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De la grève générale à l’épidémie de “comorophobie” à Mayotte

dimanche 29 mai 2016, par admin x


Le 101e département n’est décidément pas un département comme les autres. Cinq ans après sa départementalisation, Mayotte subit encore un régime d’« infra-droit » social et économique. Ce 101ème département français souffre d’inégalités criantes vis-à-vis de la métropole, et ce dans tous les domaines. Dans ce contexte économique et social extrêmement dégradé, l’île a d’ailleurs été bloquée début avril par une grève générale revendiquant « l’égalité réelle » avec les autres départements. (Voir Courant alternatif n° 260, mai 2016, Plus de deux semaines de grève générale à Mayotte)

Depuis 1994, les habitants des autres îles de l’archipel des Comores sont en effet devenus des étrangers soumis à un visa pour se rendre à Mayotte, qui voit ainsi coupés ses liens avec le reste de l’archipel. Cette politique n’a évidemment pas jugulé des pratiques de circulation ancestrales, et a simplement plongé dans la précarité celles et ceux qui continuent et continueront de les exercer.
La présence à Mayotte de ceux qui empêcheraient une petite minorité de jouir des bienfaits de l’appartenance à la France, est l’aboutissement inéluctable et prévisible d’un processus engagé de longue date. Le maintien de la France dans cette zone via la partition d’un Archipel voué au vivre ensemble et la déstabilisation des pays voisins indépendants est un facteur de déséquilibre croissant. Aujourd’hui, ce ne sont plus seulement les habitants des autres Comores qui sont aspirés par le mirage mahorais. Appartenant à un espace de circulation naturel, jamais Mayotte ne pourra se couper de son environnement, c’est un fait indiscutable et aucun visa, aussi meurtrier soit-il, ne saurait constituer un rempart suffisant contre le désir naturel de trouver une vie meilleure.
Pour autant, les Mahorais ne sont pas satisfaits de leur pseudo-développement qui s’avère une véritable fiction. Il ne reste plus que le rêve de la consommation et du pouvoir reconquis sur les autres par le porte-monnaie. L’égalité républicaine est forcément mirage dans la colonie, cette petite île qui ne produit rien et dont l’économie ne peut être fondée que sur la commande publique et l’assistanat. Le mécontentement grogne, un besoin d’agir s’exprime…

Les actions xénophobes commises par des Mahorais depuis le début de l’année 2016 se sont multipliées. Elles sont revendiquées et menées massivement en toute impunité. De tels événements, s’ils avaient eu lieu en métropole, aurait à coup sûr suscité l’indignation générale et l’intervention rapide des pouvoirs publics.
Si la menace et les expulsions de familles comoriennes par des villageois mahorais n’est malheureusement pas un fait nouveau, c’est le caractère visible, revendiqué et assumé par une partie de la population, n’entraînant quasiment aucune réaction des autorités publiques, qui singularise ce type d’événements (Voir document joint).

Avant chaque intervention des collectifs d’habitants, les gendarmes sont prévenus. A Poroani par exemple, une vingtaine de gendarmes a assisté aux expulsions sans intervenir : la consigne était de laisser faire tant qu’aucune atteinte à la personne n’était constatée ou que les autorités municipales n’étaient impliquées…
« Nous n’avons pas touché à celles où des familles sont installées, nous ne sommes pas opposés à la présence d’étrangers. D’ailleurs, ceux-là louent des maisons dans le village, mais trouvent moins cher de construire des bangas sur ce terrain qui ne leur appartient pas, tout près de la plage. Leurs eaux sales s’y déversent directement »
, déclare un manifestant. « C’est sur ce point que nous pouvons agir, parce qu’il y a atteinte à l’environnement », indique-t-on du côté de la mairie. A Bouéni, des associations confirment la participation de membres de l’équipe municipale dans les mouvements qui ont chassé certaines personnes de chez elles.
Ce qui se passe au sud de Mayotte est regardé avec beaucoup d’intérêt par les habitants des autres communes qui n’ont pas encore procédé à l’expulsion des étrangers. Enfin, le manque de réaction des autorités est considéré comme est consentement, ou pire, comme une bénédiction.

La classe politique mahoraise est quasi unanime pour dire que la France s’est mise elle-même en difficulté avec sa politique de lutte contre l’immigration appliquée à Mayotte. Le sénateur socialiste Mohamed Thani déclarait le 11 mai 2016 sur les ondes de Mayotte première : « Ce qui arrive devait de toute façon arriver, les gouvernements se sont montrés incapables de résoudre ce problème depuis 10 ou 15 ans ». Le 10 mai, c’est l’ancien député UMP de Mayotte, qui était à la télévision publique ; « il n’y a pas que les étrangers qui sont privés de leurs droits à Mayotte, les citoyens français de Mayotte n’ont pas les mêmes droits que ceux de la Réunion et ceux de métropole ».

Pour l’instant, la réponse de l’Etat est l’envoi de 76 policiers et gendarmes supplémentaires en 2016, venant compléter les 221 gendarmes et 499 policiers, renforcés par 102 gendarmes mobiles, non pas “pour rétablir l’ordre républicain, mettre fin à ces exactions inadmissibles et protéger l’ensemble de la population de Mayotte”, mais pour “la lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte par l’éloignement de 18 763 personnes en 2015 et de 6 587 personnes depuis le 1er janvier 2016” comme l’indique un communiqué du ministère de l’intérieur du 17 mai 2016.

Comme le dit le 16 mai un groupe de Mahorais sur la situation des expulsions, de plus en plus nombreuses, des villages ici à Mayotte d’« étrangers » originaires des autres îles des Comores, « Nombre d’entre nous désapprouvent mais se taisent par crainte de représailles. N’attendons rien d’un Etat français par définition complice et véritable occupant des terrains prétendument squattés par ceux que l’on déloge. Derrière cette attaque du plus faible se cache une rancœur à l’égard de l’Etat français qui réglemente le quotidien, s’approprie les espaces, fixe les règles du jeu et invalide les identités. Ayons l’honnêteté de dénoncer le vrai responsable de ce vaste désordre : la colonisation française. C’est à minima ce que nous pouvons faire aujourd’hui pour ne pas être complices du drame qui se joue en ce moment. Qu’on se le dise. »

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Pour en savoir plus

www.migrantsoutremer.org

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