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Sommet de l’Otan et contre sommet à Strasbourg en avril

3-4 avril Strasbourg, contre sommet de l’OTAN

vendredi 6 février 2009, par Courant Alternatif

Les chefs d’Etats, les bureaucrates et les militaires de l’Organisation Transatlantique Nord vont se rencontrer à Strasbourg et à Baden Baden en Allemagne les 3 et 4 avril prochains. Ce sera l’occasion pour les 60 ans de l’organisation militaire de mettre en place des décisions qui vont peser sur les conflits militaires en cours ou à venir. Mais ce sera aussi l’occasion en Europe d’un rassemblement important de celles et ceux qui depuis plus dix ans se rassemblent lors de tels sommet pour manifester. Altermondialistes, anti-globalisation, anti-capitalistes, anti-impérialistes, tous les termes qui qualifient, celles et ceux qui croient encore que ces rendez-vous sont des moments importants de la contestation.


L’OTAN, le coup de poing des intérêts américains

En avril 2008, la France et l’Allemagne annonçaient qu’ils allaient conjointement organiser le prochain sommet à Strasbourg et à Kehl. Le sommet qui se déroulait à Bucarest en Roumanie a été un tournant dans la politique américaine de l’OTAN. Les Etats-Unis de Bush venait pour la première fois de soutenir la mise en place d’une armée européenne. Dans un contexte qui lui était favorable avec une France gouvernée par Sarkozy, dont tout le monde connaît sa position « atlantiste » (très proche des intérêts américains) et avec le besoin américain d’un renfort en Afghanistan, l’idée d’une armée européenne, plus connu sous le nom diplomatique d’une « Europe de la défense » connaissait des intérêts convergents. Evidement derrière le soutien états-uniens, il faut entendre le soutien anglais, véritable cheval de Troie des intérêts américains dans les enjeux capitalistes de la construction européenne, qui jusqu’à présent torpillait cette « construction de l’Europe de la Défense » ainsi que tous les projets économiques qui pouvaient aller à l’encontre des intérêts américains.
Lors de ce sommet en Roumanie, la France annonçait un renforcement de 700 soldats en Afghanistan ainsi que la prise en charge du commandement de la région centre afghane dont dépend Kaboul. Cette responsabilité sera marquée quelques mois plus tard par la perte sur le terrain des dix soldats français à 50 km de la capitale.
Idéologiquement à ce moment-là, ce virage est surtout une rupture de la diplomatie historique française (diplomatie de l’équilibre prenant en compte des facteurs contrariants) et un alignement sur la vision des Etats-Unis de Bush (axe du bien et du mal). Mais les enjeux se trouvent plus profondément ancrées que le cadre feutré de la discussion idéologique. Il s’agit évidemment de préserver et d’accroître les intérêts de chacun.
Les européens (France et Allemagne principalement) ne bénéficient pas des parts du gâteau que les américains s’offrent -douloureusement- dans leurs opérations au Moyen Orient. Il risquent même d’être privée des susucres qui pourraient jaillirent des prochaines « conquêtes ». En interne, la construction européenne, avec tous ses avantages (diplomatiques, économiques) se trouve bloquée par tous les alliés proclamés des Etats-Unis (Grande Bretagne, Pologne, Hongrie, Tchéquie etc.). Ainsi, le cadre de l’Otan se trouve être le bon lieu de la réconciliation. C’est connu, de bonnes guerres ça soude les amitiés ! Surtout que les intérêts de tous ces pays (la France en premier) se souviennent de la très bonne expérience de la guerre en Serbie. Sous couvert d’une guerre « humanitaire », l’Otan avait sorti la Serbie de la sphère russe pour la faire entrer sous influence européenne. La France avait participé avec des bombardements intensifs sur toutes les infrastructures d’ingénieries lourdes (notamment les ponts) et cela avait permis la reconstruction de ces ponts par Bouygues. C’est cela aussi la guerre des capitaliste : détruire pour mieux reconstruire.
Cela peut surprendre mais l’opération « force alliée » en 1999 qui avait connu un nom tout révélateur en 1999, en bombardant la Serbie est toujours d’une grande actualité. C’était la première fois que l’Otan en tant que tel agissait de son propre chef, de manière unilatérale, faisant fis notamment du désaccord des Nations Unis. Quoi que puissent en penser les « humanitaires », la guerre avait essentiellement pour but de grignoter l’espace d’influence russe. On se souvient même que l’Otan avait même bombardé l’ambassade chinoise puisque la Chine, comme la Russie, s’opposait évidemment à cet accroissement hégémonique de l’influence occidentale menée par les Etats-Unis. Le soutien de l’Europe à la « révolution orange » en Ukraine en novembre 2004 et le soutient arrogant des Etats-Unis à Saakachvili depuis la « révolution des roses » en 2003 découlent de la même logique : contrer une Russie, qui retrouve maintenant des prérogatives de grosses puissantes, notamment avec un prix élevé de l’énergie (gaz et pétrole) qui lui est favorable puisqu’il en est un des principaux producteurs. Les conflits en Géorgie cet été, ainsi que « l’affaire du gaz » en Ukraine cet hiver doivent être analysés sous cet angle. Et ce qui attise les antagonismes est la volonté notamment américaine d’intégrer l’Ukraine et la Géorgie dans l’Otan. C’est ce qu’a préparé, il y a un an le sommet de l’Otan à Bucarest et qui devrait être ratifié à Strasbourg, en grande pompe, pour le 60ième anniversaire de cette organisation des guerres.

Ce qui devait se faire se fera finalement ou pas

Mais l’officialisation de la crise économique est passée par là et avec elle le grand sauveur Obama, qui a toute les caractéristiques pour redonner une légitimité à ces chefs d’orchestre de la misère. Aussi la Russie (et même la Chine) ne sont plus les cibles de la refonte du nouvel ordre. Le coup de force -gagnant- de la Russie cet été en Géorgie et la modification des enjeux principaux liés à cette crise économique ne rendent pas certain l’intégration de l’Ukraine et de la Géorgie dans l’Otan. En ces temps difficiles, entre chefs d’orchestre, il s’agit plus de se serrer les coudes. Mais, en période de crise économique, les guerres sont aussi là pour faire passer les pilules sociales. Elles renforcent aussi les unités nationales et permettent la relance de l’économie. Alors ! Où trouver des guerres à mener ?
Obama l’a annoncé clairement pendant sa campagne, si les Etats-Unis quittent militairement l’Irak, c’est pour mieux se concentrer en Afghanistan. Il ne s’agit quand même pas de laisser place nette aux intérêts russes ! Depuis 1979, les américains y ont tout fait ; jusqu’a en organiser les formes religieuses pour contrer l’Armée Rouge, avec les conséquences mondiales que l’on connaît.
Nous avions écrit dans un article de Courant Alternatif (1) après l’assassinat de Benazir Bhutto au Pakistan, l’influence dans la campagne présidentielle américaine d’alors du vieux démocrate Brzezinski, qui passe pour être le stratège du bourbier afghan qui aurait précipité l’effondrement de l’URSS. D’après lui, les américains devraient renouer avec une politique de soutien aux mollahs iraniens, afghans et pakistanais. L’enjeux serait de faire exploser les Etats irakiens et pakistanais en plusieurs états, différents idéologiquement et culturellement afin de soutenir au coup par coup comme au cas par cas, leurs intérêts. L’arrivée des Clinton et de toute l’administration historique démocrate aux affaires étrangères permet de comprendre quel sens les USA entendent faire de leur retrait de l’Irak, ainsi que le traitement de la question du Pakistan pendant le sommet de l’Otan à Strasbourg. Obama s’est lui-même engagé à venir à Strasbourg pour soutenir ces nouvelles visées.
Pour la France de Sarkozy, les enjeux seront d’officialiser la construction de cette « Europe de la Défense », afin de renouer avec l’Allemagne de Merckel en vue d’un projet « commun ». Mais, ce sera aussi l’occasion de faire le grand écart en soutenant la construction de l’Union Méditerranéenne dans ce grand concert militaire. Il s’agira de valoriser cette Union qui fâche l’Allemagne (qui s’en sent exclue), en y faisant valoir, par ce biais, un rapprochement avec Israël que l’Otan a toujours soutenu. Il s’agira également de faire passer le goulot notamment aux pays arabes de cette union méditerranéenne. Quelques semaines après les massacres sur Gaza, les docteurs Folamour ne manquent pas d’adrénaline !
Pour l’Allemagne, il s’agira par ce biais de réintégrer militairement ce grand concert. La question de l’intervention de l’armée allemande sur un sol étranger reste en Allemagne un sujet de débat virulant, plus de 60 ans après la fin de la seconde guerre mondiale. L’envoie en Afghanistan de la Bundeswehr avait provoqué de vives polémiques. En co-organisant avec la France ce sommet, l’Allemagne cherchera à jouer un rôle pour faire défendre ses intérêts économiques particuliers.

Le contre sommet à Strasbourg

Localement, déjà du côté allemand en 2002 et en 2006, la ville de Munich avait connu des conférences de l’Otan qui avaient suscité de vives manifestations. La ville de Strasbourg avait connu en été 2002, l’organisation d’un campement du réseau international No Border qui avait été l’occasion, un an après les manifestations de Gênes, de sortir de la logique du contre sommet et de prendre l’initiative de réunir une force de convergence et de contestation. De plus, la logique du contre sommet est largement intégrée dans nos mouvances depuis au moins Seattle en 1998.
Une coordination anti-Otan s’est mise en place en automne. Nous avons publié le mois précédent dans nos colonnes l’appel de la coordination. Si au début, les « organisé-e-s » des chapelles libertaires avaient un peu de mal à s’ouvrir plus largement, les initiatives et les discussions prennent l’ampleur que l’occasion mérite. Des militant-e-s de l’OCL y participent pleinement. Il s’agit dans cette coordination de pouvoir répondre à l’attente de la mouvance dite « radicale » avec des points de vue révolutionnaires en lien avec les mouvements sociaux. Plus largement, la coordination militent dans le réseau Dissent (www.dissent.fr) qui s’active uniquement lorsqu’il y a des sommets et des contre sommets.
Les mélodies de la cérémonie des sommets et contre-sommets sont maintenant bien connues. A côté d’une coordination « radicale » se trouve un collectif « modéré ». Pour cette occasion, le collectif anti-Otan regroupe les partis de gauche, les centrales syndicales et les affiliés (Attac, verts, NPA, PCF, FSU).
Les deux regroupements négocient actuellement en vue d’obtenir l’autorisation d’un tracé correct pour une manifestation le 4 avril et un terrain afin d’accueillir des campeurs courageux (on ne se sait jamais quel temps il peut faire en Alsace en Avril : on déjà vu les maillots mais le plus souvent c’est les moufles !) ! Mais, quand on veut ! On ne regarde pas le thermomètre !
De toute façon, d’autres initiatives seront prises en dehors des regroupements officiels. C’est cela aussi la mélodie des contre-sommets.
Aussi, nous verrons surgir toutes les structures nécessaires et habituelles : des groupes médicaux, une équipe légale, des mandatés de la presse, des inconnus et des connus, etc., etc.

Pourquoi encore faire des contre-sommets ?

En dehors des initiatives, ce sera l’occasion de faire des rencontres internationales (et même locales) intéressantes. La période politique et sociale que nous vivons ne manque pas d’intérêt pour cela. Les évènements en Grèce, en Italie, en Islande, en Espagne, en France intéressent plein de monde. Ces initiatives permettent ainsi de se rencontrer et de tisser des liens qui servent toujours à celles et ceux, qui en colère contre ce monde, cherchent à le changer.
Pour nous localement, c’est l’occasion de faire un boulot militant qui a un objectif et qui regroupe des personnes qui n’avaient pas toujours l’habitude de militer ensemble.
Et puis, même s’il y a celles et ceux qui ont déjà vécu des moments comme celui-là depuis que la ritournelle a pris forme, il y a toujours des personnes qui ne les ont pas vécus et qui ont envie de se nourrir du meilleur qui puisse sortir. Les mouvements sociaux de ces dernières années ont souvent été composés par des franges de la jeunesse qui n’ont pas tous connu le contre-sommet de Prague (premier véritable contre-sommet européen après Seattle) en 2000, il y a 8 ans.
Pour les grincheuses et grincheux qui se lassent à juste titre des évènements programmés, on pourra quand même souligner que ces moments où l’on parle politique sont quand même plus intéressants que le quotidien que l’on subit et que l’on tente d’oublier.

Pourquoi faire toujours des contre-sommets ?

En même temps, nous devons aussi rester sérieux dans nos affaires. Ces rendez-vous sont des rendez-vous annoncés où le rôle des chats et des souris émeutières est bien connu et le casting est déjà distribué. Nous ne sommes plus dans la fin des années 90, où les effets de surprise avaient réussi à annuler les sommets, et où le véritable engouement de la participation massive de chacun-e était valorisé par la surenchère d’intelligence que les petits groupes arrivaient à mener. A Strasbourg, la forteresse sera au mieux encerclée. Il serait surprenant, vu le dispositif policier et militaire, qu’elle soit assiégée. Croire le contraire, c’est comme penser que le père noël est communiste et qu’il distribue les mêmes cadeaux pour tout le monde ! On peut croire que cet activisme servira à renforcer les rapports de force, mais il ne faudrait pas penser non plus que l’activisme soit une fin politique en soi. On le voit en ce moment, où les soubassements grondent et où la colère est palpable, ce ne sera pas de belles photos insurrectionnelles qui nous permettrons de commencer à faire basculer ce monde. C’est malheureusement plus compliqué que cela.
Et puis, arriverons-nous à sortir du discours politique de la répression et de l’anti-répression de ces moments-là ? En réprimant, l’Etat sait qu’il concentre le discours politique uniquement sur l’anti-répression. De notre côté, nous savons que la factualité ne manque pas pour montrer en quoi les gestionnaires du capitalisme de gauche comme de droite sont prêts à tout pour maintenir l’équilibre.

Les enjeux de ce contre-sommet à Strasbourg

Avec l’officialisation de la crise économique, le modèle capitaliste comme voie unique s’est effondré. Les contre-sommets (notamment ceux du FMI, du G8 et de l’Union européenne) avaient été les lieux qui avaient exprimé un anticapitalisme assumé. Souvenons-nous des expressions cache-sexe qui étaient utilisées précédemment : néolibéralisme, loi de l’argent. Un des gains de ces mouvements a été d’avoir remis de la visibilité à la pieuvre. Il y aura donc bien à ce rendez-vous une légitimité renforcée qui lui donnera peut être l’occasion de réajuster le tir sur nos luttes à venir.
Notre actualité avec les insurrections en Grèce, en Islande, en Italie, en Espagne va se cristalliser dans l’atmosphère strasbourgeoise. On a jamais eu autant raison d’être en colère depuis bien longtemps. Qui sait ce que la patate chaude peut donner. On a vu les derniers mouvements sociaux déborder régulièrement les partis et les digues violentes qui enserrent la contestation. Si le fleuve de la contestation pouvait débuter en inondant les plaines du Bade-Wurtenberg et alsacienne, ce serait l’occasion d’un nouveau départ. Bref, du 1 au 4 avril, il y a Strasbourg un rendez-vous. Manqué ou pas, il restera un rendez-vous ! Où en seront-nous dans nos différents mouvements ? Il semble qu’heureusement quelques semaines avant, beaucoup de choses pourront encore se passer et feront que politiquement il soit plus intéressant d’agir « chez soi ». Ce qui fait que nous en tant que StrasbourgeoisEs, nous savons où nous serons : dans les rues bien connues de notre ville ou dans les alentours !

Des militantEs StrasbourgeoisES contre l’Otan

(1) Courant Alternatif n°176-janvier 2008- Le Pakistan, Bhutto et les Etats-Unis, p4

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