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AFGHANISTAN : LES PREMIERES LEçONS DE DEMOCRATIE À L’OCCIDENTALE

mercredi 1er décembre 2004, par Courant Alternatif

Oh surprise, le 4 novembre dernier, Hamid Karzaï a été déclaré élu — haut la main — lors des premières élections « libres » depuis l’invasion du pays par les forces de la coalition anti-Ben Laden (Américains, Européens – dont des troupes françaises).


La proximité du président Karzaï avec la famille Bush n’a évidemment pas eu d’influence sur le sort des élections qui se sont déroulées le 9 octobre. Pas plus d’ailleurs que son ancien poste de conseiller auprès de la société pétrolière américaine Unocal. Les 18 candidats auront tous bénéficié de l’assistance de Awaz, une maison de production installée à Kaboul et subventionnée par l’ONU, pour la réalisation de clips électoraux vidéo et audio ; soit le nec plus ultra de la communication politicienne en matière de démocratie civilisée. De l’image, du son, du marketing politique, des promesses et des slogans creux, les Afghans vont vite apprendre les règles de base du débat démocratique.

Bien sûr, les mauvaises langues ont tenté de ternir le travail civilisateur de l’Occident en émettant quelques doutes sur le sérieux du scrutin, comme par exemple un nombre d’électeurs largement supérieur aux capacités évaluées par la démographie du pays. Le nombre très important d’électeurs potentiels s’est traduit sur le terrain par des chiffres délirants. Ainsi, la province du Panjsher compte 200 % d’inscrits, Djalâlâbâd 140 %. Aucun moyen ne permet d’empêcher une personne de s’inscrire sous plusieurs identités. La campagne électorale aura également été marquée par des achats massifs de voix à grand renfort de monnaie sonnante et trébuchante, de sacs de riz, de vêtements. A ce petit jeu, Karzaï bénéficiait évidemment de moyens financiers bien plus important que les autres candidats. Parmi ceux-ci, quatorze ont également porté plainte pour fraude en raison d’un problème d’encre censée prouver le vote et qui en fait s’effaçait, ce qui a permis à certains de voter plusieurs fois. Mais rapidement les choses sont rentrées dans l’ordre à coup de promesses de postes ministériels dans le futur gouvernement. Rachid Dostom et d’autres candidats, qui avaient également porté plainte, ont aussi été reçus par l’ambassadeur américain. Ils ont retiré leur plainte. Dostom est l’un des derniers chefs de guerre en Afghanistan. Installé dans le nord-ouest du pays, il fait la loi et l’ordre dans sa région. Sa capitale, Shibergan est son royaume. Dostom est soupçonné de nombreux crimes de guerre. Selon un conseiller de Karzaï, « Les Américains lui ont mis le marché en main : tu conserves tes droits sur ta province et tu retires ta plainte. Sinon, nous te retirons ton pouvoir ».

Bref, tellement confiante dans une victoire de Karzaï au premier tour, l’ONU, qui parrainait le processus électoral, n’avait pas prévu de financement pour un éventuel deuxième tour.

Il faut imposer la démocratie et la civilisation dans les pays de l’axe du mal, disait l’autre : en tout cas, cela commence bien pour l’Afghanistan…

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