement orientés, il y a cette grande dispersion des itinéraires. Il n’est pas intéressant d’opposer simplement le dispersé et le fragmentaire au totalisateur. Il est important de voir ce qui est en jeu là-dedans en termes d’égalité et d’inégalité. Il s’agit de déconstruire la logique inégalitaire à travers toutes les légitimations progressistes, révolutionnaires, démystificatrices qu’elle se donne.

P.-S.

sur Jacques Rancière toujours, le texte paru dans Courant Alternatif 192, été 2009 :

http://oclibertaire.free.fr/spip.ph...

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