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Hors-jeux

mercredi 1er juin 2005, par Courant Alternatif

L’affaire a fait la une des journaux ces derniers mois. Le gardien de l’équipe de France de football a craché sur un arbitre. La question qui est posée est de savoir s’il faut condamné le joueur. Cette affaire témoigne de l’absence de véritable réflexion sur le sport dans notre société. Cracher sur un arbitre n’est-il pas finalement anodin ou logique dans un cadre sportif ?


Cet événement, comme les autres, ne changent rien, le sport garde toujours une image positive. On nous dit qu’il est symbole de respect, de sociabilité, de joie... Les évènements sportifs se succèdent où les valeurs qui sont mises en avant vont à l’encontre de toute vie en société : que ce soit les altercations de supporters ou les menaces de mort reçus par les arbitres, la tricherie caractérisée par le dopage ou les gestes vicieux car seule la victoire est belle ou encore les bagarres en plein matchs qu’il soit amateurs ou professionnels, tout nous laisserait à penser que le sport est plutôt vecteur de haine. D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement alors que l’objectif est de battre l’autre, de l’éliminer à tout prix ? Les gestes décrits ci-dessus - qu’on qualifie bizarrement d’antisportif - sont partis intégrantes du sport. N’importe quel enfant placé dans un club de sport va apprendre à gagner sa place, à ne pas respecter l’adversaire... bref, à être un gagnant quelqu’en soit le prix. Le but du sport est d’éliminer l’autre.

Cette critique du sport prend aujourd’hui une actualité plus particulière à Paris avec la candidature de la ville à l’organisation des Jeux Olympiques 2012. Or, justement, ces Jeux sont l’occasion pour la mairie, l’Etat et les entreprises privées de se servir de l’image positive du sport pour transformer la ville. Depuis le début de l’année, un Collectif Anti-Jeux Olympiques (CAJO) s’est monté à Paris. Son objectif est d’amener de la contestation là où l’idéologie sportive crée l’unanimité dans la population. Il s’agit aussi de dénoncer la désinformation faite autour de cette candidature et de mettre en avant les collusions entre multinationales et Etat dans ce projet.

Vive le sport !

Le sport est un phénomène social. Il fait la une des médias, des milliers de personnes se déplacent pour voir des évènements sportifs, les audiences télévisions atteignent des sommets, les entreprises y mettent des milliards d’euros chaque année. Le sport est une entité qui ne souffre d’aucune critique. La poignée de gens qui critique est bien ridicule face aux millions de personnes qui s’exaltent devant. Pour contrer la critique on nous dit que le sport n’a rien à voir avec la politique. Mais, depuis sa création au XIXe siècle, il a traversé les époques en accompagnant les régimes politiques. Loin d’être neutre, il est partie prenante des dictatures de l’entre deux-guerres. Hitler, dans Mein Kampf, avait écrit "que des millions de corps entraînés, au sport, imprégnés d’amour pour la patrie et remplis d’esprit offensif pourraient se transformer, en l’espace de deux ans, en une armée". Les régimes soviétiques et de l’Est s’en sont servi pour mener la guerre froide et d’asservir les masses. Le sport était bon pour les ouvriers et les sportifs un modèle pour tous. En Allemagne de l’Est, le dopage devenant finalement le véritable sport national des athlètes où on n’hésitait pas à mettre enceinte les sportives afin d’accroître leurs performances. L’être humain n’existe plus face à l’idéal sportif.

Bizarrement, si le sport est dénoncé comme outil dans les régimes dictatoriaux, dans les démocraties capitalistes, il n’aurait plus aucune de ses fonctions. Aujourd’hui, il n’est pas dur d’établir un parallèle entre les valeurs de l’entreprise et celles du sport. L’individualisme, la réussite personnelle sont le propre du modèle sportif comme libéral. L’éducation, l’apprentissage de ces comportements sont plus que nécessaire pour construire l’être humain capitaliste. Le sport est alors considéré comme une activité saine pour les enfants. Bien qu’enseigner le plus souvent dans des structures amatrices, on formate les enfants. On leurs apprend à être le meilleur, à détruire l’autre, détester l’adversaire… Même dans les sports collectifs, l’individualité sort toujours du lot. Ainsi, les entraîneurs sortent toujours une individualité du collectif, blâment les moins bons… Tout en mimant l’habillement des sportifs de haut niveau, on mime aussi les mêmes comportements et pratiques individualistes.

Il est clair que le sport n’est pas un divertissement en dehors de tout contexte social. Il est apparu au XIXe siècle en même temps que la société capitaliste. Il est défini comme " un système institutionnalisé de pratiques compétitives, à dominante physique, délimitées, codifiées, réglées conventionnellement, dont l’objectif avoué est sur une meilleur concurrent (le champion) ou d’enregistrer la meilleure performance (le record)." Comment ne pas relier l’idéologie capitaliste à celle du sport ?

Les sponsors en première place

Les Jeux Olympiques dans l’univers sportif représentent le summum, un idéal dans la vie d’un sportif d’ailleurs. Ils représentent les valeurs de paix, d’amour, de respect nous dit-on. Les dérives financières, le dopage, l’absence de fair-play ne seraient là que parce que les Jeux ont été dévoyés par l’argent. La réalité de l’histoire de Jeux est tout autre. Elle est celle de la bourgeoisie. Baron, comte et milliardaires ont dirigé le Comité International Olympique. On nous présente d’ailleurs le Baron de Coubertin, auteur de la phrase : “ l’essentiel est de participer ”, comme un homme représentant les valeurs olympiques. Et c’est lui aussi qui s’opposa à ce que les femmes participent aux Jeux : “ nous estimons que les jeux Olympiques doivent être réservés aux hommes (…). Impratique, inesthétique, et nous ne craignons pas d’ajouter : incorrecte, telle serait à notre avis cette demi-Olympiade féminine ”. Le racisme était aussi une de ses valeurs : “ La théorie de l’égalité des droits pour toutes les races humaines conduit à une ligne politique contraire à tout progrès colonial (…). La race supérieure a parfaitement raison de refuser à la race inférieure certains privilèges de la vie civilisée. ” Et lorsque l’Allemagne nazie organisa les JO, il souligna “ la grandiose réussite des Jeux de Berlin a magnifiquement servi l’Idéal olympique ”. Ces propos nous rappellent que dès leur origine les JO ont été créé dans un but précis, avec une volonté politique de la bourgeoisie.

Le Paris des Jeux

La volonté du Collectif Anti-Jeux Olympiques est aussi de se servir des Jeux comme outil politique pour la mairie PS… ou plus précisément l’ensemble de la classe politique, car lorsqu’il s’agit d’imposer l’idéologie sportive, les dissensions politiques disparaissent, Droite et Gauche s’allient pour défendre ce qui ne peut qu’aller dans leur sens.

Au delà de l’idéologie sportive, l’utilisation et la création du consensus autour des JO doit servir à faire passer une politique qui pourrait être moins populaire. On imagine déjà qu’il faudra se plier en quatre pour faire en sorte que les Jeux se passent bien : accepter la destruction d’arbres pour un stade, fermer les yeux sur l’utilisation de sans-papiers – comme aux derniers Jo en Grèce - pour permettre d’accélérer les constructions… Au niveau du budget, le maire de Paris nous assure que les JO ne coûtera rien aux franciliens. A part un membre socialiste du Delanoe’s fan club, qui peut croire une telle affirmation. Chacun sait que depuis la création des Jeux, les populations doivent payer la fête, tandis que les multinationales récoltent les profits. A Albertville, les habitants payent encore les JO de 1992 dans leurs impôts locaux. Alors que les sponsors ont récupéré la mise depuis longtemps, les populations locales comblent les déficits. Les Jeux servent en réalité à sponsoriser les entreprises privés, et non l’inverse comme il voudrait nous faire croire. Le club des partenaires de la candidature de la ville de Paris réunit les plus grosses entreprises françaises qui sept ans avant d’éventuels Jeux ont déjà versé des millions. Aucune multinationale ne dépense dans la société capitaliste sans espérer un retour financier, par simple philanthropie. Aucun actionnaire ne l’accepterait. C’est d’ailleurs les théoriciens libéraux qui nous le disent.

Bien sûr, on nous dit tout ça va être bénéfique pour les parisiens. Des emplois vont être créés. En Grèce, pour les Jeux d’Athènes se sont surtout de la précarité qui a été mise en place. Nombre de personnes ont été tuées sur des chantiers réalisés à toute vitesse pour répondre aux exigences olympiques. Ici aussi, la ville de Paris a bien fait comprendre au comité qui décide de l’attribution des JO que la législation française serait malléable : “ notre législation riche et flexible est adaptée à l’organisation des Jeux. Cependant la France s’engage à prendre toute disposition législative ou réglementaire qui s’avérerait nécessaire au bon déroulement des Jeux Olympiques et paralympiques ” Or, on sait bien que c’est comme pour les lois temporaires du 11 septembre, une fois passées les dirigeants en profitent pour les conserver. Et ce n’est pas la Cfdt, et son président qui a déjà promis une paix sociale – qu’il réalise d’ailleurs depuis des années – qui diront le contraire. Et certains nous diront que se battre contre cette candidature n’a aucun intérêt. Ces biens un projet politique d’ampleur qui agite aujourd’hui la mairie de Paris.


Gildas
Offensive Libertaire et Sociale

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