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Edito 151 été 2005

vendredi 1er juillet 2005, par Courant Alternatif


Sous le titre « Sanglantes émeutes à Limoges », le Petit Journal Illustré reprenait en avril 1905 les thèses policières et alarmistes pour défendre la bourgeoisie limousine agressée par de sombres conspirateurs. C’est exactement de la même manière, un siècle plus tard que J.D. Derhy dans Le Progrès (de Lyon) stigmatise les dangereux militants anarchistes qui auraient agressé d’honnêtes entreprises ainsi que de malheureux policiers au cours d’une manifestation.
Cela démontre que, comme l’explique JPD, la lutte des classes n’est pas morte. Malgré tout ce qu’on nous raconte depuis des années sur la disparition de la classe ouvrière, et même si celle-ci s’est transformée avec l’évolution des formes d’exploitation, le clivage fondamental entre les prolétaires vivant de leur travail et les exploiteurs qui en profitent demeure. Ce n’est pas parce qu’il y a aujourd’hui dans les pays occidentaux une moindre proportion d’ouvriers de production qu’il y a 50 ans qu’il n’y a plus de prolétaires. Certains emplois ont été délocalisés vers les pays « émergeants », d’autres demeurent ou reviennent en force après s’être transformés comme les emplois domestiques. Lorsque les « bonnes » deviennent « aides à domicile » les conditions d’exploitation changent (plusieurs patrons au lieu d’un seul) mais elles restent autant exploitées.

On peut regretter à juste titre que le mécontentement des exploités se traduise dans les urnes plutôt que dans les luttes sociales. Mais il serait réducteur de dire qu’il n’y a plus de luttes. Les chômeurs et précaires, les lycéens et étudiants, les fonctionnaires et les salariés du secteurs privé continuent périodiquement de se mettre en mouvement pour se défendre contre les conditions de vie qu’ils subissent quotidiennement ou contre les réformes qu’on leur impose.

Bien sûr ces luttes sont loin d’être toujours victorieuses et les reculs du patronat et du gouvernement sont bien souvent minimes (ambulanciers d’Accor à Pontoise) ou temporaires (report de la signature des décrets d’application de la loi Fillon). Mais c’est à travers les luttes que se forgent les consciences et l’espoir de pouvoir changer un jour ce monde. Et comme l’expriment les ambulanciers du Val d’Oise après bien d’autres, lutter, cela permet aussi de retrouver sa dignité. Une anecdote symbolique à propos de 1905 à Limoges. Pour le 14 juillet 1905, la municipalité a demandé à l’armée de ne pas participer aux manifestations officielles et le ministre de la défense s’est plié à cette requête. Ils craignaient des « émeutes antimilitaristes ». Cela montre bien que, même après une défaite importante des luttes ouvrières, les gens qui s’étaient battus gardaient espoir et restaient mobilisés.

Nous avons affaire à forte partie : non seulement un gouvernement aux ordres du patronat, ce qui est classique, mais également une opposition qui n’en est pas une puisqu’elle adhère dans sa grande majorité aux thèses de la mondialisation de l’économie de marché. De plus les média sont plus que jamais aux ordres, soumis à la fois à leurs propriétaires ou leurs annonceurs –les grands groupes industriels et financiers- et à cette idéologie libérale dominante. L’exemple du Monde refusant de passer un article sur le procès de la COGEMA / AREVA et lui préférant 4 page de publicité pour la même société est très parlant.

De plus, nous nous heurtons, à chaque fois que nous manifestons, à une féroce répression. Les lycéens, les participants à la « manifestive » de Lyon, les postiers de Bordeaux sont parmi les plus récents à en avoir fait la triste expérience. Depuis des années, à la remorque du Front National, la gauche comme la droite se sont emparées du thème de « l’insécurité ». Evidemment, il ne s’agit pas de l’insécurité des travailleurs menacés dans leur emploi ou des précaires et chômeurs menacés dans leur survie quotidienne.

Mais il ne faut pas non plus s’imaginer que l’insécurité générée par de petits délits est leur préoccupation principale (même s’ils ont durci les moyens de répression). Les maisons bourgeoises de Neuilly sont mieux sécurisées que les appartements de La Courneuve. Ce qui les préoccupe le plus, c’est l’insécurité du système socio-économique en place menacé par la contestation et les manifestations. Pour preuve, malgré ses discours cinglants, Sarkozy a diminué les moyens de la police de proximité qui serait la mieux à même de régler ces petits problèmes. Par contre, il a développé les différentes formes de brigades d’interventions pour réprimer de façon violente les manifestations sociales ou politiques aussi bien que les émeutes des quartiers dits « sensibles ».

Comme le souligne un montage humoristique, la pseudo rivalité entre Sarkozy et Villepin n’est que de façade. La « grande embrouille » c’est que, malgré des ambitions personnelles évidentes de l’un et de l’autre, ils sont alliés pour, chacun avec son style personnel, faire passer le plus vite possible les mesures économiques et policières permettant encore mieux au capitalisme d’asseoir son pouvoir. Contrairement à ce que son véritable patronyme signifie, Galouzeau (dit de Villepin) n’est pas un plaisantin. Comme son prédécesseur, il fait mine dans un premier temps d’arrondir les angles pour mieux ensuite s’arc-bouter sur la réforme qu’il veut faire passer. Le « contrat nouvelle embauche » en est la preuve. Malgré le tollé qu’il suscite tellement il va précariser les salariés retrouvant un travail, le gouvernement n’en démordra pas, il mettra en place ce nouveau cadeau au patronat.

Il est vrai que monsieur G de V, en bon bourgeois se prétendant aristo, méprise l’opinion publique aussi bien que l’électorat populaire. Il lui suffit de savoir ce qui est bon pour les intérêts de sa classe. Il a le même aplomb que les commissaires européens qui ne sont redevables devant personnes de leur mandat et qui ne servent que les intérêts des multinationales. La démocratie représentative a fait les preuves qu’elle permettait avant tout aux élus de gruger (souvent sur le plan financier et pratiquement toujours sur le plan moral) leurs électeurs. Il est grand temps qu’elle disparaisse, mais au moins que ce ne soit pas au profit d’oligarchies se reproduisant par cooptation.

Même s’il nous semble souvent que nous nous heurtons à des murs, même si souvent nous connaissons des défaites, si nous sommes obligés de subir ce que l’on nous impose, même si la répression nous frappe, si nous voulons vraiment vivre debout, il nous faut continuer à lutter pour abattre cette société comme l’ont fait bien d’autres avant nous. C’est à travers ces luttes que nous pouvons faire naître une véritable démocratie directe. C’est dans l’auto-organisation de notre quotidien et de nos luttes que nous trouverons les forces de changer le monde.

Limoges 3 juillet

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