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Honduras

A deux mois du putch, la situation semble bloquée.

lundi 31 août 2009, par OCLibertaire

Après les fortes mobilisations du début juillet, et tentatives (symbolique) du président déchu Zelaya de revenir dans son pays, par avion puis depuis la frontière nicaraguayenne, le panorama général de la situation n’a guère évolué. Mais à cause même de ce blocage, elle contient des germes de radicalisation.


Sur la plan diplomatique.

  • L’Argentine a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec le gouvernement de facto : le gouvernement argentin a sommé l’ambassadrice du Honduras, Carmen Eleonora Ortez Williams, de quitter son poste à Buenos Aires en raison du soutien qu’elle a apporté au coup d’Etat dans son pays.
    Depuis, l’Uruguay a également refusé de reconnaître l’ambassadrice hondurienne.
  • La mission de l’Organisation des Etats américains (OEA) arrivée en début de semaine à Tegucigalpa est repartie sans obtenir l’accord des autorités de facto sur le plan destiné à résoudre la crise provoquée par le coup d’Etat du 28 juin. Dans une déclaration écrite, les sept ministres des Affaires étrangères de l’OEA et le secrétaire général de l’organisation régionale, Jose Miguel Insulza, soulignent "des avancées", mais ajoutent que le gouvernement de facto n’est pas prêt à « accepter dans son ensemble l’accord de San José ».
  • Les Etats-Unis ont décidé de « suspendre l’attribution de visas non urgents, à l’exception des visas d’immigrants » à leur ambassade de Tegucigalpa, a indiqué le porte-parole du département d’Etat, dans un communiqué. Décision sensée faire pression sur le putchistes. On ne voit pas bien comment cela peut les effaroucher. Mais surtout les Etats-Unis n’ont pas rompu leurs relations diplomatiques ni suspendu leur aide économique au gouvernement de facto et défendent la position d’une issue négociée au conflit qui s’est traduite par la médiation de l’OEA et le “plan Arias“ dit accord de San José (amnistie et gouvernement d’union nationale).

Droits humains

Après les rapports d’Amnesty International et de la FIDH, les dénonciations se sont succédées.
Dans le rapport préliminaire de la mission de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) publié vendredi 22 août, il est révélé de nombreuses violations des droits et des libertés fondamentales par les forces de police et l’armée ainsi que des autorités de facto issues du putsch, en insistant sur les milliers de détentions, « l’usage disproportionné de la force », comme arme de répression contre les manifestations des sympathisants du président déchu, laquelle a abouti, on le sait, à la mort de quatre personnes.
Au terme de cette mission, la présidente de la CIDH a enjoint le gouvernement putschiste d’« enquêter, juger et condamner les responsables des violations des droits de l’homme » et a invité à rétablir « les institutions démocratiques », seules garantes du respect des droits et des libertés. Une invitation vaine face à la détermination du gouvernement putchiste de Roberto Micheletti. Ainsi, le ministre des Affaires étrangères de facto, Carlos Lopez Contreras, a riposté aux dénonciations sur le recours abusif à la force, en les qualifiant de « jugement subjectif ». « La force publique existe pour cela : pour maintenir l’ordre public », a-t-il justifié.
La Cour suprême du Honduras a affirmé de son côté que le retour au Honduras du président Manuel Zelaya, le conduirait devant la justice car il est poursuivi pour "trahison à la patrie, abus d’autorité et usurpation de fonctions".

Impasse diplomatique et dénonciation des violations des droits humains conduisent de plus en plus de voix à exiger de vraies sanctions notamment sur le plan économique.
Le gouvernement de facto fait savoir que les sanctions ne lui fait pas peur et déclare envisager la tenue d’élections à la date prévue, le 29 novembre prochain.
Les putchistes croient savoir que le temps joue en leur faveur, que rien ni personne ne pourront les déloger des organes de l’Etat qu’ils contrôlent comme ils contrôlent l’économie et les médias, et ce d’autant plus que la tension diplomatique régionale s’est déplacée sur la question des sept bases militaires colombiennes mises à la disposition de l’armée étatsunienne par le gouvernement Uribe. Ils savent aussi que, jusque là, le gouvernement US leur a été plutôt favorable.

Poursuite de la résistance intérieure

Les manifestations et mobilisations n’ont pas cessé au cours de ces deux mois, même après l’échec des tentatives menées par l’ancien président Zelaya de retourner dans son pays accueilli et appuyé par les mobilisations populaires.

Notamment une grande manifestation le 11 août qui s’est terminé par des affrontements, des arrestations massives et des tabassages autour de l’Université de Tegucigalpa. Le lendemain, nouvelle manifestation contre la répression de la veille. Prévue initialement en direction du Palais présidentiel, l’annonce d’une loi votée par le Congrès National visant à rendre le service militaire obligatoire en cas de crise, a décidé les opposants au régime putschiste de modifier le parcours et de marcher vers le Congrès. De nouveau les manifestants sont encerclés par des centaines de policiers et de militaires qui ont chargé : lacrymogènes, coups, arrestations…

La situation économique commence à se dégrader.

L’inflation repart, et notamment les carburants.
Le lundi 17 août, près de 15 000 chauffeurs de taxis se sont mis en grève pour réclamer un bon (subvention instaurée par Zelaya) pour 2009 que le gouvernement refuse de payer.
Les employés municipaux et d’Etat sont parmi les premiers à faire les frais de la crise, notamment à San Pedro Sula (deuxième ville du pays et capitale économique) où la municipalité n’a plus les moyens de payer ses salariés et où les pompiers réclament des salaires en retard.

Les manifestations ont lieu presque tous les jours. L’une d’elle s’est terminée devant l’ambassade des Etats-Unis où une délégation a été reçue par l’adjoint de l’ambassadeur. Ces manifestations sont parfois assez spontanées et prennent la forme de « caravanas » déambulatoires, à pied, à vélo, à motocyclette, avec haut-parleurs et klaxons dans différents quartiers de la ville. Il y en a parfois plusieurs en même temps.

Il semble que la suspension du crédit extérieur commence à produire ses effets. Les opposants regroupés dans le Frente Nacional contra el Golpe de Estado (bloc politico-social regroupant des syndicats, associations, mouvements paysans, mouvements indigènes, afros, avocats, féministes…) accusent le gouvernement de ne plus avoir d’argent, et dénoncent le fait que les hôpitaux commencent à manquer de médicaments, que des services de base en matière de santé (sécurité, nettoyage, entretient) ne sont plus accomplis et que les salaires du mois d’août des fonctionnaires n’ont pas encore été payés (le 25 du mois).
A deux mois du coup d’Etat, la situation économique se détériore mais le mouvement de protestation intérieur contre les putchistes, malgré la permanence de ses manifestations, ne semble pas, pour l’heure, en capacité de renverser la situation.

La voie des armes ?

Situation de blocage qui pourrait modifier la donne. Dans une récente interview au quotidien argentin Página/12, (25 août) Bertín Alfaro, instituteur et président du Syndicat Professionnel des Enseignants du Honduras, la plus grande structure organisée de la résistance contre le coup d’Etat, s’en inquiète et déclare : « Nous pensons que si cette situation n’est pas réglée des groupes de guérilla vont s’organiser au Honduras. Il y a des gens en train de s’entraîner au Nicaragua. Le jour où Mel (surnom de Zelaya) arrivera, le peuple se rassemblera pour le recevoir… ce jour-là, il se peut qu’il y ait beaucoup de morts. ».
A la question, combien de personne sont-elles en train de s’armer, le leader syndical répond : « Environ 2 000 honduriens s’entraînent au Nicaragua. » Et quand va commencer à opérer cette résistance armée ? « Bientôt. Nous savons que des armes ont été données, nous ne savons pas par qui. Certains signes montrent déjà que la crise dans notre pays va être très dure. Les mesures d’isolement commencent à se faire sentir. Le mois prochain ou en octobre, le Honduras va traverser une grave crise alimentaire et d’approvisionnement »
Ce leader de la lutte contre le coup d’Etat est favorable à la poursuite du mouvement de protestation par la « voie pacifique » : « Nous ne voulons pas en arriver à la résistance armée. Cela provoquerait la mort de beaucoup d’innocents et cela échapperait des mains des directions syndicales. »

Trop tôt pour conclure quoique ce soit à partir de ces informations. A part l’inquiétude qui commence à monter parmi les protagonistes du mouvement démocratique et social du Honduras.
Tout le monde sait que la clé de la situation de trouve à Washington. « Les Etats-Unis n’ont pas fait assez, même s’ils ont commencé à prendre des mesures » contre le régime post-coup, avait indiqué Zelaya lors d’une conférence de presse début août dans la capitale mexicaine. « Les Etats-Unis ne sont pas le seul pays qui doit prendre des mesures [contre le gouvernement de facto du Honduras], mais plus de 70% du commerce du Honduras se font avec les Etats-Unis », avait-il poursuivi.
Le 19 août, à Lima (Pérou) Zelaya revient à la charge : « Les mesures prises à ce jour [par les Etats-Unis] ont été tièdes, sans fermeté contre les auteurs du coup d’Etat » et d’ajouter qu’« il suffirait de cinq minutes pour définir des mesures qui en finiraient avec le coup d’Etat ».
Maintenir la mobilisation intérieure et accentuer la pression sur le gouvernement Obama semble la voie choisie par Zelaya et les mouvements qui le soutiennent. Mais il se pourrait bien que cela ne suffise pas.

De toute évidence, blocage politique, extrême polarisation sociale et dégradation de la situation économique dans la cadre d’un régime à la fois tout puissant et fragilisé par l’isolement international, sont les ingrédients de la poursuite de la crise politique et sociale, et, de par sa non résolution par la voie du compromis diplomatique, de son approfondissement.
Les semaines et les mois à venir vont être décisifs.

Le 28 août 2009

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