Accueil > Courant Alternatif > *LE MENSUEL : anciens numéros* > Courant Alternatif 2005 > 146 Fevrier 2005 > La Confédération Européenne des Syndicats (C E S) et le traité de (...)

La Confédération Européenne des Syndicats (C E S) et le traité de constitution européenne

dimanche 6 février 2005, par Courant Alternatif

Lors du débat « interne » au parti socialiste concernant l’adoption ou le rejet du traité constitutionnel qui sera prochainement soumis à référendum, la CES a souvent été cité comme faire valoir par les partisans du oui au traité.


LA CES

Elle a été crée officiellement en 1973. Précédemment, deux structures syndicales internationales servaient de référence. Affrontement inter capitaliste oblige. Les pays occidentaux avaient la CISL (Confédération internationale des syndicats libres) regroupement d’organisations syndicales sociales démocrates souvent anti-communistes faisant contre poids à l’influence de la FSM (Fédération Syndicale Mondiale) syndicats dits de lutte de classe s’opposant au capitalisme sous influence communiste mais surtout sous le giron de Moscou. En France on avait le syndicat F.O (Force Ouvrière) financé après guerre notamment par la CIA américaine, affilié à la CISL pour contre balancer, au côté du syndicat chrétien (CFTC) l’hégémonie de la puissante CGT membre de la FSM et l’influence communiste.

Dans les années d’après guerre, 1950, les syndicats de la CISL décident de se rapprocher. Sous l’influence de la France et de l’Allemagne, l’Europe commence à prendre forme avec la création de la CECA (Communauté Européenne de Charbon et de l’Acier). Une vingtaine de syndicats se regroupent. Après le traité de Rome 1958, un secrétariat européen voit le jour. La plupart des syndicats ou confédérations affiliés sont sociaux démocrates, empreints de réformisme gestionnaire à l’exemple des allemands. Ce n’est que dans les années 1975 que les syndicats chrétiens démocrates adhèreront à la CES (CFTC ou, pour la CFDT : 1974). L’implosion du capitalisme d’état des pays de l’Est européen conduira nombre de syndicats de l’ex FSM, à rejoindre la CES. Ce sera le cas en France de la CGT qui adhérera en 1999 cooptée par la CFDT. A ce jour, la CES regroupe 77 organisations membres de 25 pays, 11 fédérations syndicales soit plus de 60 millions de membres.

Bureaucratie intégrée de longue date dans les différentes instances européennes, technocrates syndicaux siégeant dans diverses commissions, accompagnant dès ses débuts et la communauté européenne puis l’Union Européenne la logique de cogestion s’est faite naturellement. Plus que jamais, la CES, apparaît comme un partenaire de collaboration et de régulation entre le capital et le monde du travail. Ce partenariat est payé de retour à sa juste valeur puisque l’U.E. la finance à 75% le reste provenant des organisations elles-mêmes. Peut-on parler de la CES comme d’une confédération syndicale supra nationale ?

Empreint de réformisme, elle épouse dès les années 1970 l’orientation néo-libérale qui déferle aujourd’hui. Cet esprit de régulation prend corps dans « le secrétariat des partenaires sociaux », lieu où se réunissent bureaucrates et patronat européen. La CES et l’UNICE (organisation patronale européenne) collaborent et élaborent la législation sociale européenne sur le dos des travailleurs. Il n’est pas étonnant que la CES ait accompagné toutes les mesures anti-sociales du patronat depuis ces quinze dernières années : précarité, flexibilité, casse des services publics et tant d’autres saloperies.

On peut considérer qu’appendice des institutions européennes, elle joue un rôle clé dans le dispositif de généralisation de l’offensive libérale actuelle. De par ses rapports avec les confédérations nationales, il y a une dynamique d’influence réciproque et de convergence sur le syndicalisme, l’action syndicale et son immobilisme ainsi que sur la revendication à porter. Elle est un rouage d’intégration reconnue (sommet d’Amsterdam 1997) en qualité d’interlocutrice dans le domaine social. A ce titre elle participe donc à diverses activités de commissions ainsi qu’à la préparation des sommets européens.

Dans ce cadre, elle se déclare favorable au projet de la constitution européenne qui sera soumise à référendum dans les mois à venir en France. Ainsi dès le 13 Juillet, à Bruxelles où était réuni son comité directeur, ce dernier annonçait « La CES, a accordé un soutien ferme à la version du projet de traité sur lequel les dirigeants européens s’étaient mis d’accords en Juin dernier. » Son secrétaire général J Monks d’ajouter « La nouvelle constitution européenne est-elle meilleure que ce que nous avons maintenant ? La réponse est indubitablement OUI ! ». Ainsi, le comité directeur dès le 15 Juillet a salué les « percées » sur le dialogue social, la reconnaissance de l’égalité des genres et droits des minorités, et bien sûr la prise en compte des droits fondamentaux. Notons le fonctionnement démocratique de la CES dans ses instances suprêmes. Est-ce nécessaire dans tant de connivences incontrôlées par les travailleurs, et favorisées par les bureaucraties appâtées par le fric et les avantages qu’en retirent les dirigeants. Ces prises de positions ne reposent sur aucun débat préalable dans les instances de la CES. Après la prise de position du comité directeur, le comité exécutif plus représentatif de l’ensemble en a débattu pour l’entériner. Les 13,14 Octobre 2004, le vote a donné lieu à 40 votes pour (dont la CFDT et L’UNSA) 2 votes contre (dont FO) et 12 abstentions (dont la CGT). Comme le souligne le comité directeur de la CES « Le soutien, est la seule approche pragmatique et réaliste aux yeux des syndicats ».

Et les syndicats français ?

En France, la CFDT a participé à la décision européenne sans que les instances nationales n’en aient débattu. Son leader, F. Chérèque n’a t-il pas déclaré que « sa validation n’était qu’une formalité » !

Alors qu’elle s’était prononcée contre le traité de Maastricht, la CGT s’est contentée d’une abstention sur le traité constitutionnel. Les leaders de La centrale syndicale française font le grand écart. Il faut dire que la position adoptée par la CES ne passe pas dans les syndicats au vue des premières réactions. Telle celle de l’union locale de Roanne qui invitait ses dirigeants à se prononcer clairement contre la constitution. Ailleurs, on assiste à des blocages renvoyant les débats à des jours meilleurs. La direction dans un attentisme non sans arrières pensées, adopte une position « Pédagogique » sans se prononcer pour le moment. A ce jour les débats dans les structures pointent vers le non. Il est vrai que les adhérents ou militants de base, confrontés aux réalités quotidiennes n’ont nul besoin de pédagogie confédérale. Les acceptations anti-sociales entérinées depuis des années par la CES avec la passivité et la complicité des dirigeants syndicaux nationaux, ils les subissent au quotidien : licenciements boursiers, délocalisations, précarité, flexibilité, extension du travail de nuit pour les femmes. Casse du service public avec la privatisation de la Poste, des télécoms, casse du code du travail, des conventions collectives, des droits des salariés etc. Bref un ensemble de régressions sociales mises en place au sein de l’U.E. depuis l’application du traité de Maastricht 1992 puis d’Amsterdam 1997.

Dans sa presse ou, dans ses argumentaires pédagogiques envoyés aux syndicats et sections, la direction ne s’étale pas beaucoup sur l’offensive patronale et libérale portée par la bourgeoisie contre les travailleurs dans le traité constitutionnel. Elle préfère souligner fortement les notions de dignité, de démocratie, de liberté, de solidarité intégrées dans la chartre des droits sociaux (déjà proclamés dans le traité de Nice en Décembre 2000) etc.

Dans un de ces argumentaires « pédagogiques » de 21 pages, ses rédacteurs ne consacrent que 3 feuilles dénonçant les aspects les plus criants qui, écrivent-ils doivent être stoppés (projet de directive-services dans un marché intérieur) ou jugés inacceptables (projet de révision sur le temps de travail). Ces dénonciations et réactions, sont « pédagogiquement » intercalées et banalisées entre la Lettre de B. Thibault (2 pages), les institutions européennes (2 pages), l’histoire de la CES (6 pages), le vote des syndicats européens commentés : pour ou contre le projet, sans toute fois citer ou commenter les organisations françaises ; puis 2 pages sur le projet constitutionnel. Enfin à la dernière page (fiche 9) nous trouvons : « Quelle Europe voulons-nous ? Une Europe de progrès social, solidaire et démocratique au service de la paix et du développement durable.. La construction de l’Europe sociale ne fait que commencer. Elle doit s’affirmer comme un processus tout à la fois social, politique économique et culturel, un puissant moyen de régulation et de réorientation de la mondialisation, un élément majeur d’une alternative d’avenir de paix et de réduction des inégalités dans le monde » Pas une fois le mot travailleur n’est cité dans le texte.

Etrange similitude de discours avec les tenants de la bourgeoisie dont les hérauts clament « Oui au traité pour réguler la mondialisation, pour faire face à la puissance agressive des Etats Unis. »

Thibault et ses comparses ignorent-ils à ce point le contenu économique ultra libéral porté par le traité de constitution, alors que le MEDEF s’en réjouit d’avance ? A l’article III : « L’action des états membres et de l’Union comporte l’instauration d’une politique économique conduite conformément au principes d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre » ; « L’Union et les états membres s’attachent en particulier à promouvoir une main d’oeuvre qualifié, formée et susceptible de s’adapter ainsi que des marchés du travail aptes à réagir rapidement à l’évolution de l’économie. » ; « Toute mesure prises dans le domaine des prix et conditions de transport adoptées dans le cadre de la constitution, doit tenir compte de la situation économique des transporteurs. » Et l’article A III 16 : « En cas de troubles intérieurs graves, de guerre ou de menace de guerre, les états membres se consultent en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter que les mesures prises par l’état membre concerné n’affectent le fonctionnement du marché intérieur. », etc. Les dirigeants de la CGT méconnaissent-ils le cadre de cette Europe de la bourgeoisie et du capital ? Non bien sûr car il y a bien longtemps que l’institution CGT cogère avec le patronat, et régule la paix sociale pour le compte de la bourgeoisie. Ce sont bien les articles cités ci-dessus (parmi d’autres) qui sont le socle de la constitution prochainement soumise à référendum et non la langue de bois et le verbiage de la commission exécutive fourni dans l’argumentaire « pédagogique ».

J. Delors, invité au congrès de la CES en 1998, disait : « L’Europe est à nouveau en marche et c’est de toute manière positif ». Nous pouvons noter le positif anti-social réalisé depuis 7 années. Le traité de Rome puis celui de Nice, se fixaient comme priorité « l’amélioration constante des conditions de vie et d’emploi des peuples » On peut mesurer dans notre quotidien, la réalité de ces proclamations. Le traité d’Amsterdam consacrait « les services publics » on peut noter ce qu’il en reste aujourd’hui.

Les dirigeants CGTistes, n’ont pas opté pour un abstentionnisme « démocratique » à Bruxelles afin de permettre aux adhérents ou militants de débattre dans leurs différentes instances le temps d’une réflexion et d’une consultation collective. Cette abstention est un OUI que B Thibault adresse à la bourgeoisie sans le prononcer ouvertement sous peine de provoquer un séisme dans son organisation. C’est aussi aux cotés de la CFDT et de l’UNSA, (FO étant un syndicat apolitique comme chacun le sait) un balisage de terrain pour les politiciens de gauche qui prochainement descendront dans l’arène référendaire et médiatique.

M.Z, Caen le 15 janvier 2005.

Répondre à cet article


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette