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LUTTE CONTRE LE TGV au Pays Basque Sud

samedi 11 octobre 2008, par Courant Alternatif


L’État espagnol et les gouvernements régionaux, dopés par les fonds structurels européens, se sont lancés depuis plus de 10 ans dans une politique tous azimuts de construction d’infrastructures, et en particulier dans la réalisation de lignes à grande vitesse à vocation européenne. Le Plan Stratégique d’Infrastructures et de Transports (PEIT) mis en place par le gouvernement de Zapatero vise à achever les projets déjà engagés par son prédécesseur Aznar : il s’agit de consacrer 15 milliards d’euros par an au rail, de 2005 à 2020, 10 000 kilomètres de lignes devant être à « hautes prestations » en 2020 (c’est à dire aptes à plus de 200-250 km/heure, acceptant un trafic mixte, comportant deux voies électrifiées et l’écartement international). Ce plan impressionnant prévoit de relier Madrid en 2h.30 aux grandes cités provinciales, de réaliser trois jonctions avec la France (Ouest, Centre et Est) et deux avec le Portugal.

Le projet de TGV en forme d’Y"au Pays Basque Sud

Le TGV devant relier Paris à Madrid par l’Aquitaine et le Pays basque, Nord et Sud, fait partie de ce plan. Au Pays Basque Nord, le projet du tronçon Dax-frontière rencontre l’opposition de comités actifs qui refusent la création de voies nouvelles, considérant à juste titre que l’équipement ferroviaire existant est très fortement sous-employé et pourrait convenir parfaitement, après quelques aménagements minimes, à la circulation aussi bien de trains à grande vitesse que de convois de marchandises. Au Pays Basque Sud, le TGV a été envisagé par les autorités sous la forme d’un "Y" long de 170 kilomètres, destiné à relier par des voies entièrement nouvelles les capitales des trois provinces (Saint Sébastien, Bilbao, Vitoria), avec une branche navarraise vers Pampelune et Saragosse, et à rejoindre d’une part Barcelone, d’autre part Madrid. Les opposants au TGV, organisés dans l’"Assemblée contre le TGV" et dans le Collectif AHT Gelditu ! Elkarlana (Action solidaire pour l’arrêt du TGV) remettent fondamentalement en cause le projet même de grande vitesse, et la mobilisation est si intense que la mise en place du programme prend du retard (le ministère basque des Transports souhaitait voir le Y Basque opérationnel pour 2010) ; sans compter que les problèmes techniques rencontrés (des tunnels sont prévus sur 66% du tracé, des ponts, etc.) ont déjà alourdi la facture financière.

L’"ASSEMBLEE CONTRE LE TGV" explique les raisons de la lutte

L’"Assemblée contre le TGV" existe depuis 15 ans et a exposé en de nombreuses occasions les raisons de son opposition au TGV : l’impact écologique et social, énorme et destructeur, et sa très grave incidence sur le modèle même de société. A ces raisons fondamentales, s’ajoute la résistance indispensable face à la désinformation entretenue par les promoteurs institutionnels du projet et à leur acharnement à l’imposer coûte que coûte par l’autoritarisme et la force. Voici en quelques lignes les positions de ces militant-es.

Le TGV rapproche ce qui est éloigné et éloigne ce qui est proche : "Tous les jours nous allons plus vite n’importe où".

Le TGV est une infrastructure gigantesque. Là où il passe, il détruit des terres, gaspille des ressources matérielles et énergétiques, altère des équilibres écologiques, tend à concentrer la population dans les grandes villes. Ce train à grande vitesse est autant le résultat que la source indispensable du modèle économique "développementiste", fondé sur un accroissement sans fin des transports et sur le gaspillage au service de la concentration de la richesse et de l’extension de la pauvreté. TGV=Plus de rapidité, plus de voitures, plus de camions, plus d’autoroutes, plus de superports, plus d’aéroports, plus de centrales nucléaires, thermiques, éoliennes, plus de barrages, plus de gazoducs, plus de lignes à haute tension, plus de gaspillage énergétique, plus de villes et de métropoles. C’est le monde du ciment et du bitume.


Non seulement le TGV représente une agression féroce contre l’environnement, mais il a aussi un impact désastreux au niveau socio-économique et culturel. Le train à grande vitesse fait partie d’un vaste plan d’infrastructures de transports indispensables à l’impulsion du marché européen et à la globalisation économique. Ce plan, qui s’affiche progressiste et moderne, produira des dégâts sociaux plus grands et accroîtra les inégalités.

D’énormes ressources publiques sont gaspillées dans la création d’infrastructures gigantesques et très coûteuses, et parallèlement, on assiste à une réduction des dépenses à caractère social.

Le TGV concerne uniquement la connexion rapide entre les capitales. Ceux qui subiront ses impacts négatifs en matière d’économie, d’environnement, de qualité de la vie, ce sont les communes rurales et les commerces intermédiaires qui serviront de simple support physique. Le TGV renforce les déséquilibres territoriaux, la centralisation et la concentration des investissements et de la population dans les grandes agglomérations. Il met en péril la survie du milieu agricole et rural, provoquant la perte de terres cultivables, la désertification des campagnes et renforçant la division campagne-ville.

Les grandes infrastructures révèlent de façon très claire la volonté de dominer la nature et de reproduire une société hiérarchisée et militarisée dans un monde où règnent la loi du marché et celle du plus fort et du plus riche. Le projet de TGV représente une entreprise colossale et requiert le développement de technologies très sophistiquées, qui sont à la portée de très grandes firmes seulement. L’éloignement des centres de décision économique et politique rend encore plus difficiles le contrôle et l’intervention des gens sur leurs conditions de vie et sur les problèmes qui les touchent. Le TGV signifie une plus grande dépendance de centres de pouvoir totalement étrangers à notre identité sociale et culturelle et creusera davantage le fossé qui sépare les pays du Centre développé et la Périphérie appauvrie et exploitée.

Le TGV réduit quasi exclusivement au facteur temps une réalité complexe. C’est un exemple emblématique d’un type de société et d’une idéologie de la modernité fondés sur la vitesse, la compétitivité, la consommation, l’absence de solidarité et un individualisme féroce. Notre époque peut avoir la certitude d’une chose, au moins : c’est qu’on ne constate pas une relation de cause à effet entre "développement", accroissement de la vitesse des transports, et émancipation sociale et culturelle ; il apparaît évident, bien au contraire, que la vie proprement dite, la vie individuelle ou la vie collective (faite de coutumes, d’échanges, de sensibilité, de créativité) va dans le sens d’une détérioration progressive.

Intimement liés au développement du TGV, des faits affectent gravement le futur du transport ferroviaire public : compression de personnel, fermeture de petites gares, abandon progressif de services et du concept même de Service Public. Le TGV relèguera à la marge, comme il l’a fait dans d’autres lieux, l’accessibilité du train conventionnel à la majorité de la population. De plus, il n’apportera aucune solution aux problèmes provoqués par le transport routier, mais renforcera un modèle économique, social, territorial et un mode de vie qui stimulent les demandes de transport et de mobilité sous toutes leurs formes, augmentant globalement les dégâts écologiques et sociaux provoqués par les transports.

L’"Assemblée contre le TGV" exige l’arrêt de la construction du TGV et des autres grandes infrastructures et l’ouverture d’un processus de débat social, continu et participatif, créant progressivement les bases d’un nouveau modèle social.

A travers un conflit d’une telle importance, il convient d’interroger et de contester le modèle de développement qu’on cherche à nous imposer, et qui provoque des nuisances brutales et irréversibles.

Cette lutte contre le TGV représente un enjeu susceptible d’amener un changement radical de valeurs dans l’organisation économique, sociale et politique ; il s’agit de satisfaire les besoins humains en respectant la nature et de favoriser l’autonomie des individus comme des peuples. Cette aspiration n’a en rien un caractère isolationniste ; au contraire, elle rejoint les luttes similaires que mènent plusieurs mouvements sociaux, dans divers endroits de la planète, aussi bien que dans nos villages et quartiers.

Actualité de 15 années de lutte contre le TGV

Voici 15 ans que se poursuit la lutte contre le projet de Train à Grande Vitesse au Pays Basque Sud. Ses promoteurs ont commencé les travaux, et il convient d’évoquer les traits principaux de ce conflit vaste et complexe.
L’"Y basque" prétend relier d’une part les réseaux ferroviaires de la grande vitesse espagnole et française par Irun, d’autre part les capitales basques entre elles. Sa construction, longtemps freinée, a finalement débuté dans les trois provinces (Alaba, Biscaye, Guipuzkoa) ; mais aujourd’hui encore, on ne peut pas dire que le projet démarre très fort…
En Alaba, les travaux – ce sont les premiers qui ont commencé, à la fin du printemps 2006 – s’effectuent dans la zone qui, en principe, devait présenter le moins de difficultés au ministère des Travaux publics. Le terrain est quasiment plat et les habitants vivent dans des petites communes et ont une moyenne d’âge très élevée. C’est là où le projet du TGV avance avec le moins de problèmes, malgré une certaine opposition locale.
En Biscaye et en Guipuzkoa, en revanche, de nombreux travaux préliminaires prévus sur le terrain et destinés à la construction du TGV (mesures, sondages géotechniques...) ont rencontré de sérieux obstacles. Et l’infrastructure se retrouve plus embourbée. En Guipuzkoa, une des sections (Ordizia-Itsasondo) a été commencée, avec une piste d’accès pour les engins qui doivent réaliser un tunnel de quelque trois kilomètres.
En Biscaye, après une annonce en fanfare, le 30 mai, du début des travaux de la section Basauri-Galdakao, deux excavatrices sont venues déplacer de la terre au village de Zamaroto ; personne ne les a revues par la suite, mais il semble que la venue des engins soit imminente. Enfin, signalons que "le couloir navarrais" (connexion de l’"Y basque" avec l’axe méditerranéen par Pampelune/Saragosse) avance apparemment à grand-peine, malgré les efforts déployés par le gouvernement foral pour faire hâter les formalités.
Les expropriations forcées pour l’exécution de l’"Y basque" sont fortement ralenties grâce à l’opposition d’une bonne partie des municipalités affectées, ainsi qu’aux actions de protestation menées par les opposants au TGV. Ces résistances ont pour effet de suspendre les actes pris par le ministère des Travaux publics dans diverses mairies. Pour mener à bien les formalités, le Ministère est finalement en train de se substituer aux municipalités dans le processus des expropriations en créant des sous-délégations du gouvernement.
Cela permet ainsi aux délégués du Gouvernement, nommés et supervisés par Madrid, d’imposer leur volonté aux populations qui ont manifesté massivement leur refus du projet par le biais de consultations populaires (dans les petites villes d’Urbina, Aramaio, Elorrio, Anoeta...).
A son tour, le Gouvernement basque exerce des pressions et fait du chantage auprès des propriétaires affectés, recourant à des malversations de fonds publics pour obtenir d’eux des "accords préalables", ce qui lui permet de commencer les travaux sans avoir bouclé le processus légal d’expropriation.
Au cours des deux dernières années, en particulier à partir du foyer de résistance qui s’est constitué et maintenu à Urbina du 4 novembre 2006 au 7 janvier 2007, de plus en plus de personnes et de collectifs se sont joints à la lutte anti-TGV, qui a fini par devenir une question essentielle dans la société basque. Résistances aux expropriations, actions de dénonciation du projet, sabotages commis contre les entreprises impliquées, nombreuses marches organisées vers les zones menacées par le tracé, manifestations innombrables…il est indéniable qu’il y a un réel malaise à propos du TGV. Au point que les promoteurs du train à grande vitesse ont eu recours à une double campagne d’intoxication : propagande mensongère sur les supposés mérites du projet et criminalisation des opposants. Certains médias espagnols ont même suggéré que des personnes de la plateforme AHT Gelditu ! Elkarlana (Action solidaire pour l’arrêt du TGV) étaient liées à ETA.
Ce qui risque d’arriver, ces mois-ci, c’est que les promoteurs de l’infrastructure la plus grande et la plus destructrice jamais projetée sur le sol basque essaient d’accélérer le déroulement des travaux. Mais ils vont rencontrer un obstacle de taille. L’opposition au TGV s’est déjà organisée dans chaque zone du tracé en prévision de ce qui peut se passer.

Kristine,
à partir de textes de "Assemblée contre le TGV"

Article de l’"Assemblée contre le TGV paru dans le Journal Diagonal (Madrid)
www.sindominio.net/ahtez/

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3 Messages

  • LUTTE CONTRE LE TGV au Pays Basque Sud

    19 mai 2009 16:22, par vidalde

    Bonjour,
    Je dois vous avouer que cet article me surprend. En effet, j’arrive avec peine à imaginer une opposition aussi farouche à une ligne de chemin de fer. J’ai moi-même milité avec des décroissants au niveau micro local contre des expulsions, contre le tout bagnole en ville, contre la droite, etc...
    Bref, et pourtant je suis pour cette ligne ferroviaire. Je suis pour qu’on arrête le mur de camion entre Bordeaux et le Pays Basque, qui est lui par contre le fruit d’un capitalisme féroce, sans règle.
    En l’absence d’incitation et de chantiers publics, qui permettent d’ailleurs de donner du travail aux locaux parce que la construction d’une ligne ne peut pas être délocalisée (et pour cause), on utilise des camions pour transporter des marchandises, et sa bagnole pour aller voir sa grand mère.
    Là justement on veut construire une nouvelle ligne de chemin de fer qui soit connectée au réseau français et européen, ce qui n’est pas le cas actuellement (il existe une rupture de charge obligatoire à Irun, d’où d’ailleurs le mur de camions suscité), afin d’inciter les usagers à utiliser le train et à laisser leur voiture chez eux ou à la casse. Dès lors que la connexion ferroviaire sera effective, l’argument de la sous exploitation ne tiendra plus debout : la demande d’utilisation de la ligne de chemin de fer sera suffisamment haute pour justifier un tel investissement.

    C’est pour ça que je ne comprends pas cet article et que je le troue presque choquant. Pourquoi ne pas réagir contre les projets routiers ? Pourquoi ne pas pousser une gueulante contre le nouveau circuit de F1 dans les Yvelines, ce qui est la plus grosse aberration écologique de l’année ? ou contre l’autoroute Langon-Pau ?
    Pourquoi ?

    Tout simplement parce que cette ligne à grande vitesse concerne le Pays Basque, et qu’elle touche à votre territoire. Le reste, vous-vous en tamponnez le coquillard, si vous me passez l’expression.

    Pour être tout à fait franc, à la lecture de cet article j’ai eu l’impression que je lisais le compte rendu d’une assemblée de pseudo néo-ruraux péri-urbains qui, alors qu’ils font 50 bornes de voitures par jour pour aller travailler en ville et avoir une maisonnette avec jardin, se découvrent subitement une conscience écologique lorsqu’on leur dit qu’on va construire une nouvelle voie ferroviaire de fret à côté de chez eux pour acheminer les biens d’équipements qu’ils vont ensuite s’empresser d’aller acheter au centre ville pendant les soldes.

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    • LUTTE CONTRE LE TGV au Pays Basque Sud 19 mai 2009 23:52, par Votre nom (ou pseudonyme) :

      tiens ?

      Donc t’es pour que les camions montent dans le TGV ?
      T’as déjà vus des camions sur une ligne TGV ?

      Mais au fait il roule à quoi le TGV ? Au colza ? Non c’est éléctrique ! Donc t’es pour le nucléaire ? Non des panneau solaire sur le toit des TGV !

      ah ben BRAVO !

      Donc en gros t’es pour cette ligne TGV pour que les camions montent dedans.
      Mais les camion il transporte quoi ? Des marchandises qui sont produites ailleurs ! Le plus simple et surtout le plus écologique ça ne serait pas une production locale, avec une consomation locale ? un relocalisationde la production. La il n’y aurait plus de camion du tout, ou alors sur de courte distance.

      Et tu parles de lutte contre des projets, genre le circuit F1 en IDF, l’autoroute Langon Pau. Mais tu ne parle pas des infrastructures pharaonique qui sont construites dans les pays du golf. Le grand prix de F1 de Malaysie qui se fait en nocturne.... pour tu ne parles pas de tout ça.
      Peut etre parce que tu ne vis pas labas et que tu t’en tamponnes le coquillard.

      Ben je sais pas, l’auteur est Basque, il parles du pays basque. C’est une citadine tu parle de tes problème de citadine.
      L’article retrace une lutte. Toi qui lutte contre des projet d’infrastructure tu devrais reconnaitre ce genre de chose.
      Moi je trouve cet article très bien.
      En plus quand tu dis "et qu’elle touche à votre territoire" je ne sais pas si tu parles que de l’auteur, mais CA à deja produit des textes, contre une mutitude d’infrastructure, nucléaire, port, aéroport etc...

      allez vidalde, destress, toi aussi t’aura ton jardin ...

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    • décroissance réformiste ou décroissance révolutionnaire ?
      Le problème c’est de remettre en cause l’ensemble des infrastructures qui permettent aux marchandises et aux gestionnaires du capital de se déplacer pas de vouloir le moins pire et de se trouver choquer par ceux qui s’opposent au moins pire.
      Y a pas à choisir entre TGV qui veut concurencer l’avion en passant à travers des 10aines de kilomètres de tunnels et une autoroute bourrée de camions et de gens qui partent une semaine en vacances.
      Y a pas à choisir entre une centrale nucléaire et un champ d’éoliennes industrielles immense.
      Y a pas à choisir entre du bois de construction qui a poussé dans une foret industrielle où il n’existe rien d’autre que ce bois là et des parpaings tout dégueux.
      Tout ça on ne choisit pas, on a pas prise sur ces décisions là et je trouve normal que ceux qui se trouvent en premiers touchés par ces infrastructures totalement décalés par rapport à ce qu’on pourrai imaginer en voulant remplir nos besoins, où qu’ils soient les combattent.

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