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LES TRUCULENCES DE BIG BROTHER

samedi 1er octobre 2005, par Courant Alternatif

La rubrique « flics, militaires, vigiles… au service des citoyens » existe dans C.A. depuis le N°52 d’octobre 1995 : 10 ans déjà ! Au départ, irrégulière, elle recensait des « bavures, malversations et autres crapuleries des forces de répression » tirées, le plus souvent, de la presse nationale, voire régionale. Ce travail de récapitulation des violences des serviteurs de l’Etat et des gardiens des temples capitalistes est toujours très bien fait par l’Observatoire des Libertés Publiques qui publie une feuille mensuelle « Que fait la police ? » (7/9 passage Dagorno, 75020 Paris, abonnement : 10 euros par an). N’oublions pas non plus la feuille mensuelle du réseau « Résistons ensemble » (c/o CICP, 21ter rue Voltaire, 75011 Paris, site : http://www.resistons.lautre.net) dont le but n’est pas seulement d’informer mais de briser aussi « l’isolement des victimes des violences policières et sécuritaires et de contribuer à leur auto-organisation ».
Il va sans dire que ces deux bulletins ne risquent pas de disparaître par manque de matières premières !
A noter que le terme « bavure » qui signifie normalement une imperfection d’un travail est impropre lorsqu’il s’agit de qualifier certaines pratiques des forces de répression. Ces violences ne sont pas des imperfections mais sont parties intégrantes et la conséquence logique du travail de répression de ceux et de celles qui ont cette fonction au quotidien.
Depuis plusieurs mois, le contenu de notre rubrique a progressivement changé en accolant à certaines descriptions de violences policières et de pratiques de la justice et des institutions très significatives, une description d’un totalitarisme (lois, décrets, arrêtés, technologies, extension de la collaboration…) qui envahit les espaces publics, privés ainsi que les cerveaux.
C’est ainsi que cette rubrique s’appellera désormais : Les truculences de Big Brother.


DES TECHNIQUES BIOMÉTRIQUES RECONNUES PAR LA CNIL !

La commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) donne désormais bien volontiers son aval à toutes les sociétés, institutions publiques, … qui déposent un projet d’identification par le contour de la main. Pour la CNIL, cette technique biométrique comme celle de la rétine très en vogue aux USA nécessite la présence physique de la personne que l’on veut identifier contrairement aux empreintes digitales ou de l’ADN. Actuellement, la personne qui veut s’identifier par ce système saisit son code personnel sur le clavier d’un lecteur puis place sa main sur un appareil qui analyse la géométrie (dans l’espace, car c’est le volume qui est contrôlé) de sa main. C’est la « main-badge ». Ce système se met en place actuellement pour certains personnels de Carrefour Hypermarché France, pour filtrer l’accès des élèves et des personnels à des cantines scolaires (collège les Mimosas de Mandelieu dans les Alpes-Maritimes, collège de Carqueiranne dans le Var, …), pour reconnaître les employés de la mairie de Gagny (Seine-Saint-Denis) et pour identifier les taulards dans une soixantaine de maisons d’arrêt afin de prévenir les évasions par substitution de détenus. On ignore, par exemple, si un môme qui se foule le pouce pourra tout de même manger à la cantine…Dans peu de temps, cette technique va remplacer les pointeuses car elle est capable de contrôler et même de calculer les temps de travail. C’est ainsi que la généralisation de la reconnaissance par la morphologie de la main à tous les services de l’Hôpital d’Hyères (Var) va permettre dès janvier 2006 la comptabilisation du temps de travail de ses 800 employés. Ce système a même été approuvé par tous les représentants du personnel.

NON À LA PRIVATISATION DE LA RÉPRESSION !

La commune de Laxou dans la banlieue de Nancy a signé le 8 juillet un contrat avec la société Sécuritas afin que ses agents effectuent chaque nuit du 11 juillet au 11 septembre « quatre rondes dissuasives aléatoires d’une durée unitaire de 30 minutes ». Il s’agissait en fait de surveiller deux quartiers prioritaires dans le contrat de ville de l’agglomération de Nancy. Cette démarche a fait bondir l’opposition municipale qui s’est insurgée contre … « la privatisation des fonctions régaliennes de l’Etat » et qui a saisi le Préfet. Une loi de 1983 réglemente les activités de sécurité privée qui précise que « les agents ne peuvent exercer leurs fonctions qu’à l’intérieur des bâtiments municipaux ou dans la limite des lieux dont ils ont la garde ». Donc pas question que des vigiles du privé, même si certains d’entre eux sont du public et y font des heures sup., effectuent des missions de surveillance sur la voie publique. La préfecture a donc transmis au maire une lettre d’observation pour lui demander de préciser la liste des immeubles municipaux concernés par le contrat passé avec la société Sécuritas. Le maire a indiqué que 18 lieux étaient concernés dont 7 n’étaient que des rues « sensibles » de l’espace public. Sur injonction de la préfecture, cette convention a finalement été modifiée le 20 juillet. Rassurons-nous, publics ou privés ces espaces ont été sous bonne garde pendant l’été.

LA NOUVELLE ARME DES FLICS !

Les attentats commis à Londres en juillet auront permis de justifier les investissements prévus de longue date de l’Etat français dans la vidéo-surveillance. Pensez-donc, Scotland Yard a été capable d’épluché plus de 35000 cassettes issues des milliers de caméras qui truffent Londres. Il faut savoir que le Royaume-Uni a plus de 3 millions de caméras rien que dans l’espace public. La police française se pâme devant la rapidité de l’enquête outre-manche et pourtant cette rapidité ne s’explique pas seulement par la technologie. En effet, en Angleterre, la police invite toujours le public à lui transmettre toute information à sa disposition. C’est ainsi que Scotland Yard a reçu plus de 5000 appels pour les attentats manqués du 22 juillet. On doit remarquer que ni les caméras, ni la délation ne préviennent ces attentats. Ils permettent effectivement d’identifier les Kamikazes déchiquetés par leurs bombes et ceux qui se sont ratés, mais questions prévention et dissuasion c’est nul ! Quant au direct, … il suffit de ne pas perdre la mémoire : En pleine paranoïa sécuritaire, un quidam dont le seul tort était de vouloir prendre le métro a été assassiné de sept balles dans la tête par les experts de Scotland Yard. On ignore par combien de caméras ce « suspect » a été filmé soi-disant vêtu d’un grand manteau, qui courrait paraît-il en sortant d’une maison surveillée … où le policier en faction était finalement parti pisser ?! Quelle horreur tragi-comique !
Néanmoins, Sarkozy a indiqué qu’un projet de loi antiterroriste contenant des dispositions sur la vidéosurveillance et les données téléphoniques serait discuté en septembre afin d’entrer en vigueur fin 2005. A suivre ! Notons tout de même que les transports en commun, les villes, les communes … n’ont pas attendu ces attentats pour multiplier la pose de caméras. Bientôt, tous les bus en circulation en France seront munis de ce système de surveillance qui coûte la bagatelle de 10000 euros à l’installation par bus soit par exemple 163 000 ¤ pour une ville comme Reims. La sécurité est le bizness par excellence et crée des emplois.
Nous avons appris, en août, que Sarkozy avait promis à la police des caméras installées sur le toit de leurs véhicules de patrouille afin de filmer entre autres les manifestations. Cela, paraît-il, devrait éviter les « bavures » policières. Le plus drôle est lorsque nous avons su que c’était la police lyonnaise qui testait ce dispositif depuis le début de l’année 2005 ; Lyon, où la police n’a fait que « baver » lors d’une manifestation festive le 30 avril (voir CA 151).

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