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Coup d’État au Honduras

le retour des Gorilles ou la tactique du travail de sape ?

samedi 4 juillet 2009, par OCL St Nazaire

Honduras : Coup d’Etat, résistance sociale et enjeux régionaux.

Le 28 juin dernier, le président du Honduras, M. Manuel Zelaya, a été renversé ; séquestré en pleine nuit et expulsé au Costa Rica. Ce coup d’Etat est de toute évidence la réponse de la droite locale et de l’oligarchie, sinon à la peur d’un glissement « à gauche » du pays, du moins à la mise en place d’une nouvelle constitution pouvant remettre en question la totalité de son pouvoir économique. Cette proposition de nouvelle constitution devait se faire sous la forme d’un référendum posant la question de son opportunité : « Etes-vous d’accord pour que, lors des élections générales de novembre 2009, soit installée une quatrième urne pour décider de la convocation d’une Assemblée nationale constituante destinée à élaborer une nouvelle Constitution politique ? » Le 24 juin, soit 4 jours avant le golpe, le général Roméo Vásquez, chef d’état-major des armées, avait été destitué pour avoir refusé de participer à l’organisation de la consultation. Destitution qui a entraîné la démission du ministre de la Défense. Tout est allé ensuite très vite. Le texte que nous publions ici, écrit par J.A. Gutiérrez, un camarade chilien, donne un éclairage sur les enjeux internes au Honduras et sur l’état des forces en présence. Et également des éléments du contexte régional/continental.

(voir aussi les dernières informations dans la rubrique bréve de ce site : http://oclibertaire.free.fr/spip.ph...)


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Coup d'État au Honduras : Le retour des Gorilles ou la tactique du travail de sape ?

Analyse sur les évènements du Honduras et le dilemme qu’un coup d’État indéfendable pose à l’oligarchie du Honduras : s’accrocher à la stratégie des “gorilles” ou utiliser la conjoncture pour saper le réformiste Zelaya, afin de reconquérir l’hégémonie absolue dans l’espace politique. De manière égale, nous posons le dilemme auquel font face les forces qui s’opposent aujourd’hui au putsch : ou on permet que la crise se résolve par le haut, au niveau institutionnel, ce qui laisse intactes les racines du problème, ou le putsch est mis en échec par une mobilisation populaire de masse qui, non seulement blesserait à mort l’oligarchie, mais fortifierait le peuple du Honduras dans son rôle d’acteur politique de poids.

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Les sabres luisent de nouveau dans des terres latino-américaines

Les coups d’État et les processus de déstabilisation orchestrés depuis Washington se sont succédés dans divers pays où l’on met en oeuvre des gouvernements réformistes qui peuvent s’avérer inconfortables pour la digestion des élites hémisphériques - le Venezuela 2002, Haïti 2004, Bolivie 2008. Cette fois c’est le tour du Honduras, dont le président Manuel Zelaya a été renversé par des militaires et exilé au Costa Rica. Entretemps Zelaya avait été séquestré par les militaires et, au Congrès on lisait une lettre écrite par Zelaya (qui s’est avérée fausse) dans laquelle il renonçait à sa charge comme président. En même temps, et tandis que divers parlementaires dénonçaient la conduite présidentielle mettant en danger l’ “État de droit” ils l’accusaient de violations multiples et imaginaires de la Constitution, le destituaient de sa charge, laquelle était assumée par le président du Congrès, Robert Micheletti (qui, comme Zelaya, est membre du Parti Libéral).

Le putsch s’est produit le jour même où devait avoir lieu une consultation des citoyens, convoquée par Zelaya, sur la nécessité de changer la Constitution, rédigée en 1982, quand le pays sortait d’une dictature militaire - soutenue par les USA - extrêmement brutale qui avait détenu le pouvoir de 1972 à 1981. En cas de réponse favorable, une Assemblée constituante devait être convoquée en novembre.

Cette proposition a fait face à une opposition acharnée des secteurs réactionnaires de l’oligarchie hondurienne, qui contrôlent le législatif, la Cour suprême et l’armée, et qui sont réunis sous la bannière incontestée de l’ultra- conservateur Parti National du Honduras. Ces secteurs s’opposent à la plus petite réforme qui peut produire la plus petite mise en question de sa domination absolue sur le Honduras. Le pouvoir Judiciaire, en coordination avec ses alliés du corps législatif, s’est empressé de déclarer le référendum inconstitutionnel ce jeudi 25 juin ; le décor pour le putsch était mis en place. Les tanks sont sortis dans les rues dimanche 28 aux premières heures en direction de la résidence de Zelaya, et par conséquent ont annulé le référendum et réglant ainsi (ou croyant régler) par la force le différend entre les pouvoirs étatiques. [1]

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Qu'en est-il de la stratégie “golpiste” ?

Le Honduras est un pays qui, comme nous le mentionnions, n’est pas étranger à l’histoire, partagée dans notre continent, des dictatures militaires, lesquelles ont occupé toute la période des années 60 et 70. Dans les années 80 cette histoire de violence de classe et de terrorisme d’État continua sous la forme d’un régime “démocratique” sous lequel a proliféré le paramilitarisme, qui a coûté la vie à des milliers de paysans et travailleurs honduriens, et qui a servi de plate-forme pour le terrorisme des Contras qui a dévasté le Nicaragua. Ces opérations étaient directement dirigées par John Negroponte, ambassadeur américain au Honduras. La présence américaines s’est également exprimée de manière physique par l’existence d’une base militaire des USA avec au moins 500 soldats américains sur le sol hondurien. C’est de cette dynamique politique et sociale que s’est nourri un puissant système de domination comprenant une oligarchie absolument coloniale et une armée imprégnée par la propagande sur la doctrine de sécurité nationale.

Zelaya est loin d’être un révolutionnaire : c’est un membre du Parti Libéral, qui est passé à une tendance réformiste, un peu plus à gauche que la majorité de son parti, et qui a mis en place certaines réformes sociales (y compris la nouvelle constitution). Ce qui inquiète le plus l’oligarchie hondurienne c’est l’entrée du Honduras dans l’ALBA, initiative d’intégration latino-américaine conduite par le Venezuela. Toutefois, comme nous l’avons indiqué à d’autres occasions, la “radicalité” d’un mouvement ou d’un politicien dirigeant ne peut pas être mesurée en termes absolus, mais doit être comprise dans son contexte : dans ce cas, la “radicalité” de Zelaya n’émane pas de sa propre politique, mais de l’opposition absolue de l’oligarchie à tout compromis ou à quelque changement que ce soit. Ce n’est pas que Zelaya soit vu comme un “radical” parce qu’il est socialiste, mais par le caractère complètement néanderthalien de l’oligarchie hondurienne. Ce paradoxe c’est ce qui a fait que la lutte pour des réformes, pourtant assez tièdes en Amérique latine, a été le fondement de luttes révolutionnaires.

La stratégie putschiste intègre ce paradoxe, pour s’opposer au réformisme dans le contexte latino-américain, qui consiste à adopter des formes de “contre- révolte” en l’absence d’un mouvement révolutionnaire et peut se résumer à ce qui suit : la nécessité de freiner tout processus de changement social, si timide soit-il. Le grand problème pour l’oligarchie est que l’époque où une dictature militaire pouvait être acceptée sans complication est révolue. Nous ne sommes plus dans les années 70 et les USA sont plus intéressés à garder des aspects démocratiques en utilisant d’autres méthodes plutôt qu’en imposant sa volonté au moyen du raccourci des coups d’État. Pour cette raison, la stratégie putschiste présente comme principal inconvénient pour cette oligarchie, qu’elle n’est pas soutenable à long terme dans le contexte du Honduras. [2]

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Le scénario compliqué du post-putschisme.

Les forces putschistes, tout comme celles qui s’y opposent, doivent avoir leurs contradictions internes. Il est probable qu’il y ait des éléments qui en ce moment fantasment sur un retour au “gorillisme” pur et dur qui détruisit l’Amérique latine pendant les quatre décennies passées. Mais d’autres éléments doivent être bien conscients qu’il est hautement improbable que cette aventure putschiste puisse se prolonger longtemps. Ils savent que, après la “secousse putschiste” sur la scène politique hondurienne, il est nécessaire d’avoir un plan B pour quand il faudra rétablir l’ordre constitutionnel. Pour eux le putsch serait seulement un élément dissuasif dans une stratégie plus vaste pour reprendre le contrôle absolu et l’initiative politique par l’usure politique de l’adversaire.
Le putschisme comme un élément dissuasif a été appliqué de manière magistrale à Haïti pendant le premier gouvernement du prêtre réformiste Jean Bertrand Aristide. Après avoir été renversé en septembre 1991 par un putsch financé et soutenu par la CIA, Aristide se réfugia aux USA, où commença une longue période de négociations avec les autorités américaines (les mêmes qui étaient derrière le putsch) et, après une série de concessions, il est réinstallé au pouvoir trois années plus tard, avec l’aide de 20 000 US Marines qui occupent Haïti, ce qui, à la fin, conduit à la dictature de Cedras. [3]

Pendant cette période, les USA réussissent à “modérer” suffisamment Aristide pour que, au moins momentanément, il ne représente pas “une menace” [4] : il a été réduit à une position principalement de défense, essayant à tout moment d’apparaitre aux yeux du gouvernement des USA comme une personne aussi raisonnable et inoffensive que possible. Ainsi, il a été enfoncé, chaque fois plus, dans un marais de concessions et d’atermoiements, laissant à son peuple l’espoir que la solution viendrait de son union et non d’une “offensive venant des rues ou des montagnes”. [5]

Quand Aristide reviendra au pouvoir, arrive avec lui un paquet d’ajustements structurels de l’économie haïtienne qui a renforcé le modèle néo-libéral et accru la paupérisation de la société haïtienne.
Il est probable que le putschisme hondurien cherche par sa stratégie légèrement semblable à l’exemple haïtien (même si c’est dans un moindre laps de temps) : gagner du temps, “calmer” Zelaya par l’usure (lequel n’est en aucun cas un radical) et chercher la médiation internationale pour obtenir un “accord” entre les parties qui finisse par exorciser définitivement le spectre des réformes sociales d’une certaine ampleur. Que la CIA ait été ou non derrière le putsch (et même si elle n’y a pas été directement - chose qui est probable -, elle l’est indirectement puisque touts les généraux putschistes sont héritiers de l’École des Amériques) [6], les USA n’ont pas aujourd’hui, par eux seuls, capacité de jouer le rôle d’ “assouplir” Zelaya. En outre, le contexte actuel latino-américain ne le permettrait pas. Un tel rôle resterait dans des mains, principalement, de l’OEA, mais aussi de la Communauté internationale étendue : l’UE et les USA.
La “Communauté internationale” (y compris l’ONU) [7] s’est prononcée rapidement contre le putsch et a rejeté l’éjection de Zelaya, en lui réitérant son appui. [8]

Ce rejet a été particulièrement catégorique de la part des pays latino-américains et de ceux de l’ALBA. Le président vénézuélien Hugo Chávez est allé jusqu’à déclarer que ses troupes étaient en alerte étant donné l’agression dont a souffert son ambassadeur au Honduras par les troupes putschistes. [9] sans rejeter le putsch ni soutenir Zelaya. Seulement après les signaux envoyés par Chávez et par le président de l’Assemblée Générale de l’ONU, Miguel D’Escoto, en ce qui concerne l’intervention américaine probable dans le putsch, les USA finissent par reconnaître par le biais d’un anonyme fonctionnaire du Département d’État (plus pour sauver la face qu’autre chose), que Zelaya est le seul président légitime de Honduras. [10] Il n’a sans doute pas bien compris la diatribe de D’Escoto : “Beaucoup se sont demandés si cette tentative de putsch faisait partie de cette nouvelle politique (des États-Unis vers l’Amérique Latine) puisque il est bien connu que l’Armée hondurienne a des liens historiques d’allégeance totale avec les États-Unis”. [11].

Tout indique que l’oligarchie et l’armée ne pourront pas maintenir le putsch et qu’il leur reste seulement à voir comment ils pourront obtenir une “solution politique” qui peut, pour l’instant, prendre la forme d’un “compromis” les deux parties, mais qui lui permet de rester mobilisée pour pouvoir reprendre à nouveau sa domination absolue à moyen terme. Ce rôle politique pourrait être joué par l’OEA, laquelle, comme presque tous les gouvernements, a exprimé son rejet du putsch non dans des termes du contenu classiste qu’il incarne, mais par rapport à la défense de “l’État de droit”. Les marques du terrain sont ainsi plantées pour les deux équipes : on n’accepte le débordement de la Constitution ni par la droite ni par la gauche, ou pour être plus précis, on rejette le débordement par la droite, précisément, pour éviter le débordement par la gauche. Ce qui est défendu c’est “l’État de droit” qui, en dernier ressort, est, concrètement, l’ordre social capitaliste. Cette croisade démocratico- bourgeoise peut être conduite de manière magistrale par l’OEA, laquelle, selon les termes du directeur de Human Rights Watch, José Miguel Vivanco, “a un rôle clef à jouer (pour) trouver rapidement une solution multilatérale à cette rupture de la démocratie en Honduras”. [12]

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Ce rôle de retenue qui est cherché dans l’OEA, est le même que celui que l’UNASUR a joué dans la crise bolivienne de fin 2008, quand on a condamné le massacre de Pando, mais il a été souligné que la condamnation des évènements est à comprendre du point de vue “de la défense de l’État de droit”, en cherchant, en même temps, à démobiliser le peuple.
Avec cette tactique, qui cherche une solution “multilatérale” (avec le putschisme), l’oligarchie hondurienne essaiera de s’ouvrir un espace politique dans les canaux institutionnels porteurs du réformisme, tout en rayant de l’agenda politique toute réforme substantielle ou toute perspective de radicalisation du processus politique.
À bas le putsch ! Renforcer la Mobilisation Populaire !
Libertaires, joints à tous les révolutionnaires conséquents, nous nous plaçons sans équivoque du côté des forces qui s’opposent au putsch. Nous ne pouvons pas permettre que le gorillisme relève la tête dans aucun pays de notre région, qui a déjà souffert des nombreuses dictatures : nous ne pouvons rester les bras croisés, nous déclarant “neutres” devant le spectre d’une nouvelle dictature. Nous ne cessons d’affirmer notre position de manière claire et catégorique.

Le gorillisme doit être extirpé jusqu’à sa racine et nous croyons que cela ne peut pas se faire depuis en-haut, depuis les hauteurs bureaucratiques de la “Communauté internationale”, comme le prétendent les secteurs de la bourgeoisie et du réformisme. Le seul qui puisse extirper les profondes racines du gorillisme putschiste c’est le peuple mobilisé dans les rues, dans les campagnes, sur les lieux de travail, dans les écoles et les universités pour arrêter cette aventure militaire. Dans le scénario complexe post-putsch c’est ce peuple qui peut se transformer en acteur du renversement définitif de l’équilibre des forces dans la société hondurienne pour atteindre des changements de fond. Ce peuple qui, vainquant sa peur, a commencé à se mobiliser, en passant d’une centaine de manifestants aux abords du palais du gouvernement le matin à plusieurs milliers en ce moment, et qui commence à se mobiliser massivement dans toute la capitale Tegucigalpa comme en d’autres points du pays.
Bien que ce qui mobilise les manifestants soit plus que la défense de Zelaya, et avec lui, la défense d’un projet de réformes assez tiède, c’est dans la mobilisation que le peuple apprend à combattre et à construire son projet. Toute mobilisation renferme la possibilité de radicalisation des masses, surtout si nous considérons que cette protestation spontanée est un acte de défi envers une oligarchie aussi têtue, réactionnaire que criminelle. Si les masses sont radicalisées et impulsent définitivement le processus vers la gauche, l’oligarchie verra s’évanouir son plan dissuasif, pour “ramollir” le projet politique de Zelaya. L’oligarchie semble faire fi de ce facteur (le réformisme également). Et c’est ce facteur qui pèse plus en fin de compte. [12]

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De la manière dont se résoudra ce conflit, dépend le futur du changement social au Honduras : si la crise est résolue par en haut, essentiellement par les canaux institutionnels [13], le résultat sera, sans aucun doute, le compromis et la collaboration des parties, avec comme conséquence le retour au statu quo. Si la crise, par contre, est résolue par le bas, et le putsch est essentiellement freiné par le peuple mobilisé dans les rues c’est alors la possibilité que le peuple avance vers un projet plus radical et qu’il réussisse à écraser la résistance de l’oligarchie au changement. Même si le résultat sera loin d’être la révolution sociale, il laissera posées les bases pour que le peuple entreprenne ce chemin de longue haleine et laissera un peuple qui aura gagné en expérience et en confiance dans ses propres capacités. Et c’est cette possibilité qui fait trembler à l’oligarchie.

José Antonio Gutiérrez D, le 28 juin 2009

Sources :
Ce texte a été publié sur le site communiste libertaire Anarkismo.net
http://www.anarkismo.net/article/13596

Et traduit par le groupe Nada (FA) de Toulon
http://groupenadatoulon.lautre.net/...

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P.-S.

Dernières informations

Mobilisations sociales contre le golpe.

Aujourd’hui, les informations distillées par les grands médias ne parlent que des réactions institutionnelles et diplomatiques (Etats, OEA,…) et où, en apparence, une unanimité semble se dessiner pour refuser de valider le golpe. Mais il est un acteur-clé dans le rapport de force : une grande partie de la population qui s’est rapidement mobilisée. Pas tant en faveur de Zelaya (qui appartient lui-même à l’oligarchie, au parti libéral)(1), mais contre l’instauration d’une dictature constitutionnelle propre à maintenir l’intégralité des prérogatives de la bourgeoisie. Dès le premier jour, des manifestations ont éclaté dans la capitale Tegucigalpa et les principales villes. Les organisations sociales et syndicales ont appelé à la résistance et à la mobilisation. L’armée et la police se sont aussitôt déployées dans les rues, appuyée par des blindés, des hélicoptères et même le survol d’avions de combat. De nombreux affrontements ont eu lieu, en particulier aux alentours du palais présidentiel. Un manifestants a été tué, plusieurs dizaines blessés. Dès le lendemain, un appel à la grève générale a été lancé par le Bloc Populaire (ensemble d’organisations syndicales et sociales) dont une partie des dirigeants et cadres connus sont passés à la clandestinité. Depuis les premiers jours, la mobilisation n’a pas cessé, malgré le blocus des informations à l’intérieur du pays : il faut savoir que l’ensemble de la presse hondurienne et la TV soutiennent le coup d’Etat, ne parlent pas des manifestations sauf de celles des partisans de Micheletti, le nouveau maître du pays, membre du même parti libéral que Zelaya. Malgré également la multiplication des arrestations. Nul ne sait combien de personnes sont maintenant détenues. Malgré tout, chaque jour des rassemblements, des manifestations ont lieu dans les principales villes et la capitale et les protestations ne faiblissent pas. De leur côté, le Bloc populaire s’est élargi à des organisations paysannes, de jeunes, de femmes, de défense des droits humains et se sont regroupé dans un Front de Résistance Populaire. Hier 2 juillet, dans la deuxième ville du pays, à San Pedro Sula, capitale économique du pays, une manifestation a été très violemment réprimée et de nombreuses personnes blessées et arrêtés. Ici le nouveau pouvoir a décidé de destituer le maire de la ville (qui est entré dans la clandestinité) et a nommé a sa place le propre neveu de Micheletti ! Pendant ce temps, les diplomaties (OEA, UE, Etats-Unis…) s’activent pour essayer de trouver une solution institutionnelle à la crise, sans doute dans un compromis entre les différents blocs dominants. L’attitude de l’administration US est déterminante dans ce contexte. L’épouse et une partie de la famille du président renversé Zelaya serait aidée par l’ambassade étatsunienne : c’est un signe. Les enjeux sont surtout politiques et régionaux. Comme le souligne le journal Le Monde (29 juin) « Confronté à une grave crise économique, il [Zelaya] a obtenu de M. Chavez une coopération que Washington rechignait à lui accorder ». Longtemps allié des Etats-Unis, base arrières des opérations de la CIA, le Honduras s’est rapproché de l’ALBA de Chávez en 2008 pour des raisons surtout économiques : fourniture par le Venezuela de pétrole à des conditions favorables dans le cadre du programme Petrocaribe, de crédits bonifiés et du matériel agricole (tracteurs). L’arrivée d’une nouvelle administration à Washington va sans doute quelque peu modifier la donne régionale et les luttes d’influence et les rapports de force au sein de l’OEA. Dans tous les cas, ces pressions placent de fait les golpistes dans une position plus défensive, situation qui ne peut qu’encourager le camp populaire à étendre et approfondir les mobilisations sociales, l’occupation des rues et le mouvement de grève générale et de rendre la situation ingouvernable pour les auteurs du coup d’Etat. L’autre enjeu est évidemment de savoir si le protagonisme nouveau dont a fait preuve une bonne partie des secteurs populaires parviendra à s’inscrire dans la durée, à se renforcer, à s’autonomiser face aux différentes tendances de l’oligarchie. Les prochains jours vont être décisif.
Le 3 juillet 2009

(1) Issu d’une des plus riche famille du Honduras, propriétaire terrien. « Il est le digne fils de l’oligarchie hondurienne. Il a été président de l’Association des Industries du Bois, membre du plus important organe du patronat du pays, le Conseil Hondurien de l’Entreprise Privée, s’est affilié au parti libéral, un des partis traditionnels conservateurs », d’après le quotidien argentin Página/12.

Notes

[1Sur la polémique du référendum lire l’article suivant http://criticadigital.com/impresa/i...

[2Le seul pays de l’Amérique où cette stratégie a pu être soutenable sur une période considérable de temps est Haïti. Mais Haïti est un cas absolument exceptionnel dans le contexte latino-américain, un pays extrêmement dépendant, appauvri, attardé et avec une oligarchie indubitablement la plus rétrograde de tout l’hémisphère. Mais à Haïti les impérialistes ont dû encore recourir à des façades démocratiques pour soutenir le putschisme (une force dépendante de l’ONU, la MINUSTAH, et le rôle d’un président choisi “démocratiquement”, Preval). Pour davantage de détails sur ce processus revoir : http://www.anarkismo.net/article/1063, http://www.anarkismo.net/article/2078, http://www.anarkismo.net/article/2698 et http://www.anarkismo.net/article/4651

[3Pour davantage de détails sur ce processus, lire, dans une perspective social-démocrate, le livre d’Alex Dupuy “Haïti in the New World Order”, Westview Press, 1997, pp.140-166. On peut aussi lire, dans une perspective révolutionnaire, “The Unmaking of à President” de Kim Ives, dans “The Haïti Files” (ed. James Ridgeway), Essential Books, 1994, p. 87-103.

[4Au moins momentanément, parce qu’ensuite en 2004 Bush considère à nouveau Aristide persona non grata et il est renversé dans un nouveau coup d’État.

[5Kim Ives, op. cit., p.95

[6En tout cas, le même gouvernement des USA a admis être entré en contact, très récemment, avec l’armée du Honduras par rapport à la “crise” http://espanol.news.yahoo.com/s/280...

[9Les ambassadeurs de Cuba et du Nicaragua ont été aussi attaqués http://espanol.news.yahoo.com/s/reu... Obama a soutenu une position ambiguë, qui peut être comprise comme une manière de tâter le terrain, dans laquelle il demande “à tous les acteurs politiques et sociaux au Honduras qu’ils respectent les normes démocratiques, l’État de droit et les principes de la Charte Démocratique Interaméricaine”, http://espanol.news.yahoo.com/s/ap/...

[13Je dis “essentiellement”, parce qu’il n’y a pas un facteur unique pour résoudre la crise : agissent des éléments institutionnels (la Communauté internationale, par exemple), ainsi que des facteurs populaires (les secteurs populaires qui sont dans la rue). Aucune tactique ne peut être exclue, toutes sont nécessaires, mais la stratégie réformiste privilégie le facteur institutionnel (terrain sur lequel l’avantage est à l’oligarchie), tandis que la stratégie révolutionnaire doit privilégier le facteur populaire (mais la pression envers les acteurs institutionnels n’est pas exclue).

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