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Extrait de Courant Alternatif 262 de l’été 2016

Notre Dame Des Landes : ils ont voté... et puis après !?

jeudi 11 août 2016, par ocl-lyon

Après la consultation du 26 juin sur le projet d’aéroport, les ripostes du mouvement de résistance se préparent.


{{L'économie imbécile...}}

La participation a été de 51 % des populations inscrites, pour une majorité de "oui au transfert" à 55,7 % des scrutins exprimés. Le projet n’est donc soutenu que par un quart de la population du département pouvant voter ; on est loin des 62 % de la population, résultat d’un sondage de novembre dernier commandité par le PS. Classiquement, le résultat du scrutin et la lecture de la carte des résultats s’expliquent par la préoccupation de l’emploi (le nord de la Loire-Atlantique, éloigné des métropoles Nantes et Rennes, à plus de 65 % de Oui), l’accessibilité à la future structure (les salariés de la zone aéroportuaire mais aussi une cité balnéaire bourgeoise comme Pornic et plusieurs cantons du sud-Loire majoritairement pour le Non). A cela, il faut rajouter la motivation du « NYMBY » (1) lisible sur la commune de St-Aignan de Granlieu, adossée à un lac et au bout des pistes de l’aéroport actuel ; et inversement sur les dix cantons ou communes autour de la ZAD, qui n’ont pas suivi pour certaines l’avis de leurs maires favorables au transfert.
Le cas de la métropole nantaise est intéressant. À Nantes le vote s’équilibre étonnamment (41 906 pour, seulement 100 voix de plus que le Non !) alors que gauche et droite, presse et dirigeants économiques appellent sans cesse à voter pour le transfert, en pointant le survol de la ville, son bruit et son danger, dénigrant les opposants comme des passéistes ou des vandales selon l’humeur. Ce vote nantais résonne avec celui des communes de la métropole proches de l’aéroport actuel, Rezé ou Bouguenay, qui subissent pourtant les nuisances, brandies comme justificatifs du projet de transfert.

Pour conclure, il faut reconnaître une participation significative, souvent de tels scrutins ont un taux bien plus faible, mais la lutte autour de ce projet est devenu un quasi-élément du paysage nantais, expliquant ainsi le taux de participation (le département a versé 100 000 euros pour inciter à voter). Or cette participation démontre encore une fois que l’avis unanime des élus du PS et de LR, des experts et des autorités n’a pas déclenché l’adhésion massive du public en faveur du projet : méfiance traditionnelle envers les élus mais peut-être aussi un certain impact des arguments du refus qui ont été largement diffusés et consultés à cette occasion. Par ailleurs les présidents de la métropole, du conseil départemental et de la région avaient prévenu l’Etat qu’ils ne participeraient pas financièrement à une rénovation de l’aéroport actuel, en cas d’une majorité de Non. Il y a donc toutes les raisons pour continuer à refuser ce projet d’aéroport, face au résultat prévisible d’un scrutin taillé sur mesures (comme la plupart des élections d’ailleurs avec les charcutages territoriaux pour obtenir le résultat souhaité par le pouvoir !).
Le principal argument brandi par les partisans du projet, la nécessaire expulsion de la zad due à la dangerosité supposées des zadistes, s’est dégonflé face au vote des populations environnantes, directement à leur contact, qui savent comment cette zone de "non-droit" fonctionne avec plus de 200 hectares remis en culture, sans plus de délinquance qu’ailleurs mais avec bien moins de flics. Face à un camp du Oui, avec les partis de gouvernement PS et LR, pour le capital et le néo-libéralisme, on voit se dessiner un camp du Non, certes un peu éclaté et sans schéma "directeur", mais qui se retrouve dans les manifs anti-loi travail et dans une volonté de redéfinir les besoins réels et les attentes des populations.

{{Quelle riposte ?}}

Après le vote, la première assemblée générale sur la ZAD a rassemblé 300 personnes, prouvant ainsi la résilience du moral pour celles et ceux qui en douteraient. Les 9 et 10 juillet prochain, la traditionnelle réunion de l’ACIPA qui rassemble chaque année plusieurs milliers de participant-e-s donnera lieu à de nombreux débats préparés pour la première fois en commun entre l’ACIPA, le COPAIN et la ZAD (2). Le résultat négatif de la consultation a déclenché au moins cette première réaction, rapprocher un peu plus les différentes composantes... Espérons que les prises de contact avec la CGT, notamment la CGT AGO VINCI lors des mobilisations contre la loi travail et autour de la zone aéroportuaire ce printemps, se concrétiseront par des débats et un renforcement de l’analyse du mouvement sur le travail et l’activité économique, au-delà d’oppositions souvent tranchées.
À l’occasion de l’université d’été du PS les 26, 27, 28 août prochains à Nantes, les anti-aéroport se joindront aux différents participants (lire ci-contre l’appel à la mobilisation "À l’abordage"). Sinon le mouvement a opté pour la préparation d’une grande mobilisation, à travers la relance des collectifs locaux de soutien, courant octobre, en réponse aux nouvelles menaces de Valls d’expulser la ZAD. En effet l’Etat français ne devrait normalement pas commencer les travaux avant d’avoir répondu à la Commission européenne qui voulait pouvoir se prononcer sur l’entièreté du projet (aéroport, voiries, moyens de transport, zones industrielles,etc), et non pas seulement l’aéroport et sa desserte routière ; pour cela le SCOT, schéma de cohérence territorial du pôle métropolitain Nantes-Saint-Nazaire, qui prévoit les grands axes de communication, les zones de logements ou d’activité, etc., devrait être bouclé en décembre, replaçant le projet d’aéroport dans un projet d’aménagement global de l’estuaire tenant compte des futurs voies TGV Nantes-Rennes, ligne de tram, zup, zad, zil,.. L’Europe devrait alors donner son feu vert début janvier 2017, en l’absence de contradictions avec la réglementation européenne. Bien sûr, on sera alors en plein début de la campagne présidentielle et il est probable que le gouvernement laissera courir alors jusqu’à l’échéance électorale des présidentielles et des législatives. Mais l’Etat peut aussi décider de passer outre, quitte à payer une amende à Bruxelles, et lancer les travaux et l’expulsion en octobre. Dans ce cas de figure, rien ne vaut une mobilisation générale pour freiner les ardeurs des bétonneurs. A suivre.

Nantes le 29/06/16.

1) Nymby : not in my backyard, « pas de ça chez moi », expression pour désigner la base d’un positionnement individualiste ; on peut l’opposer à « ni ici, ni ailleurs », quand il s’agit comme à la ZAD de lutter contre « l’aéroport et son monde » sur la base d’une critique globale.

2) ACIPA : Assoc. Citoyen. des Pop. concernées par l’Aéroport. ; COPAIN : Coord. Orga. PAysan. Indignées par l’aéroport.

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