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Edito 182 été 2008

mardi 15 juillet 2008, par Courant Alternatif


C’est une politique en parfaite adéquation avec leur projet capitaliste libéral que mènent le gouvernement et le patronat français, qui font passer, sans états d’âme, leur rouleau compresseur sur les salariés et les chômeurs, sur les petits paysans et pêcheurs.
Les services publics sont saignés à blanc avant leur liquidation totale. Les suppressions de postes par dizaines de milliers dans l’Education Nationale, les hôpitaux de proximité menacés de fermeture en sont des exemples flagrants parmi bien d’autres. Et le grand nettoyage dans le secteur public doit encore se poursuivre...La notion même de services publics - c’est-à-dire une offre de formation, de soins, de transports, d’énergie, de communication ... assurée à tous gratuitement et à la portée de tous - est complètement remise en cause, projet de fait jamais réalisé !
Les attaques contre les demandeurs d’emploi se mènent simultanément. Un projet de loi institue leurs "nouveaux devoirs" : ils devront s’engager à ne pas refuser plus de deux offres d’emploi "raisonnables" sous peine d’une radiation de deux mois les privant de tous leurs droits ; ils devront accepter, après un an de chômage, toute offre dont le salaire sera au moins équivalent au montant de leur allocation et, après six mois de chômage, toute offre située à moins de 30 kilomètres de leur domicile ou une heure de transport en commun. Aucune distinction n’étant faite entre les CDI, les CDD, les missions d’intérim ou les vacations, toute "offre" devient "raisonnable", donc nécessairement acceptable, qu’elle soit durable ou précaire. Obliger quelqu’un à accepter n’importe quel travail, à n’importe quelle condition et à n’importe quel prix, voilà une image tout à fait "modernisée" de l’exploitation.
A cela s’ajoute la totale remise en cause de la réduction du temps de travail, avec la pulvérisation pure et simple des 35h autorisant chaque patron à imposer 48h, pour peu que les syndicats représentant 30% des salariés en soient d’accord. Et pourquoi pas 60 ou 65h, puisque c’est le plafond horaire, autorisé par dérogation, sur lequel les ministres des affaires sociales de l’Union européenne se sont entendus.
Et on ne parle pas des atteintes au droit de grève, ni du service minimum imposé dans les transports et à l’école, ni de l’augmentation de la durée de cotisation retraites, ni de... la somme impressionnante de toutes les nouvelles mesures de régression sociale prises en un an, dans la suite logique de la politique libérale menée depuis plus de 20 ans.
Les attaques sont si nombreuses et si graves, et le pouvoir les mène à une telle cadence qu’on pourrait croire la société complètement "sonnée". Ce n’est pas tout à fait le cas, heureusement ; les ripostes sont nombreuses, mais éparpillées et elles sont évidemment défensives et pas vraiment à la hauteur des enjeux.
En tout cas, il est clair que les salariés sont de plus en plus excédés par les appels des syndicats à des grèves d’une journée (six en un peu plus d’un mois), surtout lorsqu’elles sont déclenchées à contre temps, indépendamment du développement des luttes et en séparant public et privé, personnels de l’Education et autres salariés, et que des occasions de rendez-vous unitaire sont manquées (intentionnellement évidemment).
Les dirigeants syndicaux sont occupés essentielle-ment à spéculer sur leur représentativité et leur financement, l’œil rivé sur les élections prudhommales de décembre prochain, à s’engluer dans leur rôle de partenaires pragmatiques et responsables avec le pouvoir politique et patronal : ils ont joué le jeu du "dialogue" ("plutôt que la confrontation", s’est félicité Thibault de la CGT), et le pouvoir a joué la carte de la "concertation" ; par absence de rapport de force, ce dernier a fait valider sans peine sur tous les terrains ses réformes. Et les cris des responsables de la CFDT et de la CGT contre la prétendue « trahison » du gouvernement à propos de la liquidation des 35h ne suffiront pas à redorer leur blason.
Si le gouvernement n’affiche que mépris et cynisme à l’égard des mouvements sociaux, il se soucie de la tournure non conventionnelle de certaines résistances et s’ingénie à renforcer ses outils de contrôle et de répression. Il est vrai que se mènent des luttes très dynamiques et aux allures nouvelles : solidarités faisant éclater les séparations corporatistes, grévistes épaulés par des collectifs de soutien, occupations de lieux, actions s’inscrivant dans la durée et s’organisant pour cela. Les grèves des ouvriers dits « sans-papiers » sont à ce titre remarquables, même si elles risquent de déboucher sur des résultats partiels. Cependant tous ces combats déterminés restent circonscrits géographiquement, peuvent déboucher sur des victoires locales mais ne semblent pas avoir de perspective globale et ne parviennent pas à embrayer pour l’instant sur une amplification et une généralisation de la mobilisation.
Face à la réalité d’une politique antisociale des plus agressive, accompagnée d’une politique répressive que le pouvoir peaufine pour tenter de faire taire la contestation et la combativité, les mouvements se ranimeront très certainement après la pause de l’été. Il faudra faire le bilan des aspects positifs et des manques des actions menées ces derniers mois et avoir à l’esprit que la jonction des luttes est indispensable. Elle se prépare et se construit dès maintenant.

Pays Basque, le 29 juin 2008

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