Courant alternatif 285 décembre 2018
Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique
lundi 17 décembre 2018, par
Réforme des HLM
L’objectif de cette loi est, entre autres, la réforme du secteur HLM. En 2017, selon la fondation Abbé Pierre, 2 millions de ménages sont en attente d’un logement en HLM, 4 millions sont mal logées et 12 millions éprouvent des difficultés locatives. A noter qu’il y a 1,9 millions de demandes HLM par an.
La France compte 4,8 millions de logements sociaux qui abritent 10 millions de personnes.
Un Français sur deux loge ou a logé dans un logement social. Outre le soutien de l’État (subventions directes, exonération d’impôts, accès facilité au foncier), le secteur du logement social reçoit l’aide des collectivités territoriales. La Caisse des dépôts et consignations, institution financière publique, lui octroie des prêts à très long terme, sur 30 ou 70 ans. Ces prêts constituent près de 75% du financement total du secteur, adossés sur les dépôts de l’épargne populaire du livret A. Entreprises et salariés participent également au financement des HLM, à travers le 1% logement. Mais, il ne faut pas oublier que les bailleurs peuvent compter sur les locataires, qui reversent chaque année plusieurs milliards d’euros de loyers.
Depuis la loi de finances de 2018, les bailleurs sociaux ont été privés de 8 % de leurs recettes (1,5 milliards d’euros par an), ce qui a fragilisé leur équilibre économique. Pour compenser cette coupe budgétaire, le gouvernement veut imposer :
Ce serait quelque part un retour aux sources puisque le logement social, rappelons-le, est né en 1894 sur l’initiative des grandes entreprises qui avaient besoin d’une main d’œuvre à sa botte.
Le bail « mobilité »
Cette loi a créé un nouveau type de bail : le bail mobilité. Ce nouveau bail qui concerne que des meublés est de courte durée de un à dix mois pour des étudiants, des personnes en formation ou en contrats courts. Au prétexte de ramener certains logements faisant partie de la location touristique sur le marché locatif, ce bail risque de se transformer en bail précaire pour les précaires, redoublant dans le logement la précarité subie sur le marché du travail. A noter que ce bail n’est pas renouvelable au-delà de 10 mois. Au lendemain du vote de cette loi Elan, des agences immobilières s’activaient déjà pour tirer parti de cette nouvelle disposition…
La cible est donc très large et sans garde-fous, le locataire se contentant de déclarer qu’il répond bien à l’un de ces statuts précaires, sans autre justificatif. Ses droits sont réduits : pas de renouvellement de bail au-delà de 10 mois, des charges forfaitaires sans présentation de factures ni de comptes par le bailleur, aucun moyen de réclamer la mise aux normes du logement s’il n’est pas décent et pas de recours possible à la commission départementale de conciliation, qui règle les conflits entre bailleurs et locataires pour les baux meublés ou nus en loi de 1989.
Le locataire n’a, en contrepartie, nul dépôt de garantie à verser, ce qui permet une économie. Le bail mobilité bénéficie de la caution gratuite Visale, accordée par Action Logement, qui couvre les impayés dans la limite d’un loyer mensuel de 1 500 euros, en Ile-de-France, 1 300 euros en province et 800 euros pour un étudiant. Un vrai avantage et c’est bien le seul, pour, par exemple, un étudiant étranger qui ne peut pas trouver de personne caution en France.
La création d’un tel bail comporte un risque de déqualification du bail classique. Des marchands de sommeil pourront ainsi transformer leur logement insalubre en logement meublé sans que le locataire de passage puisse leur demander quoi que ce soit.
Le squat
Contrairement à ce qui est écrit ici ou là, cette loi ne supprime pas la trêve hivernale (du 1er novembre au 31 mars) pour les squatteurs puisque ceux-ci n’y avaient plus droit depuis des années. Actuellement, pendant la trêve hivernale, un propriétaire ne peut pas obtenir l’expulsion d’un locataire qui ne paie plus son loyer mais peut l’obtenir pour un squatteur qui n’a jamais eu de bail dans le logement qu’il occupe. La loi Elan n’intervient pas dans ce domaine.
Mais, la loi Elan n’a pas pour autant oublié les squatteurs. En effet cette loi supprime le délai légal de deux mois entre le commandement de quitter les lieux et la mise en oeuvre effective de l’expulsion. Ce délai légal était généralement accordé par la justice aux squatteurs pour trouver un nouveau logement. L’expulsion des squatteurs devrait ainsi être accélérée.
De plus, le terme « domicile » a été remplacé par « local à usage d’habitation ». Cela peut paraître anecdotique mais cela ne l’est pas ! Un « domicile » est une notion juridique relativement précise. Il s’agit soit d’une résidence, qu’elle soit principale ou occasionnelle, soit de locaux d’entreprise s’ils sont encore occupés, même ponctuellement. En revanche, un « local », cela décrit à peu près tout et n’importe quoi, et même un lieu non couvert comme un terrain.
Grâce à ce subtil tour de passe-passe linguistico-juridique, squatter une friche ou un bâtiment laissé vacant depuis des années à des fins de spéculation immobilière pourrait être sanctionné pénalement de la même manière que s’introduire dans l’appartement d’un propriétaire quelconque : un an d’emprisonnement, et 15 000 euros d’amende.
Le handicap
Le principe d’accessibilité universelle adopté en 2005 est remis en cause. IL faut dire que ce n’était qu’un principe ! En effet, la règle du « 100 % accessible » cachait, en réalité, une énorme exception : les logements dans des bâtiments inférieurs à quatre étages sans ascenseur étaient dispensés de toute norme pour handicapés, excepté au rez-de-chaussée. Si bien que la production neuve ne comportait que 40 % de logements réellement adaptés aux handicapés. La loi Elan prévoit qu’au lieu de 100 % de logements neufs accessibles à des personnes handicapées, seuls 20 % le seront, le solde devant être « évolutif », une nouvelle notion qui sera définie par décret.
Le pouvoir a bien senti qu’il courrait un risque en s’attaquant à ce principe universel. C’est ainsi qu’il a fait une concession en décidant que des ascenseurs seront obligatoires dans les immeubles neufs d’au moins trois étages, au lieu de quatre actuellement.
L’exclusion
Cette loi prévoit l’expulsion automatique des familles dont l’un des membres a “un jour” été condamné sur la législation anti-stupéfiants. Le contrat de location sera alors résilié de plein droit à la demande du bailleur. Il en sera de même en cas d’inexécution des obligations du locataire résultant de troubles de voisinage constatés par décision de justice.
En résumé, la loi Elan constitue l’attaque la plus violente depuis 32 ans (loi Méhaignerie) menée par un gouvernement contre le logement social des classes populaires.
Denis, Reims le 4 novembre