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Le 4 octobre et après ?

mardi 1er novembre 2005, par Courant Alternatif

Le 4 octobre, comme le 10 mars, des centaines de milliers de salariés sont descendus dans la rue. Avec une forte proportion de salariés du privé et le conflit de la SNCM en toile de fond.


DES RAISONS DE SE RÉVOLTER

La situation sociale ne cesse de s’aggraver. La précarité se généralise, le nombre de RMIstes explose. La situation actuelle des RMIstes est significative : c’est le travail précaire forcé et le flicage social, ou bien la radiation et l’élimination. Dans le même ordre d’idées, le Contrat Nouvelle Embauche est doté d’une période d’essai de 2 ans qui précarise encore plus. En période d’essai, toute forme de revendication est en effet impossible : le patron peut facilement, sans aucune contrainte, se débarrasser des gêneurs. Par ailleurs, le changement continuel d’entreprise est une entrave à l’organisation d’actions efficaces, qui nécessitent un minimum de préparation. Dans ce contexte, les nouvelles dispositions prises pendant l’été vont achever toutes velléités de révoltes, pourtant légitimes. Mais la multiplication des journées d’actions de ces derniers mois, du type "La poste le mardi, la SNCF le mercredi, les fonctionnaires le jeudi" ont-elles eu un réel impact ? Sur quelles revendications les travailleurs ont-ils obtenus satisfaction ? Quelles leçons avons-nous tirées des revers de 2003 et 2004 (retraites, éducation nationale, sécurité sociale, mouvement lycéen) ?

La manif du 4 octobre

Devant la multiplication des conflits, un ras-le-bol des salariés, les syndicats qui n’ont pas intérêt à une généralisation des luttes qu’ils ne contrôleraient pas, ont appelé, unitairement, pour la 2ème fois cette année, à une journée nationale d’action. "Cette mobilisation doit conduire à des négociations et à des réponses du gouvernement et du patronat notamment pour : le développement de l’emploi, contre la précarité que vient renforcer le Contrat Nouvelles Embauches ; l’amélioration du pouvoir d’achat des salaires ; les droits collectifs et individuels des salariés ", car le but suprême n’est pas la lutte, mais la négociation. Et pour négocier, il faut un rapport de force, rapport de force qui s’est fortement dégradé pour les salariés depuis des dizaines d’années. Pour réussir cette journée, les syndicats avaient, comme pour le 10 mars dernier, placé la barre à un million de personnes dans la rue. Pour le spectacle. Mais ne s’étaient fixés aucun objectif sur le nombre de grévistes, ni sur des objectifs à court et moyen terme autres que celui de négocier. Victimes de la crise du logement, salariés n’arrivant pas à joindre les deux bouts ou craignant de perdre leur emploi, professeurs vacataires, jeunes, précaires, cadres... : cette journée de mobilisation pour l’emploi et les salaires a cristallisé les mécontentements. La défense des services publics, des salaires, et la lutte contre la précarité ont été largement évoquées avec des slogans tels "Ni libre concurrence, ni privatisation", "Non à la précarité, non aux réformes Villepin", "Logement social, priorité sociale". Dans la foulée du succès des manifestations, les syndicats ont haussé le ton, envisageant de se réunir pour décider des suites à donner au mouvement s’ils n’étaient pas entendus. Mais très vite, les négociations entre organisations ont capoté, laissant sur leur faim celles et ceux qui avaient battu le pavé avec le petit espoir de se retrouver très vite. Seuls quelques mouvements ont perduré à cette journée d’action (SNCF dans le Sud-ouest, Traminos à Nancy et Marseille, …)


Derrière les conflits de la SNCM, des transports (Marseille, Nancy, …), le problème du service public

Derrière ces conflits se pose doublement le problème du service public : pour l’Etat, celui du service minimum, pour les salariés, de rester dans le giron de l’Etat (ou des collectivités territoriales). Le 4 octobre, le ministère des transports claironnait que le service minimum avait été appliqué pour la première fois dans les transports en Ile-de-France avec succès. "L’objectif a été globalement tenu à la SNCF et dépassé à la RATP. Il y a un niveau de service jamais égalé. Il y a un véritable progrès". Promis par Jacques Chirac avant l’élection présidentielle de 2002, adopté le 17 juin dernier par le Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF) — c’est-à-dire l’autorité de transports franciliens — sous la pression du gouvernement, ce dispositif de service garanti impose en cas de grève la circulation de 50% des métros sur le réseau de la RATP. A la SNCF, il impose la circulation de 33% des trains sur le réseau transilien, dont 50% aux heures de pointe. Si les deux entreprises publiques ne respectent pas ces engagements, elles risquent des pénalités pouvant aller, pour la SNCF, jusqu’à 300 000 euros par jour. Le service garanti est dénoncé par les syndicats qui y voient une manœuvre visant à remettre en cause le droit de grève. Aucun d’entre eux ne l’ont signé. Les accords sur la prévention des grèves appliqués depuis 1996 à la RATP et depuis le 28 octobre 2004 à la SNCF visent à améliorer le dialogue social en interne pour tenter d’éviter le conflit, pas à mettre en place un service minimum. Et ils sont de fait inopérants lorsque le mécontentement dépasse le cadre de l’entreprise et se transforme en mobilisation nationale interprofessionnelle. Après quinze jours d’actions multiples, dont le détournement spectaculaire du cargo mixte Pascal-Paoli par le Syndicat des travailleurs corses (STC) le 27 septembre, les grévistes de la SNCM, derrière une banderole disant "Non au démantèlement de l’entreprise nationale et du service public de continuité territoriale", espéraient par la mobilisation du 4 octobre pouvoir infléchir les positions gouvernementales (le fonds d’investissement Butler Capital Partners – BCP - entrant dans le capital à hauteur de 40%, la Connex, filiale transport de Véolia-environnement, participant pour 30%, l’Etat conservant 25% et 5% allant aux salariés). Cette revendication aurait pu avoir une chance d’aboutir que si elle avait été l’axe centrale de toutes les manifestations. Car, quoi que l’on puisse penser du contenu de ce qui est mis derrière le mot service public (1), ceci est une véritable revendication politique qui pose une véritable question de société. Mais qui n’a pour l’instant aucune chance d’aboutir, car il n’existe pas de débouché politique (au sens noble, pas politicien). Il en est de même d’autres revendications portées le 4 octobre (logement social, précarité, …) Alors, allons-nous continuer à se faire tondre la laine sur le dos par les patrons et les gouvernements, à faire trois petits tours et puis s’en vont à chaque fois que des organisations syndicales nous le demandent ? Ou allons-nous amener une réponse à la hauteur des attaques dont nous sommes victimes depuis trop longtemps ?

Camille, OCL Reims, le 21 octobre 2005


(1) Sur ce sujet, se reporter à Courant Alternatif n°146 (février 2005), article sur l’utilité sociale.

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