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Large victoire d’Erdoğan

Un vent mauvais souffle sur la Turquie

lundi 2 novembre 2015

Les résultats des élections parlementaires turques viennent de tomber, pas encore officiellement proclamés par la Commission électorale. Ce que l’on peut dire en cette fin de soirée de ce dimanche 1er novembre.


Erdoğan a gagné son pari. Son parti, l’AKP, a obtenu la majorité absolue des sièges au parlement, avec près de 49,3% des voix, soit près de 9% de plus qu’aux élections du 7 juin dernier. En cinq mais, il a gagné environ 5 millions de voix dans tout le pays. Il peut donc gouverner sans avoir à conclure un accord de coalition avec un autre parti.

Déclencher une guerre intérieure (arrêter 2000 opposants, destituer plus de 20 maires, fermer des médias, en contraindre d’autres à changer de ligne éditoriale, interdire le HDP (Parti démocratique des peuple, gauche, issu de la gauche kurde) des antennes radio-TV, occuper militairement des dizaines de villes et villages, tuer délibérément près de 150 civils au cours de ces opérations dans les régions kurdes,…) et semer le chaos, puis récolter les fruits d’une demande d’ordre, de sécurité et de défense de la patrie en danger, apparemment les vieilles recettes font toujours recette.

La campagne répressive a réussi à :

  • faire reculer le vote HDP d’environ 2,4% des voix (passant de 13,1 à 10,7%), soit par intimidation (dans la partie kurde de la Turquie, l’armée et la police était massivement déployée avec contrôles d’identités, des arrestations de militants du HDP ont eu lieu dans les bureaux de votes, les routes d’accès à certaines villes étaient bloquées par l’armée, des coupures de courant se sont produites dans certains quartiers…), soit que dans quelques localités les votes AKP ont manifestement été achetés, tant la différence de résultats avec ceux du 7 juin est importante. Des fraudes et bourrages d’urnes sont plus que probables car dans plusieurs bureaux de votes, des observateurs internationaux (dont du Conseil de l’Europe, de l’OSCE..) ont été chassés par la police tandis que les militants HDP étaient arrêtés. Le climat hyper-sécuritaire qui a été installé par l’AKP depuis le mois juillet a été maintenu : à la mi-journée les médias faisaient savoir que l’aviation turque venait de bombarder les positions des « terroristes » du PKK dans le sud-ouest du pays. Dans certaines zones kurdes de Turquie, le HDP perd + de 10% des voix et l’AKP en gagne + 20%.
  • à faire basculer une partie du vote nationaliste/raciste du MHP (Parti d’Action Nationaliste) vers l’AKP, le parti d’extrême droite passant de 16,5% à 12%. La multiplication des manifestations nationalistes et antikurdes, initiées par la mouvance de l’AKP (notamment autour d’un mouvement baptisé « foyer ottoman »), accompagnées d’attaques des locaux du HDP et d’incendies de commerces appartenant à des Kurdes, avec des milliers de militants faisant le signe reconnaissable des « loups gris » du MHP et réclamant plus de massacres, a fini par payer.
  • à récupérer près de 2% des voix chez les petits partis islamistes, comme le Saadet, non représentés au parlement qui ont chuté à 0,6%

Le CHP (Parti républicain du peuple), kémaliste (social-démocrate), reste stable à 25,4%.

Le HDP a eu chaud aux fesses. A 0,7% près, il perdait sa représentation parlementaire, et double peine, l’AKP obtenait automatiquement + des 2/3 des sièges (367 sièges), soit la possibilité de changer la constitution. En perdant un million de voix, le HDP perd plus du quart de ses députés, passant de 80 à 59.
Note : avec les 3/5 des sièges (331/550), il est possible de changer la constitution si ce vote est approuvé par référendum. Or l’AKP ne dépasse pas la barre des 3/5 en obtenant 316 (+58) sièges.

Les grands perdants sont les fachos du MHP qui perdent la moitié de leurs députés (de 80 à 40) et deviennent le plus petit groupe parlementaire.

Au soir de ce dimanche d’élections anticipées, la base électorale et militante du HDP, kurde et non-kurde, est en état de choc. Les sondages les plus favorables au régime, donnaient l’AKP à 43-44%, avec un HDP se maintenant à 13%. Dans la soirée, des centaines de jeunes ont dressé des barricades dans le centre de Diyarbakır. De colère, de dépit.

Un vent mauvais souffle sur la Turquie et il annonce rien de bon.

Les mouvements armés islamistes de Syrie ont salué la victoire d’Erdoğan.

Erdoğan a retrouvé ses scores historiques de 2007 et 2011. Il ne pourra pas changer la constitution mais il pourra former un gouvernement homogène à sa solde avec le seul AKP, ce qui lui donnera une grande marge de manœuvre, une plus grande légitimité pour poursuivre sa politique, continuer comme il l’entend sa guerre contre les Kurdes de Turquie, intervenir dans le conflit syrien aux côtés des factions djihadistes islamistes (sunnites) et ‟turkmènes”, et mieux imposer ses exigences auprès des États-Unis concernant les Kurdes de Syrie, à l’heure où ces derniers et leurs alliés arabes préparent une vaste offensive sur Raqqa et dans tout le nord de ce pays pour chasser/éliminer les bandes de tueurs de Daesh.

À suivre...

MP (OCLibertaire), le 1er novembre 2015

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