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Edito 180 Mai 2008

mardi 13 mai 2008, par Courant Alternatif


A propos des luttes sociales actuelles

Actuellement, deux mouvements sociaux d’ampleur ont lieu en France :
Le mouvement des sans papiers.
La résistance contre des mesures gouvernementales concernant l’éducation.

Les luttes dans l’éducation sont devenues ces dernières années une « constante » ; elles tendent à répondre aux attaques du pouvoir qui veut la rentabiliser et casser ce secteur public et le statut des personnels. Nous ignorons si ce mouvement réussira à passer les vacances de printemps et s’il réussira à entraîner massivement la jeunesse scolarisée dans la rue, dans les occupations de lycées… seules conditions pour faire reculer le pouvoir. Par contre, nous pensons que ce mouvement naissant porte malheureusement en germes sa propre dégénérescence en demandant à l’ensemble des syndicats lycéens et enseignants d’appeler à une grève nationale reconductible au plus tard le 15 mai. Nous venons d’apprendre que nous aurons droit à une grève de 24h. … le 15 mai ; quant à sa reconduction, elle ne dépend que de la mobilisation à la base tout en sachant que les syndicats enseignants siffleront la fin de la récréation à l’approche du bac. Rappelons ici que le Pouvoir ne peut pas se permettre de supprimer une année scolaire et en cas de mouvement important remettant en cause directement ou indirectement la tenue des examens prévus, il sera contraint de délivrer massivement ses diplômes comme il a fait en 68 et dans une certaine mesure lors du mouvement « anti-CPE » de 2006 où les taux de réussite ont battu tous les records. Alors, les jeunes, on fout le bordel, on prend son pied, on discute collectivement, on prend le temps de lire et de réfléchir !?

En ce qui concerne les sans papiers, il faut déjà éviter de prendre pour argent comptant ce qu’en disent les médias, le mensonge existant aussi par omission. Qui a entendu parler ou lu dans la grande presse ce qui se passait dans les centres de rétention administrative depuis plusieurs mois ? Aujourd’hui, autant qu’au 15 janvier 2008 (date de la mobilisation nationale), des luttes individuelles et collectives ont lieu dans les centres de rétention, lieux d’enfermement, avant la reconduite à la frontière, de sans papiers. Ces luttes sont autant des grèves de la faim que des refus d’obéissance collectifs. A noter que le 20 mai 2008, un projet va être soumis au Parlement européen qui prévoit, entre autres, que l’enfermement des étrangers pourra atteindre 1 an et demi et l’interdiction, pour les étrangers reconduits aux frontières, de revenir en Europe pendant 5 ans. Notons tout de suite, que la gauche européenne fait tout pour restreindre l’enfermement à 3 mois alors qu’en France elle est encore limitée à 32 jours !
A ce jour, l’actualité est la lutte de plus de 600 sans papiers travailleurs dans la restauration, le nettoyage et dans une moindre mesure le bâtiment, en région parisienne. Ils se sont mis en grève progressivement à partir du 15 avril, bien encadrés et organisés matériellement par des structures syndicales (surtout la CGT), ce qui est logique car ce sont les seules structures permanentes qui ont des moyens matériels à mettre à disposition des salariés (sous certaines conditions, évidemment !) qui luttent contre leur exploitation. Au départ ces luttes, dans une douzaine de sites, n’ont donc pas été spontanées. Elles sont nées de différents faits convergents tous vers un espace possible de lutte pour la régularisation :
Des luttes antérieures aboutissants à des régularisations : Modéluxe, Buffalo Grill, le restaurant « la grande armée » présentées sans retenue (par la CGT et l’association « Droits Devant ! ») comme étant des victoires alors que ces victoires laissaient certains sur le carreau (« on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs », c’est bien connu !).
Un patronat qui n’arrive plus dans certains secteurs économiques à trouver une main d’œuvre corvéable à merci et qui redoute de fermer certaines entreprises devant l’intransigeance du pouvoir politique à vouloir faire la chasse à tous les sans papiers. C’est ainsi que certains patrons sont amenés à soutenir leurs travailleurs grévistes… non par humanisme … évidemment !
Un refus de plus en plus important de situations d’esclavage durant depuis des années, avec en plus la peur au ventre de se faire arrêter à tout moment par une descente de flics sur les lieux de travail ou un contrôle au faciès dans la rue ou le métro. Dans ce cadre quotidien insupportable certains estiment ne plus avoir rien à perdre.
Cela faisait des décennies que le pouvoir politique, de droite comme de gauche, faisait semblant de s’attaquer aux patrons du bâtiment, des services, de la restauration, de l’agriculture, du prêt-à-porter, … Mais, pour des besoins politiciens évidents, ce pouvoir n’a pas mesuré les conséquences que pouvait avoir sa phobie des sans papiers. Cela est en train de lui péter à la gueule. Il n’a actuellement qu’une seule réponse : régulariser au cas par cas les sans papiers les plus méritants tout en laissant intacte sa politique migratoire.
Cette lutte est une grande première en France (il y en a eu d’autres, en particulier celle des clandestins mexicains aux USA) et elle doit impliquer toute notre solidarité. Nous devons aider à ce que cette lutte ne concerne pas seulement quelques centaines de travailleurs mais des dizaines de milliers, tout en maintenant l’objectif de régularisation de tous les sans papiers (pas seulement travailleurs, ni parents d’enfants scolarisés). Nous devons œuvrer à battre en brèche la politique de l’Europe forteresse qui se constitue et faire en sorte que la lutte pour la liberté de circulation et d’installation ait enfin des débouchés.
A ce jour, le pouvoir, pris dans son propre piège, va être contraint de régulariser quelques centaines de personnes méritantes sur l’autel du capital ! Ces régularisations, au cas par cas, ne sont pas des victoires même partielles devant l’ampleur des dégâts humains ; laissons ce triomphalisme aux pompiers historiques des luttes sociales dont se sert naturellement le pouvoir afin de limiter ce mouvement social. Ne soyons pas dupes car même si le pouvoir est contraint de régulariser un jour, sous l’énorme pression des luttes, des dizaines de milliers de sans papiers, il y aura toujours des exclus… cela se fera toujours au cas par cas, et dans quelques mois le « stock » de sans papiers dont « notre » capitalisme a besoin, se sera reconstitué.
La lutte pour la liberté de circulation et d’installation ne trouvera jamais de solution dans le cadre de cette société !

OCL Reims, le 26/04/08

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