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Courant Alternatif 296 janvier 2020

Hôpitaux ça pète... la Santé.

mardi 21 janvier 2020, par OCL Reims


Une poursuite de la lutte incertaine
Depuis 8 mois, le gouvernement ignorait la colère et les revendications des hospitaliers pour n’y voir « qu’un problème d’organisation ». Puis, devant l’ampleur du mouvement, l’urgence de la situation, et surtout la crainte que les personnels et leurs coordinations, ragaillardies par le succès de leur journée d’action, ne rejoignent et ne gonflent les rangs des manifestants du 5 décembre, E. Philippe et A. Buzyn sa ministre de la Santé se sont donc empressé de faire des annonces pour « sauver l’hôpital ».

Être ou ne pas être dans la rue 5 décembre
Tous et toutes avaient ressenti avec fierté le succès du 14 novembre et sur l’agenda du collectif inter-hôpitaux était noté d’autres mobilisations avec la population, pour le 30 novembre et le 17 décembre. Pendant ce temps, les fédérations syndicales Santé restaient enkystées sur la seule date du 5 décembre, appelée par leurs chefs un mois plus tôt. Les discussions autour de cette date furent animées. Quelle décision prendre, qui fasse consensus pour la participation ou non à cette journée interprofessionnelle contre les retraites ? Les plus réticents pointaient que le « Collectif inter hôpital » n’avait de mandat et de légitimité que dans le cadre de la défense de l’hôpital public. Il ne pouvait donc se situer sur les problèmes de retraites ou autres : position portée par les représentants du collectif notamment. Le collectif inter-urgences, dès sa création rejetait la généralisation de la lutte à tout les personnels par crainte de dissoudre leurs revendications spécifiques parmi d’autres. De plus, leur méfiance et rejet des syndicats était grands. Les autres : militants syndicaux et non syndiqués, voulaient profiter de l’élan suscité par le succès du 14 novembre pour appeler tous les hospitaliers dans la rue ce 5 décembre. Il s’agissait de faire bloc et redonner une visibilité au mouvement. D’autant plus que cette attaque contre les régimes de retraites concerne évidemment aussi les hospitaliers : 70 % de femmes aux salaires bas agrémentés de primes dont certaines non comptabilisées dans le calcul la retraite, ainsi que des carrières incomplètes, des contrats précaires renouvelés pendant des années entrecoupés de périodes de chômage.
Cette différence d’approche est logique tant la composition du mouvement est multiple : médecins et soignants, syndiqués ou non syndiqués... Si tous s’accordent sur le désastre qui frappe l’hôpital public et luttent ensemble, médecins, internes et soignants ne portent pas les mêmes revendications ni les mêmes mots d’ordre. C’est conscients de ces clivages, que le collectif inter urgences a appelé à « se coaguler » aux autres. « Face au degré d’urgence, face au degré de surdité du gouvernement, face au manque d’action concrète..//.. nous appelons les soignants à se rassembler le 5 décembre pour faire face aux politiques mortifères issues de la même logique de destruction de nos bien communs ». Il en sera de même pour l’appel à manifester le 17 décembre avec les centrales syndicales. Une visibilité autonome d’abord, puis une liberté à chacun chacune de faire ce que bon lui semble après la jonction avec la manifestation interprofessionnelle. Ainsi à Caen, le rassemblement des hospitaliers se fit devant la Mairie avant de partir ensemble rejoindre la manifestation inter- professionnelle. Après la jonction, chaque boutique syndicale présente, à rejoint sa « Maison mère » et les hospitaliers ont manifesté comme bon leur semblait.

Les effets des annonces gouvernementales
L’autre danger résultait des annonces faites par le gouvernement le 20 novembre. Date qui rappelons-le ne devait rien au hasard, juste entre le succès du 14 novembre et la redoutée journée du 5 décembre. Loin des louanges médiatiques, les annonces d’E. Philippe et d’A. Buzyn ont suscité peu d’enthousiasme parmi les personnels. Des assemblées générales, aux réunions dans des services, chacun, chacune constatait que l’équipe gouvernementale n’avait pas répondu aux revendications directes des salarié-e-s. Rien sur l’embauche d’effectifs, qui est pourtant une revendication centrale pour les personnels soignants. Rien non plus sur l’augmentation de 300 euros réclamée depuis les huit mois de grève, mais des primes. L’une réservée aux seuls soignant d’Île de France et l’autre pour tous et toutes mais tributaire du bon vouloir des directeurs ou des cadres. Rien non plus sur les réouvertures de lits demandés depuis le début du mouvement. Malgré l’annonce des 750 millions débloqués, la reprise d’une partie de la dette et autres annonces techniques... la déception prenait le dessus dans les services d’urgences.
La manœuvre de division du gouvernement s’effilochait, dénoncée par les personnels et leurs collectifs. Même les médecins impliqués dans la lutte dénonçaient l’insuffisance de ces mesures avec le sentiment de ne pas avoir été écouté dans leur « appel à sauver l’hôpital public ». Certes 10 milliards de dette (sur les 30 milliards) ont été repris par l’état, mais ce dernier n’augmente les budgets généraux de fonctionnement des hôpitaux que de 2,45 % au lieu des 4 % annuels nécessaires pour un fonctionnement normal. Ce qui a conduit, ensemble, organisations syndicales Santé, et collectifs en lutte à déclarer que si pour la « première fois le gouvernement réagit à son plus haut niveau... ces annonces sont très loin de répondre aux attentes des personnels et ne répondent en aucun cas aux problématiques du secteur ».
Ainsi, les mesures proposées par E. Philippe et A. Buzyn n’ont pas réussi a fissurer le mouvement. Cette crainte était légitime tant les revendications sont multiples et semblent disparates entre internes et médecins, soignants, para-médicaux, techniques etc. Mais la solidarité construite depuis 8 mois, certes fragile, demeure plus forte que jamais. Aujourd’hui, d’autres modes d’actions voient le jour et se répandent. A l’appel du collectif inter-hôpitaux parisien, des services se mettent en grève de codage des actes, ce qui provoque la baisse des ressources de l’hôpital. A terme, l’établissement peut se retrouver sans recette financière...

Garder le « cap » envers et contre tout
« Il faut qu’on réponde à la souffrance des personnels de Santé » dit le président Macron et en même temps, son gouvernement et sa ministre de la Santé et de la solidarité, maintiennent le « cap » de la politique tracée par leurs prédécesseurs. Une politique chère à Bruxelles, et aux fonds de pensions : démanteler, détruire les services publics et privatiser.
Malgré l’immobilisme des fédérations syndicales Santé, alors que nombre de leurs militants et adhérents sont dans la lutte, les personnels et leurs collectifs ont su créer un rapport de force favorable et s’attacher la sympathie de plus de 70 % de la population. Pourtant, il reste à convaincre l’ensemble des personnels hospitaliers qu’ils peuvent gagner et faire échec au gouvernement. Pour cela les collectifs se doivent d’oublier cette crainte sectaire que leurs revendications pourraient être dissoutes dans celles plus larges des autres catégories de personnels. Cette réticence de la part du collectif inter-urgence sera sa faiblesse. L’embauche de personnels, l’augmentation des salaires et l’amélioration des conditions de travail concerne malgré tout l’ensemble des salarié-e-s. Et, seule une grève générale dans les hôpitaux, avec la mise en place de comité de grève où les salarié-es décideraient, sans inféodation syndicale, de leurs actions et revendications spécifiques et communes offre la perspective de gagner. Cela concerne tous les personnels de santé des hôpitaux généraux ou de psychiatrie, des EPAHD et autres lieux de soins où la politique de la « calculette tarifaire » broie les personnels et oublie le soin et le bien être à apporter à la population.

MZ Caen le 10 12 2019.

Note
1- C.A N°295- décembre 2019 « Hôpitaux ! Après le succès de la journée du 14 novembre. »
Encart.
Le 12 septembre dans une commune proche de Belfort, une femme décède d’un infarctus après avoir appelé 5 fois le SAMU. Hélas les secours n’arriveront qu’une heure trop tard. Ce drame n’est pas sans rappeler celui de Naomi Mussenga à Strasbourg en 2017 ou bien d’autres hélas.
Quand on appelle le 15, un agent régulateur médical décroche, écoute, note puis après, transmet vers un médecin régulateur, seul habilité à décider d’envoyer les secours les plus adaptés.
Or depuis 2015, il n’y a plus de centre d’appel sur Belfort/Montbéliard. Les deux hôpitaux ont été « mutualisé » pour n’en faire qu’un. Les appels du 15 atterrissent dorénavant à Besançon distant de 100 km de là. Cette distance n’est pas un problème avec deux clics sur internet et les progrès de la télémédecine me dira t-on ! Sans doute ! A savoir aussi, qu’à 5 minutes du lieu du drame, à Giromagny, voir à Belfort se trouve des centres des pompiers...
De 2005 à 2015, la région Franche Comté, « pilote en ce domaine », a vu fusionner ses services de régulation pour en améliorer la « qualité ». A Belfort, il y avait 9 régulateurs en 2015. Si le numéro d’appel, avec la charge de travail supplémentaire, a bien été sur Besançon, les 9 postes de Belfort n’ont pas suivi. Sans dédouaner quiconque de ses responsabilités, lors de drames, régulateurs et médecins en nombre insuffisants voient les heures supplémentaires et les arrêts maladie défiler avec le stress et l’épuisement professionnel que cela induit dans l’erreur ou la faute.
C’est : « une question d’organisation » nous redira la ministre A. Buzyn !
Si la Santé à un coût, il est de plus en plus chèrement payé par ceux qui en ont besoin.

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