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Courant Alternatif 306 janvier 2021

Acte 4 des sans papiers, la lutte continue !

mardi 19 janvier 2021, par OCL Reims


Une date annuelle

Le 18 décembre est une date « traditionnelle » de solidarité avec les migrant·es. En fait, le 18 décembre 1990 l’ONU a adopté une « convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ». C’est donc au départ plutôt une date des associations d’aide aux étrangers. Le fait que cette date ait été retenue comme « acte 4 » des sans-papiers a donc déjà en soi une signification politique. Il n’était en effet pas évident il y a seulement deux ans qu’un certain nombre d’associations de solidarité se mobilisent pour la régularisation de tous et toutes. 
C’est la conséquence de la réussite des mobilisations précédentes des sans-papiers. C’est aussi le résultat d’une tactique qui a su prendre en compte avec intelligence le contexte de la pandémie de COVID. Depuis le premier confinement, les collectifs de sans-papiers martèlent sans relâche ce qui devrait être deux évidences. Premièrement, on ne peut pas lutter efficacement contre une épidémie en empêchant l’accès aux soins et à un logement décent de dizaines de milliers de personnes. Maintenir les centres de rétention même en période de suspension des transports internationaux, maintenir les sans-papiers dans une situation de clandestinité, c’est maintenir un foyer épidémique. Deuxièmement, les sans-papiers ont fait partie massivement des « premières lignes » contre le COVID, des professions qui sont apparues comme indispensables lors du premier confinement. La société et l’État leur doivent donc une reconnaissance. Le tout sans perdre le fil de ce qui représente l’argument de fond : l’égalité des droits.
Poser le 18 décembre comme « acte 4 », c’était donc aussi tisser une alliance politique avec les associations et les syndicats. Ce qui signifie que des questions de fond comme le rapport avec les forces de police ou la question du trajet et des négociations avec la préfecture se sont posées dans une recherche de consensus.

Une tentative de capitaliser sur les mobilisations précédentes

Le souci actuel du mouvement des sans-papiers, c’est que si elles et ils ont réussi des mobilisations très fortes à la sortie du confinement, si ce sont eux et elles qui ont marqué le retour de la lutte sociale dès la levée du confinement, elles et ils n’ont rien obtenu pour le moment, même pas la régularisation de ceux et celles qui ont joué un rôle indispensable durant le premier confinement. La marche qui aboutissait à la manifestation du 17 octobre (acte 3) était une tentative d’élargir le mouvement nationalement. C’était un pari difficile, car les formes d’organisation sont très disparates sur le territoire, de même que les nationalités concernées. Il existe un peu partout des associations de solidarité, mais elles sont plus ou moins fortes, plus ou moins implantées localement, et plus ou moins politisées, et parfois plutôt liées à une démarche religieuse. En revanche, il n’existe pas partout des collectifs de sans-papiers auto-organisés, ayant leur propre autonomie politique. C’est plutôt un phénomène de la région parisienne et de la région de Lille, sans doute du fait de la concentration plus forte de l’immigration. Un des objectifs de cette marche nationale était de tisser des liens pour construire ce type de solidarité.
Mais pour construire un mouvement, un objectif commun (la régularisation de toutes et tous) ne suffit pas, il faut aussi des échéances de mobilisation et un espoir de victoire. Sans rien gagner, il y a en effet un gros risque d’essoufflement de la mobilisation. D’où l’appel à la mobilisation du 18 décembre.
Cette mobilisation a été un peu à l’image de celle du 17 octobre. Si on la mesure à l’aune des mobilisations actuelles, c’était une grande réussite : des actions dans plus de 60 villes, une manifestation à Paris qui avait de l’allure en plein début de couvre-feu et moins d’une semaine après la répression féroce de la manifestation contre la loi de sécurité globale. C’était une belle manifestation, grâce aux flambeaux, et dynamique. Le déploiement policier était impressionnant, la manifestation a été encadrée par les cognes tout le long du parcours. Par contre, ils ne se sont pas montrés agressifs. Les sommations des flics pour la dispersion ont été faites à 20h15, et les sans-papiers ont obtempéré immédiatement. Nous étions muni·es d’attestations indiquant que nous venions de la manifestation et que si elle était autorisée jusqu’à 20h, cette autorisation nous couvrait forcément le temps de rentrer chez nous. Je ne sais pas quelle est sa validité, mais il ne semble pas qu’il y ait eu de problèmes au retour. Je ne sais pas si beaucoup de monde est resté ensuite, mais de toutes façons, c’était nassé d’avance et toute tentative aurait ressemblé à un suicide.
Mais si on considère le nombre de manifestant·es, on peut aussi parler d’un recul puisque nous étions entre 1500 et 3000 personnes (l’auteure de ces lignes ne sait toujours pas compter le nombre de manifestant·es malgré son âge avancé...). Donc, une très belle mobilisation compte tenu des circonstances, mais un mouvement qui n’arrive pas à gagner en ampleur numérique. Il y avait beaucoup de collectifs de sans-papiers. La mobilisation syndicale était moindre qu’espéré.
Il y a eu aussi une tentative politique qui a échoué. Les collectifs ont en effet essayé de s’appuyer sur des déclarations de la gôche officielle pour demander à la mairie de Paris d’accorder une carte de résident·e (qui n’aurait eu de valeur que symbolique et non juridique bien sûr), et à titre de test, l’autorisation d’occuper le parvis de l’hôtel de ville (à côté des festivités de Noël). La réaction d’Anne Hidalgo a été brutale : elle a demandé à la Préfecture de mettre en œuvre tous les moyens pour empêcher les manifestant·es d’approcher du parvis. Ce qui a été fait comme on vous l’a indiqué plus haut. Ça ne fera qu’une démonstration de plus de l’hypocrisie du PS.

Quelques victoires tout de même

Quand j’écris que rien n’a été obtenu, je force quand même un peu le trait. Il vous a été rendu compte régulièrement dans la rubrique « sans frontières » de grèves pour la régularisation, et de ce côté, des victoires continuent d’être obtenues. Il faut saluer notamment la victoire des « Chronopost » qui ont réussi à inclure dans la régularisation non seulement ceux et celles qui travaillaient pour Chronopost, mais aussi une partie de celles et ceux qui sont venu·es les soutenir et ont participé à la mobilisation. Ce type de mouvement continue, parfois auto-organisé par les sans-papiers, parfois sous la bannière Sud et parfois sous la bannière CGT. Comme toute action du mouvement ouvrier en général, ça ne fait pas tellement de bruit médiatique, mais ça continue, et ça continue d’autant plus qu’elles et ils obtiennent ainsi satisfaction, même si c’est après des combats âpres et très longs.
Et c’est aussi un des enjeux de cet acte 4 de la mobilisation. Visibiliser ces luttes d’abord. Mais aussi articuler une revendication générale de régularisation des sans-papiers avec le combat qui se mène au quotidien de régularisation par le travail. Et il faut relever la présence constante des collectifs de lutte tels que les Chronopost ou les frichtis dans toutes les manifestations de sans-papiers, au-delà de bannières politiques ou syndicales divergentes.

Le combat des sans-papiers pour leur régularisation ne date pas d’hier, mais nous sommes bien dans une période de mobilisation importante et prometteuse. Voilà qui tranche avec la situation générale. Voilà aussi la meilleure réponse aux discours puants que nous déversent constamment les grands médias.

Sylvie

Encadré : Ailleurs en France

Parmi les nombreux rassemblements de province (une soixantaine) :

  • 200-300 personnes à Bayonne pour un rassemblement aux flambeaux, musique, danse, prises de parole et participation active de jeunes migrants subsahariens
  • 250-300 personnes à Foix avec déambulation
  • À Limoges, le rassemblement était co-organisé principalement par le collectif ‌Chabatz d’Entrar (voir CA N°290 et 299), les habitants du squat de l’avenue de la Révolution, l’association des Sans-Papiers et le syndicat CGT des travailleurs Sans-Papiers. Il y a eu environ 400 manifestant·es, quelques flambeaux et instruments de musique. Pratiquement pas d’affichage d’étiquettes syndicales ou politiques. Le rassemblement a eu lieu devant la préfecture pour partir ensuite devant le Conseil Départemental. Le groupe intervenant spécifiquement en soutien aux mineurs isolés avait tenu à ce que nous y passions pour pointer l’attitude scandaleuse du CD87 (présidé par un socialo, principal de collège retraité). Lorsque le juge reconnaît qu’un jeune est mineur isolé, le président du Conseil départemental fait systématiquement appel en Cour administrative d’appel, espérant que celle-ci (à Bordeaux) casse le premier jugement. Il doit penser que ces quelques mineurs isolés coûtent à l’Aide Sociale à l’Enfance un « pognon de dingue » comme dirait l’autre. Après avoir copieusement hué cette attitude nous sommes repartis jusqu’à la mairie pour quelques prises de parole et une soupe chaude préparée par la cantine du squat. En cette soirée de courses de Noël en centre-ville, certains passants étaient surpris, mais l’accueil était plutôt sympathique. La flicaille était en nombre, mais sans agressivité.
  • À Lyon, entre 100 et 200 personnes rassemblées sur une place proche du centre-ville, mais dans le dernier quartier populaire du coin, là où on trouve encore des vendeurs à la sauvette : la Guillotière. (un coin où il y avait toujours un peu de monde présent pendant le second confinement). Des prises de parole diverses, mais pas de déambulation (c’est à côté d’une grande artère est-ouest). Pas mal de flics mais très peu visibles, pas d’incidents.

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