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Courant alternatif 265 - Décembre 2016

vendredi 23 décembre 2016, par admi2


EDITO

Les mêmes expert(e)s qui avaient prédit la victoire écrasante de Clinton ont ensuite été invité(e)s dans tous les medias pour nous expliquer les raisons de la victoire de Trump, déversant comme toujours leur torrent de mépris pour les couches populaires. Ces mêmes expert(e)s nous ont d’ailleurs prédit une victoire écrasante de Juppé au premier tour des primaires de droite, et à l’heure où nous écrivons cet édito, ils et elles ont enfin changé de sujet et nous expliquent maintenant les raisons de la victoire de Fillon. Les mêmes expert(e)s, rappelons-le, avaient prédit la victoire du NON pour le brexit, puis nous avaient expliqué les raisons de la victoire du OUI... Ne nous laissons pas intoxiquer par leurs chiffres jamais vérifiés (les études un peu sérieuses arriveront peut-être plus tard et il n’est pas certain qu’elles traverseront l’Atlantique) ni par leurs analyses fumeuses, mais posons-nous quelques questions.

Certes, Clinton a eu deux millions de voix de plus que Trump. Certes, Trump n’as pas gagné uniquement grâce aux Républicain(e)s convaincu(e)s mais aussi parce que beaucoup n’ont pas voulu voter Clinton (et comme on les comprend !). Certes, son électorat est d’abord l’électorat Républicain traditionnel et non pas un vote ouvrier comme ont pu le raconter certain(e)s. Il n’en demeure pas moins qu’il s’est trouvé plus de 60 millions d’américain(e)s à ne pas être gêné(e)s de voter pour un candidat ouvertement raciste et sexiste. Nous n’avons pas écrit que ces électeurs/trices étaient tou(te)s racistes ou sexistes, nous constatons seulement que ça n’a pas été un obstacle à leur vote. Et oui, c’est d’avoir mordu dans les couches populaires qui lui a permis de gagner. Faut-il le rappeler ? Le problème des démocraties représentatives, c’est que les exploité(e)s sont plus nombreux/ses que les exploiteurs, et de loin. Le génie de ces démocraties, c’est l’allégeance sans cesse renouvelée des exploité(e)s à leurs exploiteurs, notamment en jouant sur le nationalisme.

Rappelons la célèbre citation d’un type pour le moins impopulaire chez les anarchistes : « C’est seulement lorsque “ceux d’en bas” ne veulent plus et que “ceux d’en haut” ne peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que la révolution peut triompher. » C’est exactement la situation dans laquelle nous semblons nous trouver, mais il ne semble pas que cela nous rapproche d’un horizon révolutionnaire, au contraire. Ce n’est pas seulement que toute perspective révolutionnaire a disparu, mais c’est aussi le cas des perspectives réformistes, au sens de réformer le capital pour y injecter du progrès social. La social-démocratie n’est plus, il n’y a que des nuances de libéralisme (au sens « libéralisme économique » ; pour ce qui est des mœurs et des libertés politiques, c’est autre chose...). En période électorale, le peuple exprime alors son ras-le-bol avec les deux seules armes qui lui restent : S’abstenir ou voter pour n’importe quel crétin pourvu qu’il/elle semble emmerder le système. Ou bien, version possible en 2017, pour un parti qui a l’air d’emmerder le système.

Et à y regarder de plus près, la situation serait plutôt que « ceux d’en bas » rêvent de vivre à l’ancienne manière, celle du fordisme, où régnaient certes l’aliénation et l’exploitation, mais où les jours semblaient moins sombres alors que « ceux d’en haut » explorent de nouvelles manières, de nouveaux modes d’extorsion d’un profit qui n’est jamais à la hauteur de leur appétit. On comprend que « ceux d’en bas » n’en veulent pas. C’est en ce sens que nous vivons un temps réactionnaire, au sens propre du terme. Retour vers le passé dans ce qu’il a de plus faisandé : « Valeurs familiales », religions, bons vieux clichés racistes etc... Retour vers le passé dans nos milieux aussi : assimilation de la classe ouvrière à l’ouvrier d’usine, de préférence dans la métallurgie ou les mines, regard focalisé sur les anciens bastions du mouvement ouvrier, difficulté à appréhender l’évolution de la composition de la classe exploitée, cette nouvelle classe ouvrière des services, des CDD et de l’intérim. Difficulté aussi à intégrer dans nos analyses l’effet de la multiplicité des oppressions qui traversent les exploité(e)s, patriarcat, dimension coloniale, identités religieuses... autant de dimensions qui peuvent simultanément être un appui pour des collectifs de résistance ou être un facteur de division entre exploité(e)s, dimensions qui prennent souvent le pas aujourd’hui sur la conscience de classe, conscience bien mise à mal par les offensives patronales.

Pourtant, nos temps ne sont pas seulement ceux de la victoire d’Erdogan, Orban, Netanyahu, Poutine ou Trump  ; nos temps ne sont pas seulement ceux de l’attrait des idéologies réactionnaires et/ou obscurantistes telles que le christianisme, le salafisme, le renouveau fondamentaliste, le nationalisme le plus brutal. Nos temps sont aussi ceux de « Occupy Wall Street », de « Black Lives Matter », de l’occupation de la place Taksim, des « Anarchists Against the Wall », du mouvement contre la loi travail, des « Nuit debout  », des ZAD etc... La situation n’est peut-être pas révolutionnaire, mais elle est très instable. C’est en renouant avec une perspective révolutionnaire, en réinjectant de l’utopie, en participant à des mouvements sociaux réels que nous pourrons faire bouger les choses. Les élections, leurs campagnes et leurs résultats, n’ont pas leur place dans cet agenda.

OCL Paris

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