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Passez Noël avec Camus : Onfray mieux de rectifier

vendredi 13 mars 2009, par OCL St Nazaire

Un lecteur a posté ce message dans les forums liés à l’article De Camus à Onfray, une permanence libérale en milieu libertaire .
Son intérêt nous amène à le publier en article.


Il y a quelques semaines, j’ai écris ceci à Michel Onfray, qui ne m’a d’ailleurs jamais répondu :

Erratum

Un certain nombre de coquilles se sont glissées dans l’article de Michel Onfray paru dans Siné Hebdo du 17 décembre Passez Noël avec Camus .

A la place de la phrase : « Camus veut s’engager dès 1939, mais son état de santé lui vaudra un refus des autorités, Sartre découvre la Résistance et l’engagement une fois la guerre finie ». Il fallait lire :

« Mobilisé dès 1939, Sartre est fait prisonnier et passe le début de l’occupation dans un stalag. En 1944-45, il résiste aux côtés -et sous la direction- de Camus, au sein du réseau Combat. Pour le reste, ses faits de résistance ont effectivement été exagérés après coup. »

A la place de la phrase « Sartre accompagne tous les totalitarismes, pourvu qu’ils soient de gauche, il pense que « tout anticommuniste est un chien ». » Il fallait lire :

« Après quelques atermoiements (pour « ne pas désespérer Billancourt »), Sartre prend résolument position contre le stalinisme, quand les révélations sur les camps soviétiques commencent à affluer. Dès 1950, il écrit dans les Temps Modernes« il n’y a pas de socialisme quand un citoyen sur vingt est au camp ». Il mène campagne avec l’ancien déporté David Rousset. Les stalinien-ne-s le traitent de « hyène dactylographe ». Ayant retrouvé les militant-e-s communistes dans la lutte contre les guerres coloniales menées par l’armée française. Il rompt définitivement avec le P.C.F. après l’invasion de la Hongrie par l’U.R.S.S. (1956). »

A la place de la phrase : « Camus ne défend aucune sorte de terreur ; Sartre la défend quand elle est palestinienne, relève de la bande à Baader, de la « justice prolétarienne » maoïste. » Il fallait lire :

« Sartre a toujours défendu le droit de l’Etat d’Israël à exister et à « se défendre ». Il s’est totalement désintéressé du peuple palestinien et de sa (juste) Résistance. Il y était même assez hostile, comme le raconte l’écrivain palestinien Edward Saïd., qui s’étonne d’une telle attitude venant d’un anticolonialiste proclamé. Sartre n’a jamais soutenu la Fraction Armée Rouge (« bande à Baader »). Il a rendu visite à ses militant-e-s emprisonné-e-s pour dénoncer la « torture blanche » par isolement sensoriel. Il a tenu à se démarquer publiquement des agissements d’Andréas Baader et de ses camarades. Ce dernier lui a d’ailleurs déclaré « je croyais rencontrer un camarade et j’ai rencontré un juge. ». Je n’ose croire que Michel Onfray soit partisan de la torture blanche.

En avril 1972, le corps dénudé et mutilé d’une jeune fille de 16 ans, Brigitte Dewevre, est retrouvé sur un terrain vague de Bruay-en-Artois. Les flics poussent Jean-Pierre, un jeune ouvrier « fragile » à tout avouer. Le juge Henri Pascal préfère inculper un notable, le notaire Pierre Leroy. Les maoïstes prennent le parti de Jean-Pierre et du « petit juge » menacé par sa hiérarchie. Face à ce qu’il faut bien appeler une justice de classe, ils appellent de leurs vœux une « justice populaire » expéditive. Sartre a tenu à marquer son désaccord avec « un amalgame qui risquerait de pousser au lynchage » : « il faut le reconnaître : le lynchage est une pratique trop louche (voyez les lynchages au Etats-Unis), souvent trop empreinte d’une idéologie réactionnaire pour qu’il puisse devenir une sanction régulière de la justice populaire ».

A la place de la phrase : « Camus voulait une solution pacifique pour l’Algérie, via une formule fédéraliste chère au cœur des socialistes libertaires ; Sartre soutenait la terreur du FLN. » Il fallait lire :

« Dans un contexte de guerre coloniale totale, face à une extrême droite haineuse qui le menace quotidiennement de mort, Sartre soutient le droit inconditionnel du peuple algérien à l’indépendance. Dans ce cadre, il prend parti pour le FLN, seul représentant crédible de la Résistance algérienne (en partie parce qu’il avait liquidé ses concurrents). Dans le même contexte, Camus s’est opposé à l’indépendance algérienne (« L’Algérie algérienne, ça n’a aucun sens »). Il rêvait probablement d’une Algérie idéale où toutes les communautés vivraient fraternellement, mais en refusant même d’envisager l’indépendance, il a contribué à détruire son propre rêve. Ajoutons que la pseudo-« formule fédérale » dans le cadre de la France, chère à Camus, n’était pas partagée par l’ensemble des libertaires. Daniel Guérin fut un anticolonialiste courageux, tout en refusant de signer un chèque en blanc au FLN. »

« Sartre agresse, accuse, attaque calomnie. », « Sartre boxe et se détruit le portrait tout en jouissant de la destruction de celui de son adversaire »… Je veux bien, mais que fais Onfray ?

Pourquoi faire à Sartre un procès dans le style de celui que lui fit jadis Jdanov, l’idéologue en chef de Joseph Staline ?

Quel est l’intérêt de prêter à Sartre des positions à l’opposé de celles qui furent réellement les siennes pour mieux le démolir ? Pourquoi tant de haine ?

On pense à la description que Michel Ardouin dit « Porte-avion » donne de son complice Jacques Mesrine : « il devait souffrir d’un dérèglement hormonal : la plupart du temps, il faisait preuve d’une grande intelligence dans l’action mais, une fois par semaine, il avait une journée de méchanceté gratuite comme je n’en ai vu chez personne d’autre".

Ashraf Amine

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1 Message

  • Cher Ashraf Amine,

    d’abord merci pour ta rectification.

    Je voudrais proposer une hypothèse pour répondre à tes questions : pourquoi tant de haine , en gros ?

    Sartre est mort en 80. C’est encore jeune. Des existentialistes, il en reste !

    Quelle est la formule thatchérienne consacrée depuis ? TINA ! ( There is no alternative ! Il n’y a pas d’alternative) En langage Sartrien cela s’appelle être un Salaud, non ? Et ceux qui répètent cette phrase comme un Mantra, outre-manche notamment puis au delà des blanches falaises, pour justifier le refus de se justifier sur leur positionnement standard, ne sont-ils pas quelque part des Lâches au sens Sartrien ?

    Qui veut utiliser la Liberté comme drapeau politique (qu’il soit libéral ou libertaire d’ailleurs) risque de se trouver confronté à la définition paradoxale de l’humain chez Sartre : l’être dont "l’existence précède l’essence" c’est à dire qui n’a pas de nature humaine immuable, pas de définition a priori et qui ne peut au final se définir qu’en assumant en acte des choix ( fusse celui de simuler l’impossibilité de choisir comme les Thatchériens) sur la base d’une situation singulière dans l’existence.

    Or l’effondrement à 20 ans d’écart ( je sais 20 ans c’est long quand on les vit, mais...) des deux principaux modèles de société en lutte au XX siècle devrait en seule logique, et sous réserve d’information complète, donner un grand mouvement vers l’anarchisme contre les variétés de social-démocratie et contre le modèle capitaliste libéral. Prévenir valant mieux que guérir, le monde proclamé anarchiste reste faible programmatiquement, se contentant de ressasser les photos de famille le plus souvent.

    Sartre n’était pas précisément anarchiste en pratique. Mais son oeuvre autant que sa stature indépassée sur le plan intellectuel en France et dans le monde (je me réfère à ce qui parait en France en provenance de l’étranger) constituent non seulement un énorme pavé dans le marigot plumitif de tous ceux qui font le choix de se construire un Ego reconnu par l’activité intellectuelle et un sommet Himalayien auprès duquel leurs marivaudages médiatiques incessants font de leur oeuvre un marécage du bonheur ( et c’est le cas de Onfray comme de Finkielkraut qui ont un réel problème avec Sartre de ce côté là) ; mais aussi le contenu de l’Etre et le Néant ou de la Critique de la Raison dialectique contiennent le genre de philosophie à la fois ni judéo-chrétienne , ni rationaliste (analytique) ni marxiste et surtout universelle propre à entraîner l’ensemble des classes d’un même pas vers la société sans classe et l’émancipation.

    Cet aspect très important d’une authentique philosophie pour la lutte des classes vers l’émancipation sans classe peut être lu dans le livre plus facile à lire : Situations philosophiques

    En résumé adopter une posture philosophique ou intellectuelle pour récupérer politiquement le thème de la Liberté c’est s’exposer à Sartre (même mort) comme à la foudre. Autant en tant qu’intello prétendu que sur le thème philosophique de la liberté et plus généralement de l’humain.
    L’oeuvre peut très bien ressurgir dans la génération post baby boom ( ce qu’elle commence à faire chez la fraction intellectuelle précaire si on tend l’oreille au delà du bruit médiatique).

    Sartre était et reste donc (avec le thème anarchiste) le principal danger politique et philosophique pour le système intégrationiste en cours. Un obstacle et une ombre portée à la propre grandeur intellectuelle des "derniers" philosophes de mode.

    Voilà pourquoi il est bon de démanteler la statue du commandeur. Et faute d’y parvenir, de l’enterrer comme le reste sous un tsunami électromatique permanent.

    J’espère avoir pu répondre un peu.

    Arsène Flobert

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