Accueil > Courant Alternatif > *LE MENSUEL : anciens numéros* > Courant Alternatif 2009 > 187 Février 2009 > De Camus à Onfray, une permanence libérale en milieu libertaire

De Camus à Onfray, une permanence libérale en milieu libertaire

vendredi 6 février 2009, par Courant Alternatif

Il a toujours existé dans le mouvement anarchiste un courant essentiellement culturel qui a revêtu, au cours de l’Histoire des formes allant d’un anti marxisme primaire à un individualisme forcené, d’un culte du moi à une méfiance viscérale des grands mouvements sociaux que nous prisons tant ! Actuellement ce courant prend des formes multiples et souvent contradictoires mais qui ont un point en commun, le rejet de l’idée de révolution sociale. C’est ainsi qu’on peut lire la montée d’Onfray au firmament de la pensée libertaire, puis sa chute brutale.


Dans Siné hebdo du 19 novembre 2008 Michel Onfray abordait en ces termes les arrestations qui avaient eu lieu à Tarnac le 11 : “Anarchistes, les saboteurs de TGV à la petite semaine ? Curieux qualificatif pour des rigolos qui servent surtout le dogme sécuritaire.” Un peu plus loin : “la poignée de crétins qui, semble-t-il, jouissaient d’immobiliser les TGV en sabotant les caténaires…” ; enfin, il réutilisait de nouveau le terme “rigolo” mais en laissait tomber le “semble-t-il” : “la bande de rigolos qui croit contribuer à l’avènement du grand soir en stoppant cent soixante TGV…”. Il recommandait à ces “demeurés” de relire Pouget et de s’en inspirer pour faire un “bon usage du sabotage” (le titre de son article).
L’affaire est à présent connue et, comme l’a écrit, je ne sais où, un blogueur, nous avons été des milliers à croire que Philippe Val (voir Courant alternatif, décembre 2007, “Charlie hebdo, De Val en pis”) avait été embauché à Siné Hebdo ! Non seulement Onfray se moquait de la présomption d’innocence mais encore il le faisait dans des termes et sur un ton professoral et stalinien où le mépris le disputait à la haine. Et qui plus est, au nom de l’Anarchisme, le vrai !, celui dont il se targue d’être adepte, tandis que les inculpés de Tarnac, qui par ailleurs n’ont jamais prétendu s’y référer, ne seraient que d’innocents adolescents attardés et, sans doute, incultes. Mais n’insistons pas davantage, Claude Guillon a réglé son compte au philosophe libertaire de la plus belle manière qui soit dans le texte “Pourquoi Onfray-t-il mieux de se taire”.

Après avoir passé en revue trois épisodes de l’offensive hivernale du chevalier Onfray, Claude Guillon nous prévient qu’il “n’écarte pas l’hypothèse d’un quatrième à venir”. Eh bien il est venu pas plus tard que le 17 décembre dans le numéro 15 de Sine hebdo, sous le titre “Passez Noël avec Camus” où il s’emploie à encenser l’auteur de L’étranger par contrepoint à celui des Chemins de la liberté. Bien entendu les arguments contre Sartre ne manquent pas ! A commencer par la cécité et les égarements politiques d’un indécrottable compagnon de route qui, après avoir rompu avec le très stalinien PC français, ne trouve rien de mieux que, après 68, s’acoquiner avec des staliniens plus “tendance”, les maoïstes de la Gauche prolétarienne. Mais après tout, Camus aussi fut, lui aussi, membre du PC, même s’il en fut exclu. Ce qui nous laisse pantois ce sont certains arguments d’Onfray : à ses yeux Camus est sain (mens sana in corpore sano), il joue au football, il aime le grand air et le soleil, Sartre est un parisien qui aime sortir le soir jusqu’à pas d‘heure, qui se détruit - il fume, il boit ! -, il fait même de la boxe. Onfray nous dit : Camus veut s’engager en 39, Sartre découvre la résistance et l’engagement après la guerre. Or, en 1939, Camus écrit “ Qu’est-ce que la guerre ? Rien. Il est profondément indifférent d’être civil ou militaire, de la faire ou de la combattre ”. Comme personnage “engagé”, il y a mieux. Finalement, au prix d’un choix qu’on pourrait qualifier de “sartrien” il s’engage tout de même... dans l’armée, (pas mal pour un libertaire !), mais il est refusé car il est tubar. Sartre, lui aussi, s’engage ; mais il n’est pas tubar et est fait prisonnier. Libéré en 1941 il opte tout de même pour la résistance (très pantouflarde selon Jankélévitch, mais résistance quand même !). En 1943 Camus prend la tête du journal clandestin Combat, créé en 1941 et il y fait écrire... Sartre et Henri Jeanson. A la libération Camus et Sartre travaillent ensemble dans le même journal et si des questions philosophiques les opposent, ce n’est qu’en 1952, huit ans seulement avant la mort de Camus, qu’il y aura réelle rupture. Jusque-là Camus n’avait pas vu, à l’inverse d’Onfray, autant de motifs de séparation. Onfray, en psy de salon suggère la vilenie sartrienne par un compte mal réglé avec son beau père qui lui aurait volé sa mère ! Que dire alors des rapports de Camus avec sa mère !!!
Enfin, il termine en disant que Sartre est devenu un philosophe pour classe terminale et Camus un philosophe intempestif. Mais c’est Camus qui accepte le prix Nobel en 1957 et Sartre qui le refuse en 1964 de manière quelque peu… intempestive, c’est vrai !


Les positions politiques
de Camus

Ce sont celles d’un pied noir libéral qui renvoie dos à dos le colonisateur et le colonisé (1). Devinez donc quelle serait sa position aujourd’hui sur le massacre de Gaza ? Il refuse, en 1958, de signer une pétition contre la saisie du livre d’Alleg, La Question qui dénonce la torture pratiquée par l’armée française. En 1960, dans la même ligne, il refuse de signer Le Manifeste des 121. Mais n’en rajoutons pas, Sine lui-même, dans le même numéro de Siné-hebdo a dressé une liste des raisons que l’on peut avoir de ne pas apprécier Camus, malgré l’auréole de libertaire que lui accolent certains anars, comme ils le faisaient il y a peu encore, avec Onfray.
Car si il y a un parallèle à faire dans ces histoires entre Camus et Onfray, ce n’est pas l’inclinaison du second pour le premier, mais que les deux ont construit leur légende de libertaires grâce à l’adoubement d’une partie du mouvement anarchiste. Onfray a écrit dans Le Monde Libertaire et cela lui sert même de passeport de compétence, il y est abonné depuis l’âge de 17 ans et prétend n’avoir dit, dans cette histoire de Tarnac, que ce que la Fédération anarchiste avait proclamé dans son communiqué. Il est vrai, qu’à mes yeux en tout cas, le communiqué de la FA n’était pas “clean” : “désaccord sur ces actes de sabotage qui contribuent d’une part à développer l’incompréhension et la condamnation des opinions sur l’éventuel sens politique de ses actions, et d’autre part au renforcement des mesures répressives du Capital et de l’Etat”, on prend ses précautions, au cas où… ; “Les anarchistes reconnaissent le droit inaliénable, individuel et collectif, à l’insubordination, à la révolte et à l’insurrection”… mais à condition d’être dans la bonne ligne, “L’action directe doit trouver son apogée dans la grève générale expropriatrice et autogestionnaire, prélude à la société libertaire à laquelle nous aspirons.” Rien de bien extraordinaire dans ces déclarations, la dose d’idéologie et les généralités habituelles, mais justement, dites ce jour-là ça fait quand même “on ouvre le parapluie” au cas où. Imaginez ! S’ils étaient coupables, faudrait pas qu’on nous confonde avec eux ! Or précisément, ce jour-là, le 11 novembre, n’est pas le jour à faire dans la nuance jésuitique. Notre solidarité ne porte pas sur ce qu’il auraient fait ou non mais sur ce qu’ils sont et sur ce qu’on leur fait. La bonne ligne d’un militant anarchiste patentée, il y a d’autres occasions pour la défendre, s’il faut le faire. Mais, tout de même, la Fédération anarchiste réclamait la libération des personnes arrêtées, Onfray non ! Espérons que plus personne, dans le mouvement libertaire ne continuera à faire les yeux doux à ce futur Gluksmann.

Les positions politiques d’Onfray

Elles sont nettement moins originales que ses redécouvertes philosophiques.
On les trouve exprimées globalement dans le Nouvel observateur, en janvier 2007.
Il est “anti-libéral et défenseur du capitalisme”. Il se dit gaullien, défend la Constitution de 1958 et l’élection d’un président au suffrage universel : il faut une rencontre entre un homme charismatique et le peuple et c’est ce que fut Mitterrand qui, de ce fait, a pu unifier la gauche. Unifier la gauche, le rêve d’Onfray, qui pense que le problème c’est le manque d’un fédérateur.
En fait, être antilibéral et défenseur du capitalisme en même temps, c’est dissocier le mode de production basée sur la propriété privée (incontestablement “capitaliste” !) du mode de répartition des richesses par le marché libre (le libéralisme). Evidemment, selon nous, le mode de répartition est indissociablement lié au mode de production, mais enfin il n’est pas le seul à raisonner de cette manière que nous estimons être une erreur : c’est le cas de la très grande majorité du mouvement altermondialiste, des taxeurs tobiniens (qui, d’ailleurs, ne défendent plus guère leur revendication), des réformistes keynésiens…
Cette opinion, pas plus qu’une autre, ne mérite ni insulte ni mépris vis-à-vis de ceux qui y croient vraiment (c’est une tout autre chose de la part de qui l’utilise à des fins démagogiques), mais ce qui est certain c’est que ce n’est, en aucun cas, une optique anarchiste ! Tour à tour défenseur d’une union d’extrême gauche à l’initiative du PC qui “concentre le meilleur du PS et de l’extrême gauche”, après avoir soutenu Besancenot puis se retournant vers Bové qu’il rejetait juste avant, de nouveau tenté par le NPA, rassurez-vous, braves gens, il finira par voter Royal… Bref, le personnage navigue à vue dès qu’il met le bout du doigt de pied dans la “concrétude”, il fait comme de nombreux intellectuels de gauche (pensez à Morin ou Lefort), qui s’emberlificotent dans des méandres qu’ils ne maîtrisent ni ne connaissent). Onfray manque de temps pour bien analyser, il le dit lui même. Le gaillard court à droite et à gauche de conférence en conférence, de radio en radio, il écrit à la vitesse d’un Bourseiller (2), c’est dire ! Bref c’est un philosophe TVG qui sillonne la France en des temps record, un croisé de l’athéisme (ce qui explique peut-être son besoin d’être rassuré quant à la fiabilité des caténaires).

Piqué au vif par les critiques émises suite à ses positions dans Sine hebdo, notre professeur s’énerve et continue à administrer des leçons aux anarchistes : abolition des classes, disparition du salariat, suppression du capitalisme, voilà ce qu’Onfray déclare anachronique et illusoire. Il faut refonder la République, expulser la violence révolutionnaire, remplacer les partis par le pouvoir individuel, voilà son programme.

Alors libertaire Onfray, comme Camus ? Oui sans doute, dans le sens libéral et humaniste du terme. Mais pas révolutionnaire. Anarchiste ? Pourquoi pas, il ne nous appartient pas de décider qui l’est ou ne l’est pas, il nous suffit de dire qu’il y a des courants qui s’en réclament et avec lesquels nous n’avons pas grand chose en commun. Depuis très longtemps existe un mouvement anarchiste “culturel” qui se place en dehors de tout possibilisme révolutionnaire et rupturiste et pour qui la lutte des classes est une maladie. Depuis quelques années cette tendance renaît sous différentes formes et souvent après un passage outre-atlantique : individualisme, antispécisme, primitivistes, pour le pire, citoyennistes ou municipalistes pour les plus “sociaux” mais toujours culturels et très souvent universitaires. On assiste à une remise au premier plan de l’“individu” — L’Unique ! — au détriment du social et du collectif, archéologie du savoir puisé à la fois chez Nietzsche, chez les individualistes et les post anarchistes américains (Zerzan et Hakim Bey, p. e.), récupération et réduction du “changeons la vie ici et maintenant à un “savoir vivre anarchiste dans nos niches” emprunt de moralisme et de politiquement correct et volontairement déconnecté de toute analyse de classe de la société et du capitalisme.
Toute pensée est libre d’exister, mais libre à nous de ne pas la fréquenter même si nous portons la même étiquette. Quoique… N’ayant pas eu la possibilité de donner un coup de pied au cul de Camus, je serais volontiers volontaire pour botter celui d’Onfray, en tout cordialité bien sûr !

JPD

(1) Ce qui, rappelons-le, fut le cas d’une partie des anarchistes pendant la guerre d’Algérie, comme à présent dans le conflit sur les territoire palestinien.
(2) L’ignoble fouille-merde, auteur d’une Histoire (falsifiée) de l’Ultra-gauche, auquel il faudra bien un jour tirer fermement les oreilles ou, même, pourquoi pas, entartrer avec dignité.

Répondre à cet article

25 Messages

  • "rassurez-vous, braves gens, il finira par voter Royal"

    Pas vraiment :

    http://tempsreel.nouvelobs.com/spec...

    repondre message

  • De Camus à Onfray, une permanence libérale en milieu libertaire

    7 février 2009 01:23, par Benoît Minisini

    J’ai quand même du mal à descendre Albert Camus au niveau de Michel Onfray lorsque je compare l’article du second sur les incarcérés de Tarnac avec ce qu’écrit le premier en préface de sa pièce "Les Justes" :

    << En février 1905, à Moscou, un groupe de terroristes, appartenant au Parti Socialiste Révolutionnaire, organisait un attentat à la bombe contre le grand-duc Serge, oncle du Tsar. Cet attentat et les circonstances singulières qui l’ont précédé et suivi font le sujet des "Justes".

    [...]

    J’ai même gardé au héros des "Justes", Kaliayev, le nom qu’il a réellement porté. Je ne l’ai pas fait par paresse d’imagination, mais par respect et admiration pour des hommes et des femmes qui, dans la plus impitoyable des tâches, n’ont pas pu guérir de leur coeur. On a fait des progrès depuis, il est vrai, et la haine qui pesait sur ces âmes exceptionnelles comme une intolérable souffrance est devenue un système confortable. Raison de plus pour évoquer ces grandes ombres, leur juste révolte, leur fraternité difficile, les efforts démesurés qu’elles firent pour se mettre en accord avec le meurtre - et pour dire ainsi où est notre fidélité. >>

    repondre message

    • c’est vrai, mais ne pas oublier quand même que quand Camus écrit "Les Justes" c’est 40 ans après les événements décrits et 10 ans - de mémoire - avant sa naissance. Force est de constater que l’on est souvent plus radical - et juste - par rapport à des événement passés que vis-à-vis de l’actualité qui vous implique plus directement. Le jugement historique mange moins de pain que la réaction immédiate !
      JPD

      repondre message

  • C’est marrant d’entendre que les "tarnaciens" sont des rigolos pousse-au-crime alors que la presse la plus assujéttie a reconnu qu’il y a abus d’autorité (et du langage qui va avec), terme aussitôt ravalé et recyclé par des libertaires à la casquette médiatique bien vissée sur le chef.

    repondre message

    • J’ai arrêté de lire votre article au moment précis ou vous considériez que que "Claude Guillon avait réglé son compte au philosophe libertaire de la plus belle manière qui soit dans le texte “Pourquoi Onfray-t-il mieux de se taire”."

      J’arrêterai à partir d’aujourd’hui également de lire ce site, que je ne connaissais par ailleurs pas.

      Avoir apprécié le texte de Claude Guillon, c’est se placer à mes yeux au rang zéro de la pensée (libertaire ou pas) humaine.

      Bon courage dans votre solitude, ca ne doit pas être facile tous les jours,

      Guillaume

      repondre message

  • Camus est mort le 4 janvier 1960, c’est donc d’outre tombe qu’il refuse de signer le manifeste des 121 paru le 6 septembre...1960 !

    repondre message

    • Effectivement ces deux dates sont exactes, et pourtant ce que dit l’article l’est tout autant. Une fois le texte plus ou moins ficelé par Blanchot, Duras, Schuster, Mascolo et Antelme (de mémoire !) et peut être quelques autres, cela a pris du temps d’abord de réunir les 121 signatures avec toutes les discussions qui vont avec, puis de décider le meilleur moment de le rendre publique et enfin de trouver le moyen de le faire connaître. Ce fut dans « Vérité-liberté » effectivement le 6 septembre 1960. Camus avant sa mort brutale en janvier avait eu le temps de ne pas s’associer à ce projet de publication, qui était, en fait, la continuation du comité d’action des intellectuels contre la poursuite de la guerre, né en 55 ou 56. Ce que reprochait Camus à ces Manifestes, en gros, c’est de ne pas prendre suffisamment en considération les Français d’Algérie. Il considérait qu’il n’y avait pas de « nation algérienne » (ce que tentait de faire croire et de construire le FLN) mais une patrie, un territoire duquel les colons faisaient partie ; en gros, il y a les musulmans et les non musulmans et il fallait une solution d’acception réciproque. Le problème c’est que l’humanisme lié à cette conception niait de fait la question coloniale et celle de l’impérialisme et amenait à ne rien pouvoir faire. S’en rendant compte, Camus avait choisi, bien avant sa mort de ne plus prendre position tant celle du renvoie dos à dos était intenable.
      Par ailleurs beaucoup d’autres personnes, au-delà des 121 ont signé ce texte APRES sa parution dont certains certains se sont prévalu "d’en être" pour améliorer leur carte de visite. D’autres au contraire, pour amplifier le mouvement ou parce qu’ils n’avaient pas été sollicités.

      repondre message

  • Certes, Onfray-t-il mieux de lire André Breton.

    repondre message

    • "Car si il y a un parallèle à faire dans ces histoires entre Camus et Onfray, ce n’est pas l’inclinaison du second pour le premier, mais que les deux ont construit leur légende de libertaires grâce à l’adoubement d’une partie du mouvement anarchiste."bien vu,bien pensée...

      il est une autre personnalité intellectuelle qui n’a jamais cessé de se dire libertaire et qui a été portée par une certaine partie du mouvement(notamment les editions lyonnaises Acl) et c’est jacques Ellul...je n’ai jamais compris cette défense de jacques ellul par certains anarchistes...alors qu’une partie attentive de son oeuvre est pour le moins détestable...les ateliers de creations libertaires ont beau eu le soin de le présenter comme un "chrétien pour l’Anarchie",ils ont soigneusement tu ses prises de position occidentalistes ,sionistes et anti tiers mondistes..

      .quand on lit ses derniers ouvrages politiques,on y voit nettemnt son mepris pour les peuples non occidentaux,une défense à peine voilée du colonialisme,une défense résolue de l’Occident,une défense des menées sionistes(qui découle de son christianisme..Ellul se definissait déjà comme chrétien sioniste..),un mépris pour la souffrance du peuple palestinien dont il niait l’existence...tout cela en continuant à se dire libertaire...mais bien entendu les récents laudateurs de Ellul comme les editions Acl taisent soigneusemnt cette partie de son oeuvre..

      repondre message

      • Salut omar,

        concernant les positions de jacques Ellul sur les sujets que tu citent je ne les connaissait pas. Et je doute que les personnes de l’ACL les ai connu ( je parle en connaissance de cause puisque je les connais et que j’ai participé à cette structure). Et je pense que ce qui te tiens a coeur ne les interesse pas plus que cela ( a l’image de la majorité des libertaires d’ailleurs).
        Je voulais juste faire une mise au point sur ce livre ( qui n’est plus au catalogue d’ailleurs) :

        l’ACL est une maison d’edition et non un mouvement politique. Ce qui les interessait c’est le rapport personnel d’Ellul avec sa conception de l’anarchisme ( que perso je trouve pas trés convaincante). Le publier ce n’est pas cautionner l’ensemble de ses reflexions. Et il n’en est pas question dans celui-ci.

        La vocation originel de l’ACL etait de sortir de la sclerosante ambiance qui regnait dans les milieux libertaires (et qui existe toujours) et lui donner l’occasion de se reactualiser. Parfois elle y a reussi, d’autre fois non. Quand on sort des sentiers battus on peut faire de bonne rencontre, comme des erreurs...

        Comme je te le dis l’ACL est une structure autonome et pas un mouvement qui "défend", "porte" ou fait les louanges d’Ellul. elle n’a pas vocation a dire qui est anarchiste et qui ne l’est pas.
        Perso je considere que l’intronisation de Camus au rang de "libertaire" est beaucoup plus pernicieuse que de Ellul dont les rapports avec l’anarchie n’engage que lui. Alors que Camus fait l’objet d’une veritable Idolatrie que je n’ai jamais compris.

        Ou plutot il me semble avoir compris quelque chose apres avoir lu un vieux bouquin publié che Seghers ecrit par Cruise O’brien et qui demonte completement Camus. Et sa revolte "statique". Il fait notamment le rapprochement avec George Orwell qui etait beaucoup plus clairvoyant sur la realité coloniale. Et quand on lit les deux on se rend compte que ce n’est pas les idées qui font l’anarchiste mais bien sa vie...

        Bref n’en veut pas aux ACL d’avoir publié Ellul. Tu a aussi le droit des les excommunier, comme tout anarchiste qui se respecte.

        repondre message

        • Re-salut Omar,

          Un complement d’info au sujet de Ellul. Et qui aggrave a mes yeux son "dossier". Je viens de lire un entretien ou le bonhomme s’est prononcé en faveur d’un "contrat" moral passé entre la république et les immigrants musulmans dans lequel il stipule "renoncer a exercer le Jihad" ainsi que d’autres joyeuseté. Puisque dans son esprit la mentalité des musulmans ne fonctionne pas avec la société européenne. Brrr...!!!

          Comme quoi on peut faire de grossse erreurs !!!

          repondre message

  • Toute l’info...

    8 février 2009 12:23, par G.L.

    A propos de Tarnac et de son papier dans Siné Hebdo, Onfray a reconnu s’être planté ; lire ci-dessous un extrait de la tribune publiée, début décembre 2008, dans Libération :

    « …Devant un dossier vide et une totale absence de preuves, que peut faire la police pour ne pas se déjuger ? En appeler au terrorisme et à la possibilité d’un acte terroriste potentiel induit par le profil intellectuel. Autrement dit : criminaliser la pensée. Une version du délit de sale gueule : ils auraient pu le faire, donc ils l’ont fait. Le terrorisme, sauf cas avéré - les attentats qui ont visé Bombay, par exemple - est souvent le mot qu’on utilise pour fustiger l’ennemi quand on a envie de le condamner sans preuves ou avant même instruction du dossier. Fasciste, stalinien et pédophile servent selon les mêmes logiques.
    Devant un dossier vide et une totale absence de preuves, que peut le journalisme pour ne pas se déjuger plus que de raison ? En appeler au débat et aux dossiers - plus tard…
    J’y contribue d’autant plus volontiers que, dans Siné Hebdo, j’ai moi-même donné le change en emboîtant le pas aux journalistes d’en face ! Le temps d’une chronique, certes, mais quand même. Une leçon sur le journalisme qui est un pouvoir comme les autres et que le libertaire que je tente d’être ne se rappelle probablement pas assez… »

    Pour lire l’article en son entier :
    http://www.liberation.fr/politiques...

    repondre message

  • On voit que vous êtes de vrais méchants, de féroces procureurs, qui auront toujours le regret des vraies guerres civiles qui leur auraient permis de faire, vraiment, tomber des têtes...

    Tiens, cela me rappelle que je voulais relire "L’homme révolté" depuis un moment.

    Ainsi qu’un certain traité d’athéologie écrit par l’un pendant que les autres participent à une énième manif ou une énième AG où on sent qu’ils se poussent du coude entre complices dès qu’ils trouveraient qqn qui évidemment n’aurait rien compris ou ne marcherait pas assez vite !

    Vous êtes de ces gens désespérants, qui dégoûteraient de se mêler de politique... Heureusement qu’on peut vous ignorer et continuer de se soucier de notre commune démocratie.

    repondre message

  • Bonjour :
    L’admiration que voue Michel Onfray à Nietzsche est bien connue et doit probablement permettre de définir son idéologie. Or si on adhère à ce que dit Georges Lukács de l’idéologie de Nietzsche et aussi à ce qu’en écrit Lucien Sève in « Penser avec Marx aujourdhui - Tome II "L’homme" ? » - Edition La Dispute - en des pages d’une remarquable finesse, érudition et rigueur d’analyse, et dont j’extrais cette phrase longuement étayée : « J’assume les mienne (responsabilités - M C) : un auteur chez qui la sottise machiste atteint à ce niveau de bassesse bourgeoise ne peut pas, mesure prise de l’importance sur tant de plans de la question en cause, être tenu de façon générale pour un grand penseur et humainement parlant il relève à mes yeux d’un total mépris. » (page 237). Pour situer Michel Onfray ne doit pas aussi tenir compte de ce parti pris qu’il affiche à l’égard de Nietzsche ?

    Amitiés

    repondre message

    • Je crois que le texte de Courant Alternatif souligne c’est plusieurs choses :

      • la permanence des idées libérales et/ou individualistes dans un courant politique qui se dit anarchiste (c’est le titre de l’article).
      • cela renvoie à cette complaisance de l’anarchisme vis-à-vis de toutes sortes d’influences. Mais comme par hasard, ce sont toujours celles qui se trouvent dans une perspective conforme avec la domination capitaliste qui sont valorisées, promues... L’idée d’une "reconnaissance" par la société, son université, ses maitres à penser, ses médias sont une puissant vecteur dans cette démarche. Et puis il est plus facile de se trouver des "espaces libérés" dans la société capitaliste que de trouver les moyens de s’y opposer.
      • l’autre signification, c’est bien qu’il y a une séparation entre philosophie et politique. On peut être le porteur ou vecteur d’une réflexion sur l’Etre, le monde, la pensée elle-même et défendre une politique de la conformité avec le système. Combien d’admirateurs de philosophes interessants au sens où ils aident à libérer la pensée de ses entraves notamment celles qui sont de l’ordre de la transcendance (Spinoza, Nietzsche, Deleuze,.... liste illimitative) ne sont par ailleurs que très peu engagés dans les luttes, les mouvements sociaux et dans tout ce qui peut politiquement problématiser les conditions d’une libération humaine, d’une émancipation collective.
      • les réflexions sur les rapports inter-individuels, dans la famille, dans les groupes affinitaires, ce qu’on pourrait appeler "micro-politique" n’a pas à être négligée dans une perspective libertaire, au contraire : il n’y a pas de révolution possible dans la politique et l’économie, si elle ne s’accompagne pas d’un questionnement généralisé sur le "social", le "privé". Mais seulement ces champs, ces problématiques ne se placent pas sur le même plan.

      Onfray : oui on peut l’apprécier sur France Culture, et son université populaire car il vaut mieux qu’un Ferry, Enthoven ou un BHL. Oui à sa défense de l’hédonisme, de l’athéologie, des pré-socratiques et de ce qu’il veut dans le champ de la philosophie.

      Mais de grâce, qu’il cesse de se croire investi d’un rôle politique particulier. Siné hebdo mérite mieux. Et ceux qui cherchent les voies du renouveau, dans les combats d’aujourd’hui comme dans les idées d’un anticapitalisme conséquent c’est-à-dire s’accompagnant d’une politique dés-étatisée, anti-étatique, aussi.

      repondre message

  • Il y a quelques semaines, j’ai écris ceci à michel onfray, qui ne m’a d’ailleurs jamais répondu :

    Erratum

    Un certain nombre de coquilles se sont glissées dans l’article de Michel Onfray paru dans Siné Hebdo du 17 décembre (Passez Noël avec Camus).

    A la place de la phrase :
    « Camus veut s’engager dès 1939, mais son état de santé lui vaudra un refus des autorités, Sartre découvre la Résistance et l’engagement une fois la guerre finie ».
    Il fallait lire :
    « Mobilisé dès 1939, Sartre est fait prisonnier et passe le début de l’occupation dans un stalag. En 1944-45, il résiste aux côtés -et sous la direction- de Camus, au sein du réseau Combat. Pour le reste, ses faits de résistance ont effectivement été exagérés après coup. »

    A la place de la phrase
    « Sartre accompagne tous les totalitarismes, pourvu qu’ils soient de gauche, il pense que « tout anticommuniste est un chien » . »
    Il fallait lire :
    « Après quelques atermoiements (pour « ne pas désespérer Billancourt »), Sartre prend résolument position contre le stalinisme, quand les révélations sur les camps soviétiques commencent à affluer. Dès 1950, il écrit dans les Temps Modernes« il n’y a pas de socialisme quand un citoyen sur vingt est au camp ». Il mène campagne avec l’ancien déporté David Rousset. Les stalinien-ne-s le traitent de « hyène dactylographe ». Ayant retrouvé les militant-e-s communistes dans la lutte contre les guerres coloniales menées par l’armée française. Il rompt définitivement avec le P.C.F. après l’invasion de la Hongrie par l’U.R.S.S. (1956). »

    A la place de la phrase :
    « Camus ne défend aucune sorte de terreur ; Sartre la défend quand elle est palestinienne, relève de la bande à Baader, de la « justice prolétarienne » maoïste. »
    Il fallait lire :
    « Sartre a toujours défendu le droit de l’Etat d’Israël à exister et à « se défendre ». Il s’est totalement désintéressé du peuple palestinien et de sa (juste) Résistance. Il y était même assez hostile, comme le raconte l’écrivain palestinien Edward Saïd., qui s’étonne d’une telle attitude venant d’un anticolonialiste proclamé.
    Sartre n’a jamais soutenu la Fraction Armée Rouge (« bande à Baader »). Il a rendu visite à ses militant-e-s emprisonné-e-s pour dénoncer la « torture blanche » par isolement sensoriel. Il a tenu à se démarquer publiquement des agissements d’Andréas Baader et de ses camarades. Ce dernier lui a d’ailleurs déclaré « je croyais rencontrer un camarade et j’ai rencontré un juge. ». Je n’ose croire que Michel Onfray soit partisan de la torture blanche.
    En avril 1972, le corps dénudé et mutilé d’une jeune fille de 16 ans, Brigitte Dewevre, est retrouvé sur un terrain vague de Bruay-en-Artois. Les flics poussent Jean-Pierre, un jeune ouvrier « fragile » à tout avouer. Le juge Henri Pascal préfère inculper un notable, le notaire Pierre Leroy. Les maoïstes prennent le parti de Jean-Pierre et du « petit juge » menacé par sa hiérarchie. Face à ce qu’il faut bien appeler une justice de classe, ils appellent de leurs vœux une « justice populaire » expéditive. Sartre a tenu à marquer son désaccord avec « un amalgame qui risquerait de pousser au lynchage » : « il faut le reconnaître : le lynchage est une pratique trop louche (voyez les lynchages au Etats-Unis), souvent trop empreinte d’une idéologie réactionnaire pour qu’il puisse devenir une sanction régulière de la justice populaire ».

    A la place de la phrase :
    « Camus voulait une solution pacifique pour l’Algérie, via une formule fédéraliste chère au cœur des socialistes libertaires ; Sartre soutenait la terreur du FLN. »
    Il fallait lire :
    « Dans un contexte de guerre coloniale totale, face à une extrême droite haineuse qui le menace quotidiennement de mort, Sartre soutient le droit inconditionnel du peuple algérien à l’indépendance. Dans ce cadre, il prend parti pour le FLN, seul représentant crédible de la Résistance algérienne (en partie parce qu’il avait liquidé ses concurrents).
    Dans le même contexte, Camus s’est opposé à l’indépendance algérienne (« L’Algérie algérienne, ça n’a aucun sens »). Il rêvait probablement d’une Algérie idéale où toutes les communautés vivraient fraternellement, mais en refusant même d’envisager l’indépendance, il a contribué à détruire son propre rêve. Ajoutons que la pseudo-« formule fédérale » dans le cadre de la France, chère à Camus, n’était pas partagée par l’ensemble des libertaires. Daniel Guérin fut un anticolonialiste courageux, tout en refusant de signer un chèque en blanc au FLN. »

    « Sartre agresse, accuse, attaque calomnie. », « Sartre boxe et se détruit le portrait tout en jouissant de la destruction de celui de son adversaire »… Je veux bien, mais que fais Onfray ? Pourquoi faire à Sartre un procès dans le style de celui que lui fit jadis Jdanov , l’idéologue en chef de Joseph Staline ? Quel est l’intérêt de prêter à Sartre des positions à l’opposé de celles qui furent réellement les siennes pour mieux le démolir ? Pourquoi tant de haine ? On pense à la description que Michel Ardouin dit « Porte-avion » donne de son complice Jacques Mesrine : « il devait souffrir d’un dérèglement hormonal : la plupart du temps, il faisait preuve d’une grande intelligence dans l’action mais, une fois par semaine, il avait une journée de méchanceté gratuite comme je n’en ai vu chez personne d’autre".

    repondre message

    • On ne s’en lasse pas du nouveau copain de BHL !

      Tout d’abord, pour ceux et celles qui n’auraient pas suivi, voici un texte récent de Jean-Pierre Garnier qui met les points sur les “i” face à un petit monsieur qui vient jusque dans la presse anarchiste (Le Monde Libertaire) professer que le « capitalisme libertaire est possible », que « le capitalisme est aussi vieux que le monde et durera autant que lui » et qu’il n’est pas incompatible avec « une perspective de révolution concrète libertaire ».

      http://blog.agone.org/post/2010/01/...

      La sous question qui vient immédiatement à l’esprit est : qu’est-ce qu’une certaine presse anarchiste (Le Monde libertaire étant de fait une sorte de “vitrine” du courant anarchiste), fabrique en ouvrant ainsi largement ses colonnes à un partisan du capitalisme ?? Parce qu’il est connu ? Pour faire reluire un peu plus la vitrine au près de ceux qui comptent ? Pour ratisser large ? Attention au grand écart, ça peut faire mal.

      * * * * * * * *

      Le dernier numéro du Plan B nous en apprend un bien bonne, qui ne fait que confirmer les écrits d’Onfray dans Siné hebdo, où semaine après semaine il en rajoute une couche dans sa détestation des militant-e-s qui se battent sur le terrain et son amour sans frein du libéralisme. Plein de gens l’on dit à Bob, de le virer l’Onfray, qu’il fait tâche dans son hebdo, mais il a l’air de s’accrocher...

      Un BHL en culottes courtes

      « Le Plan B allait-il débourser 18 euros pour s’infliger le “débat” organisé le 19 janvier par Le Monde, en partenariat avec la FNAC et le club du 3ème âge de Saint-Germain-des Prés ? Oui, car l’événement était de taille : dans la cave qui lui sert d’auditorium, le quotidien du soir élevait Michel Onfray au rang de philosophe pour retraités germanopratins (PPRG), en l’invitant à disserter sur Albert Camus avec Jean Daniel et Bernard-Henri Lévy.

      Devant 250 octogénaires somnolents et l’ambassadeur de Suède, le penseur “libertaire” fait le paon pour séduire “Bernard” (sic). Il secoue sa chevelure en citant Nietzsche, Heidegger, Kierkegaard, Wagner, Helvétius, Plotin ; béachélise Camus en louant son “hédonisme tragique” ; applaudit aux sentences du maître (“Tout est juste, je consens à tout ce qu’a dit Bernard”), le cajole (“On peut avoir une belle plume et être un vrai philosophe, Bernard l’incarne”). Cette assertion loufoque provoque des rires dans l’assistance, qui commence à se traîner vers la sortie, mais le petit Michel trépigne pour finir son oral : “Quand j’ai lu La Barbarie à visage humain [le premier livre, nul, de BHL], j’y ai vu du lyrisme” »

      * * * * * * * *

      Enfin, une « initiative citoyenne » intéressante

      Proposition de loi pour l’interdiction de Michel Onfray dans l’ensemble de l’espace public

      Une initiative citoyenne

      Par SPINOZA, 24 février

      Introduction
      Nous publions ci-dessous une initiative citoyenne de la SPINOZA (Société Pour l’Interdiction des Nuisances Onfresques Zet Anarchoracistes). Pour soutenir cette initiative citoyenne, adresses vos signatures à l’adresse suivante : contact.lmsi@hotmail.fr.

      Exposé des motifs

      Il est question, ces derniers jours, ces derniers mois et ces dernières années ainsi que ces prochains jours, ces prochains mois et ces prochaines années, d’une nouvelle loi d’interdiction de la burqa et/ou du niqab et/ou du voile intégral et/ou du bandana islamique et/ou du bandeau islamique et/ou du chignon islamique et/ou de la casquette islamique et/ou du verlan islamique et/ou de l’identité islamique et/ou du repli islamique et/ou des minarets islamiques et/ou des Quic

      repondre message

  • De Camus à Onfray, une permanence libérale en milieu libertaire

    11 juillet 2010 11:16, par un barbare des champs

    son dernier texte où on peut lire que la langue régionale est le cheval de troie de la xénophobie est assez sympa dans le genre aussi...

    repondre message

    • on peut avoir les références ? Merci

      repondre message

      • ça doit être ça :

        Les deux bouts de la langue, par Michel Onfray

        LEMONDE | 10.07.10 | 12h58 • Mis à jour le 13.07.10 | 10h34

        Au commencement était Babel, chacun connaît l’histoire : les hommes parlent une seule et même langue, dite "adamique", celle du premier d’entre eux. Puis ils se proposent de construire une immense tour destinée à pénétrer les cieux. Pareille architecture suppose que les hommes habitant le même élément que Dieu en deviendraient de facto les égaux. Cette volonté prométhéenne agit comme une autre formule du péché originel car, goûter du fruit de l’arbre de la connaissance, c’est savoir tout sur chaque chose, autrement dit, une fois encore, égaler Dieu. Il y eut une sanction pour le geste d’Eve, personne n’a oublié... De même pour celui des constructeurs de Babel : la confusion des langues.

        Dieu qui est amour, rappelons-le pour qui aurait la fâcheuse tendance à l’oublier, descend sur Terre pour constater de visu l’arrogance de ces hommes. "Il dit : "Voilà qu’à eux tous ils sont un seul peuple et ont un seul langage ; s’ils ont fait cela pour leur début, rien désormais pour eux ne sera irréalisable de tout ce qu’ils décideront de faire. Allons ! Descendons et là, brouillons leur langage, de sorte qu’ils n’entendent plus le langage les uns des autres." Et Yahvé les dispersa, de là, à la surface de toute la Terre, et ils cessèrent de bâtir la ville" (Gen. 11, 6-7) - où comment semer la discorde...

        Dès lors, il y eut des langues, certes, mais surtout l’incompréhension parmi les hommes. De sorte que la multiplicité des idiomes constitue moins une richesse qu’une pauvreté ontologique et politique. On se mit alors à parler local, ce que d’aucuns célèbrent aujourd’hui comme le fin du fin. Je songe aux "nationalistes", plus justement nommés "indépendantistes régionaux", qui font de la langue un instrument identitaire, un outil de fermeture sur soi, une machine de guerre anti-universelle, autrement dit un dispositif tribal.

        Précisons que le politiquement correct passe souvent sous silence cette information qu’il n’existe pas une langue corse, une langue bretonne, mais des dialectes corses ou bretons, chacun correspondant à une étroite zone géographique déterminée par le pas d’un homme avant l’invention du moteur. Le mythe d’une langue corse ou d’un unique parler breton singe paradoxalement le jacobinisme honni, car lesdites langues régionales sont compartimentées en groupe de dialectes - j’eus des amis corses qui, le vin aidant, oubliaient un instant leur religion et leur catéchisme nationaliste pour avouer qu’un berger du cap corse ne parlait pas la même langue que son compagnon du cap Pertusato ! Babel, Babel...

        La langue régionale exclut l’étranger, qui est pourtant sa parentèle républicaine. Elle fonctionne en cheval de Troie de la xénophobie, autrement dit, puisqu’il faut préciser les choses, de la haine de l’étranger, de celui qui n’est pas "né natif" comme on dit. Or, comme une espèce animale, une langue obéit à des besoins relatifs à une configuration temporelle et géographique ; quand ces besoins disparaissent, la langue meurt. Vouloir faire vivre une langue morte sans le biotope linguistique qui la justifie est une entreprise thanatophilique. Son équivalent en zoologie consisterait à vouloir réintroduire le dinosaure dans le quartier de la Défense et le ptérodactyle à Saint-Germain-des-Prés...

        A l’autre bout de la langue de fermeture, locale, étroite, xénophobe, il existe une langue d’ouverture, globale, vaste, cosmopolite, universelle : l’espéranto. Elle est la création de Ludwik Zamenhof, un juif de Bialystok, une ville alors située en Russie (en Pologne aujourd’hui). Dans cette cité où la communauté juive côtoyait celle des Polonais, des Allemands et des Biélorusses, les occasions de ne pas se comprendre étaient nombreuses. En ces temps, déjà, Dieu pouvait jouir de son forfait. Fin 1870-début 1880, l’espéranto se propose donc le retour au Babel d’avant la colère divine.

        A l’heure où le mythe d’une langue adamique semble prendre la forme d’un anglais d’aéroport parlé par des millions d’individus, on comprend que la langue de Shakespeare mutilée, amputée, défigurée, massacrée, dévitalisée, puisse triompher de la sorte puisqu’on lui demande d’être la langue du commerce à tous les sens du terme. Vérité de La Palice, elle est langue dominante parce que langue de la civilisation dominante. Parler l’anglais, même mal, c’est parler la langue de l’Empire. Le biotope de l’anglais a pour nom le dollar.

        Mais cette langue agit aussi comme un régionalisme planétaire : elle est également fermeture et convention pour un même monde étroit, celui des affaires, du business, des flux marchands d’hommes, de choses et de biens. Voilà pour quelle raison l’espéranto est une utopie concrète à égalité avec le projet de paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre, autant d’idées de la raison dont le biotope n’est pas "l’avoir" mais "l’être" - plus particulièrement "l’être ensemble" sans perspective d’échanges autres que de biens immatériels.

        L’espéranto propose d’habiter une langue universelle, cosmopolite, globale qui se construit sur l’ouverture, l’accueil, l’élargissement ; elle veut la fin de la malédiction de la confusion des langues et l’avènement d’un idiome susceptible de combler le fossé de l’incompréhension entre les peuples ; elle propose une géographie conceptuelle concrète comme antithèse à la religion du territoire ; elle parie sur l’être comme généalogie de son ontologie et non sur l’avoir ; elle est le voeu d’une nouvelle Grèce de Périclès pour l’humanité entière - car était grec quiconque parlait grec : on habitait la langue plus qu’un territoire - ; elle est la volonté prométhéenne athée non pas d’égaler les dieux, mais de faire sans eux, de quoi prouver que les hommes font l’histoire - et non l’inverse.

        *******
        A lire absolument sur le site de Claude Guillon :

        MICHEL ONFRAY OU « L’ESPRIT DE L’ESCABEAU »

        Lettre sur le néant adressée poche restante à M. le directeur de la rédaction du journal « Le Monde »

        Voir en ligne : Source : Le Monde

        repondre message

  • anachronisme ?

    11 septembre 2012 12:33

    Camus meurt le 4 janvier 1960, et le manifeste des 121 est lancée en sept 1960, soit 6 mois après sa mort ! Eh bien, même le cadavre Camus a refusé de signer ce grand texte ! Il est par ailleurs un ami d’Henri Alleg.

    repondre message

    • anachronisme ? 11 septembre 2012 20:53, par admi2

      voir réponse déjà faite plus haut dans le débat

      Effectivement ces deux dates sont exactes, et pourtant ce que dit l’article l’est tout autant. Une fois le texte plus ou moins ficelé par Blanchot, Duras, Schuster, Mascolo et Antelme (de mémoire !) et peut être quelques autres, cela a pris du temps d’abord de réunir les 121 signatures avec toutes les discussions qui vont avec, puis de décider le meilleur moment de le rendre publique et enfin de trouver le moyen de le faire connaître. Ce fut dans « Vérité-liberté » effectivement le 6 septembre 1960. Camus avant sa mort brutale en janvier avait eu le temps de ne pas s’associer à ce projet de publication, qui était, en fait, la continuation du comité d’action des intellectuels contre la poursuite de la guerre, né en 55 ou 56. Ce que reprochait Camus à ces Manifestes, en gros, c’est de ne pas prendre suffisamment en considération les Français d’Algérie. Il considérait qu’il n’y avait pas de « nation algérienne » (ce que tentait de faire croire et de construire le FLN) mais une patrie, un territoire duquel les colons faisaient partie ; en gros, il y a les musulmans et les non musulmans et il fallait une solution d’acception réciproque. Le problème c’est que l’humanisme lié à cette conception niait de fait la question coloniale et celle de l’impérialisme et amenait à ne rien pouvoir faire. S’en rendant compte, Camus avait choisi, bien avant sa mort de ne plus prendre position tant celle du renvoie dos à dos était intenable. Par ailleurs beaucoup d’autres personnes, au-delà des 121 ont signé ce texte APRES sa parution dont certains certains se sont prévalu "d’en être" pour améliorer leur carte de visite. D’autres au contraire, pour amplifier le mouvement ou parce qu’ils n’avaient pas été sollicités.

      repondre message


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette