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CONTRE LA CULTURE DU RISQUE

samedi 1er octobre 2005, par Courant Alternatif

La culture du risque, un gadget idéologique ? Pas seulement. C’est ce qu’un État industrialisé comme la France utilise pour nous faire accepter comme “ catastrophes naturelles ” le cyclone à La Nouvelle-Orléans, les inondations dans le sud de la France et tout le cortège de désastres écologiques quotidiens dont les médias ne nous parlent jamais (construction de barrages, fuites de produits chimiques ou radioactifs, dégazage des pétroliers qui correspondent chaque année à environ cinquante marées noires, etc.). Ces catastrophes sont désormais expliquées, encadrées, bornées, contrôlées, gérées par la culture du risque. Une vaste escroquerie.


Un désastre chasse l’autre

Tsunami, cyclones, inondations… Il y a de plus en plus de catastrophes “ naturelles ”. L’État ne reste pas sans bouger ! Il prend en compte ces “ risques ”. C’est la “ culture du risque ”.
Dans la culture du risque, il y a deux axes principaux : préparer les services de l’Etat et leurs larbins humanitaires à intervenir là où il y a un problème ; préparer les populations à l’éventualité des catastrophes. Le premier axe est le mieux connu et les médias nous en rebattent les oreilles. C’est normal puisqu’il ne relève que de la logistique du pouvoir, qui s’incarne dans une multitude d’organismes, depuis la police, l’armée et les médias, jusqu’aux bons samaritains humanitaires qui viennent prêcher l’attente et la soumission sur les terrains où la révolte est en train de germer.
C’est le deuxième axe qui est le plus fondamental, en vérité. Car la culture du risque a surtout pour but de conditionner les populations à des catastrophes inouïes. Ce conditionnement est indispensable pour nous faire oublier les causes de ces catastrophes et nous ôter tout moyen de les dénoncer.
Le cyclone de La Nouvelle-Orléans est comme un cas d’école. Durant la semaine qui a suivi ledit cyclone, il n’y eut quasiment aucune intervention dans les médias les plus regardés et les plus écoutés sur le lien évident entre l’élévation de température de l’eau dans le golfe du Mexique qui est la cause fondamentale de la formation de ce terrible cyclone, et l’émission des gaz à effet de serre. Pourtant, les États-Unis sont les premiers responsables mondiaux de l’émission de ces gaz, avec 36 % à eux seuls, soit plus d’un tiers du total ! Ce sont ces gaz, tout le monde l’admet maintenant, qui sont les responsables fondamentaux du réchauffement général du climat.
Le phénomène El Niño augmente lui aussi d’ampleur au fil du temps du fait de l’élévation des températures. Cette élévation aboutit à ce que les eaux chaudes sont de plus en plus chaudes, sur une profondeur de plus en plus importante, jusqu’à 200 m dans le Pacifique au moment où se produit El Niño, c’est-à-dire vers la fin de l’année. Cela se traduit par un déficit pluviométrique en Indonésie et en Amazonie, tandis que d’autres zones sont victimes d’un rafraîchissement notoire des températures ayant de graves conséquences sur la subsistance des paysans. Dans le cas du cyclone de La Nouvelle-Orléans, il semble que les eaux du golfe du Mexique étaient chauffées sur une hauteur d’au moins 50 m, ce qui aurait provoqué la formation de la tempête.


Le conditionnement au désastre

Face à cela, les autorités françaises ont mis en avant leur “ culture du risque ”. “ Nous, au moins, en France, on sait ce qu’il faut faire. ” La preuve : quelques jours après le cyclone, vers Nîmes et Montpellier cette fois, les secours s’organisaient comme il fallait, à quelques bavures près (des trains arrêtés en rase campagne, une alerte orange qui aurait dû être rouge ou autres inconvénients mineurs comparés à la situation dans le Mississippi et en Louisiane). Aussitôt, politiciens et journalistes français d’entonner le chant patriotard de la culture du risque. C’est parce que nous aurions cette culture du risque que nous savons nous accommoder des catastrophes “ naturelles ”. Le discours est extrêmement net : il faut combattre les effets des errements de la nature. Pas leurs causes. D’ailleurs, le discours scientifique français est lui aussi sans ambiguïté à cet égard : la plupart des scientifiques, surtout institutionnels, sont les premiers à affirmer que “ nous ne sommes pas certains du lien de cause à effet entre les pollutions diverses et les dérèglements observés ” (depuis l’augmentation dramatique des cancers du sang ou de la thyroïde, par exemple, jusqu’à la répétition, selon des cycles de plus en plus brefs, des inondations, sécheresses et autres canicules). Ils nous ont déjà fait le coup avec le nuage radioactif de Tchernobyl, l’innocuité de l’amiante ou celle de l’insecticide Gaucho pour les abeilles, l’impossibilité de la dissémination génétique des OGM, etc., etc., car la liste de leurs mensonges est fort longue ! Pourtant, leur discours passe à peu près sans problème.
La culture du risque n’est qu’un nouveau pantin que les lobbies (industrie nucléaire, pétroliers, semenciers transgéniques, industriels de la chimie et l’ensemble des ennemis de cette planète) agitent devant les yeux ébahis des journalistes, qui s’émerveillent des prouesses des pompiers, que l’on invite à risquer leur vie pour une cause qui n’est pas celle qu’ils croient servir. Mais c’est un pantin tragique qu’il faut réduire en charpie.

Ces catastrophes ne sont pas naturelles

La nature n’est pas hostile à l’être humain. C’est l’inverse qui est vrai. L’humain moderne, mécanisé, chauffé, suréquipé en machines diverses, adepte de Marx comme de Bill Gates, a déclaré la guerre à la nature. Il s’est lancé à l’assaut de son environnement, sous la bannière flamboyante du Progrès, à l’enseigne du bidon de pétrole, de l’ordinateur et de l’épi de maïs transgénique.
La nature se défend comme elle peut. Il ne faudrait pas croire qu’il s’agit là d’une simple métaphore. La nature se défend car, jusqu’à la révolution industrielle, une sorte d’équilibre était plus ou moins respecté (plus ou moins, car l’équilibre parfait correspond à l’état de mort, et c’est un relatif déséquilibre qui permet, par exemple, l’évolution des espèces). La nature, donc, se défend comme un organisme touché par une maladie : elle s’exprime par des “ catastrophes naturelles ”, qui sont ses éruptions cutanées à elle. Mais qui ne sont pas plus “ naturelles ” que les maladies professionnelles, le cancer de l’amiante ou le stress de la vie de bureau ! Car la cause unique en est l’activité industrielle et agricole des êtres humains. Nous aurions tort de nous mettre à combattre les effets de ces dérèglements plutôt que de les soigner à la source. À chercher à en finir avec l’agriculture industrielle et toutes les industries.
Ces catastrophes ne sont donc pas naturelles. Elles sont politiques et économiques. Elles mettent en cause le système actuel dans son ensemble, le productivisme forcené, l’extraction sans limite des ressources de la planète, notamment en vue de produire toujours plus d’énergie pour alimenter des chimères comme le prétendu développement industriel de la Chine ou de l’Inde, qui, s’ils réussissent, scelleront, pour les peuples de ces pays, leur entrée dans la dictature de la consommation.
L’Etat français, lui, se glorifie de sa culture du risque, laquelle lui permettrait de ramasser vite fait bien fait les morts après un Tchernobyl à Nogent-sur-Seine ou à Civaux, en utilisant des combinaisons antiradioactivité hyperperformantes (nous serons les morts et nous serons aussi les pompiers en combinaison). Répondons-lui en donnant notre interprétation des catastrophes à répétition, de La Nouvelle-Orléans à Montpellier et à Nîmes.
Et anticipons. La culture du risque ne nous fera pas accepter de mourir pour le Capital, cette fois non plus dans les tranchées de Verdun ou sur le front des Dardanelles, mais sur le front bêtement intérieur d’une rivière en crue ou de maisons bon marché dont les murs vite faits mal faits ne permettent pas de supporter les canicules. Ou encore enveloppés dans un nuage radioactif invisible, ou un smog à la dioxine façon Seveso. La culture du risque est un de ces gadgets qui déplacent les problèmes, de la politique vers la gestion. En “ gérant les crises ” –expression magnifiquement contradictoire –, le pouvoir vise à nous faire oublier les responsabilités politiques des gouvernements qui se succèdent, de la droite aux Verts (1).
La perspective de catastrophes écologiques à répétition a ouvert ou va ouvrir une première brèche dans la culture du risque. Ces catastrophes répétées vont mettre en évidence l’idiotie qu’il y a à réparer la jambe de bois du malade, le capitalisme. Mieux vaut tuer le malade et repartir sur nos deux jambes ! À nous de montrer le non-sens de la “ culture du risque ”.

PG

(1). Pour une analyse extrêmement incisive de la cécité des scientifiques français face aux pollutions diverses (nucléaires, pesticides, poisons divers comme l’amiante ou le mercure, solvants, etc.), voire l’excellent livre de Frédéric Denhez, Les pollutions invisibles, août 2005, éditions Delachaux et Niestlé. Ce livre fourmille d’informations extrêmement importantes. Même si la conclusion est un peu faible, le livre est à la fois inquiétant et passionnant.

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2 Messages

  • CONTRE LA CULTURE DU RISQUE

    31 octobre 2010 11:46, par Boris Weliachew

    Avant d’écrire autant d’absurdités allez, je vous prie, à la rencontre des véritables acteurs des politiques de mitigation des risques majeurs et voyagez un tant soit peu. La Culture du Risque, très loin de s’apparenter à une "escroquerie" orchestrée par l’État est avant tout une affaire d’éducation à la citoyenneté mise en œuvre de façon transversale et systémique et une prise de conscience collective qu’afin de pallier les impacts dramatiques des aléas majeurs qui menacent le développement de nos sociétés il est indispensable d’être attentif à sa propre sauvegarde et de contribuer à celle d’autrui en développant des comportements adaptés, responsables et solidaires et ainsi garantir l’efficacité des politiques préventives mises en œuvre autant au plan humain, que matériel, social, logistique, stratégique, technologique, sanitaire, législatif, politique et économique.

    L’aide humanitaire, bien qu’incontournable aujourd’hui, n’est pas une solution et ne l’a jamais été. Elle ne résout en rien la problématique liée à la vulnérabilité de nos groupes socioéconomiques respectifs et n’est qu’un recours forcé au déploiement de moyens excessifs et si peu adaptés pour tenter de pallier au minimum, dans l’urgence de situations qui dépassent les capacités de réaction de nos sociétés, précisément à cause du fait que nous avons négligé en amont l’importance du développement de cette Culture du Risque.
    Défendre des propos tels que ceux que vous tenez dans votre article est même aller à l’encontre des efforts de dizaines de milliers de personnes, depuis des décennies et dans bien des domaines, dans le dessein de réduire notre vulnérabilité face aux risques majeurs et donc avant tout d’assurer la sécurité des personnes se trouvant sur les lieux d’un éventuel cataclysme qu’il soit d’origine naturelle ou anthropique...

    Étant moi-même expert international en mitigation des risques majeurs et ayant été témoin d’innombrables situations de crises dues à l’impact d’aléas naturels ou anthropiques majeurs sur 4 continents et dans plus de 25 pays, je me tiens à votre entière disposition pour en parler plus longuement.

    Bien cordialement,

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